Promesse de Cession d’actions : la clause attributive de juridiction

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Promesse de Cession d’actions : la clause attributive de juridiction

Dans la mesure où une action a été engagée par les actionnaires investisseurs qui se prévalent d’une promesse d’achat, la compétence doit être déterminée sur la base des actes et fondements juridiques de l’action engagée par ceux-ci et non sur la base des actes et fondements juridiques opposés reconventionnellement par les défendeurs à l’instance.

Résumé de l’affaire : La société Olky Payment Service Provider SA, fondée en 2011, propose une solution logicielle pour les services de paiement. Plusieurs actionnaires, dont des investisseurs et des fondateurs, détiennent des parts dans la société. En juillet 2016, une assemblée générale a autorisé Olky Pay à racheter une partie de ses actions, mais les conditions de cette opération n’ont pas été remplies, ce qui a conduit à l’inefficacité des contrats signés. En septembre 2016, des réorganisations de participations ont eu lieu, et en juillet 2018, Olky a acquis des actions de Paymap, ce qui a suscité un litige avec les actionnaires investisseurs. Ces derniers ont contesté la validité de cette acquisition, arguant qu’elle violait une promesse d’achat antérieure. Les sociétés Olky et Paymap ont soulevé une exception d’incompétence devant le tribunal de commerce de Paris, qui a été rejetée en avril 2023. Les deux sociétés ont fait appel de cette décision, demandant la nullité de la promesse d’achat et la compétence des juridictions luxembourgeoises. Les actionnaires investisseurs ont également formulé des demandes en réponse.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
23/08721
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024

(n° /2024, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 23/08721 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTVC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2023 – Tribunal de Commerce de PARIS – 3ème chambre – RG n° 2022017516

APPELANTES

OLKY PAYMENT SERVICE PROVIDER SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Société de droit luxembourgeois

[Localité 21]

[Adresse 24] LUXEMBOURG

Immatriculée au RCS de Luxembourg sous le numéro B165776

PAYMAP SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Société de droit luxembourgeois

[Localité 21]

[Adresse 24] LUXEMBOURG

Immatriculée au RCS de Luxembourg sous le numéro B208898

Représentées par Me Jean-Claude CHEVILLER du cabinet JEAN-CLAUDE CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

INTIMES

Monsieur [U] [V]

Né le [Date naissance 11] 1969 à [Localité 19] (93)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 17]

Madame [C] [T] ÉPOUSE [V]

Née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 20] (COREE DU SUD)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 17]

Monsieur [X] [S]

Né le [Date naissance 7] 1985 à [Localité 22] (57)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 13]

[Localité 16]

Monsieur [I] [L]

Né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 25] (ALLEMAGNE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 12]

[Localité 15]

Madame [J] [P] épouse [L]

Née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 26] (MAROC)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 12]

[Localité 15]

Monsieur [D] [B]

Né le [Date naissance 10] 1942 à [Localité 23] (44)

De nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 18]

Madame [G] [R] épouse [B]

Née le [Date naissance 4] 1940 à [Localité 27] (03)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 18]

S.A.S. APPIA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 14]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 801 172 941

S.A.S. D.G.L PARTNERS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 9]

[Localité 15]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 533 048 849

Représentés par Me Nathalie LESENECHAL du cabinet NATHALIE LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistés de Me David GORDON KRIEF de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, Présidente de chambre,

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Mme Isabelle ROHART, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Sophie MOLLAT, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Sophie MOLLAT présidente et par Yvonne TRINCA, greffier présent au moment de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société de droit luxembourgeois Olky Payment Service Provider SA appelée aussi Olky Pay, créée en décembre 2011 par Messieurs [Y] et [A], commercialise une solution logicielle utilisée dans le domaine des services de paiement.

M. [V], Mme [T] épouse [V], M. [S] , M. [L], Mme [P] épouse [L], M [B], Mme [R] épouse [B], la SAS Appia et la société DGL Partners sont entrés au capital.

Le capital se répartissait initialement entre:

– les actionnaires investisseurs qui détenaient environ 45%

– et les actionnaires fondateurs qui détenaient environ 55% dont Dimap qui détenait 11%, PHT Holding société de Monsieur [A] qui détenait 22% et Utoky société de Monsieur [Y] qui détenait 22%.

Le 26 juillet 2016 l’assemblée générale extraordinaire de la société Olky Pay a adopté deux résolutions 3 et 4 qui, respectivement, autorisaient Olky Pay à acquérir 9.541 de ses actions représentant 7% de son capital dans un délai d’un an à compter de la date de l’assemblée, soit jusqu’au 26 juillet 2017 (Résolution 3), et à promettre d’acquérir 4.089 de ses actions représentant 3 % de son capital social dans un délai de deux ans à compter de la date de l’assemblée, soit jusqu’au 26 juillet 2018 (Résolution 4).

Deux actes sous seing privé étaient ainsi signés le jour de l’assemblée générale du 26 juillet 2016: un contrat de cession reprenant l’un la résolution 3 et une promesse d’achat reprenant la résolution 4.

Le contrat de cession et la promesse d’achat étaient placés sous séquestre de Me [O] en qualité d’avocat et d’administrateur d’Olky Pay.

Le séquestre informait les parties par courrier du 26.07.2016 qu’il ne libérerait le Contrat de Cession et la Promesse d’Achat qu’à la double condition de (i) l’accord de la société Dimap International, (Dimap ), sur 1’Opération et (ii) du paiement par Olky Pay du prix de cession à tous les actionnaires vendeurs au plus tard un jour après la réception du paiement par Veolia de l’échéance de juin 2016 due à Olky Pay en vertu du contrat qui les liait, et qu’à défaut de réalisation des conditions il détruirait l’intégralité des documents.

La 2ème condition n’a pas été remplie, le contrat de vente ne s’est donc pas exécuté.

La promesse d’achat n’a pas été exercée par ailleurs.

Pour autant les deux contrats n’ont pas été détruits par le séquestre.

Le 15.09.2016 PHT International et Utoky International ont réorganisé leurs participations au sein d’Olky Pay en transférant leurs actions à une société nouvelle dénommée Payroux;

La société Payroux a ensuite créé avec Dimap une nouvelle société de droit luxembourgeois dénommée Paymap SA à laquelle ont été transférées les actions Olky Pay des deux associés.

Le 25.07.2018 Olky a acquis 2119 de ses propres actions auprès de Paymap pour la somme de 1.813.431, 30 euros.

Un litige est survenu concernant cette acquisition:

Les actionnaires investisseurs ont contesté ce rachat.

Paymap a soutenu que Olky lui aurait accordé le 5.01.2018 une promesse d’achat intitulée ‘Put Option’ portant sur 2.119 de ses actions représentant 1,55% de son capital social au prix de 1.813.431,80 euros, le nombre d’actions et la valeur d’achat étant fixés conformément à la 4ème résolution de l’assemblée générale extraordinaire du 26 juillet 2016, à exercer entre le 26 janvier et le 26 juillet 2018.

Les actionnaires investisseurs, soutenant que l’acte avait été établi postérieurement à la cession pour les besoins de la cause et par courrier du 9.01.2020, ont mis en demeure messieurs [Y] et [A] en leur qualité d’administrateurs délégués d’Olky Pay et de Paymap d’annuler le transfert de titres.

Par courrier du 11.02.2020 Messieurs [Y] et [A] ont rejeté la demande répondant que la cession était valablement intervenue en exécution de l’autorisation de l’assemblée générale du 26.06.2016.

Par actes d’huissier en date du 9.03.2022 les associés investisseurs ont fait assigner la société Olky et la société Paymap devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir juger nulle la vente par Paymap à Olky Pay de 2119 de ses actions avec ses conséquences de droit, aux motifs que cette vente serait intervenue en violation de la Promesse d’Achat du 26 Juillet 2016 dont l’exercice était réservé au seul représentant des actionnaires [U] [V].

La société Olky Pay et la société Paymap ont soulevé une exception d’incompétence du tribunal de commerce de Paris au profit des juridictions luxembourgeoises en faisant valoir:

– que la vente contestée résultait de l’exercice de la Put Option du 5.01.2018 qui attribuait compétence aux tribunaux du Luxembourg

– que la promesse d’achat du 26.07.2016 était caduque et en tout état de cause nulle en application du droit français des sociétés.

Par jugement en date du 13.04.2023 le tribunal de commerce de Paris a rejeté l’exception d’incompétence soulevée.

La société Olky Payment Services Provider et la SA Paymap ont formé appel par déclaration d’appel en date du 24.05.2023 et ont saisi le premier président d’une demande de fixation de l’affaire à jour fixe.

Une ordonnance a fixé l’affaire pour être jugée à l’audience du 22.11.2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13.05.2024, la société Olky Payment Service Provider et la SA Paymap demandent à la cour de:

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 13 avril 2023 en ce qu’il a :

(i) dit recevable, mais mal fondée l’exception soulevée par les sociétés de droit luxembourgeois Olky Payment Service Provider SA et Paymap SA, et les en a débouté et se dit compétent,

(ii) renvoyé les parties à l’audience de mise en état de la 3ème chambre du 10 mai 2023 à 14 heures, pour conclusions au fond,

(iii) condamné la société de droit luxembourgeois Paymap SA à payer à Monsieur [U] [V], à Madame [C] [T] épouse [V], à Monsieur [X] [S], à Monsieur [I] [L], à Madame [J] [P] épouse [L], à Monsieur [D] [B], à Madame [G] [R] épouse [B] et aux sociétés Appia et D.G.L. Partners une somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

(iv) condamné la société de droit luxembourgeois Paymap SA aux dépens, du jugement qui seront liquidés avec le jugement définitif.

Statuant à nouveau,

REFORMER le jugement entrepris,

Statuant sur les questions de fond dont dépend sa compétence,

PRONONCER la caducité de la Promesse d’Achat du 26 juillet 2016,

En tout état de cause,

ANNULER la Promesse d’Achat du 26 juillet 2016,

Statuant en conséquence sur la compétence,

SE DECLARER incompétent au profit des juridictions du Luxembourg pour connaître des demandes de Monsieur [U] [V], à Madame [C] [T] épouse [V], à Monsieur [X] [S], à Monsieur [I] [L], à Madame [J] [P] épouse [L], à Monsieur [D] [B], à Madame [G] [R] épouse [B] et aux sociétés Appia et D.G.L. Partners,

RENVOYER Monsieur [U] [V], Madame [C] [T] épouse [V], Monsieur [X] [S], Monsieur [I] [L], Madame [J] [P] épouse [L], Monsieur [D] [B], Madame [G] [R] épouse [B], Appia et D.G.L. Partners à mieux se pourvoir devant les juridictions du Luxembourg,

En toute hypothèse :

CONDAMNER solidairement Monsieur [U] [V], Madame [C] [T] épouse [V], Monsieur [X] [S], Monsieur [I] [L], Madame [J] [P] épouse [L], Monsieur [D] [B], Madame [G] [R] épouse [B], et les sociétés Appia et D.G.L. Partners à verser aux sociétés Olky Pay et Paymap la somme de 50.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER solidairement Monsieur [U] [V], Madame [C] [T] épouse [V], Monsieur [X] [S], Monsieur [I] [L], Madame [J] [P] épouse [L], Monsieur [D] [B], Madame [G] [R] épouse [B], et les sociétés Appia et D.G.L. Partners aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23.04.2024, M. [V], Mme [T] épouse [V], M. [S] , M. [L], Mme [P] épouse [L], M [B], Mme [R] épouse [B], la SAS Appia et la société DGL Partners demandent à la cour de:

In limine litis:

Ecarter des débats les mentions violant la confidentialité de la médiation (paragraphes 38 à 40 des conclusions adverses) ;

A titre principal:

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 13 avril 2023 en toutes

ses dispositions ;

Renvoyer les parties à la mise en état devant le Tribunal de commerce de Paris afin qu’il statue

au fond ;

En tout état de cause,

Rejeter les demandes et prétentions de la société PAYMAP et de la société OLKY PAYMENT

SERVICE PROVIDER SA ;

Condamner la société PAYMAP à payer à Monsieur [U] [V], à Madame [C] [T] épouse [V], à Monsieur [X] [S], à Monsieur [I] [L], à Madame [J] [P] épouse [L], à Monsieur [D] [B], à Madame [G] [R] épouse [B] et aux sociétés APPIA et D.G.L. PARTNERS une somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société PAYMAP aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’écarter des débats les éléments produits par les appelants en violation de la confidentialité de la médiation selon les intimés

Les intimés soutiennent que les dernières conclusions des appelantes comportent des développements sur la médiation qui révèlent des éléments de cette dernière (en ce compris l’avis des appelants concernant ladite procédure ‘point 40 des écritures adverses) pourtant couverts par la confidentialité dans le but de s’attirer indûment les faveurs de la Cour et de discréditer les intimés, que ces révélations constituent une violation très grave du principe de confidentialité qui protège la médiation en vertu de nombreux textes et ils demandent à la Cour d’écarter des débats l’ensemble des mentions faites en violation du principe de la confidentialité de la médiation.

Les appelantes contestent toute violation du principe de confidentialité attachée à la médiation indiquant qu’ils n’ont divulgué aucune infirmation résultant du processus de médiation ou en relation avec celui ci, qu’en indiquant qu’elles étaient favorables à la médiation et en regrettant qu’elle n’ait pu aboutir elles n’ont en rien contrevenu à la confidentialité de la médiation.

Sur ce

Les conclusions des appelants indiquent en point 38, 39 et 40 que

38. Par une ordonnance du 21 septembre 2023, la Présidente de la 5ème Chambre a donné injonction aux parties de rencontrer un médiateur en application des dispositions de l’article 127-1 du Code de procédure civile aux motifs que l’affaire présentait des critères d’éligibilité à une mesure de médiation et en l’absence de mention de diligences amiables dans l’assignation et qu’ était de l’intérêt des parties de recourir à cette mesure qui leur offre la possibilité de parvenir à une solution rapide.

39. Pour écarter les objections des Intimés à la mise en oeuvre de la médiation à laquelle ils étaient manifestement hostiles, la Présidente a considéré :

– que le fait qu ‘une instance pénale serait en cours au Luxembourg n’apparai[ssa]itpas comme un obstacle à la recherche d’une solution entre les parties,

– que de même le fait que la cour ne soit saisie que de l ‘appel formé contre une décision statuant sur la compétence n ‘[était] pas de nature à faire obstacle à une mesure de médiation dont il appart[enait] aux parties d’établir avec le médiateur le périmètre, étant précisé que d’autres instances[étaient] engagées par ailleurs,

–qu’il [était] rappelé aux parties que dans le cadre de la mise en oeuvre d’une mesure de médiation, d ‘une part, elles rest[ai]ent accompagnées par leurs avocats et les éventuels accords qui seraient trouvés présent[ai]ent une sécurité juridique du fait de l’intervention de professionnels du droit et, d’autre part, le processus de médiation [était]un processus libre, et confidentiel,

– qu’ enfin la date de plaidoirie fixée n'[était] pas modifiée, mais des renvois courts pourr[aient] être effectués d ‘audience de plaidoirie, en audience de plaidoirie, pour ne pas préjudicier aux parties si celles-ci décid[ai]ent de rentrer en médiation.

40. Cependant, et en dépit de ces précisions, il est extrêmement regrettable que la médiation envisagée à laquelle les Appelantes étaient favorables, n’ait pu aboutir.

Les conclusions reprennent les termes de l’ordonnance rendue, donnent un avis concernant la position des intimés avant la médiation, ce qui ne constitue pas un élément sur le déroulement de la médiation, et regrettent qu’elle n’ait pu aboutir, l’expression de ces regrets n’étant pas de nature à imputer la responsabilité de l’échec de la mesure à l’une ou l’autre des parties.

Les conclusions des appelants ne violent donc pas le principe de confidentialité qui s’attache au processus de médiation et il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des intimés.

Sur l’exception d’incompétence

La société Olky Pay et la société Paymap exposent:

– que la vente des actions est intervenue en exécution de la Put Option signée entre elle le 25.07.2018,

– que cette Put Option stipulait une clause attributive de juridiction en faveur des juridictions luxembourgeoises en cas de litige et l’application du droit luxembourgeois

– qu’il convient donc de faire application de cette clause attributive de compétence.

Elles contestent avoir voulu dissimuler ce contrat et concluent que le fait que [H] [Y] et [M] [A] n’en aient fait aucune référence dans leur lettre du 11 février 2020, n’est pas de nature à invalider l’option, pas plus qu’il ne témoigne d’une quelconque volonté d’en dissimuler l’existence.

Elles soutiennent que la vente n’est pas intervenue en exécution de la promesse d’achat du 26.07.2016, mais en exécution de la Put Option qui est un acte de même nature que la promesse d’achat qui a modifié celle-ci s’agissant du droit applicable et de la compétence juridictionnelle, que l’option de vente n’a pas conféré à Paymap plus de droits qu’en détenaient messieurs [Y] et [A] aux termes de la promesse de sorte qu’elle n’est pas en contradiction avec l’autorisation donnée par la résolution 4 de l’AG du 26.07.2016, que le nombre d’actions et la valeur d’achat sont identiques, la durée et la date d’expiration sont calquées sur celle de la promesse d’achat de telle sorte que l’affirmation dans le cadre de la présente procédure que la cession des 2119 actions est intervenue en exécution de la put option n’est nullement contradictoire avec la mention du rapport de gestion qu’Olky Pay a acquis auprès d’un de ses actionnaires des actions conformément à la promesse d’achat décidée par l’AG du 26.07.2016, que l’option de vente a été signée le 26.01.2018 en raison du fait que Paymap n’était pas partie à la promesse d’achat du 26.07.2016, qu’elle s’est donc inscrite dans la logique de la promesse d’achat en substituant Paymap aux deux associés bénéficiaires mais ne s’est pas ajoutée à la promesse d’achat.

En tout état de cause ils font valoir que la vente des actions n’a pas pu intervenir en exécution de la première promesse d’achat car celle-ci était caduque au moment de la vente, faute de réalisation des deux conditions prévues pour l’exécution du contrat de cession qui concernent également la promesse d’achat.

Elles exposent que les premiers juges ont écarté le moyen de la caducité en retenant que les supports physiques de la promesse d’achat n’avaient jamais été détruits par le séquestre alors que la question de la destruction matérielle de la promesse est indépendante de sa validité juridique.

Ils exposent que la vente des actions n’a pas pu intervenir en exécution de la première promesse d’achat car celle ci est frappée dès l’origine de nullité car elle est contraire aux dispositions de l’article L 225-206 du code de commerce qui autorise le rachat par une société anonyme de ses propres actions dans certaines conditions et modalités qui ne sont pas remplies en l’espèce.

En réponse à l’argument des intimés qui soutiennent que les conditions dans lesquelles une société peut ou non acquérir et détenir ses propres titres relèvent de la lex societatis, argument opposé pour critiquer la nullité de la promesse d’achat, elles exposent que cette objection est sans fondement dans la mesure où elle écarte, après en avoir revendiqué l’application, les dispositions même de la promesse d’achat qui stipule qu’elle est soumise au droit français et d’autre part cette position repose sur un distinguo de circonstance entre achat qui relèverait du droit français et détention qui relèverait de la lex societatis, alors qu’en l’espèce, en tout état de cause, ce n’est pas la détention qui est en cause mais le rachat.

En réponse aux intimés concernant le principe de l’estoppel elles expliquent:

– que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal de commerce il ne convient pas de faire application du principe de l’estoppel aux motifs qu’Olky aurait d’abord soutenu jusqu’en février 2020 que l’achat des actions résultait de l’exercice de la promesse d’achat avant de soutenir que ce serait en application du contrat de Put Option, dans la mesure où il est constant que le champ d’application de l’estoppel est circonscrit et ne concerne que les contradictions qui auraient pu se tenir au cours du débat judiciaire et que dans le cadre du débat judiciaire elles ne se sont jamais contredites.

Elles soutiennent que les cessions de titres demeurent soumises à la loi choisie par les parties conformément au Règlement Rome I dès lors qu’à l’issue de la cession, aucune des parties n’acquiert ou ne perd la qualité d’actionnaire, si bien que le fonctionnement de la société n’est pas impacté, qu’en l’espèce la loi choisie par les parties pour la promesse d’achat est la loi française et en application de la loi française la promesse d’achat est nulle de telle sorte que la cession n’a pas pu intervenir en exécution de celle-ci.

Si il était retenu que la vente ne s’est pas faite sur la base de l’option de vente et compte tenu de la nullité de la promesse d’achat elles font valoir qu’il convient de faire application du règlement UE du 12.12.2012 dit règlement de Bruxelles I bis qui donne compétence aux juridictions luxembourgeoises en ce que la juridiction compétente est celle du lieu du domicile du défendeur et lorsque le défendeur est une personne morale il s’agit de son siège social.

Les consorts [V] et autres exposent que la cession intervenue le serait en exécution d’une option de vente dont ils n’ont jamais été informés, qui n’a jamais été autorisée et dont l’authenticité apparaît douteuse, alors que la société faisait face à des difficultés financières, pour un prix de 855,60 euros par action soit au total 1.813.431,30 euros alors que 5 mois après cette cession le rachat par Paymap de ces mêmes titres l’a été pour un prix de 35.302,54 euros permettant donc à Paymap de s’enrichir de 1.778.128,76 euros au détriment de la société. Ils ajoutent que cette cession fait l’objet d’une procédure judiciaire indépendante devant les juridictions pénales luxembourgeoises.

Ils exposent que l’article 9 de la promesse d’achat désigne le tribunal de commerce de Paris comme la juridiction exclusivement compétente pour connaître de tout litige qui s’élèverait au sujet de cette dernière et prévoit que la promesse d’achat est soumise au droit français, et ils soulignent que leur action est fondée sur l’exécution de cette promesse d’achat de sorte que le juge français est compétent.

Ils font valoir les changements d’argumentation des appelantes et concluent que c’est à bon droit que le tribunal a fait application du principe de l’estoppel pour sanctionner la contradiction dont se rendent coupables les appelantes.

Ils soutiennent qu’en tout état de cause ce nouvel argument de l’option de vente est fallacieux puisque l’assemblée générale n’a jamais autorisé la signature de l’option de vente, la co-existence de la promesse d’achat et de la prétendue option de vente est impossible au regard des décisions de l’assemblée générale du 26.07.2016, les comptes de la société ne comptabilisent à aucun moment cette option de vente mais font au contraire mention de la promesse d’achat et enfin le montant validé par le commissaire aux comptes correspond exactement au montant issu de la promesse d’achat et non au montant issu de la prétendue option de vente qui aurait du être comptabilisée pour un montant bien inférieur.

Ils indiquent que le fondement de leur action est la promesse d’achat, seul acte en vertu duquel la cession litigieuse a pu avoir lieu et dont ils contestent le fait que Paymap avait le pouvoir d’en demander l’exécution à son profit et qu’en conséquence la compétence du tribunal de commerce de Paris est incontestable.

Ils soutiennent que les pièces démontrent que la cession litigieuse est nécessairement intervenue en application de la promesse d’achat.

Ils font valoir que l’AGE du 26.07.2016 n’a jamais donné le pouvoir à Monsieur [Y] de signer la prétendue option de vente, que la prétendue option de vente n’a pas été consenti en faveur des actionnaires de la société au prorata de leur détention au capital de la société, comme le prévoyait la résolution n°4 de l’AG du 26.07.2016 mais uniquement en faveur de Paymap et enfin qu’elle a été signée un an et demi après l’assemblée générale alors que la société était en grande difficulté.

Ils exposent que la coexistence des deux actes n’est pas possible au regard des pourcentages de rachat auxquels on parvient et au regard du fait que la promesse d’achat n’était pas encore caduque puisqu’elle pouvait être exercée jusqu’au 26 juillet 2018.

Ils exposent ainsi que c’est à tort que les appelantes soutiennent que le rachat a été effectué sur la base d’une prétendue option de vente:

– Dont l’existence n’avait jamais été mentionnée par les Appelantes auparavant,

– Qui aurait été consentie en vertu de pouvoirs donnés à Monsieur [Y] par l’assemblée générale extraordinaire du 26 juillet 2016 laquelle ne fait absolument aucune mention de cette Option de Vente et n’accorde aucun pouvoir à Monsieur [Y] à ce titre, – Qui n’est jamais mentionnée dans les comptes de la Société ni dans les divers rapports qui leur sont adjoints, contrairement à la Promesse d’Achat, dont tant l’existence que l’exercice est spécifié,

– Qui n’est pas valorisée dans les comptes, lesquels ont été, pour rappel, approuvés par les Appelantes et validés par le Commissaire aux Comptes

– Dont l’existence même n’est pas techniquement compatible avec celle de la Promesse d’Achat, qui n’est pas contestée.

Ils soutiennent par ailleurs que la promesse d’achat n’est ni caduque, ni nulle: aucun fondement légal ni contractuel n’est avancé au soutien de la caducité, ils n’ont jamais reconnu cette caducité, les appelantes ont reconnu lors de l’AG du 13.11.2017 l’existence de la promesse d’achat et donc le fait qu’elle n’était pas caduque.

Ils ajoutent que le règlement Rome 1 prévoit expressément l’exclusion de son champ d’application des questions relevant du droit des sociétés.

Enfin ils font valoir la validité de la clause attributive de compétence contenue dans la promesse d’achat et exposent qu’il ressort de l’ensemble des éléments de preuve produits que la levée d’option effectuée par la société Paymap est irrégulière au regard des termes de la Promesse d’Achat, que dès lors la levée d’option n’a pas pu produire ses effets, qu’ainsi, la cession d’actions intervenue entre la Société et la société Paymap à la suite de cette levée d’option irrégulière devra nécessairement être annulée

Sur ce

Il n’est pas contesté que la société Olky a procédé au rachat auprès de la société Paymap de 2119 de ses titres pour un montant de 1.813.431,80 euros.

Les associés minoritaires de la société Olky ont saisi le tribunal de commerce pour voir annuler la cession intervenue.

En réponse Olky et Paymap ont soulevé une exception d’incompétence en soutenant avoir procédé à la cession sur la base d’une option de vente en date du 5.01.2018 donnant compétence aux juridictions du Luxembourg.

Les consorts [V] contestent en premier lieu l’existence même de ce contrat du 5.01.2018 établi selon eux a posteriori pour les besoins de la procédure et en second lieu que celui-ci ait été le fondement de la cession.

Pour statuer sur la compétence du tribunal de commerce il y a lieu de revenir à la demande en justice initiale qui se fonde, pour conclure à la nullité de la cession, sur la promesse d’achat issue de l’AG du 26.07.2016 qui donne compétence au tribunal de Paris en cas de litige sur son application.

En effet dans la mesure où l’action a été engagée par les actionnaires investisseurs qui se prévalent de la promesse d’achat du 26.07.2016, la compétence doit être déterminée sur la base des actes et fondements juridiques de l’action engagée par ceux-ci et non sur la base des actes et fondements juridiques opposés reconventionnellement par les défendeurs à l’instance.

En outre retenir comme le demandent les défendeurs la compétence des juridictions luxembourgeoises reviendrait à statuer d’ores et déjà, et avant tout débat au fond, sur les demandes reconventionnelles présentées par les défendeurs, appelants dans la présente procédure, qui, en réplique, soutiennent que l’achat s’est réalisé sur la base d’une promesse d’achat en date du 5.01.2018, qui donne compétence aux juridictions du Luxembourg, en retenant que cette promesse d’achat d’une part existe et d’autre part est le fondement de la vente d’actions, ce qui est critiqué par les demandeurs.

Les demandeurs se fondant sur la promesse d’achat du 26.07.2016 dont l’article 9 désigne le tribunal de commerce de Paris comme la juridiction exclusivement compétente pour connaître de tout litige qui s’élèverait au sujet de cette dernière et prévoit que la promesse d’achat est soumise au droit français, il en résulte que c’est donc à raison que les actionnaires minoritaires, faisant application des règles de procédure civile, ont engagé leur action devant le tribunal de commerce de Paris.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence.

Il est inéquitable de laisser les intimés supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il convient de leur allouer la somme de 10.000 euros.

Les dépens de l’instance sont mis à la charge des appelants.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13.04.2023

et y ajoutant

condamne la société Olky Payment Service Provider et la SA Paymap in solidum à payer à l’ensemble des intimés la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

condamne la société Olky Payment Service Provider et la SA Paymap aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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