Prolongation de la rétention administrative justifiée par menace à l’ordre public

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Prolongation de la rétention administrative justifiée par menace à l’ordre public

Résumé de l’affaire

[R] [D] a été condamné pour vol avec effraction en récidive par le Tribunal correctionnel de Bordeaux en janvier 2023. Après avoir été remis en liberté en juillet 2024, il a été placé en rétention administrative en vue de son éloignement du territoire français. Le juge des libertés et de la détention a autorisé la prolongation de sa rétention pour une durée de 30 jours, malgré les arguments de son conseil selon lesquels les perspectives d’éloignement étaient insuffisantes et qu’il ne représentait pas une menace à l’ordre public. Le conseil a fait appel de cette décision et demande à la Cour d’annuler l’ordonnance de prolongation de la rétention administrative.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 août 2024
Cour d’appel de Bordeaux
RG
24/00178
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ‘ A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00178 – N° Portalis DBVJ-V-B7I-N4XM

ORDONNANCE

Le SIX AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 00

Nous, Cécile RAMONATXO, présidente de chambre à la Cour d’appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l’absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur Gilles LAVERGNE, représentant du Préfet de La Corrèze,

En présence de Monsieur [J] [F], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l’inverse du Français, inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Bordeaux,

En présence de Monsieur X se disant [R] [D], né le 1er Juin 1990 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, et de son conseil Maître Laura ROUSSEAU,

Vu la procédure suivie contre Monsieur X se disant [R] [D], né le 1er Juin 1990 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne et l’interdiction du territoire français de 5 ans prononcée le 17 janvier 2023, à titre de peine complémentaire, par le tribunal correctionnel de Bordeaux à l’encontre de l’intéressé,

Vu l’ordonnance rendue le 04 août 2024 à 15h03 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [R] [D], pour une durée de 30 jours supplémentaires,

Vu l’appel interjeté par le conseil de Monsieur X se disant [R] [D], né le 1er Juin 1990 à [Localité 1] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, le 05 août 2024 à 09h50,

Vu l’avis de la date et de l’heure de l’audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Laura ROUSSEAU, conseil de Monsieur X se disant [R] [D], ainsi que les observations de Monsieur [P] [W], représentant de la préfecture de La Corrèze et les explications de Monsieur X se disant [R] [D] qui a eu la parole en dernier,

A l’audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 06 août 2024 à 11h00,

Avons rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par jugement en date du 17 janvier 2023 du Tribunal correctionnel de Bordeaux, [R] [D] a été condamné pour vol avec effraction en récidive à une peine d’emprisonnement ferme ainsi qu’à une interdiction du territoire français de 5 ans.

[R] [D] a été remis en liberté le 6 juillet 2024 de la maison d’arrêt d'[Localité 2].

Le 11 juin 2024, M. le Préfet de la Corrèze a pris à l’encontre de M. [R] [D] se disant de nationalité tunisienne un arrêté d’éloignement notifié le 18 juin 2024.

M. [R] [D] a été placé en rétention administrative par arrêté de M. le Préfet de la Corrèze en date du 5 juillet 2024 notifié le 6 juillet 2024 à 9 heures 11.

Par ordonnance en date du 8 juillet 2024 confirmée par la cour d’appel, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a autorisé la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Par requête reçue au greffe du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 3 août 2024 à 11 heures 56 à laquelle il convient de se reporter pour l’exposé des faits et des moyens, M. le Préfet de la Corrèze a sollicité, sur le fondement de l’article L742-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile, la prolongation de la rétention de l’intéressé dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours.

Par ordonnance rendue le 4 août 2024 à 15 heures 03, le juge des libertés et de la détention a :

– accordé l’aide juridictionnelle provisoire à M. [R] [D],

– déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative de M. [R] [D],

– autorisé le maintien en rétention administrative pour une durée supplémentaire de 30 jours,

– débouté [R] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par courriel adressé au greffe de la cour d’appel de Bordeaux le 5 août 2024 à 9 heures 50, le conseil d'[R] [D] a fait appel de l’ordonnance du 4 août 2024.

Au soutien de son appel, le conseil relève que c’est à tort que le Juge des Libertés et de la Détention a pu considérer que les perspectives d’éloignement existantes sont actuellement suffisantes pour considérer la mesure comme proportionnée ; que les demandes et relances sont restées sans réponse ; qu’il n’y a aucun accusé de réception de la part des autorités consulaires tunisiennes et que les autorités algériennes n’ont pas donné suite à l’audition du 4 juillet 2024 ; que les perspectives à bref délai de la délivrance de documents de voyage sont inexistantes contrairement à ce qu’a apprécié le Juge des Libertés et de la Détention.

Le conseil relève encore qu'[R] [D] ne présente aucune menace réelle, grave et actuelle à l’ordre public.

Le conseil d'[R] [D] demande en conséquence à la Cour de :

– déclarer ses écritures recevables,

– annuler l’ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du 3 août 2024,

– dire n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de [R] [D].

A l’audience, M. le Représentant de la préfecture confirme les termes de la requête en prolongation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de l’appel

Effectué dans les délais et motivé, l’appel est recevable.

2/ Sur la régularité de la prolongation de la rétention administrative

Aux termes de l’article L741-3 du CESEDA, « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet ».

Aux termes de l’article L742-4 du CESEDA, quand un délai de vingt-huit jours est écoulé depuis l’expiration du délai de quarante-huit heures mentionné au I de l’article L 741-1 , « le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Un seul de ces motifs est suffisant pour justifier de la prolongation de la rétention administrative.

Il appartient donc au juge des libertés et de la détention de s’assurer d’une part que l’administration a tout mis en ‘uvre pour procéder à l’éloignement de l’étranger, dès son placement en rétention et tout au long de la période de rétention administrative et d’autre part qu’il existe des perspectives réelles de reconduite à la frontière.

Il appartient donc au juge des libertés et de la détention de s’assurer d’une part que l’administration a tout mis en ‘uvre pour procéder à l’éloignement de l’étranger, dès son placement en rétention et tout au long de la période de rétention administrative et d’autre part qu’il existe des perspectives réelles de reconduite à la frontière.

En l’espèce,

S’agissant des documents de voyage

[R] [D] est dépourvu de tout document d’identité ou de voyage en cours de validité.

S’agissant de l’obstruction volontaire à la mesure d’éloignement

Sans domicile fixe ni ressources légales, [R] [D] est connu sous divers alias, il ne présente donc aucune garantie de représentation et s’est opposé aux multiples mesures d’éloignement prises à son encontre le depuis une interdiction judiciaire du territoire français de 3 ans prise à son encontre par le Tribunal correctionnel de Limoges le 29 août 2016.

S’agissant de la menace à l’ordre public

Condamné à 20 reprises depuis 2012 pour des délits divers et de diverse gravité (infractions à la législation sur les étrangers, infractions à la législation sur les stupéfiants et trafic de stupéfiants, atteintes aux biens et aux personnes et notamment le 7 septembre 2023 pour vol avec effraction en récidive, violence sur agent de l’administration pénitentiaire, menaces de mort ou d’atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique, outrage à personne dépositaire de l’autorité publique rébellion, sa présence sur le territoire national constitue sans conteste une menace pour l’ordre public étant rappelé que les graves atteintes aux biens comme les cambriolages ou les destructions à l’instar des violences sont également constitutives d’un trouble à l’ordre public.

[R] [D], ayant été condamné à trois reprises en 2023 et notamment pour des violences aggravées, il ne peut être sérieusement soutenu que la menace à l’ordre public ne serait ni réelle ni grave ni actuelle.

S’agissant des diligences de l’autorité administrative

Les autorités consulaires et algériennes et tunisiennes ont été saisies dès le 13 juin 2024.

[R] [D] a été entendu par le consul d’Algérie le 4 juillet 2024.

Des relances ont été effectuées les 11 et 29 juillet pour les autorités tunisiennes, les 15 et 29 juillet pour les autorités algériennes.

La cour rappelle que le préfet n’ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse.

S’agissant des perspectives d’éloignement

Le conseil d'[R] [D] fait état d’un article qui se fait l’écho de l’analyse personnelle d’un journaliste qui pour autant qu’elle soit documentée ne reste qu’un avis de son rédacteur qui ne titre d’ailleurs que sur le « risque » d’une nouvelle crise avec l’Algérie sans évoquer dans la pièce soumise aux débats les conséquences envisagées de cette éventuelle crise.

De sorte qu’aucun élément objectif ne permet d’établir qu’un laissez-passer consulaire ne pourrait pas être délivré pendant le temps de la rétention administrative,

En conséquence, les conditions de l’article L742-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile étant réunies, la rétention administrative étant le moyen de nature à garantir l’exécution de l’ obligation de quitter le territoire français, prise à l’encontre de M. [R] [D], il convient de confirmer l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 4 août 2024, autorisant la prolongation de la rétention administrative.

PAR CES MOTIFS,

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l’appel recevable,

Accordons l’aide juridictionnelle provisoire à M. [R] [D],

Confirmons l’ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 4 août 2024,

Disons la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l’article R.743-19 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile.

Le Greffier, La Présidente déléguée,


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