Prolongation de la rétention administrative pour un étranger dépourvu de documents de voyage

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Prolongation de la rétention administrative pour un étranger dépourvu de documents de voyage

Résumé de l’affaire

M. [T] [W], alias [L] [Y], a été placé en rétention le 26 juin 2024, avec une prolongation autorisée par le juge des libertés et de la détention. Une seconde prolongation a été autorisée le 27 juillet 2024, contre laquelle M. [T] [W] a formé un recours. Il a allégué l’absence de perspectives d’éloignement et la durée disproportionnée de la rétention. Son conseil a demandé sa remise en liberté, mais le parquet général a requis la confirmation de la décision de prolongation.

L’essentiel

Irrégularité de la procédure

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par M. [T] [W] Alias [L] [Y] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 27 Juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Conditions de prolongation de la rétention

Selon l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en vigueur au 28 janvier 2024, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans certains cas spécifiques. La durée maximale de la rétention n’excède pas soixante jours.

Justification de la prolongation de la rétention

Il appartient au juge des libertés et de la détention de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Dans le cas de M. [T] [W], l’absence de documents de voyage et les démarches entreprises par l’administration préfectorale justifient la prolongation de la rétention pour une durée de 30 jours supplémentaires.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

29 juillet 2024
Cour d’appel de Rouen
RG
24/02713
N° RG 24/02713 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JXD7

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 29 JUILLET 2024

Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme DUPONT, greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la requête du Préfet du Cher tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de trente jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise le 26 juin 2024 à l’égard de M. [T] [W] Alias [L] [Y], né le 25 Mars 1991 à [Localité 2] (ALGERIE), de nationalité Algérienne ;

Vu l’ordonnance rendue le 27 Juillet 2024 à 12h00 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN autorisant le maintien en rétention de M. [T] [W] Alias [L] [Y] pour une durée supplémentaire de trente jours à compter du 26 juillet 2024 à 15h35 jusqu’au 25 août 2024 à la même heure ;

Vu l’appel interjeté par M. [T] [W] Alias [L] [Y], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 28 juillet 2024 à 11h56 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],

– à l’intéressé,

– au Préfet du Cher,

– à Mme Djehanne ELATRASSI-DIOME, avocat au barreau de ROUEN, choisi,

– à M. [E] [I], interprète en langue arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [T] [W] Alias [L] [Y] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de M. [E] [I], interprète en langue arabe,expert assermenté, en l’absence du Préfet du Cher et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [T] [W] Alias [L] [Y] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Me Antoine LABELLE, avocat au barreau de Rouen, substituant Me Djehanne ELATRASSI-DIOME, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [T] [W], alias [L] [Y] a été placé en rétention le 26 juin 2024, une première ordonnance du juge des libertés et de la détention de Rouen en date du 29 juin 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, ordonnance confirmée par décision de la cour d’appel du 2 juillet 2024.

Une seconde ordonnance du juge des libertés et de la détention du 27 juillet 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours supplémentaires, décision contre laquelle M. [T] [W], alias [L] [Y] a formé un recours.

A l’appui de son recours, l’appelant, par son conseil, conclut à l’absence de perspectives d’éloignement et allègue la durée disproportionnée de la rétention administrative. Il demande l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté.

A l’audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans la déclaration d’appel. M. [T] [W], alias [L] [Y] a été entendu en ses observations.

Le préfet du Cher a formulé des observations aux termes d’écritures toutefois parvenues à la connaissance de la juridiction en cours de délibéré.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 29 juillet 2024 requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par M. [T] [W] Alias [L] [Y] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 27 Juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

Selon l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en vigueur au 28 janvier 2024, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Il appartient au juge des libertés et de la détention, en application de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui induit, sauf circonstances insurmontables, la production de pièces par l’administration qui établissent ces diligences, en fonction de la situation de l’étranger.

En premier lieu, il sera observé que M. [T] [W] est dépourvu de tout titre ou document de voyage, ce qui constitue un obstacle à son éloignement au sens du 2° de l’article L742-4 précité.

Il est en second lieu établi en procédure que l’administration préfectorale a saisi le consulat d’Algérie, dès le 26 juin 2024, soit immédiatement après son placement en rétention, aux fins de délivrance d’un laissez-passer consulaire et que le 1er juillet 2024, il était proposé une date d’audition au 4 septembre avancée au 28 août 2024 suite au courriel adressé par les autorités étrangères le 17 juillet 2024.

Si la rétention reste une mesure d’exception devant être proportionnée au risque de soustraction à l’exécution volontaire de l’éloignement, il apparaît que cet éloignement n’a pu se faire du fait de l’absence de documents de voyage, alors que l’administration reste dans l’attente de l’audition de l’étranger et qu’elle justifie de relances de diligences effectives, étant rappelé qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte à l’égard des autorités étrangères aux fins d’obtenir une réponse rapide.

M. [T] [W] ne saurait par ailleurs se prévaloir d’une absence de perspectives d’éloignement à ce stade de la procédure alors qu’il utilise différentes identités, ce qui a eu pour effet de retarder son identification et qu’en tout état de cause, il ne peut être présumé que la mesure ne pourra être exécutée dans le délai légal de la rétention, juridiquement possible sous certaines conditions.

L’intéressé ne justifie en outre d’aucun changement dans sa situation personnelle permettant de modifier l’appréciation de la cour sur la nécessité de la rétention administrative pour permettre l’exécution de la mesure d’éloignement, laquelle apparaît donc toujours nécessaire au vu de l’absence de garanties de représentation suffisantes, nonobstant la production de deux attestations d’hébergement, alors qu’il s’est soustrait à deux mesures l’obligeant à quitter le territoire les 12 juin 2022 et 22 juillet 2023 et qu’il n’a entrepris aucune démarche aux fins de régulariser sa situation administrative.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de prolongation de la préfecture pour une durée de 30 jours supplémentaires.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [T] [W] Alias [L] [Y] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 27 Juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, prolongeant la mesure de rétention administrative le concernant pour une durée supplémentaire de trente jours ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 29 Juillet 2024 à 17h00.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


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