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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRÊT DU 27JUIN 2019
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/06981 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5NZ2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2018 – Tribunal de commerce de CRETEIL – RG n° 2016L02373
APPELANTE :
Madame [V] [R] épouse [Y]
Demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date anniversaire 1] 1949 à [Localité 1] (94)
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Représentée par Me Xavier SAVIGNAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0297
INTIMÉE :
SELARL [Personne physico-morale 1], ès qualité de liquidatrice de la liquidation judiciaire de la société MJS IMMOBILIER
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Pascal GOURDAIN de la SCP GOURDAIN ASSOCIESGOURDAIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mai 2019, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère et Madame Aline DELIERE, Conseillère.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Elodie RUFFIER
MINISTÈRE PUBLIC :
représenté lors des débats par Mme Anne France SARZIER, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.
*****
FAITS ET PROCÉDURE :
La Sas MJS Immobilier a été constituée le 29 mai 1992 avec pour objet la promotion immobilière. Elle était dirigée par Mme [V] [R] épouse [Y], présidente.
Sur déclaration de cessation des paiements effectuée par la présidente, Madame [R] le 11 avril 2016, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société par jugement du 20 avril 2016. La Selarl [Personne physico-morale 1], devenue depuis JSA, a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 20 octobre 2014.
Par acte du 8 novembre 2016, la Selarl [Personne physico-morale 1] ès-qualités a assigné Mme [R] devant le tribunal de commerce de Créteil aux fins de la voir condamnée à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif de MJS Immobilier avec le bénéfice de l’exécution provisoire, ainsi qu’à une faillite personnelle ou une interdiction de gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale.
Par jugement du 21 mars 2018, le tribunal de commerce de Créteil a condamné Mme [R] à payer à la Selarl [Personne physico-morale 1], ès-qualités, la somme de 161.847,80 euros au titre de l’insuffisance d’actif, a prononcé à son encore une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans, et a ordonné l’exécution provisoire de sa décision.
Mme [V] [R] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 4 avril 2018.
***
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 5 octobre 2018, Mme [V] [R] demande à la cour de :
– la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil en ce qu’il a :
.condamné Mme [R] à payer à la Selarl [Personne physico-morale 1] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société MJS Immobilier la somme de 161.847,80 euros au titre de l’insuffisance d’actif,
.interdit à Mme [R] de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de 10 ans,
.dit que cette sanction fera l’objet d’une inscription au fichier national des interdits de gérer,
– débouter la Selarl JSA ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société MJS Immobilier de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la Selarl JSA ès-qualités aux dépens.
***
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 5 juillet 2018, la Selarl JSA anciennement [Personne physico-morale 1] ès-qualités de liquidateur de la société MJS Immobilier demande à la cour de :
– lui donner acte de ce qu’elle se dénomme aujourd’hui JSA, avec le même siège et numéro de registre du commerce qu’avec son ancienne dénomination [Personne physico-morale 1],
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident du jugement du tribunal de commerce de Créteil du 21 mars 2018,
Statuant à nouveau,
– condamner Mme [R] à supporter l’insuffisance d’actif de la société MJS Immobilier à hauteur de 1.475.210,23 euros,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné Mme [R] à une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de 10 ans,
– condamner Mme [R] en tous les dépens.
***
Le ministère public a présenté ses observations oralement à l’audience. Il demande à la cour la condamnation de Madame [R] à payer l’insuffisance d’actif à hauteur de 100.000 euros et à une interdiction de gérer d’une durée de 5 ans.
SUR CE
Sur l’insuffisance d’actif
La liquidateur expose que le montant du passif après vérification des créances s’élève à 2.086.550, 67 euros outre un passif provisionnel de 10.398 euros et un passif contesté de 3.856.010, 06 euros. La seule somme recouvrée est de 33.893, 25 euros, soit une insuffisance d’actif de 2.052.657, 42 euros.
Aux termes des dispositions de l’article L651-2 du code de commerce, en cas d’insuffisance d’actif la totalité ou une partie de celle ci peut être mise à la charge du dirigeant de la personne morale en cas de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif. En l’espèce il est reproché à Madame [R] 1) d’avoir poursuivi une exploitation déficitaire alors que la société était en état de cessation des paiements, 2) des paiements préférentiels et 3) d’avoir fait des biens de la société un usage contraire à l’intérêt de celle ci pour favoriser une autre société dont elle est associée avec son époux
Sur la poursuite d’une activité déficitaire
Le liquidateur fait valoir qu’alors que la société était manifestement en état de cessation des paiements Madame [R] a poursuivi son exploitation dans son intérêt personnel. La société avait déjà subi une perte d’exploitation en 2013 de 203.196 euros et en 2014 de 476.070 euros. Si elle avait déclaré la cessation des paiements fin décembre 2014, soit 45 jours après la date retenue par le tribunal, il n’y aurait pas de passif postérieur. Ce passif postérieur au 31 décembre 2014 s’élève à 1.065.367, 43 euros. Madame [R] pendant cette période s’est allouée un salaire mensuel net de 6.733 euros.
Madame [R] soutient d’une part que le passif n’a pas augmenté postérieurement au 31 décembre 2014 et d’autre part que son salaire n’avait rien d’exorbitant eu égard à la pratique dans ce type d’entreprise.
Il ressort des pièces produites par le liquidateur que le passif né postérieurement au 31 décembre 2014 s’élève à la somme de 1.065.367,43 euros. Il ressort également des bulletins de salaires produits que Madame [R] a perçu un salaire net mensuel de 6.733 euros pendant quinze mois alors que la société était déjà en état de cessation des paiements. S’il n’appartient pas à la cour de critiquer en principe le montant de ce salaire qui peut se justifier eu égard à la taille de l’entreprise et au travail que Madame [R] dit fournir, en revanche il devient disproportionné pour une entreprise qui subit des pertes récurrentes depuis plusieurs années. Madame [R] a cependant continué à le verser malgré ces pertes qui auraient dû la conduire à déclarer la cessation des paiements. En ne déclarant pas la cessation des paiements elle a continué à bénéficier de ce salaire pendant plusieurs mois au détriment des créanciers qui n’étaient pas payés.
Le grief sera donc retenu et le jugement infirmé sur ce point.
Sur les paiements préférentiels
Le liquidateur reproche à Madame [R] un certain nombre de paiements préférentiels, dont son salaire, soit 100.995 euros, le remboursement partiel de son compte courant pour une somme de 165.500, 91 euros et le remboursement partiel du compte courant de son mari pour un montant de 1.346,89 euros, soit un préjudice pour les autres créanciers de 267.842, 80 euros.
Madame [R] conteste ici encore s’être payé un salaire exorbitant et elle conteste le remboursement de son compte courant et celui de son mari. Elle affirme qu’au 31 décembre 2014 son compte courant et celui de son époux était de 373.843, 78 euros et qu’au 31 décembre 2015 il était de 407.835,30 euros. Il y aurait eu selon elle une erreur d’imputation de deux opérations le 30 octobre 2015 pour une somme de 102.230, 20 euros, ces deux opérations concernant la Sci Le Clos des Musiciens. C’est pourquoi ces sommes apparaissent en ‘OD’, opérations diverses, et non en opérations de trésorerie.
La cour a déjà retenu que Madame [R], en sa qualité de dirigeante de la société, s’est versé un salaire alors que la société était en état de cessation des paiements et donc au détriment des autres créanciers. Ces paiement constituent des paiements préférentiels.
Sur la question des comptes courant, il y a lieu de constater qu’en première instance Madame [R] avait donné une explication totalement différente de celle qu’elle avance devant la cour.
Il ressort des pièces produites par le liquidateur, soit une copie du Journal de MJS, que les comptes courants de Monsieur et Madame [Y] ont bien diminué pendant la période suspecte. Il est passé de 235.455, 16 euros début 2015 et de 74.954, 25 euros en mars 2016 pour Madame [Y] et il est passé de 231.997, 74 euros à 230.650, 85 euros pendant la même période pour Monsieur [Y]. Madame [R] a déposé la déclaration de cessation des paiements le 11 avril 2016. Les comptes courants ont donc été remboursés, au moins partiellement, pendant l’année précédant cette date. La pièce n°12 produite par Madame [R] qui est un extrait du Grand Livre semble en contradiction avec sa pièce n°13 et avec la pièce n°7 produite par le liquidateur. Cependant seul le Livre Journal, comme le fait observer le liquidateur, retrace l’ensemble des opérations comptables de la société. L’explication donnée par Madame [R] n’est établie par aucune autre pièce comptable et les sommes litigieuses n’apparaissent pas, comme le soutient Madame [R] comme une opération de régularisation du compte courant de la Sci Le Clos des Musiciens. L’extrait du Grand Livre fait apparaître l’erreur dans les mouvements en cours 2015. Cependant cette erreur n’a pas été rectifiée dans le livre journal en 2016.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur l’usage des biens de la société contraire à son intérêt
La liquidatrice reproche enfin à Madame [R] d’avoir avancé à la société Coté Gare, société dont elle est associée avec son mari, une somme de 142.000 euros. Ainsi, elle expose que Madame [R] utilise la trésorerie de certaines de ses sociétés civiles filiales de MJS Immobilier pour payer le passif des autres sociétés créant ainsi un préjudice aux créanciers de MJS Immobilier.
Madame [R] expose que la société MJS Immobilier détenait 86% du capital de la société Côté Gare et que dans ces conditions il n’est pas anormal que l’associé majoritaire participe aux apports de sa filiale.
La cour relève que la société MJS a avancé à sa filiale, la société Côté Gare, dont les époux [Y] sont associés et dont Madame [R] est gérante, la somme de 142.000 euros. La société Côté Gare a été condamnée à rembourser cette somme à la société MJS. Elle est cependant insolvable.. Ce faisant Madame [R], qui était la gérante des deux sociétés, a utilisé la trésorerie de la société MJS pour avancer des fonds à la société Côté Gare alors qu’elle était déjà en état de cessation des paiements et que cette avance ne pouvait se faire qu’au détriment de ses propres créanciers. Le compte courant de la société Côté Gare arrêté au 16 juillet 2015, montre un solde de 142.000 euros.
La cour retiendra en conséquence ce grief.
Sur le montant de la condamnation
La cour, au regard des griefs qui sont retenus condamnera Madame [R] à payer à Maître [J], ès qualités la somme de 400.000 euros.
Sur l’interdiction de gérer
Mme [R] conteste les deux motifs retenus par les premiers juges pour justifier la condamnation à l’interdiction de gérer. Elle soutient, d’une part, qu’il n’est pas justifié qu’elle se soit volontairement abstenue de coopérer avec les organes de la procédure, alors qu’elle a concouru à la bonne marche des opérations et qu’elle a financé sur ses deniers personnels l’ensemble des procédures diligentées par le liquidateur pour le compte de la société MJS Immobilier. D’autre part, elle soutient que l’endettement de la société a diminué de plus de deux millions d’euros dans les 18 mois ayant précédé le jugement de liquidation du 20 avril 2016.
La Selarl JSA, ès-qualités, soutient que Mme [R] a sciemment omis de déclarer l’état de cessation des paiements de la société MJS Immobilier, qu’elle a continué à percevoir un salaire et effectué des paiements à son profit, à celui de son mari et au profit de la Sci De L’orrier dont elle était gérante. Elle a empêché par sa carence le recouvrement du poste clients de la société MJS Immobilier, autant de griefs justifiant le prononcé d’une interdiction de gérer.
La cour relève que Madame [R] n’a pas déclaré la cessation des paiements de son entreprise dans le délai légal et il a été relevé que ce retard lui a bénéficié puisqu’elle a continué à percevoir un salaire important pendant cette période. Madame [R] ne pouvait ignorer que la société, déficitaire depuis 2013, était en état de cessation des paiements depuis plusieurs mois au moment où elle a déclaré la cessation des paiements. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
La liquidatrice n’apporte pas d’éléments complémentaires sur le grief de défaut de coopération avec les organes de la procédure. Ce grief ne sera donc pas retenu.
A regard des griefs retenus dans le cadre de la responsabilité pour insuffisance d’actif et du grief de retard dans la déclaration de cessation des paiements la cour condamnera Madame [V] [R] à une interdiction de gérer pendant sept ans.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
DONNE acte à la Selarl [Personne physico-morale 1], en sa qualité de liquidatrice de la liquidation judiciaire de la société MJS Immobilier de ce qu’elle se dénomme aujourd’hui Selarl JSA,
CONFIRME le jugement rendu le 21 mars 2018 par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu’il a retenu la responsabilité de Madame [V] [R] dans l’insuffisance d’actif de la société MJS Immobilier et a condamné Madame [R] à une interdiction de gérer,
L’INFIRME sur le montant de la condamnation et sur la durée de l’interdiction,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE Madame [V] [R] à payer à la Selarl JSA, ès qualités de liquidatrice de la société MJS Immobilier la somme de 400.000 € au titre de l’insuffisance d’actif,
DIT que l’interdiction de gérer sera d’une durée de sept ans,
CONDAMNE Madame [V] [R] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. 400.000 euros
La Greffière La Présidente
Hanane AKARKACH Michèle PICARD