Promotion immobilière : 7 mai 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-27.852

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Promotion immobilière : 7 mai 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-27.852

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 mai 2019

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 371 F-D

Pourvoi n° A 17-27.852

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société D… M Consulting, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

2°/ M. D… H…, domicilié […] ,

3°/ la société Ordem Certa Trabalho Temporario LDA, dont le siège est […] (Portugal),

4°/ la société Assobio Magico LDA, dont le siège est […] ,

5°/ la société Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes LDA, dont le siège est […] (Portugal),

contre l’ordonnance rendue le 2 novembre 2017 par le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans le litige les opposant au directeur général des finances publiques, dont le siège est […] , représenté par le chef des services fiscaux chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales,

défendereur à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 12 mars 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Cayrol, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Beaudonnet, avocat général, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Cayrol, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société D… M Consulting, de M. H…, de la société Ordem Certa Trabalho Temporario LDA, de la société Assobio Magico LDA et de la société Poligono Brilhante sociedade de construcoes LDA, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’ordonnance attaquée ,rendue par le premier président d’une cour d’appel (Aix-en-Provence, 2 novembre 2017, RG n° 16/10049), qu’un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l’article L.16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l’administration des impôts à procéder à des visites avec saisies dans des locaux et dépendances situés […] (Bouches-du-Rhône), susceptibles d’être occupés par les sociétés de droit portugais Ordem Certa-Trabalho Temporario LDA, Assobio Magico LDA, Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes LDA, les sociétés D… M Consulting, A E J Intérim et par M. H… et Mme X…, son épouse, afin de rechercher la preuve de la soustraction des sociétés Ordem Certa-Trabalho Temporario LDA, Assobio Magico LDA et Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes LDA à l’établissement et au paiement des impôts sur le bénéfice et des taxes sur le chiffre d’affaires ; que ces opérations ont été effectuées le 20 mai 2016 ; que M. H…, la société D… M Consulting et les sociétés Ordem Certa-Trabalho Temporario LDA, Assobio Magico LDA et Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes LDA ont relevé appel de l’ordonnance d’autorisation et contesté la validité des saisies ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. H…, la société D… M Consulting et les sociétés Ordem Certa-Trabalho Temporario, Assobio Magico et Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes font grief à l’ordonnance de confirmer l’ordonnance d’autorisation de visite et de saisies alors, selon le moyen :

1°/ que les personnes dont il n’est pas soutenu qu’elles auraient participé à la fraude suspectée ne peuvent faire l’objet de visites et de saisies que s’il est précisé concrètement en quoi de telles mesures pourraient permettre de rapporter la preuve recherchée ; que la seule constatation selon laquelle une société a un dirigeant commun avec celles qui sont suspectées est insuffisante à cet égard ; qu’en se bornant à une telle constatation, la cour d’appel a privé de base légale sa décision au regard des articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

2°/ que les documents produits par l’administration fiscale à l’appui de sa requête aux fins d’autorisation de visite et de saisie domiciliaire doivent avoir une origine apparemment licite ; que cette apparence suppose que l’administration précise sur la base de quels renseignements elle a procédé à l’enquête ayant permis de réunir ces pièces ; qu’en jugeant le contraire, le premier président a violé l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

3°/ que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; que la seule circonstance selon laquelle l’un des dirigeants de sociétés étrangères est une personne physique de nationalité française domiciliée en France ne suffit pas à caractériser l’existence pour ces sociétés d’un centre décisionnel en France ; qu’en se bornant à une telle constatation, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

4°/ que de même, la cour d’appel s’est bornée à constater, pour ce qui concernait l’activité des trois sociétés de droit portugais visées, que la première, la société Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes LDA, avait réalisé en 2011 un chiffre d’affaire global de 1 189 873 € dont 853 019 € en France, ses constatations relatives aux années 2012 et 2013 ne portant pas sur le chiffre d’affaires global ; que la deuxième la société Ordem Certa Trabalho Temporario LDA, avait réalisé 34 % de son chiffre d’affaires en France en 2014 et 12 % en 2015, et que la troisième, la société Assobio Magico LDA, avait réalisé en 2013 3 099 822 € de son chiffre d’affaires en France sur 3 187 385 €, les constatations relatives aux autres années ne faisant pas état du chiffre d’affaires global ; qu’ainsi il ressort seulement des constatations de la cour d’appel qu’entre 2011 et 2014, deux des trois sociétés concernées avaient réalisé lors de deux exercices seulement, 2011 et 2013, plus de la moitié de leur chiffre d’affaire en France ; qu’en ne s’expliquant pas, pour considérer que les trois sociétés réalisaient la « majorité » de leur chiffre d’affaires en France, sur ce caractère limité, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

5°/ qu’il incombe à l’administration qui demande l’autorisation de pratiquer des visites et des saisies d’établir qu’il existe des présomptions rendant vraisemblable la fraude alléguée ; que, lorsque la fraude suspectée consiste, pour une société de droit étranger, à exercer son activité en France sans s’acquitter des impôts correspondants, il appartient donc à l’administration, au besoin en utilisant les accords d’assistance administrative lui permettant d’obtenir d’un Etat étranger la communication de données relatives à ses nationaux, de démontrer que les sociétés concernées ne disposent pas, à l’étranger, des moyens matériels et humains de leur activité ; qu’en faisant peser cette charge sur les personnes visées par la requête, le premier président a violé les articles 1353 du code civil et L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

6°/que les juges du fond doivent rechercher concrètement, d’après les circonstances particulières de l’espèce, si les atteintes au domicile que constituent des mesures de visite et de saisies ne sont pas disproportionnées ; que le seul fait que ces mesures aient été ordonnées conformément au droit interne ne garantit pas, par lui-même, cette proportionnalité ; qu’en refusant de rechercher si les mesures litigieuses ne constituaient pas, dans l’espèce précise dont il avait à connaître, une atteinte disproportionnée au droit au domicile, le premier président a violé le principe de proportionnalité, ensemble l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir énoncé que le juge des libertés et de la détention peut autoriser les agents de l’administration des impôts à procéder en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales à des visites et saisies dans tous les lieux où sont susceptibles d’être détenues des pièces et documents pouvant constituer la preuve des présomptions de fraude pesant sur les personnes visées par la demande, l’ordonnance constate, par motifs propres et adoptés que M. H…, réside […] où se trouve le siège de la société D… M Consulting dont il est l’unique associé, qu’il est également associé des sociétés Ordem Certa-Trabalho Temporario, Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes et Assobio Magico et gérant de cette dernière ; qu’en l’état de ces motifs dont il a déduit qu’en sa qualité, soit de représentant légal, soit d’associé des sociétés visées par les présomptions de fraude, M. H… pouvait détenir des pièces et documents de nature à constituer la preuve des agissements frauduleux soupçonnés, le premier président a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, qu’ayant constaté que, dans sa requête, l’administration avait soumis à l’examen du juge les pièces annexées n° 1 à 27, dont la licéité n’était pas contestée, et que c’est au vu de ces pièces, qu’il avait listées et examinées et dont il avait mentionné précisément l’origine, que le premier juge avait délivré l’autorisation, le premier président, qui a énoncé que celui-ci n’avait pas à contrôler les raisons pour lesquelles l’administration avait recherché ces documents, valablement produits, a statué à bon droit ;

Attendu, en troisième lieu, que l’ordonnance constate par motifs propres et adoptés, que M. H…, domicilié en France, dirige la société Assobio Magico dont il est actionnaire à hauteur de 50%, et qu’il est également actionnaire des société Ordem Certa-Trabalho Temporario avec MM. I… et O… et Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes avec M. I… ; que l’ordonnance relève ensuite que les données provenant du fichier de la TVA intracommunautaire établissent que la société Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes a réalisé en France un chiffre d’affaires de 853 019 euros en 2011 pour un chiffre d’affaires total de 1 189 873 euros, puis un chiffre d’affaires de 2 490 190 euros en 2012 et de 45 290 euros en 2013, que la société Ordem Certa Trabalho Temporario a obtenu au cours de l’année 2014 un chiffre d’affaires de 3 513 092 euros en France pour un chiffre d’affaires total de 3 555 146 euros, tandis que la société Assobio Magico, pour un chiffre d’affaires total de 3 187 385 euros en 2013 en réalisait la majeure partie au profit de clients français pour 3 099 822 euros et 124 407 euros en 2014 ; qu’elle ajoute que les sociétés Ordem Certa Trabalho Temporario et Assobio Magico avaient pour cliente la société EGB Sud-Est dont M. I… est le gérant ; qu’ayant ainsi procédé à un examen concret de tous les éléments de fait présentés par l’administration fiscale ; dont il a déduit souverainement que les sociétés Ordem Certa-Trabalho Temporario, Assobio Magico et Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes avaient leur direction en France, où elles réalisaient l’essentiel de leur activité sans souscrire les déclarations fiscales leur incombant, le premier président, qui n’avait pas à préciser davantage les chiffres d’affaires obtenus tant en France qu’au Portugal ni les moyens dont elles disposaient dans ce dernier pays, a, sans inverser la charge de la preuve, caractérisé l’existence de présomptions de fraude ;

Et attendu, enfin, que les dispositions de l’article L.16 B du livre des procédures fiscales, qui organisent le droit de visite des agents de l’administration des impôts et le recours devant le premier président de la cour d’appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile est proportionnée au but poursuivi ; que le premier président, devant lequel il n’était pas allégué qu’au cas particulier, le recours par l’administration à cette procédure avait porté une atteinte disproportionnée au droit des requérants garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n’avait pas à effectuer la recherche invoquée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. H…, la société D… M Consulting et les sociétés Ordem Certa-Trabalho Temporario, Assobio Magico et Poligono Brilhante Sociedade de Construcoes font grief à l’ordonnance de rejeter leur recours contre les opérations de visite et de saisie alors, selon le moyen :

1°/ que les personnes qui ne sont pas visées par l’autorisation sont présumées ne pas avoir participé à la fraude suspectée ; que dès lors, les documents qui ne concernent qu’elles sont présumées sans lien avec la preuve recherchée et ne peuvent être saisis, à moins qu’il ne soit précisé concrètement en quoi de telles saisies pourraient permettre de rapporter la preuve recherchée ; que la seule constatation d’une confusion créée par des dénominations proches entre une société visée par l’autorisation et une qui ne l’est pas ne permet pas de saisir des documents concernant exclusivement la dernière ; qu’en se bornant à une telle constatation pour autoriser la saisie de documents appartenant à la société Ordem Certa, distincte de la société Ordem Certa Trabalho Temporario, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

2°/ qu’il appartient à l’administration fiscale, demandeur à l’autorisation de procéder à des visites et à des saisies, de justifier de la conformité des opérations à l’autorisation accordée ; qu’elle doit dès lors établir un inventaire permettant ce contrôle, et justifier de la saisissabilité de chacun des documents concernés ; qu’en jugeant le contraire, le premier président a violé les articles 1353 du code civil, L.16 B du livre des procédures fiscales et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

 


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