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CIV. 1
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 octobre 2019
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 855 F-D
Pourvoi n° W 18-22.769
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ M. W… U…, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritier de Z… S…, veuve U…,
2°/ Mme P… I…, épouse U…,
domiciliés tous deux […],
3°/ la société Marolain, société à responsabilité limitée,
4°/ la société Maral, société à responsabilité limitée,
ayant toutes deux leur siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 28 juin 2018 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige les opposant à Mme L… U…-Y…, domiciliée […] , prise tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritière de Z… S…, veuve U…,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 17 septembre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Auroy, conseiller doyen rapporteur, M. Vigneau, conseiller, Mme Berthomier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Auroy, conseiller doyen, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. U…, de Mme I…, épouse U…, et des sociétés Marolain et Maral, de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme U…-Y…, l’avis de M. Q…, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 28 juin 2018), que le 28 avril 2004, O… U… et son épouse, Z… S…, ont consenti une donation-partage à leurs deux enfants, M. W… U… recevant les terres et terrains non bâtis tandis que Mme L… U…, épouse Y…, recevait une soulte ; qu’après le décès de son père, celle-ci a demandé l’annulation pour dol de cet acte ;
Sur le moyen unique, pris en ses première à quatrième et septième à neuvième branches :
Attendu que M. U…, son épouse, Mme I…, et les sociétés Marolain et Maral, que ceux-ci ont constituées avec leur fils (les consorts U…), font grief à l’arrêt d’annuler la donation-partage du 28 avril 2004, alors, selon le moyen :
1°/ que le dol n’est une cause de nullité de la convention que s’il émane de la partie envers laquelle l’obligation est contractée ; que dans le cadre d’une donation-partage, le dol invoqué par le donataire n’est une cause de nullité de la convention que si le donateur en est l’auteur ; qu’après avoir justement énoncé que commet un dol entraînant la nullité de la donation-partage le donateur qui, dans le but de rompre l’égalité du partage, s’abstient de faire part à l’un des gratifiés d’une information à qui, si elle avait été connue de lui, l’aurait conduit à refuser de contracter, la cour d’appel a néanmoins annulé la donation-partage du 28 avril 2004 en se fondant, non pas sur le dol du donateur, mais sur celui du codonataire, M. U… ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu’en tout état de cause, la réticence dolosive n’est cause de nullité qu’à la condition que le cocontractant auquel elle est imputée soit tenu envers l’autre d’une obligation d’information ; que le donataire d’un bien n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit d’un codonataire sur la valeur du bien objet de la donation ; qu’en décidant que M. U… avait commis une réticence dolosive à l’égard de Mme U…-Y… en gardant le silence sur le classement en zone constructible des terrains sis à […] et faisant l’objet de la donation-partage tandis que M. U…, codonataire, n’était pas tenu, lors de la donation-partage, d’attirer l’attention de Mme U…-Y… sur la nature constructible de ces terrains puisqu’il n’était pas tenu de l’informer sur la valeur potentielle de ces terres, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°/ qu’en tout état de cause, l’obligation précontractuelle d’information dont est redevable un cocontractant envers l’autre trouve sa limite dans le devoir de se renseigner dont cette autre partie est tenue ; qu’en l’espèce, les consorts U… faisaient valoir que Mme U…-Y… était assistée par un notaire lors des négociations en vue de la donation-partage, un premier projet ayant été établi le 8 août 2003, et qu’elle était donc à même de faire apprécier la valorisation des parcelles objet de la donation ; qu’ils ajoutaient que M. D…, notaire de Mme U…-Y… à l’époque, avait une connaissance de la réalité locale et que les informations relatives à la valeur des terrains donnés étaient disponibles depuis plusieurs mois ; qu’ils rappelaient que, selon une attestation de M. G…, leur notaire, M. D… avait suggéré à sa cliente de ne pas signer la donation-partage dans la mesure où elle ne lui attribuait aucun terrain ; qu’il résultait de ces éléments que Mme U…-Y…, en acceptant néanmoins la donation-partage, avait nécessairement renoncé à obtenir l’attribution en nature de terrains et à la possibilité de les revendre dans le cadre d’une opération de promotion immobilière, qui n’était pas interdite par la donation-partage ; qu’en considérant que le silence gardé sur la constructibilité des terrains situés à […] constituait une réticence dolosive entraînant l’annulation de la donation-partage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme U…-Y… était en mesure de se renseigner sur la nature constructible des terrains donnés et leur valeur, dès lors qu’elle était assistée par un notaire, qu’elle avait disposé du temps nécessaire pour vérifier ce point et que l’acte n’interdisait pas à M. U… de vendre les terrains donnés dans le cadre d’une opération de promotion immobilière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ qu’en tout état de cause, le dol sanctionne le consentement obtenu par tromperie, manoeuvre ou réticence ; que le fait de ne pas révéler ses projets personnels n’est pas constitutif d’un dol ; qu’en jugeant que le fait pour M. U…, exploitant agricole, de ne pas avoir révélé qu’il avait le projet de diversifier ses activités et de devenir un professionnel de l’immobilier était constitutif d’un dol, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5°/ qu’en tout état de cause, la réticence dolosive s’apprécie à la date de conclusion du contrat et ne peut résulter de circonstances survenues postérieurement à cette conclusion ; que, pour juger que M. U… était l’auteur d’une réticence dolosive concernant la nature constructible des terrains faisant l’objet de l’acte de donation-partage du 28 avril 2004, la cour d’appel a relevé que, selon M. V…, expert de Mme U…-Y…, la modification du zonage de […] l’a été par délibération approuvée par la communauté de communes le 25 septembre 2007 et que M. U… avait obtenu de la commune de […], le 8 décembre 2005, sous le numéro […], un permis de construire un groupe d’habitations de 628 m² de SHON et, le 22 décembre 2005, de la commune de Marignane, un arrêté de lotir portant le numéro […] ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel, qui s’est prononcée en considération d’éléments postérieurs à la conclusion de la donation-partage, a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
6°/ qu’en tout état de cause, le juge ne peut prononcer la nullité du contrat en raison du silence de l’une des parties envers l’autre sur une information déterminante de son consentement qu’à la condition de constater l’intention dolosive de cette réticence ; que pour juger que M. U… était l’auteur d’une réticence dolosive, la cour d’appel énonce que celui-ci s’est « prévalu de sa qualité d’exploitant agricole, alors qu’il avait le projet, dès la signature de l’acte de donation-partage, de diversifier ses activités et de devenir un professionnel de l’immobilier » ; qu’en statuant de la sorte, sans aucunement constater l’intention de M. U… de tromper Mme U…-Y… sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
7°/ qu’en tout état de cause, le juge ne peut prononcer la nullité du contrat en raison du silence de l’une des parties envers l’autre sur une information déterminante de son consentement qu’à la condition de constater l’intention dolosive de cette réticence ; que, pour juger que M. U… était l’auteur d’une réticence dolosive, la cour d’appel énonce que celui-ci avait « dissimulé » à sa soeur le classement des terrains situés à […] en zone constructible ; qu’en statuant de la sorte, sans relever l’existence d’une dissimulation « intentionnelle », c’est-à-dire sans constater l’intention de M. U… de tromper Mme U…-Y… sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Mais attendu que la cour d’appel a justement retenu que le donataire pouvait invoquer, comme cause de nullité de la donation-partage, non seulement le dol du donateur, mais aussi celui de son copartagé ;
Et attendu que l’arrêt constate que, sur l’ensemble des parcelles situées sur la commune de […] mentionnées en nature de labours et de vignes dans l’acte de donation-partage, et évaluées comme telles, l’une était en réalité constructible, d’autres le sont devenues, après une modification du zonage intervenue au terme d’une procédure de révision du plan local d’urbanisme lancée le 19 octobre 2001, ce qui a permis à M. U… d’entreprendre, entre 2005 et 2008, des opérations immobilières dégageant d’importantes plus-values ; qu’il relève que celui-ci, exploitant agricole et membre du conseil municipal de cette commune depuis le 18 mars 2001, ne pouvait ignorer le projet de classement en zone constructible des terres, contrairement à Mme U…-Y…, pharmacienne de profession et ne résidant pas sur place ; qu’ayant souverainement estimé qu’il résultait des circonstances, tant antérieures que postérieures, que M. U… escomptait, dès la signature de l’acte litigieux, diversifier ses activités et devenir un professionnel de l’immobilier, tandis que Mme U…-Y… n’avait consenti à la donation-partage aux conditions prévues qu’en considération de ce que son frère poursuivrait l’exploitation familiale, de sorte que celui-ci lui avait dissimulé une information qu’il savait déterminante pour elle, et fait ainsi ressortir que, tenu d’un devoir général de loyauté à son égard, sa réticence était intentionnelle, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que le dol était caractérisé ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur les cinquième, sixième et dixième à douzième branche du moyen, ci-après annexé :