Promesse de porte-fort : 10 novembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02347

·

·

Promesse de porte-fort : 10 novembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02347

10 novembre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG
22/02347

10/11/2023

ARRÊT N°2023/415

N° RG 22/02347 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O3EM

MD/CD

Décision déférée du 18 Mai 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CASTRES

( F21/00024)

[R] [M]

Section Industrie

[O] [V]

C/

SA GROUPE [D]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 10/11/23

à Me ROMIEU,

à Mme [Y]

(LR/AR)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [O] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Mme [F] [Y] [K], défenseur syndical

INTIM »E

SA GROUPE [D]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier ROMIEU de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM », présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE:

Mme [O] [V] a été engagée le 28 octobre 2008 par la SA Groupe [D], en qualité d’ouvrière polyvalente, coefficient 130, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des entreprises de l’industrie et des commerces en gros des viandes.

Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée a exercé les fonctions de préparatrice commandes.

Du 24 septembre 2019 au 31 janvier 2020, Mme [O] [V] a été placée en arrêt de travail.

Le 11 février 2020, à l’issue d’une visite médicale de reprise, la salariée a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, ce dernier ayant considéré qu’elle « pourrait occuper un poste sans manutention de charge de plus de 5 kg ».

Par courrier du 3 avril 2020, la salariée a été licenciée pour impossibilité de reclassement à la suite d’une inaptitude physique.

Aux termes de la transaction signée entre les parties le 21 avril 2020, Mme [V] a reçu la somme de 5.000 €, en contrepartie de quoi elle a renoncé à agir en justice pour tout litige portant sur l’exécution et la rupture du contrat de travail.

Par courrier du 2 juin 2020, la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme [V].

Le 24 mars 2021, Mme [O] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Castres pour contester son licenciement et obtenir le versement de plusieurs sommes à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 18 mai 2022, le conseil de prud’hommes de Castres a :

– jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SA Groupe [D] à payer à Mme [O] [V] la somme de 12.000 € à titre de dommages et intérêts, desquels doit être déduit l’indemnité transactionnelle d’un montant de 5.000 € ;

– condamné la société à payer à la salariée la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté Mme [V] de l’ensemble de ses autres demandes ;

– débouté la SA Groupe [D] de la totalité de ses demandes ;

– condamné la société aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 21 juin 2022, Mme [O] [V] a interjeté appel partiel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 juin 2023, Mme [O] [V] demande à la cour de:

– réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes indemnitaires concernant l’inexécution de la promesse de porte-fort et le caractère vexatoire du licenciement et, statuant à nouveau, de :

– condamner la SA Groupe [D] à lui payer les sommes suivantes :

* 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution de la promesse de porte-fort,

* 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ou, à titre subsidiaire, 7.000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice résultant de l’utilisation de son image sur le site de l’entreprise ;

– condamner la société aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 21 juin 2023, la SA Groupe [D] demande à la cour :

– de déclarer irrecevable, au visa des articles 564 et 566 du code de procédure civile, la demande indemnitaire relative à l’utilisation de l’image de la salariée et, subsidiairement de la déclarer irrecevable comme étant prescrite ;

– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [O] [V] de ses demandes indemnitaires pour inexécution de la promesse de porte-fort et licenciement vexatoire ;

– de débouter la salariée du surplus de ses demandes ;

– de condamner Mme [O] [V] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 15 septembre 2023.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur l’inexécution de la promesse de porte-fort :

Madame [V], licenciée pour inaptitude, fait valoir que M. [B], le responsable des ressources humaines, s’était engagé à la rembaucher sur un poste administratif, après l’obtention de son diplôme d’aide comptable. Selon elle, cette promesse de porte-fort lui a été consentie au moment de la transaction, pour compenser la modicité de la somme versée. Elle ajoute que M. [B] disposait du pouvoir de l’embaucher eu égard à son statut de responsable des ressources humaines.

La société oppose que l’action pour non-respect de la promesse de porte-fort, si le dit engagement allégué devait être qualifié comme tel, aurait dû être engagée à l’encontre du promettant lui-même, M. [B]. L’intimée précise qu’aucune offre ou promesse de contrat ne peut être caractérisée et que M. [B] n’avait aucunement le pouvoir d’embaucher des salariés, sans l’accord de ses supérieurs hiérarchiques. En toute hypothèse, la société affirme que la salariée ne démontre pas de préjudice.

Sur ce,

L’article 1204 du code civil est ainsi rédigé :

On peut se porter fort en promettant le fait d’un tiers.

Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts.

Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit.

Il résulte de ce texte que le porte-fort est un contrat conclu entre le promettant et le bénéficiaire de la promesse, laquelle permet d’envisager les opérations distinctes suivantes :

– le promettant s’engage auprès du bénéficiaire à ce qu’un tiers prenne un acte juridique déterminé (porte-fort de conclusion) ;

– le promettant s’engage auprès du bénéficiaire à ce qu’un tiers ratifie l’acte déjà conclu (porte-fort de ratification) ;

– le promettant garantit au bénéficiaire l’exécution du contrat que ce dernier a conclu avec un tiers (porte-fort d’exécution).

En application des articles 1113 à 1117 du code civil, l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur.

En vertu de l’article 1124 du code civil, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis.

Au cas d’espèce, la salariée produit deux attestations de:

– M. [E] [K], conseiller syndical CGT [D] [Localité 3], lequel expose : « après le licenciement de Mme [V], M. [B] et moi-même avons évoqué les modalités de la transaction. Nous avons convenu avec l’intéressée, compte tenu de la promesse de réembauchage, d’une contrepartie financière modeste en réparation du préjudice qu’elle a subi. M. [B], à ce moment-là, s’est engagé clairement et sans équivoque à rembaucher Mme [V] à un poste administratif après qu’elle ait fait sa formation d’aide comptable. Mme [V] ayant ainsi fini sa formation, je l’ai joint [M. [B]] au téléphone (sur haut-parleur) en présence de cette dernière et de M. [Z] [C], délégué chez [D], pour l’informer qu’elle avait terminé sa formation et lui demander quel poste il pensait pour elle. M. [B] a répondu à cette question par ‘oui je me souviens, je crois que je me suis engagé un peu trop vite pour Mme [V], [D] n’est pas dans l’optique de nouvelles embauches’ » (attestation du 2 mars 2021) ; le témoin ajoute : « M. [B] s’était engagé auprès de moi (‘). M. [B] s’est engagé librement à fournir un travail à Mme [V] après sa formation et plutôt dans l’administration, car il avait été séduit par sa formation initiale en gestion » (attestation du 28 septembre 2021).

– M. [C], boucher au sein de l’entreprise, lequel confirme avoir assisté à la conversation téléphonique sus-évoquée par M. [K] : « il [M. [B]] a textuellement dit qu’il s’était avancé trop vite et que l’entreprise n’était pas actuellement dans l’optique d’embaucher », l’attestant soulignant : « j’ai eu des informations comme quoi [O] [V] était licenciée et que M. [B] s’engageait à la reprendre dans les services administratifs après sa formation comptable ».

Pour ces témoins, M. [B] se serait donc engagé auprès de Mme [V] et de M. [K] lui-même, à rembaucher l’appelante à l’issue de sa formation d’aide-comptable.

En réponse, l’entreprise [D] verse aux débats le témoignage de M. [B], responsable des ressources humaines, lequel explique, dans l’attestation aux termes de laquelle il précise avoir eu connaissance que sa responsabilité pénale pouvait être engagée en cas de fausse déclaration, que : « nous avons eu, avec M. [K], trois appels téléphoniques au sujet de Mme [V].

Appel 1 : (‘) M. [K] m’informe que Mme [V] a terminé sa formation et qu’elle peut tenir un poste administratif. Il me demande de la rembaucher. Je l’informe devoir parler de cela avec ma hiérarchie.

Appel 2 : (‘) Je l’informe que nous ne pouvons pas rembaucher Mme [V]. Je dis m’être engagé trop vite sans faire étudier cette possibilité (‘).

À aucun moment je n’ai promis ni à M. [K] ni à Mme [V] de la réembaucher ».

En premier lieu, il s’évince des attestations précitées que M. [B] n’a pas promis à Mme [V], de manière expresse, voire tacite, par des actes démontrant une intention certaine et non équivoque, la conclusion d’un contrat de travail avec la société [D]. Ainsi, aucun porte-fort de conclusion n’est établi.

En second lieu, à défaut d’accord sur le poste de travail et la rémunération, aucun contrat de travail n’a pu être conclu entre M. [B], pour le compte de la société [D] et Mme [V]. Ainsi, aucun porte-fort de ratification n’est établi.

En toute hypothèse, quand bien même les faits auraient permis de caractériser un contrat de porte-fort, Mme [V] ne pouvait que diriger ses demandes à l’encontre M. [B], le co-contractant supposé et non contre la société [D], tiers à ladite convention.

En troisième lieu, aucune promesse de porte-fort relative à l’embauche de Mme [V] ne peut avoir été conclue entre M. [B] et M. [K], ce dernier n’en étant pas le bénéficiaire. Au surplus, aucune stipulation pour autrui ne peut être caractérisée à défaut pour Mme [V] d’établir l’existence d’un engagement clair et non équivoque entre M. [B] et M. [K].

En quatrième lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le pouvoir de M. [B] de conclure un contrat de travail pour l’entreprise [D], la cour retient qu’à défaut d’indications précises sur le poste de travail et la rémunération, les faits présentés ne permettent pas de caractériser l’émission d’une offre de contrat de travail ou la conclusion d’une promesse de contrat de travail.

Enfin, les attestations de MM. [K] et [C] sont insuffisantes pour établir que la transaction formalisée par acte sous-seing privé le 21 avril 2020 comprend, au-delà des stipulations écrites relatives à la contrepartie financière, une obligation de rembaucher Mme [V].

Il n’est donc pas établi que Mme [V] a été « dupée », étant souligné qu’elle ne démontre pas que M. [B] lui aurait indiqué de conserver le badge et les clés de l’entreprise en lui disant : « vous en aurez besoin quand vous reviendrez ».

La cour considère donc que M. [B] et M. [K] ont seulement évoqué la possibilité de rembaucher Mme [V], ce qui ne pouvait que constituer une invitation à rentrer en pourparlers.

Par conséquent, la demande indemnitaire de Mme [V] formée à l’encontre de la société [D] sera rejetée.

Sur le caractère vexatoire du licenciement :

Mme [V] fait état de son investissement au sein de la société Groupe [D] et reproche à son employeur de ne pas avoir eu la même ardeur qu’elle afin de lui trouver un poste de reclassement.

La salariée ajoute avoir été vexée de recevoir une lettre de recommandation de son supérieur hiérarchique, adressée spontanément cinq mois avant la rupture, laquelle était en réalité préméditée. Cela a eu pour conséquence d’affecter le lien avec ses collègues ayant eu connaissance de son départ de l’entreprise avant l’heure.

Elle explique être demeurée à l’affiche d’une publicité sur le site internet de l’entreprise, à la suite de son licenciement, la société ayant refusé de déférer à sa demande de retrait. Mme [V] considère avoir été trompée, car elle pensait que l’autorisation d’utiliser son image, donnée en 2014, serait limitée dans le temps. L’appelante invoque avoir été victime d’un dol, alors qu’aucun double de l’autorisation d’exploitation de son image ne lui a été remise, ce qui l’a empêchée de la contester. La publicité litigieuse, orientée vers le recrutement du personnel [D], mentionne : « nous avons forcément un job pour vous ! » ; Mme [V] décrit l’ironie de la situation, puisqu’elle-même n’a pas été reclassée ou rembauchée et donc n’a pas conservé ou obtenu un « job » au sein de la société qu’elle promeut. En outre, selon l’appelante, l’autorisation doit être limitée dans le temps et prévoir un territoire précis, comme la France par exemple. La salariée soutient enfin qu’une telle affiche l’a placée dans une situation de mépris en raison du licenciement prononcé, ce qui a généré plusieurs remarques de ses collègues et de ses proches.

La société [D] répond que les circonstances du licenciement ne sont aucunement vexatoires. Les éléments invoqués par la salariée relèvent principalement de la rupture injustifiée du contrat de travail, ce sur quoi le conseil de prud’hommes s’est déjà prononcé.

Enfin, la société expose que le licenciement est étranger à l’utilisation de l’image de la salariée dans le cadre d’une campagne publicitaire. En toute hypothèse, il n’y a aucune atteinte au droit à l’image, le dol allégué par l’appelante n’étant pas établi ; son action indemnitaire est d’ailleurs prescrite sur ce fondement.

Sur ce,

Il est de principe que si le salarié justifie d’un préjudice distinct du licenciement lui-même en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture du contrat de travail, peu important que cette rupture repose sur une cause réelle et sérieuse, il est fondé à en obtenir réparation par l’allocation de dommages et intérêts.

Au cas d’espèce, s’agissant des éléments invoqués par Mme [V] relatifs à son investissement dans l’entreprise, à l’intensité du reclassement, à la lettre de recommandation et au caractère prémédité de son licenciement, la cour considère qu’ils sont manifestement étrangers aux circonstances de la rupture du contrat de travail.

Au surplus, M. [S] [P], responsable d’atelier et auteur de la lettre de recommandation, atteste l’avoir rédigée à la demande de Mme [V], sans connaître l’utilisation qu’elle en ferait, étant précisé qu’aucune procédure de licenciement n’était en cours quand il l’a délivrée.

S’agissant de l’atteinte au droit à l’image, elle demeure étrangère aux circonstances de la rupture du contrat de travail de Mme [V] qui ne démontre aucunement l’intention de l’employeur de maintenir abusivement la publicité litigieuse au moment du licenciement, afin de l’humilier.

La salariée, qui n’invoque aucun élément de fait utile, sera donc déboutée de sa demande indemnitaire.

Sur l’atteinte au droit à l’image :

Sur la recevabilité de la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire

Si l’article 564 du code de procédure civile interdit par principe de formuler des demandes nouvelles en appel, l’article 565 du même code précise que les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

L’employeur explique à juste titre que la demande subsidiaire de Mme [V] est formulée pour la première fois devant la cour.

En revanche, Mme [V] a soumis au conseil de prud’hommes une demande indemnitaire pour licenciement vexatoire, en se fondant principalement sur l’usage illicite de son image dans le cadre d’une publicité maintenue à tort après son départ de l’entreprise.

La demande subsidiaire fondée sur l’atteinte au droit à l’image tend aux mêmes fins que la demande indemnitaire pour licenciement vexatoire en ce qu’elle vise la protection des mêmes intérêts et la réparation d’un préjudice identique.

La demande est donc déclarée recevable.

Sur le bien-fondé de la demande indemnitaire

Les dispositions de l’article 9 du code civil, seules applicables en matière de cession de droit à l’image, relèvent de la liberté contractuelle et ne font pas obstacle à celle-ci dès lors que les parties ont stipulé de façon suffisamment claire les limites de l’autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l’exclusion de certains contextes.

Il s’en déduit que la méconnaissance de ce texte ne peut être invoquée qu’à la condition que la diffusion litigieuse ne se rattache pas à l’exécution du contrat.

L’intéressé ne recouvre la possibilité d’agir en justice sur la base de l’article 9 du code précité, que lorsque l’emploi contesté de son image est sans rapport avec l’exécution du contrat d’exploitation.

La seule constatation de l’atteinte au respect du droit à l’image ouvre droit à réparation.

En l’espèce, l’employeur verse aux débats une autorisation d’exploitation de photographies signée le 5 septembre 2014 par la salariée : « Je soussignée [O] [V], résidant à [Localité 3], employée par la société du Groupe [D] [Localité 3], en qualité d’ouvrière, autorise celle-ci, domiciliée au [Adresse 2], à utiliser à des fins techniques, publicitaires et commerciales, sur quelque support que ce soit et sans limitation de durée, les photos prises le 6 juin 2014 sur le chantier [D] [Localité 3] et sur lesquelles je figure dans l’exercice de mon activité professionnelle ».

Les parties ne fournissent pas la période exacte de diffusion de la publicité litigieuse, mais Mme [V], qui n’est pas contredite sur ce point, affirme qu’elle demeure encore sur le site internet de l’employeur à la date de ses dernières écritures, soit le 12 juin 2023.

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’ensemble des moyens des parties, notamment ceux relatifs à l’action pour dol, la cour constate que l’autorisation du 5 septembre 2014 ne prévoit pas de limites suffisamment claires quant au secteur géographique de diffusion de l’image de Mme [V].

Ainsi, à défaut d’autorisation valablement donnée par la salariée, l’utilisation d’une photographie d’elle, pour une publicité diffusée sur le site internet de l’entreprise, constitue une atteinte à son droit à l’image.

Le seul constat de cette atteinte ouvre droit à réparation, à charge pour la salariée de démontrer l’étendue de son préjudice.

Mme [V] ne démontre pas avoir reçu des remarques humiliantes engendrées par le caractère prétendument ironique de la publicité litigieuse qui promeut le recrutement au sein du Groupe [D] dont elle a été licenciée.

Elle ne fournit pas de plus amples éléments sur l’étendue de son préjudice.

Par conséquent, eu égard à la diffusion de la publicité litigieuse ayant au moins eu lieu durant le licenciement du 3 avril 2020, la cour évalue le préjudice moral subi par Mme [V] à la somme de 500 €.

La société [D] sera donc tenue de payer à la salariée la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes annexes :

La Société [D], partie principalement perdante, sera condamnée aux entiers dépens de l’appel.

L’équité commande que chaque partie supporte la charge des frais exposés au titre de la procédure et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement dont appel, sauf en ce qu’il a débouté Mme [V] de sa demande au titre de l’atteinte au droit à l’image,

Et, statuant sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la SA Groupe [D] à payer à Mme [O] [V] la somme de 500 € à titre d’indemnité pour atteinte au droit à l’image ;

Déboute Mme [V] de ses demandes indemnitaires pour inexécution de la promesse de porte-fort et caractère vexatoire du licenciement,

Déboute les parties de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Groupe [D] aux dépens de la procédure d’appel.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE

C. DELVER S. BLUM »

.

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x