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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51C
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 FEVRIER 2019
N° RG 18/02164 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SI2K
AFFAIRE :
[Q] [W]
C/
SA LOGIS TRANSPORTS
[Y] [A]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Février 2018 par le Tribunal d’Instance de COURBEVOIE
N° RG : 11-13-0180
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19/02/19
à :
Me Franck LAFON
Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [Q] [W]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
Représenté par Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20180139
Assisté de Me Armelle DE COULHAC MAZERIEUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0788
APPELANT
****************
SA LOGIS TRANSPORTS
prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
N° SIRET : 59 2 0 25 811
[Adresse 4]
[Adresse 5]
Représentée par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 619 – N° du dossier 20180115
Assistée de Me Laure-Anne FOURNIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0190
INTIMEE
****************
Madame [Y] [A]
née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
Représentée par Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20180139
Assistée de Me Armelle DE COULHAC MAZERIEUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0788
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Octobre 2018 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle BROGLY, Président,
Madame Dominique DUPERRIER, Président,
Madame Lucile GRASSET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT,
FAITS ET PROCEDURE,
Un bail en date du 7 mai 1999, ayant pris effet le 1er juin 1999, pour une durée de 6 ans, a été signé entre la société Saggel Vendôme, mandataire de la société Axa Collectives, en qualité de bailleur d’une part et M. [Q] [W] en qualité de locataire d’autre part, portant sur un appartement de 4 pièces principales n° B 805, d’une surface de 91,81m², situé [Adresse 2], dans le bâtiment [X] de la résidence [Adresse 2].
Suivant acte authentique en date du 2 juillet 2001, la société AXA France Vie (anciennement dénommée AXA France Collective) venant aux droits de la société UAP a cédé à la société Logis Transports, société anonyme d’habitations à loyer modéré et à ce titre bailleur social, les lots de volume représentatifs de la résidence [Adresse 2] comprenant trois immeubles, les [X], d'[K] et [Z], soit 250 appartements, 40 au sein du bâtiment [Z], 68 au sein du bâtiment [K] et 142 au sein du bâtiment [X] où réside M. [W].
L’acquisition du bâtiment [Z] a été financée grâce à un prêt locatif social (PLS) et celle des bâtiments [K] et [X] a été financée par un prêt locatif intermédiaire (PLI).
Au cours de l’année 2006, la société Logis-Transports a appliqué la législation HLM à tous les logements des immeubles [X] et [K].
Par acte authentique du 13 décembre 2007, la société Logis-Transports a signé une promesse de vente desdits lots au bénéfice de la société SNC LES LOCATAIRES, cette promesse ayant pour objet de permettre au groupe Hermitage, promoteur immobilier russe dont la SNC LES LOCATAIRES est la filiale, d’édifier deux tours mixtes de grand standing de 307 mètres de haut, dites Tours Hermitage, aux lieu et place de la Résidence [Adresse 2], ainsi vouée à la démolition.
La société Logis-Transports a obtenu les permis de démolir les bâtiments [K], [X] et [Z] dans le courant des années 2010 et 2011, la légalité des trois permis de démolir a été confirmée par le Conseil d’Etat le 22 octobre 2015.
La société Logis-Transports a également obtenu les autorisations préfectorales de démolir au regard des dispositions de l’article L 443-15 du code de la construction et de l’habitation, des trois bâtiments en 2010, 2012 et 2014.
La légalité de l’autorisation préfectorale de démolir du bâtiment [X] a été confirmée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 11 mars 2016 et celle du bâtiment [K] a été confirmée par le Conseil d’Etat les 4 mai et 19 juin 2017.
Certains locataires dont M. [W] et l’association VIVRE A LA DEFENSE en charge de la défense de leurs intérêts collectifs, ont saisi le tribunal d’instance de Courbevoie à l’effet de voir prononcer la nullité des actes notariés susvisés de 2001 et 2007, reconnaître que la société Logis-Transports n’a jamais eu la qualité de propriétaire des lots de volume en cause, pas plus qu’elle n’a pu transmettre la cession de ces derniers à la SNC LES LOCATAIRES, voir dire que la législation applicable est celle de droit commun des baux d’habitation du secteur privé libre et faire annuler pour dol les baux PLI que le bailleur social a entendu leur imposer.
Par jugement du 30 avril 2014, le tribunal d’instance de Courbevoie a disjoint le litige, se déclarant incompétent au bénéfice du tribunal de grande instance de Nanterre pour apprécier la validité des actes notariés de 2001 et de 2007 et statuer sur la qualité de propriétaire de la société Logis-Transports ou d’AXA FRANCE VIE sur les lots de volume en cause.
Par arrêt du 20 novembre 2014, la cour d’appel de Versailles a confirmé cette exception d’incompétence et décidé d’évoquer l’affaire.
Par arrêt du 30 juin 2016, elle a déclaré les demandes en nullité desdits actes notariés irrecevables pour cause de prescription.
Par arrêt rendu le 28 février 2018, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 30 juin 2016 par la cour d’appel de Versailles.
Par acte d’huissier en date du 8 janvier 2013, la société Logis Transports avait assigné M. [W] aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
à titre principal,
– la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des causes du commandement de payer en date du 26 juillet 2012,
à titre subsidiaire,
– la prononciation de la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de M. [Q] [W],
en tout état de cause,
– la condamnation du défendeur à payer à la société Logis Transports la somme de 8.457,47 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 30 novembre 2012, ramenée à la somme de 6.578,17 euros le 7 février 2014,
– qu’il soit dit que Mme [Y] [A] est occupante du chef de M. [Q] [W],
– qu’il soit ordonnée l’expulsion immédiate et sans délai du défendeur et de tous occupants de son chef, notamment Mme [Y] [A], avec le concours de la force publique et au cas où des délais seraient accordés, de les prévoir les plus courts possibles et assortis d’une clause de déchéance du terme,
– la condamnation de M. [Q] [W] à payer à la société Logis Transports les dépens ainsi qu’une somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par un premier jugement rendu le 27 février 2018, le tribunal d’instance de Courbevoie a statué sur la législation applicable aux baux en cause et sur le dol en décidant par cette décision générale que les rapports locatifs étaient soumis à la législation HLM et que les baux PLI soumis aux locataires n’avaient pas été obtenus par le jeu de manoeuvres dolosives.
Par jugements individuels rendus le même jour soit le 27 février 2018, le même tribunal a statué sur le sort de chacun des locataires assigné par la société Logis-Transports.
En effet, par acte d’huissier de justice en date du 13 mars 2015, la société Logis Transports avait assigné M. [W] aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– le rejet de l’ensemble des prétentions adverses,
– la validation du congé pour démolir délivré le 15 mai 2014, avec effet au 16 novembre 2014, date depuis laquelle le défendeur se trouverait, selon la demanderesse, sans droit ni titre dans les lieux,
– son expulsion immédiate et sans délai,
– l’appréhension du mobilier trouvé dans les lieux,
– sa condamnation à payer une indemnité d’occupation d’un montant égal à celui du loyer contractuel, taxes et charges en sus, majoré de 50 %, à compter du 16 novembre 2014 et jusqu’au départ effectif des lieux loués, outre les dépens ainsi qu’une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 27 février 2018, le tribunal d’instance de Courbevoie a, avec exécution provisoire :
– ordonné la jonction entre les procédures n° 11 13-180 et 11 15-472,
à titre liminaire,
– rejeté l’ensemble des prétentions adverses, y compris celles consistant à se prévaloir de l’existence de procédures juridictionnelles présentées connexes,
– débouté M. [Q] [W] de sa demande de sursis à statuer,
au principal,
– constaté que le bail PLI proposé et refusé par M. [Q] [W], aurait fait de Mme [Y] [A] la co-titulaire du bail,
– dit qu’en l’état, elle n’est qu’occupante du chef de M. [W] et dépourvue de qualité et d’intérêt à agir,
– rejeté la demande en acquisition de la clause résolutoire,
– reçu la société Logis Transports en sa demande de validation de congé pour démolir et l’a dit bien fondée,
– dit que le bail applicable n’est pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 en ce qui concerne la fixation du loyer mais aux dispositions d’ordre public applicables en matière de bail HLM PLI,
– dit que le locataire ne bénéficie pas d’un droit de préemption mais d’un droit au maintien dans les lieux, ce qui lui a permis de se voir appliquer les dispositions des articles L. 443-15-1 et L. 442-6 du code de la construction et de l’habitation et 13 bis de la loi du 1er septembre 1948,
– dit et jugé que les offres de relogement signifiées les 12 mars, 11 avril et 15 mai 2014 à M. [Q] [W] étaient conformes aux caractéristiques énumérées à l’article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948,
– constaté le refus de M. [Q] [W] d’être relogé,
en conséquence,
– dit et jugé que M. [Q] [W] est déchu du droit au maintien dans les lieux et par conséquent, occupant sans droit ni titre du logement [Adresse 2] depuis le 16 novembre 2014,
– dit sans objet la demande de résiliation judiciaire du bail,
– constaté que M. [Q] [W] a déjà bénéficié à ce jour de larges délais lui permettant de se maintenir indûment dans les locaux donnés à bail,
– débouté M. [Q] [W] de toute demande de délai pour se maintenir dans les lieux,
– ordonné son expulsion immédiate et sans délai et celle de tous occupants de son chef (notamment Mme [Y] [A]), en la forme ordinaire, avec l’assistance d’un serrurier et avec l’aide de la force publique, si besoin est, dans les conditions prévues par les articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991,
– autorisé la société Logis Transports à faire transporter et entreposer les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, dans tout garde-meubles de son choix, aux frais et risques de qui il appartiendra (L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution),
en tout état de cause,
– condamné M. [Q] [W] à payer, mensuellement, à la société Logis Transports en deniers ou quittances valables, une indemnité d’occupation égale au montant du loyer contractuel, taxes et charges en sus, à compter du 16 novembre 2014 et jusqu’à libération effective des lieux donnés à bail (article 1240, anciennement 1382 du code civil),
– dit sans objet la demande de consignation des loyers,
sur les comptes entre les parties,
– ordonné une expertise confiée à M. [V] [J], demeurant [Adresse 6], avec mission, les parties dûment entendues ou appelées et après s’être rendu sur place, Résidence [Adresse 2] à Courbevoie (Bâtiment [K] et [X]) et s’être fait remettre tout document nécessaire à l’accomplissement de sa mission :
*de vérifier le montant restant dû par M. [Q] [W] au jour de l’audience des plaidoiries du 10 novembre 2017, au titre des loyers, charges et taxes récupérables, dans la limite de la prescription de 3 ans,
– dit que l’expert remplira sa mission dans les termes des dispositions des articles 263 S du code de procédure civile et déposera son rapport dans les 6 mois de sa saisine,
– dit que M. [Q] [W] d’une part et la société Logis Transports d’autre part devront chacun consigner au greffe une somme de 800 euros à valoir sur la rémunération de l’expert, et ce, avant le 15 mai 2018 ; que l’affaire sera rappelée à l’audience du lundi 2 juillet 2018 à 9h30, pour vérification de la consignation ; qu’il pourra être tiré toute conséquence du refus de consigner,
– fixé à la somme de 4.500 euros le montant des dommages et intérêts accordés à M. [Q] [W], qui devra être compensé avec les sommes éventuellement encore dues par ce dernier au titre de l’arriéré locatif tel qu’arrêté par l’expert,
– réservé la demande au titre du solde locatif, hors préjudice de jouisssance,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision à intervenir, sauf en ce qui concerne la fixation du trouble de jouissance,
– réservé les demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 27 mars 2018, M. [Q] [W] a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions transmises le 25 septembre 2018, il demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et statuant de nouveau,
– dire que par le jeu des subrogations légale et conventionnelle, la société Logis Transports a acquis par l’acte notarié du 2 juillet 2001 des lots de volume assortis de baux en cours relevant du secteur privé-marché-libre,
– dire, en conséquence, que le contrat de bail initial secteur privé-marché-libre conclu par M. [W] le 7 mai 1999 avec la société Axa Collectives est opposable à la société Logis Transports en toutes ses dispositions, par le jeu des subrogations légale et conventionnelle,
– dire que le bail applicable aux rapports locatifs avec la société Logis Transports est ledit bail conclu le 7 mai 1999 avec la société Axa Collectives,
– dire que ce bail est soumis à la législation des baux d’habitation du secteur privé marché libre et singulièrement aux dispositions d’ordre public de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989,
– dire que la société Logis Transports n’a fait délivrer à l’encontre de M. [W] aucun congé susceptible de faire obstacle à la tacite reconduction dudit bail en application notamment de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989,
– dire en conséquence qu’à ce jour le bail n’est pas venu à expiration,
– dire en conséquence que ledit bail n’est pas soumis à la législation HLM,
– dire que Mme [B] a été nommée aux fonctions de directrice générale de la société Logis Transports selon délibération du conseil d’administration de cette dernière en date du 28 juin 2013,
– dire que le procès-verbal de ladite délibération n’a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris que le 13 octobre 2014,
– dire en conséquence que la désignation de Mme [B] aux fonctions de directrice générale de la société Logis Transports n’est opposable aux tiers qu’à compter du 13 octobre 2014,
– dire que les offres de relogement ont été signifiées par huissier à M. [W] le 12 mars, 11 avril et 15 mai 2014, ‘à la requête de la société Logis Transports prise en la personne de Mme [H] [B], Directrice Générale’,
en conséquence,
– prononcer la nullité de l’intégralité desdites offres de relogement en ce qu’elles ont été signifiées d’une part, en application de la législation HLM et d’autre part, avant le 13 octobre 2014 « à la requête de la société Logis Transports prise en la personne de Mme [B], directrice générale »,
– dire que les offres de relogement violent la législation d’ordre public régissant les actes d’huissiers de justice,
– dire que ces violations constituent des violations de fond,
– dire subsidiairement, qu’au cas de violations de forme, elles causent un grief à M. [W],
en conséquence,
– prononcer de plus fort la nullité de l’intégralité des offres de relogement signifiées à l’encontre de M. [W],
subsidiairement,
– dire inopposables à M. [W] et dans tous les cas dépourvues de toute effectivité envers ce dernier, l’intégralité desdites offres de relogement, dont celle valant congé pour démolir,
dans tous les cas,
– dire que M. [W] bénéficie du droit d’exercer son droit de préemption,
– dire que les articles L. 443-15 -I, L. 442-6 du code de la construction et de l’habitation et 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 ne sont pas applicables au présent cas d’espèce,
– dire que M. [W] n’est pas déchu de son droit de demeurer dans les lieux loués,
– dire que M. [W] n’est pas occupant sans droit ni titre desdits lieux,
– dire qu’aucun congé ne lui est opposable,
– dire n’y avoir lieu à ordonner l’expulsion de M. [W] et des occupants de son chef,
– dire que jusqu’au 10 novembre 2017, M. [W] a subi un préjudice pour trouble de jouissance évalué à 10.000 euros,
– condamner la société Logis Transports à payer à M. [W] la somme de 10.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance, tels qu’arrêtés au 10 novembre 2017 et sans préjudice de revalorisation pour la période postérieure,
– autoriser M. [W] à consigner les loyers à compter de sa reprise d’entrée en jouissance des lieux loués, jusqu’à parfaite remise en état des parties privatives et communes,
sur les comptes entre les parties,
– confirmer le jugement du tribunal d’instance de Courbevoie du 27 février 2018 en ce qu’il a ordonné une expertise et désigné un expert avec pour mission de :
* de faire les comptes entre les parties, ‘au titre des loyers, charges et taxes récupérables’,
– infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :
* dire que les opérations d’expertises seront réalisées au regard d’une part, de la législation de droit commun applicable aux baux du secteur privé marché libre et d’autre part, du bail d’origine de M. [W], conclu auprès de la société Axa Collectives le 7 mai 1999, depuis lors tacitement reconduit et toujours en cours,
sur la co-titularité du bail de Mme [Y] [A],
– recevoir Mme [Y] [A] en son intervention volontaire,
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’en l’état Mme [Y] [A] n’est qu’occupante du chef de M. [Q] [W] et est dépourvue de qualité et d’intérêt à agir,
et statuant à nouveau,
– dire que Mme [Y] [A] est co-titulaire du bail conclu le 7 mai 1999 avec la société Axa Collectives,
– dire que Mme [Y] [A] est soumise aux droits et obligations dudit bail, aux côtés de M. [W],
– dire que Mme [A] n’est pas déchue de son droit de demeurer dans les lieux loués et qu’il n’y a lieu à ordonner son expulsion,
dans tous les cas,
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Logis Transports en acquisition de la clause résolutoire et dit sans objet la demande de résiliation judiciaire du bail,
– débouter la société Logis Transports de l’ensemble de ses demandes, en tous leurs chefs et moyens.
– condamner la société Logis Transports à payer à M. [W] une somme de 5.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Logis Transports aux entiers dépens que Me Lafon, avocat au Barreau de Versailles, pourra recouvrer directement en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions transmises le 26 septembre 2018, la société Logis Transports demande à la cour de :
– la recevoir en ses conclusions d’intimée, la dire bien fondée,
– dire et juger irrecevable la demande d’intervention volontaire de Mme [Y] [A],
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a limité la vérification du montant restant dû par M. [W] au titre des loyers, charges et taxes récupérables en faisant application de la prescription triennale,
statuant à nouveau, concernant les sommes dues par M. [W],
– dire et juger que la mission confiée à l’expert de vérification du montant restant dû par M. [W] au titre des loyers, charges et taxes récupérables sera limitée aux sommes dues postérieurement au 7 janvier 2008,
compte-tenu des demandes de l’appelant, concernant l’expiration du bail du 7 mai 1999,
– dire et juger que le bail conclu le 7 mai 1999 par la société Axa Collectives au profit de M. [W] est arrivé à expiration le 31 mai 2005,
– dire et juger qu’à compter de cette date, les dispositions du Livre IV du Code de la construction et de l’habitation sont devenues pleinement applicables aux relations contractuelles entre M. [W] et la société Logis Transports, le refus de signature du bail PLI étant sans incidence,
en tout état de cause,
– débouter M. [W] et Mme [A] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [W] et Mme [A] à payer à la société Logis Transports la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [W] et Mme [A] au paiement des entiers dépens de la présente instance, qui seront recouvrés par Me Minault, avocat au Barreau de Versailles, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 27 septembre 2018.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’appel de M. [W].
1) Sur la demande d’intervention de Mme [A].
M. [W] poursuit l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a dit que Mme [A] n’est qu’occupante de son chef et est dépourvue de qualité à agir, faisant essentiellement valoir que sa situation locative doit également bénéficier à Mme [A], sa compagne, laquelle a emménagé avec lui quelques jours seulement après qu’il ait signé le bail avec la société AXA COLLECTIVES le 7 mai 1999, alors qu’elle venait d’accoucher de leur fils.
La société Logis-Transports réplique, au visa de l’article 329 du code de procédure civile, que Mme [A] n’a jamais eu la qualité de locataire du logement pris à bail par son compagnon M. [W], mais est occupante de son chef, de sorte que sa demande d’intervention volontaire doit être jugée irrecevable.
L’article 329 du code de procédure civile dispose que ‘l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.
En l’espèce, Mme [A] n’a pas signé le bail initial consenti par la société AXA COLLECTIVES à M. [W]. Elle ne justifie pas être mariée, ni avoir conclu un PACS avec celui-ci, de sorte que c’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’elle n’est qu’occupante du chef de M. [W].
Par suite, elle doit être déclarée irrecevable en sa demande d’intervention volontaire à la présente procédure.
2) Sur le fond du litige.
Au soutien de son appel, M. [W] qui a refusé de signer le nouveau bail PLI proposé par la société Logis-Transports, fait grief au premier juge d’avoir considéré que le bail applicable n’est pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 mais à celles d’ordre public applicables en matière de bail d’HLM PLI, d’avoir jugé que la locataire ne bénéficie pas d’un droit de préemption mais d’un droit au maintien dans les lieux, et d’avoir dit que les offres de relogement signifiées les 12 mars, 11 avril et 15 mai 2014 étaient régulières, ne contestant toutefois pas leur conformité aux caractéristiques énumérées à l’article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 applicable à ce bail HLM PLI.
-sur la détermination de la loi applicable et sur le devenir des baux en cours lors de l’acquisition par la société Logis-Transports des immeubles de la résidence [Adresse 2].
M. [W] fait essentiellement valoir que la législation HLM PLI n’est pas applicable aux rapports locatifs entre lui et la société Logis-Transports, qu’en effet, le bail initial qui lui a été consenti par la société Saggel Vendôme, mandataire de la société UAP aux droits de laquelle est venue la société AXA qui relevait du secteur privé-marché public, a été cédé au bailleur social par subrogations légale et conventionnelle, qu’il n’est jamais venu à expiration, demeurant à ce titre soumis à la législation de droit commun des baux d’habitation.
Il explique plus précisément que :
– en se portant acquéreur des lots de volume du [X] auprès d’AXA France Collectives, LOGIS-TRANSPORTS a acquis le parc locatif du secteur privé marché libre y afférent,
– son bail initial conclu le 7 mai 1999 avec la société AXA COLLECTIVES était un bail d’une durée de trois années renouvelable soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989,
– l’article 1743 du code civil institue une véritable subrogation légale de l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur de telle sorte qu’en cas de vente de l’immeuble loué, l’acquéreur se trouve subrogé aux lieu et place de l’ancien bailleur, la vente ne met donc pas terme au contrat de bail, l’acquéreur étant tenu dans les mêmes termes que l’ancien bailleur,
– la subrogation s’impose également à titre conventionnel, en application des articles 1346-1 et suivants du code civil, dans la mesure où l’acte notarié de vente du 2 juillet 2001 prévoit expressément que ‘l’acquéreur est propriétaire des biens vendus à compter de ce jour. Il en a la jouissance (….) En ce que concerne la partie louée, par la perception des loyers (….), lesdits biens étant loués à des charges et conditions que l’acquéreur déclare parfaitement connaître, pour lesquelles il se reconnaît purement et simplement subrogé dans les droits et obligations du vendeur à cet égard’.
– la note remise par la société Logis-Transports dans la boîte aux lettres des locataires le 16 juillet 2002, antidatée au 10 juillet 2001 aux termes de laquelle ils ont été avisés de la vente intervenue, souligne très précisément que le changement de propriétaire n’entraîne aucune modification,
– dans ces conditions, la société Logis-Transports était dans l’impossibilité absolue de consentir ensuite des baux selon le régime des habitations à loyer modéré, les baux initiaux du secteur privé-marché libre toujours en cours relevant de la loi du 6 juillet 1989,
– en définitive, la cession de l’ensemble immobilier des Damiers par la société AXA à la société Logis-Transports n’a pas eu la moindre incidence sur les contrats en cours tant par l’effet de la subrogation conventionnelle prévue à l’acte authentique que par celui de la subrogation légale,
– la cour de cassation a posé le principe que lorsqu’un bail est cédé à un bailleur social, celui-ci continue d’être soumis à la législation dont il relève depuis sa conclusion, soit en l’espèce, la législation de droit commun des baux du secteur privé marché libre tant qu’il n’est pas venu à expiration, de sorte que toutes les dispositions de la loi du 1989, notamment celles relatives à la durée et au congé, continuent à s’appliquer tant que le bail n’est pas venu à expiration.
– il s’ensuit que jusqu’à l’expiration du bail cédé, le bailleur social doit satisfaire aux dispositions d’ordre public des articles 10 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 relatives à la durée du bail, au congé et la reconduction tacite,
– il résulte de l’arrêt de principe de la cour de cassation du 18 février 2009 que, pour pouvoir soumettre les rapports locatifs à la législation d’HLM au cas d’un bail privé cédé avec l’immeuble dont il a fait l’acquisition, le bailleur social doit signifier au locataire un congé afin de prévenir toute reconduction du bail et attendre ainsi que le bail vienne à expiration,
– il en résulte que dans les six mois précédant l’échéance du bail en cours et alors que les dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 sont toujours applicables, il appartenait au bailleur social, sans préjudice de sa nature de nouveau propriétaire, investi d’une mission de service public, de donner congé au locataire afin d’échapper à une reconduction tacite du bail en cours,
– au cas d’espèce, à la date de la lettre de la société Logis-Transports du 27 décembre 2006, le bail n’était pas venu à expiration, contrairement à ce que soutient la bailleresse, puisque le bail initial d’une durée de six ans avec effet au 1er juin 1999, avait été tacitement reconduit le 1er juin 2005 jusqu’au 31 mai 2011, puis du 1er juin 2001 jusqu’au 31 mai 2017 et depuis lors jus’au 31 mai 2023.
La société Logis-Transport, se référant principalement aux dispositions de l’article 411-3 du code de la construction et de l’habitation et de l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989, réplique que :
– aucune violation de la subrogation légale ou conventionnelle n’est démontrée, dès lors qu’elle a maintenu les baux en cours le 2 juillet 2001 et n’a expulsé aucun locataire à la suite de la cession, sans pour autant déroger aux dispositions d’ordre public s’imposant à elle, compte tenu des conditions de financement de l’acquisition des bâtiments [K] et [X],
– c’est ainsi qu’à l’expiration des baux UAP/AXA, elle a régularisé les situations locatives qui se sont poursuivies sous le régime prévu par le Livre IV du code de la construction et de l’habitation dont les dispositions sont d’ordre public,
– elle a incontestablement acquis le 2 juillet 2001, les immeubles [K] et [X] avec le concours financier de l’état,
– les baux consentis par les organismes d’HLM sont pour partie soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et notamment à l’article 40 de ladite loi qui prévoit expressément les dispositions non applicables aux logements non conventionnés et conventionnés et notamment celles des articles 8, 10 à 12, 15 à 19.
– d’ordre public, la législation d’HLM se substitue à la législation de droit commun en matière de baux d’habitation, eu égard à la nature du nouveau propriétaire, investi d’une mission de service public,
– la cour administrative d’appel de Paris a jugé que ‘le transfert d’un immeuble d’une SCI à des sociétés d’HLM a pour effet de faire entrer les logements situés dans l’immeuble, dans le champ d’application du Livre IV du code de la construction et de l’habitation relatif aux rapports des organismes d’HLM et des bénéficiaires en application de l’article L 411-1 du Code de la construction et de l’habitation et suivants’,
– elle a donc attendu que l’intégralité des baux consentis par UAP/AXA soient venus à expiration pour proposer la conclusion d’un bail PLI et facturer le loyer PLI, position conforme à la réglementation et à la jurisprudence,
– la Mission interministérielle d’inspection du logement social (MILOS) a d’ailleurs émis une recommandation à destination de Logis-Transports, relativement aux immeubles [Adresse 2], en lui rappelant qu’en cas d’acquisition du patrimoine privé occupé, les dispositions relatives aux logements conventionnés (PLS) s’appliquent immédiatement dès l’entrée en vigueur de la convention, celles relatives aux logements non conventionnés (PLI) s’appliquent de plein droit, à l’expiration du bail initial, secteur libre.
– en cas de conventionnement d’un immeuble, la jurisprudence a, à plusieurs reprises, rappelé que la législation HLM s’impose aux locataires en place, titulaires d’un bail secteur libre, dès l’entrée en vigueur de la convention signée avec l’Etat (Cass, 3ème Civ, 10 juillet 2013),
– en cas d’acquisition d’un immeuble par un organisme HLM, financé par un prêt location intermédiaire, il appartient au bailleur d’attendre l’expiration du bail en cours avant de considérer que la législation HLM est pleinement applicable, ainsi que l’a tranché la cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 février 2009 (Cass, 3ème Civ, 18 février 2009).
– il faut donc entendre par expiration du bail secteur libre en cours à la date de cession de l’immeuble au profit d’un organisme HLM, son arrivée à échéance, le bail secteur libre ne pouvant être tacitement reconduit, compte tenu des dispositions de l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989.
– l’organisme d’HLM n’a donc pas, par une quelconque action, à s’opposer à la tacite reconduction du bail.
Sur ce,
La société Logis-Transports qui a fait l’acquisition de l’immeuble le 2 juillet 2001, se trouve aux lieu et place du bailleur initial envers les locataires en place, et sa qualité de bailleur ne peut plus être remise en cause : en effet, par arrêt rendu le 30 juin 2016, la cour de céans a déclaré prescrite l’action en contestation de la régularité de l’acquisition de la résidence [Adresse 2] par la société Logis-Transports initiée par l’association Vivre à la Défense et plusieurs occupants des immeubles [Adresse 2], la cour de cassation ayant par arrêt rendu le 28 février 2018, rejeté le pourvoi formé par l’association Vivre à la Défense et plusieurs locataires, confirmant ainsi la prescription de leur action.
L’article 411-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit que ‘les dispositions du présent article sont d’ordre public et sont applicables aux logements appartenant ou ayant appartenu aux organismes d’habitation à loyer modéré dès lors que ces logements ont été construits, acquis ou améliorés par lesdits organismes en vue de leur location avec le concours financier de l’état, (logements non conventionnés dont PLI : bâtiments [K] et [X]) ou qu’ils ont ouvert droit à l’aide personnalisée au logement en application d’une convention prévue à l’article L 353-14 conclue entre lesdits organismes et l’état (logements conventionnés PLS : bâtiment [Z]).
L’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 dispose en son premier alinéa que : ‘les 4°, 7°à 9°et le dernier alinéa de l’article 3 , l’article 3-1, le II de l’article 5, les articles 8, 8-1, 10 à 12, 15 à 18, le 1er alinéa de l’article 20, les cinq premiers alinéas de l’article 23, et les articles 25-3 à 25-11 ne sont pas applicables aux logements appartenant aux organismes d’habitation à loyer modéré et ne faisant pas l’objet d’une convention passée en application de l’article L 351-2 du code de la construction et de l’habitation (….).
En l’espèce il est constant que M. [W] a refusé de signer le contrat de bail PLI que la société Logis-Transports lui a proposé.
Cependant, peu important que la locataire ait accepté de signer ou non le bail qui lui a été consenti par la société Logis-Transport dans la mesure où :
* aucune violation de la subrogation conventionnelle ou légale n’est démontrée : la société Logis-Transports a maintenu les baux en cours le 2 juillet 2001 en n’expulsant aucun locataire à la suite de son acquisition, mais elle n’a pas pour autant dérogé aux dispositions d’ordre public s’imposant à elle, compte tenu des conditions de financement de l’acquisition des bâtiments [K] et [X],
* ainsi elle a régularisé les situations locatives des locataires qui en étaient d’accord à l’expiration des baux UAP/AXA, situations locatives qui se sont poursuivies sous le régime du livre IV du Code de la construction et de l’habitation,
* s’agissant en l’espèce d’un bail PLI, il appartenait au bailleur d’attendre l’expiration du bail en cours, avant de considérer que la législation HLM était pleinement applicable ; la société Logis-Transport établit, ainsi qu’elle le soutient, avoir attendu que l’intégralité des baux conclus par la société UAP/AXA arrive à expiration, après le terme fixé par les baux initiaux éventuellement renouvelés, pour proposer la conclusion d’un bail PLI et facturer le loyer PLI correspondant ; dès lors que les dispositions de la loi de 1989 n’étaient plus applicables, elle n’était pas tenue de délivrer un congé avant l’arrivée du terme,
* le bail secteur libre ne peut être tacitement reconduit, compte tenu des dispositions de l’article 40 de la loi précitée,
* il s’ensuit qu’il n’incombait pas à la société Logis-Transports par une quelconque action, de s’opposer à la tacite reconduction du bail.
Il y a lieu de relever enfin que la société bailleresse, en proposant à M. [W] un nouveau bail relevant de la législation HLM, a voulu répondre strictement aux recommandations de la Mission interministérielle d’inspection du logement social (MILOS) qui a émis une recommandation à destination de la société Logis-Transports concernant les Damiers, lui rappelant qu’en cas d’acquisition du patrimoine privé occupé :
* les dispositions relatives aux logements conventionnés (PLS), s’appliquent immédiatement dès l’entrée en vigueur de la convention.
* les dispositions relatives aux logements non conventionnés (PLI), s’appliquent de plein droit à l’expiration du bail initial, secteur libre.
Pour toutes ces raisons, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a considéré que le bail en cours était pleinement soumis à la législation HLM.
2) sur le droit de préemption.
M. [W] dont le bail est soumis à la législation HLM n’est pas fondé à se prévaloir d’un droit de préemption sur le fondement des dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.
En outre, l’intention de démolir du bailleur social, ainsi que les autorisations administratives obtenues à cet effet, permettent également d’écarter l’application des dispositions de l’article L 443-11 du code de la construction et de l’habitation relatives à l’exercice du droit de préemption du locataire, l’économie de l’opération de rénovation urbaine ayant pour vocation la démolition préalable des logements avant toute cession, M. [W] ne peut invoquer utilement le bénéfice d’un droit de préemption sur ce fondement.
3) Sur l’absence alléguée d’effectivité des offres de relogement pour cause de nullité, subsidiairement d’inopposabilité.
Au soutien de son appel de ce chef, M. [W] fait valoir que les diverses offres de relogement, dont celle supposée valoir congé, sont entachées de nullité pour cause d’absence d’applicabilité de la législation HLM, de violation de la législation régissant les actes d’huissier de justice et d’inopposabilité des fonctions de Directrice Générale de la société Logis-Transports de Mme [B].
– sur l’inapplication de la législation HLM invoquée par M. [W].
Pour les motifs ci-dessus exposés, la cour a retenu que la législation HLM était bien applicable au bail consenti initialement à M. [W] qui ne bénéficiait d’aucun droit de préemption sur le logement, de sorte que ce moyen développé pour conclure à la nullité des offres de relogement est inopérant.
– sur la violation de la législation régissant les actes d’huissiers de justice : absence d’identification du titulaire de l’office d’huissiers de justice instrumentaire.
M. [W] fait valoir que :
– en ayant porté aux actes portant notification des offres de relogement, la mention, ‘Nous, [J] [P], [M] [Y], [W] [V], [T] [N], Huissiers de Justice associés, [G] [R], [U] [O], Huissiers de Justice salariés’, sans autre précision quant à l’identification de l’office ministériel instrumentaire des actes, l’étude d’huissiers de justice est en totale infraction avec les dispositions qui régissent les sociétés civiles professionnelles d’huissiers de justice et les exigences posées à l’article 648 du code de procédure civile,
– dans les actes établis par une société civile professionnelle, doivent figurer à peine de nullité les nom, prénoms, qualité d’associé et la signature de l’huissier de justice qui a instrumenté, ainsi que la mention de la société dont il est membre et l’adresse du siège de celle-ci,
– une telle nullité procède d’une irrégularité de fond, qui dispense celui qui s’en prévaut de prouver un grief conformément aux dispositions de l’article 119 du code de procédure civile,
– ainsi, les offres de relogement notifiées à M. [W] sont-elles entachées de nullité du chef d’une irrégularité de fond, en application des dispositions susvisées et l’article 117 du code de procédure civile,
– quand bien même, cette irrégularité serait-elle qualifiée de forme, elle n’en emporterait pas moins la nullité des offres de relogement, en application de l’article 114 du code de procédure civile, en ce que, contrairement à ce que soutient la société Logis-Transports, elles font bien grief.
La société Logis-Transports réplique que :
– ce moyen soulevé pour la première fois en cause d’appel, est particulièrement mal fondé,
– les actes d’huissier délivrés à M. [W] font référence sans ambiguïté :
* à la forme sociale de l’étude : la société civile professionnelle [P]-[Y]-[V]-[N].
* à l’identification des titulaires de l’office : Me [P], Me [Y], Me [V], Me [N],
* à l’identité de l’huissier poursuivant : soit Me [R], soit Me [N],
*à l’adresse de l’étude située à l’époque [Adresse 7].
– aucune des mentions prescrites par l’article 648 du code de procédure civile ne fait défaut dans les actes contestés,
– en toute hypothèse, à supposer même qu’une mention fasse défaut dans les actes litigieux, il ne peut s’agir que d’une irrégularité de forme ne causant aucun grief au locataire dans la mesure où l’étude [P] [Y] Diebold [N] est tout à fait identifiable sans aucune confusion possible : en effet, le locataire ne saurait sérieusement soutenir que les huissiers instrumentaires n’étaient pas titulaires de l’office d’huissier concerné et partant dépourvus de capacité ou de pouvoir,
– or, en vertu des dispositions des articles 648 et 114 ensemble du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Sur ce,
L’article 648 du code de procédure civile dispose que : ‘la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure’.
L’article 144 du même code dispose, s’agissant de vices de forme des actes de procédure, que : ‘aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief qui lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public’.
En l’espèce, l’absence de précision, dans les actes contestés, de la forme de la structure sous laquelle la société civile professionnelle exerce son activité constitue bien une irrégularité de forme qui, à l’évidence, ne cause aucun grief à M. [W], dès lors que cette étude d’huissiers de justice est nettement identifiable, ‘ayant pignon sur rue’.
– sur la nullité des offres de relogement alléguée pour cause d’inopposabilité des fonctions de directrice générale de Mme [B] au sein de la société Logis-Transports.
M. [W] invoque encore sur le fondement de l’article L 123-9 du code de commerce, la nullité des offres de relogement motif pris qu’elles ont été notifiées par huissier de justice à la requête de la société Logis-Transports prise en la personne de Mme [B] en qualité de Directrice Générale, désignée à ces fonctions selon délibération du Conseil d’administration du Logis-Transports du 28 juin 2013, alors même que cette nomination n’a été régularisée auprès du greffe du tribunal de commerce que le 13 octobre 2014.
Elle fait valoir que, conformément aux dispositions de l’article susvisé et à celles des articles R 123-66 et R 123-54 du même code, Mme [B] n’avait pas le pouvoir de représenter la société Logis-Transports envers les tiers jusqu’au 13 octobre 2014.
La société Logis-Transports réplique que :
– les offres de relogement ont été signifiées notamment au cours de l’année 2014, à la requête de Mme [H] [B], régulièrement nommée en qualité de directrice générale, lors du conseil d’administration de la société ayant siégé le 28 juin 2003,
– effectivement cette nomination n’a été régularisée auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris que le 13 octobre 2014,
– cependant, du 28 juin 2013 au 13 octobre 2014, Mme [B] pouvait valablement engager et représenter la société Logis-Transports, contrairement à ce que soutient obstinément le locataire qui confond le pouvoir d’engager et de représenter la société et la non opposabilité de la délibération aux tiers.
Sur ce,
Aux termes de l’article L 123-9 du code de commerce, ‘la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l’exercice de son activité, opposer ni aux tiers, ni aux administrations publiques qui peuvent toujours s’en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre.
En outre, la personne assujettie à un dépôt d’actes ou de pièces en annexe au registre ne peut les opposer aux tiers ou aux administrations que si la formalité correspondante a été effectuée. Toutefois, les tiers ou administrations peuvent se prévaloir de ces actes ou pièces (…)’.
Force est de constater que M. [W] fait une mauvaise interprétation des textes dont il se prévaut à l’appui de sa demande de nullité des offres de relogement qui lui ont été notifiées par la société Logis-Transports.
En effet, aussi longtemps que la délibération du conseil d’administrations du 28 juin 2013 n’a pas été déposée au greffe du tribunal de commerce, la société Logis-Transports ne pouvait opposer aux tiers la nomination de Mme [B] en qualité de Directrice générale de la société.
Pour autant, le retard dans le dépôt de la délibération du 28 juin 2013 au greffe du Tribunal de commerce est sans incidence et ne saurait entraîner la nullité des actes accomplis par Mme [B] qui a été régulièrement désignée en qualité de Directrice générale, fonction qui recouvre le pouvoir non limité de représenter et engager la société.
Ce moyen doit être écarté comme non pertinent.
Tant dans les motifs que dans le dispositif de ses conclusions, M. [W] ne conteste pas le dispositif du jugement qui a retenu que non seulement les offres de relogement notifiées à la requête de la société Logis-Transports les 12 mars 2014, 11 avril 2014 et 15 mai 2014 répondaient aux critères définis par l’article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948, mais encore que la troisième offre (valant congé signifiée le 15 mai 2014 à effet au 16 novembre 2014, visant les articles L 442-6 II du code de la construction et de l’habitation et 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 et précisant qu’à l’expiration d’un délai de six mois suivant la notification, la locataire serait déchue de tout droit au maintien dans les lieux si elle refusait l’offre formulée), est régulière au fond.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé non seulement en ce qu’il a retenu que le congé pour démolir en date du 15 mai 2014 a pris effet le 16 novembre 2014 et que depuis cette date, M. [W] est occupant sans droit ni titre, mais encore en toutes ses dispositions subséquentes, étant observé que celle relative à l’expulsion est devenue sans objet dans la mesure où, après qu’un commandement d’avoir à quitter les lieux au plus tard le 9 mai 2018 ait été délivré à M. [W] par acte d’huissier de justice en date du 9 mars 2018, il a été procédé à son expulsion effective le 1er août 2018.
3) sur l’indemnisation du trouble de jouissance.
Aux termes du dispositif de ses conclusions, M. [W] poursuit l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Logis-Transports à lui verser la somme de 4 500 euros à titre d’indemnisation de son trouble de jouissance, portant sa demande à ce titre en cause d’appel à la somme de 10 000 euros, dommages-intérêts arrêtés au 10 novembre 2017, sans préjudice de revalorisation pour la période postérieure.
Au soutien de sa demande, M. [W] fait valoir qu’il ressort d’un rapport d’enquête et de divers constats d’huissier que depuis 2006, la société bailleresse laisse se dégrader de façon éhontée l’état de la résidence [Adresse 2] au prétexte que les immeubles seraient voués à la démolition.
Elle souligne que c’est à juste titre que le premier juge a relevé que : ‘effectivement les bâtiments sont entretenus a minima par la bailleresse, puisque sa démolition est envisagée, ce qui a causé nécessairement un préjudice de jouissance envers les locataires encore présents qui ont dû vivre dans un environnement de plus en plus dégradé’, mais que c’est à tort qu’il a limité le montant de l’indemnisation du trouble de jouissance à la somme de 4 500 euros au motif que M. [W] est occupant sans droit ni titre depuis le 16 novembre 2014, mettant en évidence le caractère erroné de l’analyse.
Pour autant, en l’absence d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, étant rappelé que M. [W] n’est effectivement pas fondé à solliciter l’indemnisation d’un préjudice au -delà du 16 novembre 2014, date à laquelle il est devenu occupant sans droit ni titre, faute d’avoir libéré les lieux.
Le jugement doit également être confirmé sur ce point.
Sur l’appel incident de la société Logis-Transports.
La société Logis-Transports poursuit l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a limité la vérification du montant restant dû par M. [W] au titre des loyers, charges et taxes récupérables, en faisant application de la prescription triennale, faisant essentiellement valoir que :
– les dispositions de l’article 68 de la loi du 1er septembre 1948 en vertu desquelles les actions en nullité et actions en répétition prévues au présent chapitre se prescrivent par trois ans’, ne s’applique par à la demande du bailleur au titre des loyers et charges impayés,
– en effet dans ce cas, il y a lieu de faire application de la prescription quinquennale de droit commun applicable en matière locative,
– en l’espèce, la prescription a valablement été interrompue, par l’acte introductif d’instance qu’elle a fait délivrer au locataire le 8 janvier 2013, de sorte qu’elle peut prétendre au paiement des sommes dues postérieurement au 7 janvier 2008.
C’est effectivement à tort que la premier juge a considéré que la prescription triennale était applicable à l’action en paiement des loyers et charges de la société Logis-Transports, dans la mesure où la prescription est effectivement quinquennale.
En conséquence, le jugement doit être infirmé sur ce point et statuant à nouveau de ce chef, il y a lieu de dire et juger que la vérification confiée à l’expert judiciaire, du montant restant dû au titre des loyers, des charges mais également des indemnités d’occupation, (M. [W] ayant été déclaré occupant sans droit ni titre), s’effectuera à compter du 7 janvier 2008, la société Logis-Transports ayant effectivement interrompu la prescription par l’acte introductif d’instance qu’elle a fait délivrer le 8 janvier 2013 à M. [W] aux fins d’obtenir des sommes dues.
Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Succombant en son recours, M. [W] sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de M. [W] au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel par la société Logis-Transports peut être équitablement fixée à 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Déclare Mme [A] irrecevable en sa demande d’intervention volontaire à la présente procédure,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le bail initial consenti le 7 mai 1999, pour une durée de six ans par la société AXA COLLECTIVES à M. [W] est venu à expiration le 31 mai 2005, que la demande d’expulsion est devenue sans objet dès lors qu’elle est intervenue le 1er août 2018, et sauf en ce qu’il a limité la vérification du montant restant dû par M. [W] au titre des loyers, charges et taxes récupérables, en faisant application de la prescription triennale,
Statuant à nouveau de ce seul chef, dit et juge que la vérification confiée à l’expert judiciaire, du montant restant dû au titre des loyers, des charges mais également des indemnités d’occupation, (M. [W] ayant été déclaré occupant sans droit ni titre), s’effectuera à compter du 7 janvier 2008,
Rejette toutes autres demandes de M. [W],
Condamne M. [W] à verser à la société Logis-Transports la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [W] aux dépens d’appel pouvant être recouvrés par Me Minault, avocat au Barreau de Versailles, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle BROGLY, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,