Promotion immobilière : 29 mars 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/11800

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Promotion immobilière : 29 mars 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/11800

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 1

ARRÊT DU 29 MARS 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/11800 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3QUJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2017 -Tribunal de Grande Instance de Sens – RG n° 14/01499

APPELANTE

SA BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 552 002 313 02852

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocat plaidant Me Gilles DE MAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C188

INTIMES

Monsieur [T] [I] [Q] [J]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] (02)

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Denis EVRARD, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de SENS

SAS PROPHAL agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 412 655 862 00032

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jérôme DOULET de la SCP A.K.P.R., avocat au barreau de PARIS, toque : C2316

INTERVENANTES

SELARL AJILINK LABIS CABOOTER, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ès qualités d’administrateur judiciaire de la société PROPHAL

N° SIRET : 508 490 000 00033

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme DOULET de la SCP A.K.P.R., avocat au barreau de PARIS, toque : C2316

SCP [Z] [L] [S], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ès qualités de mandataire judiciaire de la société PROPHAL

N° SIRET : [Z]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme DOULET de la SCP A.K.P.R., avocat au barreau de PARIS, toque : C2316

SCP [Z] [L] [S] prise en la personne de Me [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Prophal

[Adresse 5]

[Localité 2]

Non représentée

Assignation devant la Cour d’Appel de Paris, en date du 19 Février 2018, remise à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Claude CRETON, Président

Mme Christine BARBEROT, Conseillère

M. Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Claude CRETON dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Thi Bich Lien PHAM

ARRÊT :

– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Mélodie ROSANT, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société Prophal a engagé une opération de promotion immobilière consistant en la réhabilitation et la transformation en logements d’une ancienne clinique située [Adresse 6].

Par acte du 25 juillet 2012, elle a vendu en l’état futur d’achèvement, avec la garantie financière de la Banque populaire Rives de Paris, à M. [J] pour un prix de 293 244 euros les lots numéros 20 correspondant à un appartement, 53 correspondant à une cave et 90 correspondant à un parking extérieur.

La livraison avait été prévue au plus tard au cours du quatrième trimestre 2013 sauf survenance d’un cas de force majeure, suspension du délai de livraison ou modification des caractéristiques ou des aménagements demandés par l’acquéreur.

La livraison n’étant pas intervenue à cette date, M. [J] a assigné la société Prophal et la Banque populaire Rives de Paris (la banque) aux fins de résolution de la vente et de paiement de dommages-intérêts.

Les travaux ayant repris courant 2015 avec l’engagement d’une livraison au plus tard le 30 juin 2016, M. [J] a renoncé à sa demande de résolution de la vente. Il a réclamé à titre de dommages-intérêts la condamnation in solidum de la société Prophal et de la banque à lui payer la somme mensuelle de 1 250 euros du 1er janvier 2014 jusqu’au jour de la livraison ou jusqu’au jour de la levée des réserves s’il en a été faites le jour de la réception.

Par jugement du 28 avril 2017, le tribunal de grande instance de Sens a :

– constaté le désistement par M. [J] de sa demande de résolution de la vente ;

– condamné in solidum la société Prophal et la Banque populaire Rives de Paris à payer à M. [J] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le retard de livraison ;

– dit que la société Prophal devra livrer l’appartement conforme aux engagements contractuels au plus tard dans les deux mois de la date du jugement, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard durant quatre mois ;

– ordonné la compensation entre les sommes dues par M. [J] sur le prix d’achat du bien et le montant des dommages-intérêts ;

– condamné in solidum la société Prophal et la Banque populaire Rives de Paris à payer à M.[J] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a d’abord rappelé que le respect du délai de livraison constitue pour le vendeur une obligation de résultat dont il ne peut se libérer que par la justification légitime de la survenance d’une des causes de suspension du délai limitativement énumérées par le contrat.

Il a indiqué que le contrat prévoit comme cause de suspension le ‘cas de redressement ou liquidation judiciaires de l’une des entreprises effectuant les travaux ou encore leurs fournisseurs ou recherche ou désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à l’une ou aux entreprises défaillantes, en redressement ou liquidation judiciaires’. La société Prophal ayant fait état de la liquidation judiciaire des entreprises Ecimage, JMC et Maya, le tribunal a retenu que cette situation ne justifiait pas la suspension du délai de livraison dans la mesure où la liquidation judiciaire de la société Maya, chargée du lot démolition, a été prononcée le 23 mars 2015 et ne peut être à l’origine du retard dans la livraison du bien puisque le chantier avait démarré en 2012. Il a ajouté que la société Ecimage, qui est une filiale à 99,96% de la société Prophal, était dans une situation financière dégradée en 2012, de sorte qu’en choisissant dès le début du chantier une entreprise dont la santé financière était fragile, la société Prophal a sciemment pris le risque de se mettre dans l’incapacité de livrer le bien dans le délai prévu. Il a enfin retenu que la société JMC était en cessation des paiements depuis le 22 janvier 2013, a été placée en redressement judiciaire le 21 juillet 2014 puis en liquidation judiciaire le 15 septembre 2014, que l’état financier précaire de cette entreprise était facilement vérifiable, de sorte que cette défaillance ne constitue pas une cause étrangère exonérant la société Prophal de la responsabilité encourue en raison de la livraison tardive du bien.

La banque et la société Prophal ont interjeté appel de ce jugement. Les deux instances ont été jointes.

La société Prophal a été placée en redressement judiciaire le 15 janvier 2018 et en liquidation judiciaire le 2 mai 2018.

La banque fait d’abord valoir que la garantie d’achèvement qu’elle a souscrite est inapplicable. Elle explique que M. [J] a fait le choix de demander la résolution de la vente, et donc de ne pas demander l’achèvement de l’immeuble, ce qui justifiait le déclenchement de la garantie de remboursement prévue par l’article R. 261-22 du code de la construction . Constatant que M. [J] a ensuite renoncé à cette demande pour réclamer l’exécution du contrat, elle soutient que la garantie d’achèvement à laquelle il avait renoncé en agissant en résolution de la vente n’a pu revivre. Elle ajoute que s’il est admis que la mise en oeuvre de l’action en exécution du contrat à permis de réactiver la garantie d’achèvement, ce n’est qu’à partir du 24 novembre 2016, date des conclusions aux fins d’exécution forcée du contrat, qu’a pris effet son obligation de financer les travaux d’achèvement, de sorte qu’aucun retard dans la mise en oeuvre de cette garantie ne peut lui être reproché.

A titre subsidiaire, elle soutient qu’elle n’a jamais manqué à ses obligations. Tenue d’une simple garantie financière qui ne l’oblige à intervenir en ne finançant les travaux que lorsque le vendeur ne dispose pas des fonds nécessaires pour poursuivre le chantier, elle indique qu’elle a payé les factures qui lui étaient transmises par le maître de l’ouvrage alors même que le plafond de sa garantie était dépassé.

A titre encore plus subsidiaire, elle demande à être garantie par la société Prophal de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre et de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal à la somme de 147 145,49 euros, dont 41 666 euros à échoir et, subsidiairement, en cas de partage de la charge finale des condamnations avec la société Prophal, au montant correspondant à la quote-part de la société Prophal retenue par la cour et de prononcer l’admission de la créance à titre privilégié à concurrence de 6 469,49 euros.

Elle réclame en outre la condamnation de M. [J] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [J] conclut à la confirmation du jugement sauf, concernant les condamnations à payer prononcées contre la société Prophal, à fixer ces sommes au passif de la liquidation judiciaire.

Formant un appel incident, il demande à la cour de :

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal, à titre de dommages-intérêts, une créance de 1 250 euros par mois entre le 1er janvier 2014 jusqu’à la livraison de l’appartement ;

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal une somme de 3 600 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

– condamner la banque à exécuter son engagement de garantie et donc de livrer l’appartement conforme aux engagements contractuels, au plus tard dans les deux mois de la date de l’arrêt à intervenir, sous astreinte, passé ce délai, de 200 euros par jour de retard pendant quatre mois ;

– condamner la banque à lui payer une somme de 1 250 euros par mois du 1er janvier 2014 jusqu’à la livraison de l’appartement ;

– condamner la banque à lui payer la somme de 3 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Prophal conclut à l’infirmation du jugement et au rejet des demandes de M. [J]. A titre subsidiaire, elle demande la condamnation de la banque à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle. Elle réclame enfin la condamnation de la partie succombante à lui payer une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

1 – Sur la suspension des délais de livraison

Attendu que c’est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a retenu que la société Prophal ne justifiait pas d’une suspension du délai de livraison de l’appartement en raison du placement en redressement ou liquidation judiciaires des entreprises Ecimage, JMC et Maya ;

2 – Sur la garantie d’achèvement

Attendu qu’en cas d’inexécution par une partie de ses obligations, le cocontractant dispose d’une option qui lui permet de demander l’exécution forcée du contrat ou d’agir en résolution ; qu’après avoir engagé une action, il peut y renoncer pour exercer l’autre action tant qu’il n’a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée ; qu’ainsi, l’acquéreur d’un immeuble en l’état futur d’achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l’exécution du contrat et la mise en oeuvre de la garantie d’achèvement qui avait été souscrite, la demande de résolution de la vente, qui n’a pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée, n’ayant pas davantage entraîné renonciation à cette garantie qui, au surplus, est une garantie autonome ;

Attendu que la défaillance financière de la société Prophal, qui est en liquidation judiciaire, n’est pas contestée ; que M. [J] est donc fondé à solliciter la mise en oeuvre par la banque de la garantie d’achèvement à laquelle elle est tenue ; que si l’engagement du garant n’est que financier, de sorte qu’il ne peut se substituer au maître de l’ouvrage défaillant et faire procéder à l’exécution des travaux, il doit assurer l’effectivité et l’efficacité de sa garantie en prenant, en cas de carence du maître de l’ouvrage, toutes les mesures nécessaires pour assurer la réalisation des travaux permettant d’achever la construction, notamment en faisant désigner un administrateur judiciaire avec pour mission de déterminer la nature et les modalités d’exécution des travaux à effectuer et de les faire réaliser par un maître d’ouvrage qui se substituera à la société Prophal défaillante ;

3 – Sur les demandes de M. [J]

Attendu que la livraison de l’appartement à M. [J] était prévue au cours du quatrième trimestre 2013 ; qu’il convient d’évaluer le préjudice causé par ce retard arrêté au 30 avril 2017 à la somme de 30 000 euros ; qu’il y a lieu en outre d’évaluer à la somme de 750 euros par mois le préjudice subi par M. [J] du 1er mai 2017 au jour de la livraison de l’appartement ; que ces sommes doivent être mises à la charge de la société Prophal en sa qualité de vendeur, tenue à ce titre à une obligation de résultat, ainsi qu’à la banque qui, tenue de la garantie de parfait achèvement, a manqué à ses obligations, comme l’a constaté le tribunal dans ses motifs que la cour adopte, d’effectuer toutes diligences pour mettre en oeuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance de la société Prophal, afin de permettre à celle-ci d’achever les travaux ; que du fait de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société Prophal, il y a lieu de fixer cette créance au passif de la procédure ;

Attendu que la société Prophal est en liquidation judiciaire ; qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la livraison de l’appartement sous astreinte ;

4 – Sur l’action en garantie de la Banque populaire Rives de Paris contre la société Prophal

Attendu que la société Prophal et la banque ont chacune contribué à la réalisation du préjudice subi par M. [J] en raison du retard dans la livraison de son appartement, la première, en sa qualité de maître de l’ouvrage, pour n’avoir pas su maîtriser le bon déroulement du chantier par les entreprises qu’elle a choisies, la seconde pour n’avoir pas pris les mesures permettant d’assurer l’efficacité de la garantie financière à laquelle elle est tenue ; qu’il y a lieu de fixer leur part de responsabilité respectivement à 60% et 40% ;

5 – Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Attendu qu’il convient de condamner in solidum la société Prophal et la Banque populaire Rives de Paris à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe ;

Confirme le jugement sauf en ce qu’il :

– condamne in solidum la société Prophal et la Banque populaire à payer à M. [J] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

– dit que la société Prophal devra livrer l’appartement conforme aux engagements contractuels au plus tard dans les deux mois de la date du jugement, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard durant quatre mois ;

Statuant à nouveau :

Déclare la société Prophal représentée par son liquidateur judiciaire et la Banque populaire Rives de Paris responsables in solidum du préjudice subi par M. [J] en raison du retard de livraison de l’appartement ;

En conséquence, condamne la Banque populaire Rives de Paris à payer à M. [J] la somme de 30 000 euros au titre de dommages-intérêts arrêtés au 30 avril 2017 et la somme mensuelle de 500 euros du 1er mai 2017 au jour de la livraison de l’appartement et fixe ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal ;

Déclare la société Prophal représentée par son liquidateur judiciaire tenue de garantir la Banque populaire Rives de Paris à concurrence de 60% des sommes mises à sa charge au titre de cette condamnation et fixe la créance correspondante au passif de la liquidation judiciaire de la société Prophal ;

Condamne la Banque populaire Rives de Paris, en prenant toutes mesures permettant d’assurer l’efficacité de cette condamnation, à financer les travaux nécessaires à l’achèvement de l’appartement acquis par M. [J] ;

Rejette les autres demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute la société Prophal et la Banque populaire Rives de Paris et les condamne in solidum à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros ;

Les condamne in solidum aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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