Promotion immobilière : 18 décembre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 15/22438

·

·

Promotion immobilière : 18 décembre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 15/22438

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 1

ARRET DU 18 DECEMBRE 2018

(n° 550 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 15/22438 – N° Portalis 35L7-V-B67-BXP2Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 13/11546

APPELANTE

Société Civile SCCV DE BRANVILLE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 498 749 639

Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant Me Sylvain PAPELOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0356

INTIMES

Monsieur [X] [K]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Monsieur [A] [O],

Liquidateur de la SCP [A] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentés et ayant pour avocat plaidant Me Thomas RONZEAU de la SCP RONZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

INTERVENANTS

Monsieur [M], [Q], [P], [R] [O]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 2]

Mademoiselle [U], [Q], [G], [F] [O]

[Adresse 4]

[Localité 1]

née le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 2]

Mademoiselle [K], [Q], [O] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

née le [Date naissance 3] 1994 à [Localité 2]

Représentés et ayant pour avocat plaidant Me Thomas RONZEAU de la SCP RONZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne de LACAUSSADE, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Claude HERVE dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.

*****

Par un arrêt du 24 octobre 2017 auquel il convient de se reporter pour l’exposé du litige, cette cour a :

– infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a constaté l’absence de mise en cause de M.[K],

statuant à nouveau,

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité professionnelle exercée par la SCCV de Branville,

– dit que maître [O] a manqué à son obligation d’information et de conseil à l’égard de la SCCV de Branville ,

– débouté la SCCV de Branville de sa demande tendant à obtenir réparation de la perte de chance de réaliser une plus- value,

– ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur l’existence d’une perte de chance de renoncer à l’acquisition du terrain ou d’obtenir personnellement une autorisation de raccordement à un réseau des eaux usées.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 octobre 2018, la SCCV de Branville demande à la cour de fixer le préjudice résultant de la perte de chance de renoncer à acquérir le terrain à la somme de 3 524 200 € et le préjudice financier en résultant à la somme de 704 840 €, de condamner conjointement et solidairement la scp et les ayants droit de maître [O] à lui payer ces sommes à titre de dommages-intérêts, de dire que la somme de 3 524 200 € portera intérêts au taux légal à compter de l’assignation en justice soit le 23 juillet 2013, en tout état de cause, de débouter les intimées de leurs demandes et de les condamner conjointement et solidairement au paiement de la somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de 1ère instance et d’appel.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 septembre 2018, les intimées demandent à la cour de constater que la perte de chance de renoncer à l’acquisition du terrain ou d’obtenir personnellement une autorisation de raccordement est nulle au regard du comportement de la SCCV de Branville et des engagements pris par les associés avant toute intervention du notaire, en tout état de cause, de constater l’absence de lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice invoqué, de débouter la SCCV de Branville de toutes ses demandes, de la déclarer irrecevable en sa demande de réparation d’un préjudice financier et de la condamner à leur payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

La SCCV de Branville expose qu’elle a été constituée par le groupe Maisons de Biarritz géré par M.[T], afin de collecter des fonds permettant d’acquérir un terrain en vue de réaliser une opération immobilière à [Localité 3] et à [Localité 4] en Normandie, qu’il était ainsi proposé à des investisseurs d’acquérir des parts de la SCCV moyennant des apports financiers en compte courant destinés au financement de l’achat et du lancement de l’opération de promotion immobilière. Elle ajoute que la SCCV de Branville s’est ainsi portée acquéreuse d’un terrain pour le prix de 3 827 000 € le 5 juillet 2007 auprès de la SCI Les Hauts de Branville qui appartenait au même groupe Maison de Biarritz et qui l’avait elle-même acheté en octobre 2005 pour le prix de 1 450 000 €.

La SCCV de Branville explique qu’en raison de la caducité du permis de construire obtenu en 2005 et de la perte de l’autorisation de raccordement accordée personnellement à la SCI par une société désormais en liquidation judiciaire, elle s’est trouvée dans l’impossibilité de réaliser l’opération pour laquelle elle avait été créée.

Elle invoque ainsi son objet social tel que défini par ses statuts qui correspond précisément à la réalisation de l’opération immobilière sur le terrain en cause. Elle soutient que si elle avait su que le permis de construire sur le terrain où devait être construite la quasi-totalité du projet était susceptible de devenir caduc, elle n’aurait pas acquis. Elle ajoute qu’elle a ensuite tenté de mettre en oeuvre un projet moins ambitieux mais qu’elle n’a pas pu obtenir de permis de construire, faute de raccordement au réseau d’eau potable et au réseau d’assainissement. Elle conclut que la perte de chance de renoncer à l’opération est totale et certaine.

Elle s’oppose à l’argument du notaire qui fait valoir que, même mieux informé, M.[T]qui était à la fois le gérant de la SCI et de la SCCV, aurait néanmoins acquis le terrain. Elle fait valoir qu’il n’est pas établi que M.[T] était d’ores et déjà informé du risque alors qu’un permis de construire modificatif avait été accordé le 22 décembre 2007. Elle soutient qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir contesté l’arrêté de caducité alors que toute contestation était vouée à l’échec, en l’absence de travaux dans les deux ans suivant la délivrance du permis.

S’agissant de l’autorisation pour le raccordement au réseau d’eaux usées, la SCCV de Branville déclare qu’elle était indispensable pour la réalisation de l’opération de promotion immobilière prévue par ses statuts. Elle explique qu’elle n’a pu obtenir une nouvelle autorisation à son nom car la SC Les fermes de chartreux qui l’avait précédemment accordée, était en redressement judiciaire depuis le 22 février 2008 et que le mandataire judiciaire a préféré traiter avec la société Pierre&Vacances. Elle ajoute que ce refus d’autorisation a justifié le refus d’un nouveau permis de construire et que le permis modificatif de 2007 était marginal et ne traitait pas de ce problème. Elle conclut que, mieux informée, elle aurait nécessairement renoncé à acquérir le terrain.

La SCCV de Branville fait valoir que le terrain de [Localité 3] est désormais classé en zone agricole non constructible et que le terrain de [Localité 4] ne permet que la réalisation d’une opération modeste. Sur la base d’un rapport amiable de M.[Q], elle évalue son préjudice à la somme de 3 524 000 € correspondant à la perte de valeur du terrain.

Elle soutient, en outre, que depuis 2007, elle a immobilisé la somme de 3 827 000 € et sur la base d’un taux de rentabilité de 2%, elle évalue son préjudice financier à 704 840 € sur 10 ans. Elle ajoute qu’elle aurait pu financer l’opération immobilière en faisant appel à une ouverture de crédit adossée aux VEFA des lots à construire. Elle soutient que les sociétés associées minoritaires présentaient suffisamment de garantie pour obtenir cette ouverture de crédit. Elle conclut que son préjudice est directement en relation avec la faute du notaire.

Les intimées rappellent que vendeur et acquéreur appartenaient au même groupe dirigé par le même gérant et ils soutiennent que celui-ci aurait décidé de l’opération, même informé des risques de péremption du permis de construire. Elles font valoir que le notaire n’avait pas de contact avec les associés minoritaires et que ceux-ci ont librement consenti à s’associer aux sociétés de M.[T]. Elles ajoutent que les sociétés du groupe en raison de ponctions sur la trésorerie opérées par M.[T] avaient de graves difficultés qui ont abouti à des procédures collectives. Elles font valoir que la SCCV de Branville a été confortée dans l’idée de la validité du permis de construire par une consultation juridique. Elles soutiennent que le comportement ultérieur de la SCCV de Branville établit qu’elle aurait poursuivi l’opération et acquis le terrain ainsi que le démontre l’obtention fin 2007 d’un permis modificatif et les travaux qu’elle a fait exécuter en 2007.

S’agissant de l’autorisation de raccordement au réseau des eaux usées, les intimées font valoir qu’il n’est pas démontré une impossibilité absolue de raccordement et qu’il n’est pas établi que mieux informée la SCCV n’aurait pas procédé à l’acquisition. Elle ajoute que l’évolution de la situation ne peut lui être opposée.

Les intimées contestent en outre l’existence du préjudice tenant à la perte de valeur du terrain, faisant valoir que son caractère non constructible n’est pas démontré. Elles soutiennent également que la procédure actuelle résulte des graves dissensions entre les associés et que les quatre associés actuels ne peuvent imputer aux notaires les conséquences de leurs propres décisions. Elles rappellent qu’ils avaient limité leur investissement au coût du terrain et qu’ils ne démontrent pas leur capacité à financer l’intégralité de l’opération. Elles relèvent que la SCCV de Branville ne fournit aucune information sur le déroulement de la procédure de redressement judiciaire alors que les associés ont décidé de s’engager dans un projet différent du projet d’origine. Elles concluent à l’absence de lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice allégué alors que le nouveau projet est distinct du projet d’origine. Elles font valoir que l’objet social n’est pas limité par un permis de construire déterminé. Elle conteste également le préjudice financier qu’elle estime non recevable compte tenu de l’étendue de la réouverture des débats.

Il est constant que l’acte de vente du 5 juillet 2007 est intervenu alors que les sociétés venderesse et acquéreuse faisaient toutes deux partie du même groupe et étaient dirigées par le même gérant, M. [T].

Celui-ci, totalement maître de l’opération, prenait en considération, outre les intérêts de la SCCV de Branville, ceux de la SCI des Hauts de Branville qui en cédant le terrain, dégageait une plus value de plus de 2 300 000 € en moins de deux ans.

Par ailleurs, la SCCV de Branville avait sollicité une consultation juridique d’un avocat qui, le 25 juin 2007, quelques jours avant la signature de l’acte, concluait que les travaux entrepris ne l’avaient pas été simplement pour proroger le délai de validité du permis mais pour mener à terme l’opération de construction autorisée. Il s’en déduit que, même si le notaire n’a pas rempli son obligation d’information, la SCCV de Branville connaissait le problème de la caducité du permis de construire et détenait des éléments l’incitant à croire à sa pérennité.

Aussi la perte de chance de renoncer à l’acquisition du terrain en raison du défaut d’information et de conseil du notaire n’apparaît pas sérieuse.

S’agissant de l’autorisation, accordée le 23 janvier 2006 à la SCCV Les Hauts de Branville par M.[D], co-gérant de la SC Ferme des chartreux, de raccorder un projet d’une résidence de tourisme de 168 lots à la station d’épuration lui appartenant, informée du caractère personnel de cette autorisation, la SCCV de Branville, représentée par le même gérant que la SCI aurait pu estimer qu’elle obtiendrait facilement de la SC La ferme des chartreux une nouvelle autorisation à son nom alors que l’opération restait identique.

Aussi une information plus complète du notaire sur la portée de cette autorisation et sur la nécessité d’en obtenir une à son nom, n’aurait pas dissuadé la SCCV de Branville d’acquérir le terrain mais l’aurait seulement incitée à prendre rapidement contact avec la SC en vue d’obtenir une autorisation à son nom.

Aussi, il y a lieu d’admettre que le manque d’information à ce sujet de la part du notaire lui a a fait perdre une chance d’obtenir personnellement une autorisation de la SC La ferme des chartreux.

Cependant, même si la SCCV de Branville avait pu concomitamment à l’acte de vente, s’adresser à M. [D] pour obtenir une autorisation à son nom, il reste qu’elle n’était plus titulaire d’un permis de construire et plus en mesure de réaliser l’opération telle que visée dans l’autorisation. Elle aurait donc dû, en toute hypothèse, solliciter une nouvelle autorisation.

La SCCV de Branville s’est adressé au mandataire liquidateur de la SC La ferme de chartreux et, par une lettre du 9 avril 2013, celui-ci a demandé à ce qu’elle lui communique l’autorisation du 23 janvier 2006 ainsi que l’acte de vente entre la SCI et la SCCV. Les suites données à cette lettre sont inconnues de la cour de sorte que si le mandataire liquidateur a opposé un refus, les causes en sont ignorées. Il ne peut donc être retenu de lien de causalité entre le défaut d’information imputable au notaire sur le caractère personnel de l’autorisation et le refus d’une nouvelle autorisation au profit de la SCCV de Branville.

Il n’est donc pas établi de préjudice en lien avec le défaut d’information imputable au notaire et l’absence d’autorisation de raccordement au réseau d’eaux usées.

Il y a donc lieu de débouter la SCCV de Branville de ses demandes d’indemnisation.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Deboute la SCCV de Branville de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCCV de Branville aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Ronzeau, selon l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x