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N° R 18-81.874 F-P+B+I
N° 989
VD1
12 JUIN 2019
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
REJET des pourvois formés par M. W… G…, prévenu, l’association U Levante, partie civile, contre l’arrêt de la cour d’appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2018, qui, pour infractions au code de l’urbanisme, a condamné le premier à 20 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 16 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de M. le conseiller SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général LE DIMNA ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme partiellement et des pièces de procédure que M. W… G… a procédé, à compter de décembre 2014, à divers travaux sur un “caseddu” (ancienne bergerie) situé dans une zone NP du plan local d’urbanisme de la commune de […], destinée à protéger les espaces à valeur paysagère et dans laquelle sont interdites toutes constructions et installations incompatibles avec le caractère de la zone et notamment toute construction nouvelle ; que, le 13 octobre 2015, un agent de la Direction départementale des territoires et de la mer de la Corse du Sud (DDTM) a dressé un procès-verbal constatant la réalisation, sans autorisation préalable, d’une maison d’une surface de plancher de 69,44 m2 ; qu’un arrêté du Préfet de Corse du 3 novembre 2015 a ordonné l’interruption des travaux ; que, le 21 juin 2016, un nouveau procès-verbal a été établi par la DDTM pour non respect de cet arrêté ; que M. G… a été convoqué devant le tribunal correctionnel qui l’a relaxé du chef de poursuite de travaux malgré un arrêté en ordonnant l’interruption, et qui, pour exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et infraction au plan local d’urbanisme, l’a condamné à 5 000 euros d’amende avec sursis et, sur l’action civile, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ; que M. G… et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. W… G…, pris de la violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 111-3 dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, L. 421-1, R. 421-1, R. 421-14, L. 480-4, L. 480-5 et L. 780-7 du code de l’urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
“en ce que l’arrêt a, confirmant le jugement, déclaré M. W… G… coupable des faits qui lui sont reprochés et l’a condamné au paiement d’une amende de 20 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;
“1°) alors que si l’alinéa 1er de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016 ne dispense pas de la demande d’un permis de construire, il en est autrement de l’alinéa 2 qui prévoit les travaux de restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs ; que la règle s’applique aux bâtiments en ruines dès lors qu’ils répondent à ces conditions ; qu’en relevant, pour déclarer M. G… coupable d’exécution de travaux sans permis de construire, que “La notion de “construction existante” exclut nécessairement les constructions en ruine”, la cour d’appel a violé les textes susvisés, notamment l’article L. 111-3, alinéa 2, du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable au moment des faits ;
“2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision, que l’insuffisance de motifs équivaut à son absence ; que, dans ses conclusions d’appel, M. G… soutenait que si l’alinéa 1er de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016 ne dispense pas de la demande d’un permis de construire, il en est autrement de l’alinéa 2 qui prévoit les travaux de restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs ; qu’en relevant que “l’enquête n’a pas permis de préciser ni la superficie, ni l’état du bâti préexistant” puis que “la restauration de la caseddu se trouvait en totale corrélation avec la charte conclue pour la préservation du plateau de […]” sans rechercher, comme il lui était demandé, si les restaurations effectuées n’excluaient pas tout demande d’un permis de construire, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale” ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d’exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et d’infraction au plan local d’urbanisme, l’arrêt attaqué énonce que les articles R. 421-13 et R. 421-14 du code de l’urbanisme dispensent de toute formalité les travaux exécutés sur des constructions existantes, sauf exceptions telles que la création d’une surface supérieure à 20 m2, que la notion de construction existante exclut nécessairement les constructions en ruine et que les dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme applicables au moment des faits ne dispensent pas de solliciter un permis de construire ; que, par motifs propres et adoptés, la cour d’appel précise que l’enquête n’a pas permis de déterminer la superficie et l’état exacts du bâti préexistant, mais qu’il résulte des propres déclarations du prévenu que “les murs étaient à terre” et que seules des ruines subsistaient ; que les juges ajoutent que M. G… a reconnu que la reconstruction n’était pas réalisée à l’identique puisqu’il indique que la surface de la bergerie devait être de l’ordre de 38 m2, alors que la superficie actuelle est, selon lui de 49 m2 et, selon la DDTM, de 66,44 m2 ; qu’ils en concluent qu’il ne s’agit pas d’une simple restauration ou réhabilitation d’une bâtisse en conservant les murs porteurs, mais d’une construction nouvelle à l’emplacement d’une bâtisse en pierres détruite, au sein de la zone NP du plan local d’urbanisme ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, dont il résulte que les travaux entrepris, d’une part, n’entraient pas dans les prévisions de l’article L. 111-3, alinéa 2, du code de l’urbanisme faute qu’aient subsisté des murs porteurs, d’autre part, consistaient en une nouvelle construction soumise à obtention préalable d’un permis de construire, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour M. W… G…, pris de la violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 132-1, 132-19, 132-20, 132-24, 132-25 à 132-28 du code pénal, des articles préliminaire, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
“en ce que l’arrêt a, infirmant le jugement sur la peine, condamné M. G… au paiement d’une amende de 20 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;
“alors que la peine d’amende privant la personne condamnée d’une partie de son patrimoine, doit être motivée au regard de ressources et charges du prévenu ; qu’en se bornant à se référer au casier judiciaire de M. G… qui ne porte trace d’aucune condamnation, à la gravité de l’infraction, au fait qu’il exerce la profession de promoteur immobilier, qu’il a trois enfants à charge sans dire en quoi, au cas d’espèce, au regard des ressources et des charges du prévenu, la nécessité des peines et le principe de proportion commandaient une peine d’amende de ce montant, peine qui affecte tant la situation matérielle que familiale de M. G…, les juges du fond ont privé leur décision de base au regard des textes et principe susvisés” ;
Attendu que, pour condamner le prévenu à une peine d’amende, l’arrêt attaqué énonce que son casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation, qu’il exerce la profession de promoteur immobilier et déclare, sans fournir aucune pièce justificative, qu’il dispose de revenus mensuels de 2 500 euros, qu’il a trois enfants à charge et qu’il a investi environ 40 0000 euros dans la restauration de la bergerie ; que la cour d’appel précise que la peine d’amende de 5 000 euros avec sursis prononcée par le tribunal correctionnel apparaît insuffisante au regard de la nature des faits, de la personnalité et de la situation du prévenu, mais qu’une peine d’amende de 20 000 euros constitue une sanction proportionnée à la gravité des délits reprochés et prend en compte la nature de la construction, son implantation qui, selon l’Office national des forêts, “respecte le style d’origine et n’est pas en désaccord avec l’environnement”, ce que confirme la position adoptée par la mairie de […] et par l’association pour la sauvegarde et l’avenir du plateau de […], de telle sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la remise en état des lieux requise par le ministère public ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui satisfont aux dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut, dès lors, être accueilli ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour l’association U Levante, pris de la violation du principe de la réparation intégrale du préjudice, des articles 1382 devenu 1240 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale :
“en ce que l’arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, a rejeté la demande de remise en état des lieux formée par l’association U Levante à titre de réparation civile, et n’a admis que la réparation d’un préjudice moral en condamnant le prévenu à verser à ce titre à la partie civile la somme d’un euro ;
“1°) alors que le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que la méconnaissance d’une interdiction de construire en zone protégée pour ses caractéristiques naturelles cause nécessairement un préjudice environnemental ; qu’en l’espèce, le bâtiment litigieux, reconstruit par M. G…, d’une surface de 66,44 m², était situé en zone inconstructible constituant un espace naturel à protéger en raison de sa valeur paysagère (Np), mais aussi écologique, floristique et faunistique (Nz), outre son classement en espace boisé classé ; que la méconnaissance de l’interdiction de construire par le prévenu causait nécessairement un préjudice environnemental ; qu’en excluant tout préjudice autre que moral, l’arrêt attaqué a violé les textes et principes susvisés ;
“2°) alors que tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en s’abstenant de rechercher si, indépendamment des avis de l’office national des forêts, de la mairie de […] et du président de l’APAB, une atteinte à l’environnement ne résultait pas des caractéristiques naturelles de la zone ayant justifié l’interdiction de construire, méconnue par le prévenu, au regard non seulement de la beauté du paysage, mais aussi de son intérêt écologique, floristique et faunistique, et de son classement en espace boisé classé, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés ;
“3°) alors qu’en laissant sans aucune réponse les conclusions de l’association U Levante, invoquant l’atteinte à l’environnement résultant de la réalisation d’une piste et des conséquences induites par l’occupation de la bergerie, telles que l’arrivée de l’eau potable, l’installation de l’électricité, l’évacuation des eaux usées, la production de déchets, et les allers et venues, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes précités” ;
Attendu que l’arrêt attaqué énonce que le principe de la réparation intégrale du dommage n’impose pas aux juges d’ordonner la démolition que réclame la partie civile, mais de définir les modalités les plus appropriées à la réparation de celui-ci ; que la cour d’appel observe que l’Office national des forêts n’a pas relevé de “désaccord avec l’environnement”, que la mairie de […], qui ne s’est pas constituée partie civile, a indiqué que la restauration du “caseddu” se trouvait “en totale corrélation” avec la charte conclue pour la préservation du plateau de […] et que le président de l’association pour la sauvegarde et l’avenir dudit plateau a confirmé cette déclaration en précisant que la construction s’intégrait parfaitement au site et ne nuisait en rien à l’environnement ; que les juges ajoutent qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la remise en état, mais que la construction réalisée, en s’affranchissant de la réglementation de l’urbanisme, porte atteinte aux intérêts généraux de protection de l’environnement défendus par l’association, laquelle subit un préjudice qui doit être réparé par l’allocation d’une somme d’un euro ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, et dès lors qu’elle a souverainement apprécié, dans la limite des conclusions des parties et à partir des éléments qu’elle a estimé pertinents, que la remise en état des lieux ne constituait pas une mesure propre à réparer le dommage né de l’infraction, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre la partie civile dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision ;
Qu’ainsi le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze juin deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme partiellement et des pièces de procédure que M. W… G… a procédé, à compter de décembre 2014, à divers travaux sur un “caseddu” (ancienne bergerie) situé dans une zone NP du plan local d’urbanisme de la commune de […], destinée à protéger les espaces à valeur paysagère et dans laquelle sont interdites toutes constructions et installations incompatibles avec le caractère de la zone et notamment toute construction nouvelle ; que, le 13 octobre 2015, un agent de la Direction départementale des territoires et de la mer de la Corse du Sud (DDTM) a dressé un procès-verbal constatant la réalisation, sans autorisation préalable, d’une maison d’une surface de plancher de 69,44 m2 ; qu’un arrêté du Préfet de Corse du 3 novembre 2015 a ordonné l’interruption des travaux ; que, le 21 juin 2016, un nouveau procès-verbal a été établi par la DDTM pour non respect de cet arrêté ; que M. G… a été convoqué devant le tribunal correctionnel qui l’a relaxé du chef de poursuite de travaux malgré un arrêté en ordonnant l’interruption, et qui, pour exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et infraction au plan local d’urbanisme, l’a condamné à 5 000 euros d’amende avec sursis et, sur l’action civile, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ; que M. G… et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
En cet état ;