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Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit au titre de la mission « Médias, livres et industries culturelles » 741,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 735,9 millions en crédits de paiement (CP).
Ces chiffres traduisent une progression par rapport à la loi de finances pour 2023 de + 5,62 % en AE et + 4,41 % en CP.
Les recettes du compte de concours financiers s’élèvent à 4,025 milliards d’euros, en hausse de 209,4 millions d’euros par rapport à 2023 (+ 5,49 %). Cette augmentation s’ajoute à celle de 114,4 millions d’euros déjà constatée entre 2022 et 2023.
Le projet de loi de finances prévoit l’affectation d’une part du produit de la TVA aux sociétés de l’audiovisuel public d’un montant de 4,025 milliards d’euros, affectée pour près des deux-tiers à France Télévisions, et pour 16 % à Radio France.
Entre 2022 et 2027, les montants accordés aux six sociétés d’audiovisuel public devraient avoir augmenté de 466,2 millions d’euros, soit une hausse de 12,6 %. Cette hausse s’élèverait à 142 millions d’euros entre les seules années 2024 et 2027.
L’article 31 du projet de loi de finances prévoit d’introduire la possibilité pour les entreprises de l’audiovisuel public de bénéficier d’avances finançant des « actions de transformation » identifiées dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM). L’enveloppe additionnelle dédiée à ces projets de transformation s’élèverait à 200 millions d’euros sur trois ans, dont 69 millions d’euros au titre de 2024.
Si l’introduction d’une dose incitative, pour ne pas dire de performance, dans l’attribution des financements à l’audiovisuel public va dans le bon sens, la question des indicateurs figurant dans les COM, et par conséquent des critères d’attribution, demeure à l’heure actuelle une inconnue.
Le montant total des aides à la presse devrait atteindre 197,5 millions d’euros en AE et 196,5 millions en CP en 2024. Il diminue donc de 0,3 % par rapport à 2023.
Le chiffre d’affaires global du secteur a reculé de 6 % entre 2019 et 2022, et cette tendance est amenée à durer. En particulier, la diminution des recettes publicitaires (- 2,8 % depuis 2019) interroge sur la capacité du secteur à mobiliser des ressources propres. À ce constat structurel s’ajoute les hausses conjoncturelles découlant de l’actualité internationale, d’une part, et de l’inflation, en particulier du coût du papier, d’autre part.
Rapport N° 128 SÉNAT |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024, |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général,Sénateur TOME IIILES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES(seconde partie de la loi de finances) ANNEXE N° 19MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC |
Rapporteur spécial : M. Jean-Raymond HUGONET |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros :Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024) |
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit au titre de la mission « Médias, livres et industries culturelles » 741,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 735,9 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une progression par rapport à la loi de finances pour 2023 de + 5,62 % en AE et + 4,41 % en CP. Les recettes du compte de concours financiers s’élèvent à 4,025 milliards d’euros, en hausse de 209,4 millions d’euros par rapport à 2023 (+ 5,49 %). Cette augmentation s’ajoute à celle de 114,4 millions d’euros déjà constatée entre 2022 et 2023.
I. UN BUDGET EN FORTE HAUSSE ENTÉRINANT LE STATU QUO SUR L’ORGANISATION DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC
A. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS ACCORDÉS À L’AUDIOVISUEL PUBLIC DE 5,5 %
Le présent projet de loi de finances prévoit l’affectation d’une part du produit de la TVA aux sociétés de l’audiovisuel public d’un montant de 4,025 milliards d’euros, affectée pour près des deux-tiers à France Télévisions, et pour 16 % à Radio France.
Évolution des dotations accordées aux sociétés de l’audiovisuel public
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires
Entre 2022 et 2027, les montants accordés aux six sociétés d’audiovisuel public devraient avoir augmenté de 466,2 millions d’euros, soit une hausse de 12,6 %. Cette hausse s’élèverait à 142 millions d’euros entre les seules années 2024 et 2027.
B. LA MISE EN PLACE D’UNE PART CONDITIONNELLE, UN ERZARTZ DE RÉFORME
L’article 31 du projet de loi de finances prévoit d’introduire la possibilité pour les entreprises de l’audiovisuel public de bénéficier d’avances finançant des « actions de transformation » identifiées dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM). L’enveloppe additionnelle dédiée à ces projets de transformation s’élèverait à 200 millions d’euros sur trois ans, dont 69 millions d’euros au titre de 2024.
Si l’introduction d’une dose incitative, pour ne pas dire de performance, dans l’attribution des financements à l’audiovisuel public va dans le bon sens, la question des indicateurs figurant dans les COM, et par conséquent des critères d’attribution, demeure à l’heure actuelle une inconnue.
C. L’AFFECTATION D’UNE FRACTION DE TVA, VERS DU PROVISOIRE QUI DURE ?
Le remplacement de la contribution à l’audiovisuel public par l’affectation d’une part du produit de la TVA ne constitue qu’une solution transitoire et ne sera plus compatible avec la loi organique relative aux lois de finances dès le 1er janvier 2025. Alors que le temps presse désormais, le Gouvernement n’a toujours avancé ni piste ni calendrier pour l’établissement d’un nouveau mode de financement de l’audiovisuel public en 2025.
Dès lors que le Gouvernement ne semble pas prêt à s’emparer des propositions de réforme du Sénat, et alors que le budget 2024 constitue une étape de plus dans la spirale haussière de l’audiovisuel public, le rapporteur spécial a déposé un amendement visant à geler les crédits des sociétés de l’audiovisuel public en 2024, en les maintenant au niveau accordé en LFI 2023.
II. UNE RELATIVE STABILISATION DES AIDES À LA PRESSE DANS L’ATTENTE DE LEUR NÉCESSAIRE RÉFORME
Le montant total des aides à la presse devrait atteindre 197,5 millions d’euros en AE et 196,5 millions en CP en 2024. Il diminue donc de 0,3 % par rapport à 2023. Le chiffre d’affaires global du secteur a reculé de 6 % entre 2019 et 2022, et cette tendance est amenée à durer. En particulier, la diminution des recettes publicitaires (- 2,8 % depuis 2019) interroge sur la capacité du secteur à mobiliser des ressources propres. À ce constat structurel s’ajoute les hausses conjoncturelles découlant de l’actualité internationale, d’une part, et de l’inflation, en particulier du coût du papier, d’autre part. Il est indispensable que les États généraux de l’information actuellement en cours débouchent sur des propositions concrètes sur le modèle économique de la presse pour l’avenir et la réforme souhaitable des aides à la presse.
S’agissant des aides à la diffusion, leur réforme en 2021 n’a pas résolu le sujet de fond : au vu de l’effondrement des ventes par abonnement et au numéro, les montants accordés à ce titre devraient mécaniquement diminuer au cours des prochaines années, faute de candidats.
III. UNE CROISSANCE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA POLITIQUE DU LIVRE, QUI RECOUVRE DES HAUSSES IMPORTANTES ACCORDÉES AUX BIBLIOTHÈQUES NATIONALES
Les crédits dédiés à la politique du livre sur la mission sont en forte hausse par rapport à 2023 (10,4 % en AE et 7,5 % en CP). Une partie de cette progression découle de la compensation de la hausse du point d’indice de 1,5 % décidée à l’été 2023 pour les opérateurs du programme (Bibliothèque nationale de France (BnF), Bibliothèque publique d’information (Bpi) et Centre national du livre). La subvention versée à la BnF est la plus importante versée à un opérateur du ministère de la culture et continue d’augmenter régulièrement.
Évolution des crédits de paiement dédiés aux opérateurs de l’action 01 du programme 334
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires
IV. LA NÉCESSAIRE RÉÉVALUATION DU FINANCEMENT DU CINÉMA FRANÇAIS
La commission des finances a consacré au printemps 2023 une analyse détaillée à la situation du CNC et plus largement aux financements publics accordés à la filière du cinéma1(*). La production cinématographique d’initiative française a été financée à hauteur de 31 % par des fonds publics en 2021. Le montant de la dépense publique en faveur du cinéma avait atteint cette même année 747 millions d’euros, hors mesures d’urgence et plan de relance.
Le montant total de la dépense fiscale a été chiffré à 472 millions d’euros en 2023, soit un niveau a peu près équivalent à celui constaté en 2022. Les montants prévisionnels pour 2024 dénotent une nette progression – + 55 millions d’euros – atteignant des niveaux inédits.
V. L’IMPASSE PRÉVISIBLE DU FINANCEMENT DU CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE
A. QUELLE AMBITION POUR LA MUSIQUE ? LE CNM À LA CROISÉE DES CHEMINS
Créé en 2019 et mis en place le 1er janvier 2020, le Centre national de la musique (CNM) est un établissement public à caractère industriel et commercial dont l’ambition est de devenir, à terme, l’équivalent, dans le domaine de la musique, du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Dès la mise en place du CNM, son budget a été significativement abondé par des crédits exceptionnels afin d’aider la filière face à la crise sanitaire, atteignant ainsi 172 millions d’euros au terme de l’année 2020, 264 millions d’euros en 2021 et 56,5 millions d’euros en 2022.
Le CNM dispose actuellement de deux sources de financement principales : le produit de la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés (dont le montant devrait s’élever à 30 millions en 2024), d’une part, et une dotation budgétaire destinée à couvrir ses frais de fonctionnement d’autre part. Cette subvention pour charges de service public (SCSP) est stable en 2024 à 28,3 millions d’euros.
Le CNM dispose donc en l’état pour 2024 d’un budget total d’environ 67 millions d’euros, permettant d’accorder entre 25 et 30 millions d’euros d’aides sélectives, ce qui représente un montant largement en-deçà des besoins de la filière musicale, que le CNM estime à environ 60 millions d’euros.
Aides sélectives accordées par le CNM en 2023
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après le CNM
B. L’INDISPENSABLE RECHERCHE D’UNE NOUVELLE SOURCE DE FINANCEMENT
Le 21 juin, à l’occasion de la Fête de la musique, le Président de la République a annoncé que, faute d’un accord entre les différents acteurs de la filière musicale, au 30 septembre 2023, le Président de la République a indiqué que le Gouvernement se réserverait la possibilité de saisir le Parlement d’une contribution obligatoire des plateformes de streaming musical afin de contribuer au financement du CNM. Force est de constater, à l’heure de la rédaction de ce rapport, que le Gouvernement n’a d’une part pas tenu les engagements prononcés lors de la création du CNM, et que d’autre part celui-ci n’a pas été en capacité de se positionner en amont du projet de loi de finances.
Le rapporteur spécial regrette l’attentisme du Gouvernement sur ce point et souhaite que les débats au Sénat permettent de parvenir à une solution de financement pérenne pour le CNM.
Réunie le mardi 14 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption sans modification des crédits de la mission. Elle a proposé également d’adopter les crédits du compte de concours financiers tels que modifiés par son amendement.
Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d’adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et d’adopter les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » tels que modifiés par son amendement.
L’article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 98 % des réponses du ministère de la culture à son questionnaire budgétaire.
Pilotée par le ministère de la culture, la mission « Médias, Livre et industries culturelles » cible le développement et le pluralisme des médias, l’appui au secteur du livre et de la lecture, le soutien à l’industrie musicale et la protection des oeuvres sur internet.
Elle est composée de deux programmes, contribuant chacun pour moitié aux dépenses de la mission :
– le programme 180 « Presse et médias », qui vise à renforcer la vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias, notamment au niveau local2(*) ;
– le programme 334 « Livre et industries culturelles », consacré à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et l’élargissement de la diffusion des oeuvres. Si l’État n’a pas vocation à se substituer aux acteurs privés du secteur culturel, il agit néanmoins afin d’assurer certains équilibres, tant en matière de diversité que d’accès à l’offre.
La mission ne comporte pas de dépenses de personnel de titre 2 puisque toutes les dépenses de personnel du ministère de la culture sont inscrites dans le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » rattaché à la mission « Culture ».
Le présent projet de loi de finances prévoit au titre de cette mission 741,87 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 735,94 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une progression par rapport à la loi de finances pour 2023 de + 5,62 % en AE et + 4,41 % en CP. À périmètre constant, la hausse des crédits (en CP) est légèrement inférieure et s’élève à 4,12 %.
Évolution des crédits de paiement de la mission « Médias, Livre
et industries culturelles » par programme entre 2019 et 2024
(en millions d’euros)
Note de lecture : La progression des crédits observée en exécution 2020 tient aux mesures adoptées à l’occasion des collectifs budgétaires en vue de lutter contre les incidences de la crise sanitaire.
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Cette hausse s’ajoute à celle de l’année précédente. En 2023, les crédits de la mission avaient augmenté de 0,6 % en AE et 4,4 % en CP. En conséquence, les dépenses de la mission devraient augmenter de 9,01 % en deux ans. Ce chiffre doit toutefois être relativisé au regard de la forte inflation constatée sur la même période. À titre d’exemple, l’inflation observée en 2023 conduit à revenir sur la hausse accordée l’année dernière, dans la mesure où les crédits en volume ont régressé en AE et sont restés stables en CP.
Évolution des crédits de paiement de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » à périmètre courant
(en millions d’euros)
LFI 2022 | PLF 2023 | PLF 2024 | Évolution 2024/2023 (en euros) | Évolution 2024/2023 (en %) | Évolution 2024/2022 (en %) | |
Programme 180 : Presse et médias | 350,76 | 371,00 | 376,65 | + 5,65 | + 1,52 % | + 7,38 % |
Programme 334 : Livre et industries culturelles | 324,39 | 333,85 | 359,28 | + 25,43 | + 7,62 % | + 10,76 % |
Total | 675,15 | 704,86 | 735,95 | + 31,09 | + 4,41 % | + 9,01 % |
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Une part importante de la hausse des crédits accordés aux opérateurs de la mission recouvre donc des mesures de compensation des conséquences de l’inflation. Il est par ailleurs à noter que, si la hausse du point d’indice de 3,5 % en 2022 a été compensée sur 2023 (et non d’ailleurs sur 2022), ce n’est pas le cas de celle d’1,5 % accordée en 2023. D’après les informations fournies par le ministère de la Culture, les mesures nouvelles ne correspondent qu’à environ 2,5 millions d’euros sur les 16 millions d’euros supplémentaires accordés aux opérateurs.
Évolution des crédits de paiement de la mission
« Médias, Livre et industries culturelles »à périmètre courant
(en millions d’euros)
Bibliothèque nationale de France | Bibliothèque publique d’Information | Centre national du livre | Centre national de la musique | Total | |
14,09 | 0,97 | 0,44 | 0,51 | 16,01 | |
Compensation de l’inflation (fonctionnement) | 6,23 | 0,51 | 0,27 | 0,37 | 7,38 |
Compensation de l’inflation (investissement) | 1,00 | 1,00 | |||
Compensation du point d’indice 2022 | 4,75 | 0,06 | 0,17 | 0,14 | 5,11 |
Mesures nouvelles (fonctionnement) | 2,12 | 0,00 | 2,12 | ||
Mesures nouvelles (investissement) | 0,40 | 0,40 |
Source : commission des finances, d’après le ministère de la culture
Si le Gouvernement respecte la trajectoire qu’il a lui-même proposée dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques, les crédits de la mission devraient diminuer dès l’année prochaine, en AE comme en CP, pour revenir au niveau de 2023.
Trajectoire prévisionnelle de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » entre 2024 et 2026
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Le financement d’un certain nombre de dispositifs relevant de la mission « Médias, livres et industrie culturelles » s’effectue par des crédits relevant du plan France 2030. Cette division n’est pas sans apporter une certaine complexité. Le volet « Culture » de France 2030 rassemble ainsi les crédits du PIA 4 (400 millions d’euros) et trois nouveaux dispositifs. Parmi eux, la « Grande fabrique de l’image » bénéficie de 350 millions d’euros de crédits.
Pour mémoire, entre 2021 et 2022, le plan de relance a également financé la politique de la culture à hauteur de 610 millions d’euros.
Montants attribués en 2021-2022 par le Plan de relance
(en millions d’euros)
PRESSE | 95,10 |
Fonds pour la transition écologique du secteur | 7,90 |
Renforcement du FSDP | 42,03 |
Renforcement de l’aide à la modernisation des diffuseurs | 12,00 |
Fonds de lutte contre la précarité | 13,17 |
Plan Imprimeries (gestion DGEFP prog 103) | 20,00 |
LIVRE | 53,00 |
dispositif “Jeunes en librairies” | 5,36 |
financement des achats de livres auprès des librairies par les bibliothèques publiques | 9,50 |
soutien aux investissements de modernisation en direction des librairies | 7,64 |
Librairies françaises implantées à l’étranger | 0,50 |
Plan filière livre – Plan bibliothèques – volet investissement | 30,00 |
Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles | 14,00 |
dotation fonds de garanties FGCA | 11,60 |
dotation fonds de garanties FGICC | 2,40 |
Centre national du cinéma | 165,00 |
préservation de la souveraineté de la création française et renforcement à l’international | 74,90 |
investissement sur la jeunesse et les talents d’avenir | 6,00 |
soutien de la diffusion culturelle sur tous les territoires et pour tous les publics | 35,60 |
réarmement financier du CNC | 48,50 |
Centre national de la musique | 205,00 |
Dispositifs de relance 2021 | 175,00 |
poursuite dispositifs relance sur 2022 | 30,00 |
Industries culturelles et créatives | 4,95 |
Soutien aux quartiers culturels créatifs | 2,97 |
Découvrabilité | 1,98 |
Audiovisuel Public | 73,00 |
France TV | 45,00 |
Radio France | 20,00 |
Arte | 5,00 |
INA | 2,00 |
France Medias Monde | 0,50 |
TV5 Monde | 0,50 |
Total | 610,05 |
Source : commission des finances d’après le ministère de la culture
En conséquence et afin de disposer d’une vision davantage exhaustive, le rapporteur spécial ainsi que les rapporteurs spéciaux de la mission « Culture » ont demandé à la Cour des comptes la réalisation d’une enquête sur la base de l’article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances portant sur le financement extrabudgétaire de la politique culturelle de l’État. Les conclusions de cette enquête devraient être rendues au début de l’année 2024.
Le présent projet de loi de finances prévoit de porter les crédits du programme 180 « Presse et médias » à377,7 millions d’euros en AE et 376,7 millions d’euros en CP. Cela correspond à une hausse d’1,5 % des crédits, soit une stabilisation après la forte augmentation accordée en 2023 (+ 6,1 % en AE et + 5,8 % en CP).
Corrigée de l’hypothèse d’inflation prévue en projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027, l’évolution des crédits en volume est de -1 % en AE comme en CP.
Répartition des crédits de paiement par action
au sein du programme 180 « Presse et médias »
Source : commission des finances du Sénat d’après les documents budgétaires
En 2023, la hausse des crédits était concentrée sur les aides à la presse (+ 17,3 millions d’euros) et le soutien à l’expression radiophonique : (+ 2,9 millions d’euros). A contrario, en 2024, la tendance est inversée : les aides à la presse reculent de 0,4 % et le soutien à l’expression radiophonique d’1 %, tandis que la quasi-totalité de la croissance de la mission est liée à celle de la dotation à l’Agence France presse (+ 5 %) et du soutien aux médias de proximité (+ 7 %).
Évolution des crédits du programme 180 « Presse et médias »
de 2022 à 2024
(en euros en AE = CP)
LFI 2022 | LFI 2023 | PLF 2024 | Évolution 2023/2024 (en euros) | Évolution 2023/2024 (en %) | Évolution corrigée de l’inflation (en %) | |
Action 01 : Relations financières avec l’AFP | 134 976 239 | 134 976 239 | 141 692 217 | 6 715 978 | 5,0 % | 2,42 % |
Action 02 : Aides à la presse | 179 186 325 | 197 542 361 | 196 826 383 | – 715 978 | – 0,4 % | – 2,79 % |
Action 05 : Soutien aux médias de proximité | 1 831 660 | 1 831 660 | 1 958 654 | 126 994 | 6,9 % | 4,33 % |
Action 06 : Soutien à l’expression radiophonique locale | 33 098 639 | 36 032 069 | 35 688 639 | – 343 430 | – 1,0 % | – 3,37 % |
Action 07 : Compagnie internationale de radio et de télévision | 1 666 500 | 1 666 500 | 1 666 500 | 0 | 0,0 % | – 2,44 % |
Programme 180 : Presse et médias | 350 759 363 | 372 049 399 | 377 832 393 | 5 782 994 | 1,6 % | – 0,9 % |
Source : commission des finances du Sénat, d’après les données budgétaires
L’action n° 2 du programme 180 recense trois types d’aides à la presse : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation du secteur.
Répartition des crédits de paiement par sous-action
au sein de l’action 02 « Aides à la presse »
Source : commission des finances du Sénat d’après les documents budgétaires
Le montant total des aides à la presse devrait atteindre 197,5 millions d’euros en AE et 196,5 millions en CP en 2023. Il diminue donc de 0,3 % par rapport à l’année précédente, année où ce montant était en nette progression par rapport à 2022 (+ 10,2 % en AE et + 9,6 % en CP).
Montant des aides à la presse prévues au sein du programme 180
(en CP, en euros)
Action | Montant 2023 | Montant 2024 |
Sous-action 01 « Aides à la diffusion » | 118 993 939 | 114 734 447 |
Aide au portage de la presse | 35 100 000 | 35 100 000 |
Aide à l’exemplaire posté | 72 206 036 | 68 200 000 |
Exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse | 11 687 903 | 11 434 447 |
Sous-action 02 « Aides au pluralisme » | 23 225 000 | 25 925 000 |
Aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires | 14 355 000 | 17 055 000 |
Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces | 1 400 000 | 1 400 000 |
Aide au pluralisme des titres ultramarins | 2 000 000 | 2 000 000 |
Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale | 1 470 000 | 1 470 000 |
Aide aux services de presse en ligne | 4 000 000 | 4 000 000 |
Sous-action 03 « Aides à la modernisation » | 54 283 302 | 55 126 816 |
Aide à la modernisation de la distribution de la presse | 27 850 000 | 27 850 000 |
Aide à la modernisation des diffuseurs de presse | 6 000 000 | 6 000 000 |
Fonds stratégique pour le développement de la presse | 15 433 302 | 16 276 816 |
Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse | 5 000 000 | 5 000 000 |
Total | 196 502 241 | 195 786 263 |
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires
Les difficultés structurelles du secteur de la presse écrite, dans un contexte de concurrence avec d’autres modes d’information, font l’objet de multiples analyses. Le chiffre d’affaires global du secteur a reculé de 6 % entre 2019 et 2022, et cette tendance est amenée à durer. En particulier, la diminution des recettes publicitaires (- 2,8 % depuis 2019) interroge notamment sur la capacité du secteur à mobiliser des ressources propres.
Le chiffre d’affaires (CA) de la presse
(en euros et en %)
2020 | 2021 | 2022 | Évolution 2020/2021 | Évolution 2021/2022 | Évolution 2019/2022 | ||||
En milliers d’euros* | Poids dans le CA en % | En milliers d’euros* | Poids dans le CA en % | En milliers d’euros* | Poids dans le CA en % | ||||
Recettes de ventes, dont : | 4 089 057 | 72,7 | 4 298 886 | 71,1 | 4 194 215 | 70,0 | 5,1 % | – 2,4 % | – 6,5 % |
Ventes au numéro | 1 740 057 | 31,0 | 1 906 945 | 31,6 | 1 822 340 | 30,4 | 9,6 % | – 4,4 % | – 12,4 % |
Vente par Abonnement | 2 349 001 | 41,8 | 2 391 940 | 39,6 | 2 371 874 | 39,6 | 1,8 % | – 0,8 % | – 1,5 % |
Recettes de publicité, dont : | 1 532 276 | 27,3 | 1 743 130 | 28,9 | 1 795 112 | 30,0 | 13,8 % | 3,0 % | – 4,4 % |
Publicité commerciale | 1 201 491 | 21,4 | 1 402 557 | 23,2 | 1 454 479 | 24,3 | 16,7 % | 3,7 % | – 2,8 % |
Petites annonces | 330 785 | 5,9 | 340 573 | 5,6 | 340 633 | 5,7 | 3,0 % | 0,0 % | – 10,7 % |
CA de la presse écrite | 5 621 333 | 100 | 6 042 016 | 100 | 5 989 327 | 100 | 7,5 % | – 0,9 % | – 5,9 % |
Source : ministère de la culture
À ce constat structurel s’ajoute les hausses conjoncturelles découlant de l’actualité internationale d’une part et de l’inflation, en particulier du coût du papier, d’autre part. En 2022, la presse a connu une très forte hausse du prix du papier qui se traduit par un poids croissant de ce poste de dépenses dans la structure des coûts de production.
Pour y faire face, il a été mis en place en 2023 une aide exceptionnelle à destination des entreprises de presse particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine, en raison de la hausse de certains coûts de production des publications imprimées3(*).
L’assiette permettant le calcul de l’aide attribuée à chaque publication est égale à la différence entre les coûts d’approvisionnement en papier entre février 2022 et décembre 2022, d’une part, et les onze douzièmes des coûts d’approvisionnement en papier de 2021, d’autre part. Le montant de l’aide attribuée sera égal à la multiplication de cette assiette par un taux défini par arrêté. Ce taux pourra être majoré pour les publications d’information politique et générale et en fonction de l’importance de l’évolution de l’excédent brut d’exploitation. Il sera établi à la suite de la réception de l’ensemble des demandes d’aide afin de permettre la meilleure compensation des éditeurs dans le respect de l’enveloppe allouée au dispositif.
L’enveloppe de 30 millions d’euros allouée à ce dispositif est financée par des crédits destinés au secteur de la presse qui n’ont pas été consommés dans le cadre du plan de relance et par 5 millions d’euros ouverts en loi de finances rectificative pour 20224(*). D’après les documents budgétaires, cette aide devrait être versée à l’automne 2023, les entreprises de presse ayant eu jusqu’à juillet pour en demander l’attribution. Au vu du versement très tardif de cette aide pour 2023, il y a lieu de s’interroger sur le caractère indispensable de son attribution.
Si cette aide ponctuelle est indispensable pour certains titres de presse, elle ne saurait éluder les difficultés de long terme du secteur, nécessitant une réforme d’ampleur (cf. infra).
La réforme des aides à la distribution, ou réforme Giannesini, du nom du conseiller maître à la Cour des comptes à l’origine de ces propositions, est intervenue en projet de loi de finances pour 2022. Le protocole d’accord portant réforme et programmation du service public de distribution de la presse papier abonnée pour les années 2022-2026 a été signé en février 2022.
Il prévoit notamment la conservation d’une seule grille tarifaire pour l’ensemble des publications s’étant vu délivrer un certificat d’inscription sur les registres de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).
Ce protocole prévoit également la création d’une aide à l’exemplaire5(*), réservée aux titres d’information politique et générale (IPG) d’une périodicité au maximum hebdomadaire et aux publications d’une périodicité au maximum quotidienne qui apportent régulièrement des informations et des commentaires sur l’actualité de l’ensemble des disciplines sportives. La nouvelle aide à l’exemplaire fonctionne selon un double barème : l’un concernant les exemplaires postés et l’autre pour les exemplaires portés.
Répartition des aides directes à la presse
(en millions d’euros et en %)
Source : commission des finances
Le volet dédié aux exemplaires postés est destiné aux éditeurs des publications d’information politique et générale (IPG) et quotidiens à faibles ressources publicitaires ou à faibles ressources de petites annonces (QFRP/QFRA), d’une périodicité au maximum hebdomadaire.
Le coût de l’aide à l’exemplaire posté est évalué en 2024 à 68,2 millions d’euros, soit une diminution de 4 millions d’euros par rapport à la LFI 2023.
Afin d’encourager le portage, le montant de l’aide à l’exemplaire devrait diminuer de 15 % à compter du 1er janvier 2024, sauf pour les exemplaires distribués dans les communes situées dans les zones dites peu denses dans lesquelles il n’existe pas à court terme d’alternative à la distribution postale.
Le second volet, d’un montant de 32,7 millions d’euros, vise les titres portés par un réseau ou par une composante d’un réseau ayant conclu une convention-cadre avec la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et qui seront donc éligibles au dispositif. À mi-2023, 22 conventions (pour 63 sociétés) étaient signées.
L’aide aux exemplaires portés est assise sur les volumes portés pendant une année donnée et est liquidée et versée aux éditeurs au cours de l’année suivante. Elle comporte une part de plafonnement : le montant de l’aide ne peut être supérieur aux coûts supportés par l’éditeur bénéficiaire pour la distribution des titres constituant l’assiette de l’aide. Par ailleurs, dans le cas où les crédits disponibles au titre d’une année sont inférieurs aux montants calculés, les montants attribués à chaque bénéficiaire peuvent faire l’objet d’un abattement à partir de 15 millions d’exemplaires portés.
La réforme des aides à la diffusion s’effectue dans un contexte de très forte tension sur la filière. En effet, la diffusion par abonnement connaît une forte diminution : – 7,3 % en 2022 par rapport à 2021 et – 19,3 % par rapport à 2019 pour la presse quotidienne nationale d’une part, et 5,8 % et – 12,6 % pour la presse quotidienne régionale.
Celle-ci n’atteint toutefois pas le rythme de la vente au numéro, qui a diminué pour l’ensemble de la presse de respectivement – 8,4 % par rapport à 2021 et – 31,1 % par rapport à 2019. Pour la seule presse quotidienne, les chiffres sont vertigineux : les ventes de la presse quotidienne nationale ont diminué de – 7,7 % entre 2021 et 2022 et de – 53,5 % entre 2019 et 2022 et celles de la presse quotidienne régionale de respectivement – 8,8 % et – 27,6 %.
Ventes au numéro en France
(en millions d’exemplaires et en %)
Source : commission des finances
En conséquence, les montants accordés au titre de l’aide à la diffusion devraient donc mécaniquement diminuer au cours des prochaines années, faute de candidats. La direction générale des médias et des industries culturelles table sur une diminution des crédits à 79 millions d’euros en 2026, contre 107,4 millions d’euros en 2022 et 101 millions d’euros en 2023.
Le groupe Presstalis, entreprise de messagerie de presse privée, était jusqu’à sa liquidation en juillet 2020, l’un des principaux acteurs de la distribution de la presse en France et, de fait, le seul opérateur de distribution de la presse quotidienne nationale. Face à une impasse de trésorerie de près de 50 millions d’euros en avril 2020, Presstalis s’est déclarée en cessation des paiements et une procédure collective a été ouverte devant le tribunal de commerce de Paris. Le 1er juillet 2020, le tribunal a homologué la reprise du niveau 1 de la société par la coopérative des quotidiens et la création de France Messagerie.
140 millions d’euros en AE = CP étaient prévus par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 pour la restructuration de Presstalis et son remplacement par France Messagerie.
En 2022, France Messagerie présentait un résultat positif de 4,9 millions d’euros, essentiellement grâce au soutien de l’État. En effet, dans le cadre du protocole de conciliation homologué par le Tribunal de commerce de Paris le 14 mars 2018, il avait été convenu avec les coopérateurs de Presstalis que l’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’IPG serait portée de 18 à 27 millions d’euros jusqu’en 2021, par redéploiement de crédits issus du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). Ce soutien financier s’apparente désormais à du provisoire qui dure, dans la mesure où, l’équilibre économique du système de distribution ne s’améliorant pas, il a été décidé de maintenir l’aide à son niveau de 2021 pour 2022, 2023 et 2024.
Dès lors, dans un contexte où la digitalisation de la presse, la rapidité de la diffusion de l’information comme le coût écologique de la distribution rendent cette diffusion en large partie obsolète, et où il n’y a donc que peu d’espoir de voir la diffusion par France Messagerie augmenter au cours des prochaines années, la question se pose de la pertinence de ce modèle de financement. En tout état de cause, il ne semble pas intégralement légitime que l’État continue à porter le coût de la diffusion, alors que Presstalis puis France Messagerie auront coûté à l’État plus d’un demi-milliard d’euros en dix ans.
La distribution ne peut cependant constituer le seul prisme en vue d’une réforme des aides à la presse. La corrélation entre la nature actuelle des aides et leur modalités d’attribution, d’un côté, et les défis posés en termes industriels par la mutation de l’accès à l’information et les conséquences de celle-ci sur la vie de titres de presse, de l’autre, doivent servir de points cardinaux à une réforme d’ampleur du régime d’aides. Il est indispensable que les États généraux de l’information actuellement en cours débouchent sur des propositions concrètes sur ce point.
L’organisation des États généraux de l’information
Annoncés par le Président de la République dans le courant de la campagne électorale au printemps 2022, les États Généraux de l’information (EGI) ont été lancés en juillet 2023.
Les EGI sont conduits par un comité de pilotage, présidé par Bruno Lasserre, ancien vice-président du Conseil d’État, avec comme délégué général Christophe Deloire, directeur général de Reporteurs sans frontières et comprenant cinq autres membres.
Ce chantier de plusieurs mois se déroulera en trois temps :
– octobre / décembre 2023 : diagnostic et propositions ;
– janvier / mars 2024 : délibérations sur les propositions ;
– avril / juin 2024 : synthèse et restitution.
Les États généraux comportent plusieurs groupes de travail thématiques :
– « L’Espace informationnel et l’innovation technologique », présidé par Sébastien Soriano, ancien président de l’ARCEP ;
– « Citoyenneté, information et démocratie », présidé par Pascal Ruffenach, président du directoire du groupe Bayard ;
– « L’avenir des médias d’information et du journalisme », présidé par Christopher Baldelli, président de Public Sénat ;
– « Souveraineté et lutte contre les ingérences étrangères », présidé par Arancha Gonzalez Laya, ancienne ministre des affaires étrangères de l’Espagne et doyenne de l’École des Affaires internationales de Sciences Po Paris ;
– « L’État et la régulation », présidé par Isabelle Falque-Pierrotin, ancienne présidente de la CNIL.
Source : ministère de la culture
Le rapport précédent de la commission des finances sur les aides à la presse6(*) plaidait pour la refonte de l’ensemble des aides (distribution, pluralisme, modernisation) versées actuellement à plusieurs acteurs de la filière en une aide unique au titre, évolutive en fonction de son degré de digitalisation, de sa participation à la connaissance et au savoir – la question de la pertinence du critère d’information politique et générale est notamment posée – et de son accès aux ressources publicitaires.
Sociétés subventionnées et montants alloués
(en nombre d’acteurs et en euros)
Nombre d’acteurs privés subventionnés | Montant total | Subvention moyenne | |
2022 | 1 379 | 248 033 967 | 179 865 |
2023 | 1 309 | 255 309 236 | 195 041 |
Source : commission des finances d’après les documents budgétaires
L’aide à la presse doit aujourd’hui être conçue comme une aide à l’investissement et non plus comme un soutien à des titres fragiles, n’ayant pas pu ou su procéder à une révision de leurs modèles ou comme un appui à des messageries qui ne peuvent rien face à la diminution inexorable du lectorat « papier ». Il s’agit de passer d’une logique de rafistolage à celle d’un accompagnement rationnel.
Au-delà de l’aide à la distribution et à la modernisation, la question des aides au pluralisme doit être posée. Le dispositif profite de fait à quatre quotidiens (La Croix, L’Humanité, Libération et L’Opinion) sans qu’une réflexion ne soit lancée sur la structure même de ces groupes de presse.
Montants versés aux principaux groupes de presse
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire
De fait, il pourrait être opportun, dans un contexte de concentration des médias, de procéder à une réorientation des aides au pluralisme, désormais conçues comme un soutien à l’indépendance, visant presse écrite et médias tout en ligne. La notion d’indépendance serait dès lors un critère de majoration de l’aide unique au titre.
L’action 01 rassemble les relations financières entre l’État et l’Agence France-Presse (AFP). Le versement fait à l’AFP à ce titre distingue, d’une part, le paiement des abonnements commerciaux de l’État (régis par une convention d’abonnements signée en septembre 2015) et, d’autre part, la compensation des missions d’intérêt général (MIG) de l’AFP7(*).
Les crédits à destination de l’AFP devraient progresser en 2024 de 6,7 millions d’euros par rapport à la LFI 2023, pour atteindre 142 millions d’euros. Cette hausse est essentiellement concentrée sur la compensation des MIG (119 millions d’euros, 5,6 millions de plus qu’en 2023), le paiement des abonnements n’augmentant que d’1,1 million d’euros (soit 22,7 millions d’euros au total).
Si les documents budgétaires indiquent que « ces montants sont conformes à la trajectoire prévue dans le futur contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 », la signature du nouveau COM n’est prévue qu’en décembre 2023 et son contenu n’est pour l’heure pas diffusé.. Il devrait comporter un nouveau plan substantiel d’économies de charges s’ajoutant à celui du COM actuel, devant permettre la poursuite du désendettement de l’agence.
L’AFP fait cependant face aux difficultés pesant actuellement sur le secteur des médias avec une situation financière nettement renforcée après plusieurs années d’incertitudes. L’agence avait bénéficié en 2019 et 2020 d’une dotation majorée pour soutenir la mise en place d’un plan stratégique de réorientation de l’activité et de réduction des charges, qui a permis à l’Agence de faire face à la crise sanitaire.
En 2022, l’AFP a affiché un résultat net de 1,4 million d’euros. Il est d’abord la traduction des performances commerciales de l’Agence, qui a vu ses recettes commerciales progresser de près de + 5,9 % par rapport à 2021. Sur ce point, les recettes dépassent annuellement les niveaux cibles du COM. Il est donc souhaitable que la trajectoire fixée dans le COM 2024-2028 soit également ambitieuse. Les recettes publicitaires ont dépassé la cible du COM en 2021 (+ 2 millions d’euros), en 2022 (+ 7,4 millions d’euros) et vraisemblablement également en 2023. Les produits commerciaux devraient à nouveau croître en 2023, mais dans une moindre mesure (+ 0,7 % par rapport à 2022, soit 2,5 millions d’euros de moins que les prévisions initiales, avec un écart de – 1,3 % (ou – 2,5 millions d’euros).
Les travaux au siège historique se sont achevés en juin 2022 et permettent de dégager 2,5 millions d’euros d’économies de loyer dès 2023.
Toutefois, les effets conjugués de l’inflation et du coût de la couverture du conflit ukrainien doivent constituer un point de vigilance. Les charges d’exploitation de l’AFP ont augmenté de 3,9 % dès 2022. Si ces facteurs d’évolution à la hausse persistent en 2023, les charges d’exploitation devraient toutefois diminuer, notamment du fait d’un taux élevé de vacances de postes (- 1,9 million d’euros) et du décalage de la suppression de la déduction forfaitaire spécifique. Il est à craindre que les recettes de l’AFP ne subissent un « effet ciseaux », dans la mesure où l’Agence considère difficile de répercuter cette même inflation sur ses tarifs.
On ne saurait donc trop encourager la poursuite des efforts de réduction de ses charges qui devrait figurer dans le prochain COM, afin de maintenir la capacité d’adaptation de l’AFP aux nouveaux enjeux liés à la diffusion de l’information.
L’action 06 – Soutien à l’expression radiophonique locale du programme 180 regroupe les crédits dédiés au Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER). Ce fonds couvre 706 radios associatives non commerciales.
Le FSER est chargé de soutenir le secteur radiophonique local associatif, considéré comme le garant de l’expression du pluralisme et de la communication de proximité. Il distribue à cet effet des aides aux radios locales associatives accomplissant une mission de « communication sociale de proximité » lorsque leurs ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaire total8(*). Ces aides représentent 40 % des ressources des radios couvertes par le Fonds.
Quatre subventions sont versées :
– la subvention d’installation d’un montant maximal de 16 000 euros ;
– la subvention d’équipement, appelée à financer 50 % des dépenses d’investissement, dans la limite de 18 000 euros par période de cinq ans ;
– la subvention d’exploitation ;
– la subvention sélective à l’action radiophonique, destinée à soutenir les services de radio ayant réalisé des actions particulières dans un certain nombre de domaines, à l’instar de l’emploi, de l’intégration, de la lutte contre les discriminations, de la culture et de l’éducation. Cette subvention représente au plus 25 % du montant total des subventions de fonctionnement attribuées chaque années (installation, exploitation et équipement).
Le FSER finance également, depuis 2021, le soutien à la création radiophonique et aux podcasts. Cet appui prend la forme d’un accompagnement dans l’écriture ou la réécriture d’oeuvres originales, via l’octroi d’une subvention forfaitaire comprise entre 3 000 et 5 000 euros.
Le présent projet de loi de finances prévoit une baisse de 0,95 % des crédits de l’action 06, portant le montant de sa dotation à 35,7 millions d’euros.
Il est à noter que les documents budgétaires indiquent que « les crédits consacrés au soutien au secteur de la création radiophonique et du podcast ne sont pas reconduits en 2024 ». On ne peut que s’en étonner alors qu’1,2 million d’euros supplémentaires avaient été dégagés en 2023 afin de pérenniser l’expérimentation du soutien au secteur de la création radiophonique et du podcast, sans aucun bilan de l’expérimentation en 2022.
Contrairement à ce qui aurait pu être pensé au cours des années précédentes, on peut donc en déduire que cette progression n’était pas justifiée par le financement de l’Observatoire du podcast. Celui-ci, créé en 2022, est chargé de fournir des données d’études sur l’économie du secteur. Or, rien n’est mentionné dans les documents budgétaires sur le coût de cette structure.
En conséquence, en prenant en compte les marges déployées par la suppression des crédits dédiés au soutien à la création radiophonique, les moyens nouveaux augmentent à périmètre constant de 0,86 million d’euros, soit une hausse de 2 % en un an.
D’après les documents budgétaires, cette nouvelle hausse des moyens du FSER permettra de faire face à l’augmentation constante du nombre de radios éligibles autorisées à émettre par l’Arcom, tout en accordant un accompagnement supplémentaire aux radios diffusant à la fois en FM et en numérique terrestre (DAB + ).Les coûts liés au déploiement de la radio numérique terrestre, appelée à compléter voire remplacer la modulation de fréquence (FM), sont en effet importants. Ce nouveau format numérique est destiné à éviter les décrochages en cas de changement de zone et les grésillements. Il s’agit d’un enjeu important pour les stations régionales qui pourront ainsi élargir leur audience et disposer de nouvelles ressources publicitaires.
Reste que cette dotation, même majorée, ne permet pas totalement d’appuyer les radios FM en vue de soutenir leur développement numérique. En effet, les radios FM ne sont éligibles qu’une fois au dispositif. Celles qui perçoivent une aide du FSER au titre de leur mode de diffusion actuel ne peuvent donc bénéficier d’un apport complémentaire en vue de leur diffusion en DAB + .
Le programme « Livre et industries culturelles » est composé de deux actions. L’action 01 « Livre et lecture » représente la quasi-totalité des crédits de paiement du programme.
Les moyens accordés au programme devraient augmenter de manière très importante entre 2023 et 2024 (+ 33 millions d’euros en AE et + 34 millions d’euros en CP). L’essentiel des crédits supplémentaires est destiné à l’action 01 – livre et lecture, notamment du fait d’une prise en charge partielle des surcoûts liés à l’inflation des opérateurs de la mission.
Évolution des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles »
de 2023 à 2024 à périmètre courant
(en euros)
LFI 2022 | LFI 2023 | PLF 2024 | Variation 2024/2023 ( %) | |||||
AE | CP | AE | CP | AE | CP | AE | CP | |
01 – Livre et lecture | 319 710 694 | 300 673 721 | 296 686 040 | 304 187 054 | 331 895 864 | 327 008 531 | 11,87 % | 7,50 % |
02 – Industries culturelles | 27 702 586 | 27 702 586 | 29 663 988 | 29 663 988 | 32 274 112 | 32 274 112 | 8,80 % | 8,80 % |
334 – Livre et industries culturelles | 335 728 626 | 316 930 228 | 330 337 709 | 324 433 411 | 364 169 976 | 359 282 643 | 10,24 % | 10,74 % |
Source : commission des finances du Sénat, d’après les données budgétaires
L’action 01 « Livre et lecture » du programme 334 devrait être dotée en 2024 de 331,9 millions d’euros en AE et 327,0 millions d’euros en CP. Ces crédits sont en forte hausse (respectivement + 10,4 % et + 7,5 %) par rapport à 2023.
Ventilation par sous-action des crédits de l’action 01
(en milliers d’euros en AE)
Sous-action | Crédits en PLF 2024 |
Bibliothèque nationale de France | 242 865 000 |
Quadrilatère Richelieu | 0 |
Développement de la lecture et des collections | 35 350 000 |
Édition, librairie et professions du livre | 53 681 000 |
Total | 331 896 000 |
Source : commission des finances
Dans le domaine de l’économie du livre, les crédits centraux visent à soutenir le secteur de l’édition et des librairies à travers divers organismes parmi lesquels figurent la Centrale de l’édition, le Bureau international de l’édition française (BIEF) et le Syndicat de la librairie française. Ils comprennent aussi les dépenses relatives au droit de prêt en bibliothèque. Ces crédits restent stables au PLF 2024 par rapport à 2023, à hauteur de 20,4 millions d’euros. Ils n’appellent par conséquent pas de remarques spécifiques.
L’action 1 du programme 334 est pourtant loin de résumer pour autant l’action du ministère de la culture en faveur du livre, éclatée entre plusieurs programmes.
Le maintien de crédits dédiés au développement de la lecture au sein du programme 334 n’apparaît pas, quant à lui, pertinent. Les actions relatives au livre et à la lecture sont, en effet, depuis la loi de finances pour 2018, rattachés au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », de la mission « Culture ». Celles-ci sont, à juste titre, considérées comme participant de l’éducation artistique. Les crédits prévus par la sous-action 03 du programme 334 dédiés aux bibliothèques territoriales, à la maison du dessin de la presse, au soutien d’associations en faveur du développement de la lecture, au portail national de l’édition accessible semblent davantage concourir aux objectifs du programme 361.
Une rationalisation de la maquette budgétaire et un transfert des crédits restants dédiés à la lecture vers le programme 361 seraient souhaitables. Le programme 334 verrait ainsi ses missions recentrées sur l’industrie du livre plus que sur la lecture en tant que telle.
La stratégie « Lecture et territoires »
5 millions d’euros sont consacrés en 2024 sur les programmes 361 et 334 à la stratégie lecture et territoire.
Celle-ci doit permettre en premier lieu :
– de renforcer l’offre de services des médiathèques des territoires ruraux et des petites villes, en s’appuyant sur les bibliothèques départementales ;
– d’amplifier la dynamique des extensions d’ouverture des bibliothèques, le soir, le dimanche, pendant les congés scolaires, en particulier dans les quartiers prioritaires ;
– d’aider les collectivités des Outre-mer à recruter et à former des cadres des bibliothèques.
La majorité des crédits de l’action consistent en des dotations versées à trois opérateurs : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d’information (Bpi) implantée au Centre national d’art et de culture Georges Pompidou et le Centre national du livre.
Par rapport à l’année précédente, les crédits augmentent de 15,3 millions d’euros, soit de 5,5 %. Une partie de cette progression découle de la compensation de la hausse du point d’indice de 1,5 % décidée à l’été 2023. Cette compensation est effectuée à hauteur de + 4,75 millions d’euros pour la BnF et 0,16 million d’euros pour la BPI.
Évolution des crédits de paiement dédiés aux opérateurs
de l’action 01 du programme 334
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires
En outre, 13,91 millions d’euros en AE et 2,6 millions d’euros en CP sont prévus pour les travaux de la Maison du dessin de presse dont l’ouverture est prévue à Paris en 2026. 2 millions d’euros avaient déjà été versés en 2023 pour mener les études préalables et lancer les travaux. Le budget prévisionnel des travaux est estimé à 15,6 millions d’euros.
Pour 2024, l’enveloppe consacrée à la subvention pour charges de service public (SCSP) de la BNF s’établit, à 211,53 millions d’euros en AE et en CP, soit une progression de 13 millions d’euros en AE et en CP par rapport à 2023. Il s’agit de la plus importante subvention versée à un opérateur du ministère de la culture.
Évolution du budget de la Bibliothèque nationale de France depuis 2020
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les réponses au questionnaire budgétaire
Le rythme de hausse des dépenses de la BNF ralentit cependant. Ainsi, l’essentiel des moyens nouveaux en 2024 répondent à la situation inflationniste conjoncturelle : 4,75 millions d’euros sont prévus au titre du point d’indice 2022 (aucune hausse n’étant par ailleurs prévue pour la compensation du relèvement du point d’indice en 2023) et 6,23 millions de compensation des coûts de l’énergie. À noter que le collectif budgétaire de fin d’exercice 2022 prévoyait déjà une majoration de la dotation de la BnF de 7 millions d’euros afin de prendre en compte les surcoûts énergétiques.
Malgré les grands programmes de travaux des dernières années, la BNF a été particulièrement concernée par la hausse du prix des fluides énergétiques. Les investissements à mener à moyen terme afin de répondre aux enjeux climatiques et énergétiques sont particulièrement importants.
L’année 2022 a été marquée par la réouverture du quadrilatère Richelieu après sa rénovation, connaissant par ailleurs un succès de fréquentation (700 000 visiteurs en un an depuis septembre 2022). Le montant total des travaux était de 247,6 millions d’euros, dont 205 millions d’euros versés par le ministère de la culture.
Les travaux de réhabilitation du site Richelieu et la remise à niveau des équipements du site Tolbiac ont largement contribué à la progression de la subvention versée. Plusieurs chantiers ont ainsi déjà débuté, certains devant prendre fin en 2027, pour un montant total de 63,3 millions d’euros. Il en va ainsi :
– du remplacement du système de sécurité incendie, estimé à 31 millions d’euros, les travaux devant s’étaler de 2020 à 2026 ;
– de la rénovation des équipements de la gestion technique centralisée et du système de gestion technique électrique, pour un montant de 5,4 millions d’euros étalé entre 2019 et 2025 ;
– du remplacement des 62 ascenseurs du socle, soit 1 million d’euros par an entre 2020 et 2026 ;
– du renouvellement décennal du transport automatique des collections et des documents, soit 5,9 millions d’euros étalés entre 2026 et 2027 ;
– l’amélioration de la performance énergétique des centrales de traitement d’air. Le coût de 1,3 million d’euros sera étalé entre 2022 et 2027 ;
– le remplacement des groupes froids de la production centralisée, soit 4 millions d’euros entre 2022 et 2025 ;
– la rénovation des installations électriques de puissance pour un coût de 9,7 millions d’euros à financer à partir de 2023.
Plus largement, le rapporteur spécial note que les dépenses théoriquement nécessaires pour maintenir le site de Tolbiac en ordre de marche sont estimées à 57 millions d’euros en AE et 59 millions d’euros en CP entre 2023 et 2025. Or, seule une partie des opérations a été intégrée aux demandes de financement d’ici à 2025 et aucun moyen nouveau n’y est dédié en 2024.
Créé en 2019 et mis en place le 1er janvier 2020, le Centre national de la musique (CNM) est un établissement public à caractère industriel et commercial dont l’ambition est de devenir, à terme, l’équivalent, dans le domaine de la musique, du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)9(*). Ce projet de « maison commune de la musique » avait été une première fois envisagé en 2011. Le ministère de la culture a relancé l’idée en juin 2017, en commandant un rapport sur le sujet10(*) puis en confiant à deux députés une mission de préfiguration en novembre 201811(*).
L’organisation du secteur avant la création du CNM
Le CNM résulte de de la fusion, effective depuis le 1er novembre 2020, de plusieurs structures :
– le centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) ;
– le club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ;
– le centre d’informations et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA) ;
– le fonds pour la création musicale ;
– le bureau export de la musique.
Il est chargé de quatre missions :
– l’observation de la filière musicale ;
– l’information, la formation, le conseil et l’accompagnement des professionnels ;
– le soutien économique aux acteurs ;
– le développement international.
Le secteur de la musique enregistrée est historiquement moins aidé que celui du spectacle vivant ou du cinéma. Jusqu’à la création du CNM, les seules aides publiques en direction du secteur étaient le crédit d’impôt en faveur des dépenses de production phonographique (CIPP), l’aide à l’innovation et à la transition numérique de la musique enregistrée gérée par le ministère de la Culture, l’aide à l’emploi des artistes dans l’édition phonographique (initialement co-financée par l’État et les organismes de gestion collective de producteurs phonographiques) et les subventions versées aux associations précitées, cofinancées par les organismes de gestion collective. Le montant total de ces aides s’élevait en 2019 à moins de 20 millions d’euros.
Source : commission des finances
La filière musicale a été durement frappée par la crise sanitaire : la perte de chiffre d’affaires pour l’ensemble du secteur du spectacle musical a atteint 1,8 milliard d’euros en 2021, soit une perte de près de 80 % par rapport à 2019.
Dès la mise en place du CNM, son budget a été significativement abondé par des crédits exceptionnels afin d’aider la filière face à la crise sanitaire, atteignant ainsi 172 millions d’euros au terme de l’année 2020, 264 millions d’euros en 2021 et 56,5 millions d’euros en 2022.
Des reports de reliquats de ces crédits exceptionnels ont permis au CNM de disposer en 2023 d’un budget d’intervention de l’ordre de 65 millions d’euros, proche du montant de financement « pérenne » envisagé en 2019, permettant, une fois déduits les frais de fonctionnement et les aides automatiques, d’accorder environ 30 millions d’euros d’aides sélectives.
Le CNM dispose actuellement de deux sources de financement principales :
– le produit de la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés ;
– l’ancienne dotation budgétaire accordée au CNV, à laquelle s’ajoutent les crédits budgétaires initialement dédiés à l’IRMA, au fonds pour la création musicale (FCM), au club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ou au Bureau export de la musique.
Les organismes de gestion collective peuvent également affecter au CNM leurs contributions destinées à l’action culturelle et sociale.
Une hausse continue de la dépense fiscale gérée par le CNM
Le Président du CMN peut délivrer, au nom du ministre de la culture, les agréments fiscaux de trois crédits d’impôts :
– le crédit d’impôt pour la production d’oeuvres phonographiques (CIPP) ;
– le crédit d’impôt pour les dépenses de production de spectacle vivant (CISV) ;
– le crédit d’impôt en faveur de l’édition musicale, introduit en loi de finances pour 2022.
Le montant total de la dépense fiscale ainsi supervisée est estimé à 50 millions d’euros en 2024. Elle est extrêmement dynamique, dans un contexte de reprise du secteur à la suite de la crise sanitaire.
Évolution de la dépense fiscale afférente aux crédits d’impôts supervisés
par le Centre national de la musique
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les données budgétaires
La subvention pour charges de service public (SCSP) de l’établissement est stable en 2024 à 28,3 millions d’euros, le plafond d’emplois de l’établissement étant par ailleurs relevé de 10 ETP. En conséquence, le besoin de financement du centre ne porte pas sur son fonctionnement, mais sur ses capacités d’intervention.
Concernant le cas particulier de la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés, de nombreuses inquiétudes avaient été émises quant à la baisse de son rendement à la suite de la crise sanitaire.
Le CNM tablait ainsi sur une diminution en demi-teinte en 2022, avec une prévision de recettes pour le secteur du spectacle vivant musical établie à 909 millions d’euros, soit 10 % de moins qu’en 2019. Les pertes se concentrent sur les petites à moyennes jauges (- 38 % pour les jauges inférieures à 1 000 places, – 26 % pour les jauges entre 1 000 et 5 000 places) alors que les jauges supérieures à 5 000 places génèrent une billetterie supérieure de 19 % par rapport à 2019, les spectateurs privilégiant les concerts dans les stades ou les éditions exceptionnelles de certains festivals.
Les inquiétudes sur le rendement de la taxe sur les spectacles n’auront finalement pas eu lieu d’être, dans la mesure où, pour le secteur du spectacle musical, l’année 2022 peut être qualifiée d’exceptionnelle. Les dernières études présentées par le CNM indiquent que les recettes de billetterie ont pour la première fois dépassé le seuil du milliard d’euros, pour 62 000 représentations. Par rapport à 2019, dernière année « normale » avant la crise sanitaire, le nombre de représentations payantes déclarées au CNC est en hausse de 6 %, et les recettes de billetterie de 17 % (le prix moyen du billet ayant quant à lui également augmenté de 17 %).
Concernant l’année 2023, elle devrait poursuivre cette dynamique, dans la mesure où le CNC indique que son premier trimestre est « hors norme », les recettes de billetterie étant en hausse de plus d’un tiers par rapport à 2019. En conséquence, le rendement de la taxe sur les spectacles est ainsi quasiment revenu à son niveau de 2019 (33 millions d’euros en 2022 contre 35 millions d’euros en 2019), alors que le Gouvernement n’anticipait ce retour qu’en 2025. Les estimations du ministère sont de 30 millions d’euros en 2023, chiffrage qui peut être qualifié de prudent eu égard à la fréquentation.
Rendement de la taxe sur les spectacles de variétés depuis 2019
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les données budgétaires
En revanche, la participation des OGC au financement du CNM est remise en cause. Leur contribution a été annulée en 2020 et 2021 du fait de la crise sanitaire, et l’arrêt RAAP (cf. infra) l’a également réduit au cours des prochaines années. Ainsi, en 2022, ladite contribution a atteint 1,5 million d’euros contre 6 millions d’euros initialement prévus. Elle devrait atteindre le même niveau en 2023 et 2024, là où la prévision initiale tablait sur une recette de 6 millions d’euros.
Les conséquences de l’arrêt RAAP sur le financement du CNM
Dans un arrêt en date du 8 septembre 2020, dit arrêt RAAP, la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que les organismes de gestion collective (OGC) des droits d’auteur de l’Union européenne devaient traiter les créateurs de musique de manière égale, quelle que soit leur nationalité12(*), quand bien même les pays dont ils sont issus ont notifié des réserves aux conventions internationales dédiées à ce sujet, à l’instar des États-Unis. Les OGC devront donc rémunérer tous les détenteurs de droits. Les titres américains n’étaient jusqu’alors pas rémunérés. Les droits à rémunération équitable collectés sur ces enregistrements étaient considérés jusqu’à présent comme des « irrépartissables juridiques » et affectés au financement de l’aide aux auteurs.
L’application de l’arrêt de la Cour représente une charge annuelle de 25 millions d’euros pour les OGC françaises. Elle devrait ainsi les conduire à réduire le financement des aides aux auteurs. La société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) estimait ainsi, fin 2020, la baisse de ses budgets d’aide à 35 % et évalue ses pertes à une somme comprise entre 12 et 15 millions d’euros par an. La Spedidam a, de son côté, annoncé une baisse de 30 % de ses budgets d’aide, les subventions accordées étant dans le même temps gelées. Le budget des aides des producteurs phonographiques (SCPP et SPPF) devrait également être divisé par deux.
Source : commission des finances
Lors de la création de l’établissement, l’État a projeté un schéma de financement à horizon 2022, constitué de :
– 30 à 35 millions d’euros de taxe sur les spectacles (dont 65 % reversés sous forme de droit de tirage, soit 23 millions d’euros) ;
– 27 millions d’euros de crédits budgétaires ;
– 6 millions d’euros des organismes de gestion de collective (OGC), correspondant strictement aux sommes que ces derniers versaient au FCM et au Bureau Export.
Au final, le schéma de financement prévoyait donc un budget total d’environ 67 millions d’euros, permettant, une fois déduits les frais de fonctionnement et les aides automatiques, d’accorder entre 25 et30 millions d’euros d’aides sélectives, ce qui représente un montant largement en-deçà des besoins de la filière musicale, que le CNM estime à environ 60 millions d’euros.
Il est vrai que ce problème avait été identifié dès la création du CNM par le rapporteur spécial, alors rapporteur au nom de la commission de la culture du Sénat. Dans son rapport sur la proposition de loi créant le centre13(*), celui-ci indiquait notamment que « le soutien du Gouvernement à la proposition de loi constitue un engagement moral fort. Le Gouvernement, devra donc dans les prochains mois confirmer son engagement à donner un nouveau souffle à la politique musicale en octroyant au nouvel établissement les moyens de remplir sa mission », les moyens du CNM n’étant dès le départ pas dimensionnés aux besoins du secteur.
Pour 2023, le budget d’intervention du CNM ne devrait pas être trop largement inférieur à celui de 2022. En effet, l’établissement a pu compléter les crédits disponibles pour financer ses aides sélectives par 20 millions d’euros de redéploiement en 2023 de crédits exceptionnels 2022 et 20 millions d’euros de retrait d’engagement ou d’annulation d’aides exceptionnelles. Plus de 60 millions d’euros d’aides devraient avoir été accordées à l’ensemble du secteur musical en 2023.
Aides sélectives accordées par le CNM en 2023
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après le CNM
Les conséquences du non renforcement des moyens du CNM en 2024
D’après le CNM, la contrainte budgétaire réduirait dès 2024 le nombre de projets aidés ou le montant d’aide moyenne.
Sur le programme d’aide à la production phonographique pour les projets de musiques actuelles, l’enveloppe globale tomberait de 4 millions d’euros en 2022 à 1,15 million d’euros en 2024. Si le choix était fait de maintenir l’aide moyenne actuelle par projet, alors seulement 28 % de ceux-ci pourraient être aidés en 2024.
Les festivals seraient également profondément impactés, avec un volume d’aides passant mécaniquement de 6,6 millions d’euros en 2023 à seulement 2 millions d’euros en 2024. Cela représenterait une baisse de 40 % du nombre de projets aidés par rapport à 2022, dans un contexte de stagnation des financements des collectivités territoriales et d’explosion des coûts artistiques, techniques et énergétiques.
L’aide au développement international retomberait de 4 millions d’euros en 2023 à 1,4 million en 2024. À aide moyenne égale, seuls 186 projets pourraient être aidés en 2024 et 173 seraient évincés par rapport à 2023.
Source : CNM
Bien que la question ait déjà suscité des débats au cours des dernières années, le ministère de la culture a différé à 2024 le choix de mettre en oeuvre un nouveau prélèvement. Une mission a été confiée en ce sens au sénateur Julien Bargeton, dont les conclusions ont été rendues en avril 202314(*).
S’agissant de la recherche de financements pour le CNM, le rapport Bargeton évacue 4 pistes principales :
– l’augmentation par une contribution budgétaire. Cette option, qui supposerait un doublement des crédits accordés au CNM, ne constitue pas une réponse à l’asymétrie de financement entre spectacle vivant et musique enregistrée. L’idée générale doit davantage être celle selon laquelle, alors que la filière musicale se porte globalement bien, « les nouvelles ressources doivent venir de la filière elle-même » ;
– une contribution des organismes de gestion collective (OGC), tels que la SACEM, la Spedidam ou l’Adami. Dans la mesure où ceux-ci ne versent, suite à l’arrêt RAAP précédemment mentionné, qu’une part faible de la contribution prévue en 2020, cette possibilité ne semble pas réaliste ;
– l’affectation au CNM d’une taxe sur les matériels audio ou de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE), qui s’avèrerait sans doute contraire aux nouvelles dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001. Un tel mécanisme devrait en outre être articulé avec la redevance pour copie privée, qui vise déjà certains appareils ;
– l’affectation au CNM d’une partie de la taxe sur les services numériques. Cette taxe ayant vocation à être temporaire d’une part, et ne visant pas exclusivement des opérateurs dans le domaine de la musique, d’autre part, cette affectation serait sans doute également contraire à la LOLF.
En conséquence, deux pistes restaient privilégiées.
– l’aménagement de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuel (TSV), dite taxe Netflix ou Youtube, assise sur les opérations de vente et de location de vidéo physique, les abonnements à des plateformes ou les revenus publicitaires perçus par celles-ci. Son produit est aujourd’hui intégralement affecté au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). S’agissant des plateformes de vidéos en ligne de type Youtube, la taxe est assise sur les revenus publicitaires perçus. Un abattement de 66 % est mis en place pour les revenus tirés de la diffusion de contenus non professionnels. La suppression de cet abattement et le reversement de la somme équivalente au CNM aurait pu être envisagés ;
– la création d’une nouvelle taxe, dite « taxe streaming ». Cette option était privilégiée par le rapport Bargeton. La mission proposait une contribution à 1,75 % pour l’ensemble des activités musicales, pour un rendement annuel attendu d’environ 20 millions d’euros visant à la fois le streaming payant et gratuit.
La taxation de la musique enregistrée permettrait, en tout état de cause, de corriger un déséquilibre entre les acteurs du spectacle vivant, qui contribuent directement au financement du CNM grâce à la taxe sur les recettes de billetterie, et ceux de la musique enregistrée, qui n’y contribuent qu’indirectement et faiblement, à travers les OGC. Ce déséquilibre se traduit dans la répartition des aides sélectives, dont seulement 15 % sont fléchées vers la musique enregistrée.
Le 21 juin, à l’occasion de la Fête de la musique, le Président de la République a demandé à la ministre de la Culture de réunir sans délai l’ensemble des acteurs du secteur, afin de les inviter à déterminer ensemble, de manière responsable et solidaire, de nouvelles sources de financement internes à la filière tout en en préservant les grands équilibres économiques. Faute d’un accord au 30 septembre 2023, le Président de la République a indiqué que le Gouvernement se réserverait la possibilité de saisir le Parlement d’une contribution obligatoire des plateformes de streaming, sur le modèle de la recommandation émise par le sénateur Bargeton.
Force est de constater, à l’heure de la rédaction de ce rapport, que le Gouvernement n’a, d’une part pas tenu les engagements prononcés lors de la création du CNM, et que d’autre part celui-ci n’a pas été en capacité de se positionner en amont du projet de loi de finances.
Les réponses au questionnaire budgétaire transmis au rapporteur spécial indiquent ainsi qu’il « serait donc prématuré de se prononcer sur les suites concrètes données aux recommandations du rapport Bargeton, qui feront l’objet d’échanges avec la filière jusqu’à début octobre 2023. L’objectif est d’aboutir à une solution pérenne qui permettra au CNM de bénéficier de ressources nouvelles dès 2024. Dans l’hypothèse d’une solution d’ordre fiscal, ceci supposera d’introduire de nouvelles mesures dès l’examen du PLF à l’automne ». Quant à la contribution volontaire des plateformes, s’il est vrai qu’elle constituerait une réponse, il est douteux qu’elle puisse permettre d’atteindre les montants nécessaires pour financer le CNM.
Il est en outre curieux de considérer comme « prématurée », à l’orée des discussions budgétaires, une décision qui aurait largement pu être anticipée par le Gouvernement et qui ne doit en aucun cas constituer une surprise pour les acteurs du secteur. Le rapporteur spécial ne peut que regretter le dilettantisme du Gouvernement sur ce point et souhaite que les débats au Sénat permettent de parvenir à une solution de financement pérenne pour le CNM. Par ailleurs, un abondement supplémentaire du CNM par des crédits budgétaires ajoutés en seconde partie de la loi de finances avait été envisagé, mais le Gouvernement n’a pas souhaité retenir cette solution dans le texte soumis à l’Assemblée sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Le rapporteur spécial souligne d’ailleurs qu’une hausse temporaire des crédits ne peut constituer qu’une solution de facilité qui n’apporte pas de réponse satisfaisante à la problématique structurelle du manque de ressources du CNM.
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la culture. Il lui a été confié une triple mission :
– économique, au travers du soutien à une industrie soumise à une très forte concurrence. L’industrie cinématographique représente 0,9 % du PIB et 1 % de l’emploi total en France ;
– culturelle, via la valorisation de la diversité et de l’originalité de la création française ;
– stratégique et réglementaire, par l’intermédiaire d’une participation directe à la définition de la politique de l’État pour ce secteur et à l’élaboration des textes de nature législative ou réglementaire visant ce secteur.
Le CNC ne bénéficie, en principe, d’aucun crédit budgétaire. Son budget annuel – 829 millions d’euros en 2023 – est abondé par quatre taxes affectées :
– la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) ;
– la taxe sur les services de télévision due par les distributeurs de services de télévisions (TST-D) ;
– la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;
– la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA).
Le CNC dispose également de ressources propres, à hauteur de 22,5 millions d’euros en 2023.
Répartition des recettes du CNC issues de taxes affectées pour 2024
Source : commission des finances
S’agissant de la fréquentation des cinémas, l’exercice 2022 est demeuré en demi-teinte, avec 152 millions d’entrée (contre 213 millions en 2019, qui constituait il est vrai un sommet historique). En revanche, 2023 confirme la très bonne reprise du secteur, plus rapide qu’anticipée, le CNC tablant sur environ 210 millions de tickets vendus.
En conséquence, les ressources du CNC devraient être en large hausse en 2024 par rapport aux années précédentes. Le produit des taxes perçues par le CNC en 2023 est estimé à 712,7 millions d’euros, soit une stabilité par rapport à 2022. En revanche le montant devrait remonter à 746,3 millions d’euros en 2024, le CNC anticipant pour les années suivantes le maintien à un plateau historiquement haut.
Évolution des ressources du CNC depuis 2014
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après le CNC
Le budget du CNC devrait également largement dépasser en 2023 le niveau d’avant crise sanitaire. Il devrait en 2023 être supérieur de plus de 80 millions d’euros à celui du centre en 2019, de même que le fonds de roulement de l’établissement, équivalent à près d’une année de budget.
Évolution du budget du CNC
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après le CNC
Le décret n° 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, entré en vigueur le 1er juillet 2021, transpose en droit français la directive dite « Services de médias audiovisuels – SMA »15(*). Le décret cible les éditeurs de service de média audiovisuel à la demande (« SMAD ») établis en France ou à l’étranger mais diffusant leurs programmes en France, dès lors qu’ils dépassent certains seuils de diffusion (10 oeuvres cinématographiques de longue durée ou 10 oeuvres audiovisuelles diffusées). Les plateformes de partage de vidéos créées par des utilisateurs ne constituent pas nécessairement des SMAD. Un compte de partage de vidéos sur ces services peut être considéré comme un SMAD s’il remplit les conditions de la définition, et son éditeur devra donc en respecter les règles.
Aux termes du décret, les éditeurs sont tenus de financer et promouvoir des « oeuvres européennes » à savoir des « oeuvres » réalisées dans un pays européen et particulièrement les oeuvres en français. Les éditeurs de services par abonnement (à l’image de Netflix, Amazon Prime Video, Disney + , HBO) devront ainsi consacrer entre 20 et 25 % au moins de leur chiffre d’affaires au développement de la production d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes. Le taux établi à 20 % du chiffre d’affaires est porté à 25 % pour les services qui proposent des films de moins de douze mois. 85 % de ces sommes doivent être dédiées aux oeuvres en français (soit 17 % à 21,25 % du chiffre d’affaires).
La répartition entre oeuvres cinématographiques et oeuvres audiovisuelles doit être fixée par une convention conclue avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), chacun des genres devant représenter au minimum 20 % de l’obligation totale. Les éditeurs établis en France dont le chiffre d’affaires annuel net est supérieur à 1 million d’euros sont ainsi tenus de conclure une telle convention, dont l’objet est de préciser leurs obligations en la matière, mais aussi concernant l’offre et la mise en valeur effective de ces oeuvres, ainsi que l’accès des ayants droit aux données d’exploitation relatives à leurs oeuvres. Les éditeurs installés hors de France ont simplement la faculté de conclure une telle convention.
75 % des investissements dans le cinéma et 66 % au sein des productions audiovisuelles doivent se faire auprès de producteurs indépendants. Les SMAD ne pourront avoir aucun lien capitalistique direct ou indirect dans une société de production et la durée des droits ne peut excéder trente-six mois. Ils ne peuvent pas non plus disposer du droit à recette, de mandats de distribution et des droits secondaires. Des clauses de diversité sont, en outre, prévues pour éviter que la contribution ne soit fléchée que vers les grosses productions ou certains genres.
Les autres services, notamment les services de « vidéo à la demande à l’acte » (VOD ou VAD), doivent consacrer 15 % au moins de leur chiffre d’affaires à des dépenses contribuant au développement de la production d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes. 12 % de ces sommes devront être spécifiquement dédiées aux oeuvres en français.
Les éditeurs de services de media audiovisuel à la demande établis en France, lorsqu’ils ont un chiffre d’affaires et une part de marché suffisamment importants en France dans leur catégorie, ainsi que les éditeurs de services de télévision de rattrapage, sont également tenus de mettre en valeur les oeuvres européennes et françaises sur leurs plateformes. 60 % de leur catalogue doit être consacré aux oeuvres européennes et 40 % aux oeuvres françaises.
Le décret a été doublé d’une refonte de la chronologie des médias, de façon à assurer à ces plateformes, en contrepartie de leurs nouvelles obligations, des créneaux plus courts pour la diffusion des films après leur sortie en salle.
Le CNC estime à 250 millions d’euros annuels la participation des plateformes induite par l’entrée en vigueur du décret SMAD. Les obligations de financement des autres acteurs de l’audiovisuel français sont aujourd’hui estimées à 1,3 milliard d’euros. Seuls 20 % sont cependant fléchés vers le cinéma. L’essence même des plateformes, tournées vers le format série, explique en large partie cette répartition.
Cet apport sera en partie compensé par la possibilité pour les plateformes d’accéder aux financements du CNC pour les productions qu’elles appuient. Le coût est estimé à 20 millions d’euros, soit 10 % environ des dépenses de soutien automatiques dédiées à la seule production audiovisuelle.
Si un seul film agréé avait été financé par une plateforme en 2021, cela a été le cas de 17 films, tous d’initiative française, en 2022, dont huit films préachetés par Netflix, cinq par Prime Video et quatre par Disney+ , pour un total de 21,0 millions d’euros (soit 2,3 % du total des apports des diffuseurs). Le nombre de films concernés ainsi que le niveau des investissements devraient continuer à progresser en 2023.
L‘intervention financière du CNC, au travers de son Fonds de soutien, revêt principalement deux aspects :
– les aides automatiques, indexées sur la performance d’un producteur, d’un distributeur ou d’un exploitant ;
– les aides sélectives, appelées à soutenir la création et attribuées après avis de commissions composées de professionnels divers.
Les prévisions budgétaires du CNC pour 2023 tablent sur une diminution des dépenses du fonds de soutien. Celles-ci sont en effet indexées sur les recettes du CNC, qui jouent le rôle de stabilisateurs automatiques. L’étiage équivaut néanmoins à celui de 2019.
Évolution des dépenses du fonds de soutien dédiées principalement ou en partie au cinéma entre 2019 et 2023
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après le document stratégique de performance du CNC – Perspectives 2023
La diminution annoncée des dépenses de soutien entre 2022 et 2023 tient à la fin de mesures d’accompagnement conjoncturelles, prévues au sein des mesures de soutiens sélectifs. Ces mesures d’accompagnement prises dans le cadre de la crise sanitaire n’avaient pas vocation à perdurer (dotation supplémentaire pour l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles – IFCIC, accompagnement de certains secteurs à l’instar des documentaristes ou des exportateurs, fonds de développement de la cinéphilie jeune initialement prévu en 2021 et reporté, en raison de la crise, en 2022).
266,5 millions d’euros ont été versés par le Centre national du cinéma et de l’image animée au secteur sur la période 2020-2023 afin de répondre aux incidences des mesures sanitaires sur l’exploitation(fermeture des salles, couvre-feu, jauges, mise en place du pass sanitaire et restriction des consommations), la distribution et la production. 63 % de ces crédits ont été fléchés vers le soutien aux salles.
Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoyait par ailleurs 165 millions d’euros à destination du CNC sur la période 2021-2022 :
– 48,5 millions d’euros pour le réarmement financier de l’établissement, dont l’équilibre du budget avait été affecté par la crise sanitaire ;
– 116,5 millions d’euros pour des mesures de soutien à destination des secteurs du cinéma, de l’audiovisuel et du numérique.
Un projet d’ampleur : la « grande fabrique de l’image »
Le huitième objectif du plan France 2030, présenté en octobre 2021, consiste à placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs. 350 millions d’euros de subventions vers la filière cinéma et audiovisuel sont dévolus à cet objectif. Ces crédits sont appelés à être complétés par une intervention des collectivités territoriales et du secteur privé, afin de parvenir à un financement total de 2 milliards d’euros.
Cette ambition passe par une modernisation conséquente de l’appareil de production, confronté tout à la fois à un manque d’infrastructures de tournage et à une insuffisance de main d’oeuvre. Il s’agit d’aboutir, selon le président du CNC, à la constitution de plusieurs « grandes fabriques de l’image », à l’instar de ce qui est mis en place au Royaume-Uni où les « one-stop-shop » regroupent sur un même site studios de tournage, production numérique (animation, effets spéciaux, jeu vidéo) et écoles de formation d’auteurs et de musiciens. Un appel à projets « La grande fabrique de l’image » a été publié en avril 2022, à partir d’un étude menée par le CNC.
L’ambition poursuivie est triple :
– intégrer à la filière de production un public très large en doublant le nombre annuel de diplômés, qui passerait de 5 700 à 10 300 par an ;
– doubler le nombre d’emplois dans la filière de production pour atteindre 92 000 personnes ;
– faire passer le poids de la filière de 4,2 milliards d’euros à 7,6 milliards d’euros, ce qui permettrait de tripler sa contribution au commerce extérieur.
Les résultats de cet appel à projet sont attendus en 2023. Les projets soutenus par l’État seront orientés vers :
– l’aménagement ou la modernisation d’une dizaine de grands studios de tournage, compétitifs avec les plus grands studios internationaux, comportant en un même lieu un nombre important de services (location de matériel, décors, services numériques, post-production, services financiers, immobilier d’entreprise, etc.). Le président de la République avait au préalable annoncé en septembre 2021 à Marseille, la création de « grands studios de la Méditerranée », destinés à attirer les tournages internationaux de films et de série. L’arc méditerranéen – de Montpellier à Nice – accueillerait ainsi différents studios. Les Hauts-de-France, l’Île-de-France et l’Occitanie pourraient également accueillir de tels sites de production ;
– le passage de 10 à 20 studios de production numérique (animation, effets visuels numériques, jeu vidéo) et l’accompagnement de la mise en oeuvre de projets présentant une forte dimension d’innovation à forte valeur ajoutée et d’ambition internationale ;
– le développement de 20 à 30 organismes de formation, dont le projet pédagogique répond aux besoins des filières en volume et en typologie de métiers.
L’appel à projets a fait l’objet d’une seule session de sélection des projets, à la suite d’un dépôt de dossiers unique dont la date limite était fixée au 31 octobre 2022. 68 projets ont été sélectionnés sur les 175 candidatures reçues.
Calendrier de décaissement des crédits
(en millions d’euros)
Source : commission des finances
L’action du CNC est appuyée, au niveau fiscal, par cinq crédits d’impôts au rendement dynamique. Ces dispositifs ont permis de réduire le phénomène de délocalisation des tournages – 15 % en 2019 et 10 % en 2021, contre 27 % en 2015 – et auraient permis, d’après le CNC, la création de 20 à 30 000 emplois. Plus du tiers des emplois créés depuis 2015 sont liés à des tournages en régions, hors Île-de-France.
Le CNC assure la gestion des quatre dispositifs :
– le crédit d’impôt « cinéma » (CIC)16(*), mis en place depuis le 1er janvier 2004, prévoit une déduction fiscale représentant de 20 à 30 % du montant total des dépenses éligibles, dans la limite de 30 millions d’euros par film ;
– le crédit d’impôt « audiovisuel » (CIA)17(*), entré en vigueur le 1er janvier 2005, prévoit un crédit d’impôt équivalent à 25 % du montant total des dépenses éligibles pour les oeuvres de fiction et d’animation et à 20 % pour les oeuvres documentaires ;
– le crédit d’impôt « international » (C2I)18(*) est dédié aux oeuvres étrangères tournées en France depuis 2009. Il prévoit une déduction fiscale de l’ordre de 30 % des dépenses éligibles. Initialement appelé à s’éteindre fin 2016, le dispositif a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2024 après accord de la Commission européenne ;
– le crédit d’impôt « jeux vidéo »19(*), créé en 2009, vise les dépenses afférentes à la création de ce type de programme. Le crédit d’impôt est égal à 30 % des dépenses éligibles, dans la limite de 6 millions d’euros par exercice et par entreprise.
Dépense fiscale en faveur du cinéma
(en millions d’euros)
Source : commission des finances
Le montant total de la dépense fiscale a été chiffré à 472 millions d’euros en 2023, soit un niveau a peu près équivalent à celui constaté en 2022. Les montants prévisionnels pour 2024 dénotent une nette progression – + 55 millions d’euros – atteignant des niveaux inédits.
Le montant record de 591 millions d’euros de dépenses éligibles a été atteint en 2022. Ce sont 346 millions d’euros de dépenses supplémentaires par rapport au niveau de 2019, soit une progression de 141 %. La dépense fiscale est donc très dynamique depuis 2022, ce qui témoigne de la reprise des tournages et d’une attractivité réelle du territoire français. On note à cet égard un accroissement massif de la dépense éligible au C2I : en 2022, les dépenses en France éligibles représentent 591 millions d’euros, contre 245 millions en 2019. Le nombre d’oeuvres bénéficiaires a doublé sur la même période (101 en 2022 contre 55 en 2019).
Nombre de productions agréées au C2I et montant moyen de dépenses en France depuis 2010
(en millions d’euros)
Année d’agrément | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 |
Nombre d’oeuvres | 24 | 12 | 17 | 14 | 13 | 22 | 36 | 52 | 53 | 55 | 56 | 62 | 101 |
Moyenne de dépenses en France | 3 | 5 | 4 | 11 | 3 | 8 | 5 | 4 | 5 | 6 | 7 | 11 | 10 |
Source : CNC
La commission des finances a consacré une analyse détaillée à la situation du CNC et plus largement aux financements publics accordés à la filière du cinéma20(*).
Ce rapport indique qu’en agrégeant les soutiens automatiques et sélectifs versés par le CNC, les subventions attribuées par les collectivités territoriales, les investissements de France Télévisions, la dépense fiscale liée au crédit d’impôt cinéma ou à la réduction d’impôt afférente aux investissements dans les SOFICA, il apparaît que la production cinématographique d’initiative française a été financée à hauteur de 31 % par des fonds publics en 2021. Ainsi, en 2021, le montant de la dépense publique (budgétaire et fiscale) en faveur du cinéma a atteint 747 millions d’euros, hors mesures d’urgence et Plan de relance.
Il semble donc aujourd’hui nécessaire d’insister sur une révision des politiques menées en vue de contribuer à une réduction de la production au profit d’une meilleure qualité de celle-ci, même s’il n’existe pas de « bon chiffre » en la matière ou de martingale s’agissant de la réussite d’un film. Il conviendrait sans doute de renforcer l’aide à la formation, qu’il s’agisse de l’écriture ou des techniques, mais aussi l’appui à la distribution, en réduisant a minima à due concurrence les aides sélectives à la production.
Le rapport consacrait une large part de son analyse à la dépense fiscale en faveur du cinéma : « s’il ne remet pas en cause la pertinence des dispositifs mis en place en vue de soutenir l’activité en France, le rapporteur spécial [Roger Karoutchi] invite le CNC à vérifier les risques d’effets d’aubaine qu’induisent nécessairement des mécanismes de plus en plus avantageux ces dernières années, qui bénéficient de surcroît à un nombre croissant d’acteurs depuis leur lancement. Il relève en outre que l’argument d’une forte concurrence fiscale internationale peut être relativisé par d’autres atouts pour attirer des tournages, de la variété des paysages ou de la richesse des sites à la mise en place des fabriques de l’image censées créer un véritable écosystème favorable à la production et pour lesquelles la puissance publique est amenée à dégager des moyens considérables ».
La dynamique des crédits d’impôts interroge néanmoins, dès lors qu’ils tendent à financer des grosses productions qui ne semblent pas, de prime abord, peiner à réunir des financements.
D’autres analyses ont été en outre consacrées au financement du cinéma au cours des derniers mois, notamment un rapport de la commission de la culture du Sénat et un rapport de la Cour des comptes.
L’analyse de la Cour des comptes sur le CNC
La Cour des comptes a consacré une analyse détaillée au CNC, rendue publique en septembre 2023. Ses conclusions générales vont dans un sens relativement positif pour le centre : « force est donc de constater, qu’adossé sur un dialogue constant avec l’ensemble de l’écosystème, doté de pouvoirs réglementaires et d’un cadre d’action reconnus par tous, actif dans ses échanges tant avec les parlementaires qu’avec la tutelle budgétaire et les autorités de régulation, le CNC a fait preuve depuis 2011 d’une vision stratégique et d’une capacité d’adaptation réelles ».
La principale critique du rapport porte sur les aides accordées au secteur : « malgré l’annonce en 2019 par le président du Centre d’une revue générale des aides, le nombre et la complexité des dispositifs n’ont pas diminué bien au contraire, la crise sanitaire ayant conduit à de nombreux nouveaux aménagements. Cette grande complexité des aides et leur éparpillement rendent difficile toute évaluation de leur efficacité respective et de leur mise en oeuvre combinée dans chacun des domaines d’activité concernés ». La Cour appelle donc rapidement à des « réformes concrètes » sur le sujet.
Le rapport met également le « biais « nataliste » de la politique de soutien », conduisant à soutenir un nombre toujours croissant de films dont l’accès au marché est de plus en plus complexe.
La Cour des comptes recommande également une amélioration de la transparence financière du centre : « au vu de l’importance des ressources publiques affectées au CNC et de sa complexité comptable, la Cour recommande que soit mis en place, sans délai, un cadre de gouvernance financière approprié, avec la nomination de commissaires aux comptes, dont le CNC se dispense jusqu’à présent, et l’installation d’un comité d’audit auprès du conseil d’administration ».
Enfin, la Cour conclut sur la nécessité pour le CNC de renforcer son cadre de pilotage, notamment en concluant, à l’instar de la quasi-totalité des opérateurs, un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État.
Source : Cour des comptes, Observations définitives sur le CNC, exercices 2011-2022, septembre 2023
Le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » retrace l’intégralité des crédits destinés aux organismes de l’audiovisuel public. Il comprend donc :
– en recettes, une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée ;
– en dépenses, le montant des avances accordées aux organismes de l’audiovisuel public.
Six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l’audiovisuel public (841 – France Télévisions, 842 – ARTE France, 843 – Radio France, 844 – France Médias Monde, 845 – l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et 846 – TV5 Monde), composent habituellement les dépenses du compte de concours financiers. Un programme spécifique, intitulé « programme de transformation » – 848 est créé cette année afin de porter des moyens conditionnés au respect d’objectifs figurant dans les prochains contrats d’objectifs et de moyens (COM) des sociétés d’audiovisuel public.
Le présent projet de loi de finances prévoit l’affectation d’une part du produit de la TVA aux sociétés de l’audiovisuel public d’un montant de 4,025 milliards d’euros. Cette fraction est affectée pour près des deux-tiers à France Télévisions, et pour 16 % à Radio France.
Répartition de la part du produit de TVA affectée
aux sociétés de l’audiovisuel public en 2024
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires
Le compte de concours financiers enregistre de la sorte une progression de ses recettes de 209,4 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 (+ 5,49 %). Cette augmentation s’ajoute à celle de 114,4 millions d’euros déjà constatée entre 2022 et 2023.
Dotations accordées aux sociétés de l’audiovisuel public en 2024
(en millions d’euros)
2022 | 2023 | 2024 | Écart 2023/2024 | Écart 2024/2023 (en %) | Écart 2022/2024 | |
France Télévisions | 2 406,80 | 2 430,51 | 2 568,11 | 137,59 | 5,66 % | 161,30 |
ARTE France | 278,65 | 284,00 | 293,00 | 5,14 | 1,69 % | 29,96 |
Radio France | 588,79 | 623,41 | 652,95 | 29,55 | 4,74 % | 64,16 |
France Médias Monde | 259,56 | 284,73 | 304,20 | 19,47 | 6,84 % | 44,64 |
Institut national de l’audiovisuel | 89,74 | 93,63 | 107,91 | 14,28 | 15,26 % | 18,18 |
TV5 Monde | 77,77 | 79,97 | 83,45 | 3,48 | 4,36 % | 5,67 |
Total | 3 701,32 | 3 815,71 | 4 025,23 | 209,51 | 5,49 % | 323,91 |
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires
S’agissant d’Arte, les retraitements des effets fiscaux expliquent les variations des montants inscrits en loi de finances. Ainsi, si, en LFI 2023, le montant inscrit pour Arte France était de 303 millions d’euros, il n’était que de 284 millions d’euros après retraitement. Si, à première vue, les moyens accordés à Arte sont en recul de 3,25 %, le montant donc l’entreprise devrait bénéficier est en réalité en hausse de 9 millions d’euros, soit une hausse de 3,2 %.
Les crédits du compte de concours financiers ont augmenté, au cours des deux dernières années, de 9 %, soit 324 millions d’euros. Cette hausse n’a pas été équitablement répartie entre les différentes sociétés. Ainsi, la moitié de la hausse des crédits accordée entre 2022 et 2024 a bénéficié à France Télévisions. Il est à noter que France Médias Monde a bénéficié d’un volume de crédits supplémentaires sans commune mesure avec la proportion que la société représente dans les dépenses de l’audiovisuel public.
Évolution des dotations accordées aux sociétés de l’audiovisuel public
entre 2022 et 2024 à périmètre constant
(en millions d’euros)
Source : commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires
S’agissant plus particulièrement de France Médias monde, l’État considère qu’une partie des activités, valorisée à hauteur de 20 millions d’euros, correspond à des actions directes d’aide publique au développement (magazines de RFI, Réseau de distribution en Afrique) et sont labellisées comme telles par la direction générale du Trésor avant transmission à l’OCDE. Reste que ces actions sont aujourd’hui financées par la TVA et non par l’Agence française de développement, ce qui peut interroger.
La mission conjointe de contrôle du Sénat sur le financement de l’audiovisuel avait, en outre, souhaité qu’afin de renforcer la visibilité des moyens dévolus à l’audiovisuel extérieur, les crédits dédiés à l’agence Canal France International (CFI) actuellement versés sur le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » rattaché à la mission « Aide publique au développement » soient fléchés vers le programme 844 « France Médias Monde ». Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 10,6 millions d’euros, soit une majoration de 3 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2022. CFI est, depuis le 27 juin 2017 une filiale de France Médias Monde. Créée en 1989, elle agit, dans le cadre de l’aide publique au développement, pour favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud Est. CFI soutient ainsi les efforts de modernisation des médias audiovisuels et numériques publics et privés des pays en sortie de crise et en développement, en valorisant l’expertise française. 85 % de son budget est couvert par le programme 209.
L’évolution des crédits dédiés en 2024 est motivée par trois éléments :
– en premier lieu, la neutralisation des effets fiscaux induits par le remplacement de la CAP par une fraction du produit de la TVA ;
– en deuxième lieu, la mise en place de recettes conditionnées à l’atteinte des objectifs fixés par la prochaine génération de contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus par les entreprises d’audiovisuel public21(*) ;
– enfin, la prise en compte des effets de la hausse des prix sur l’activité des entreprises.
Affectation de l’augmentation des crédits dédiés à l’audiovisuel public en 2024
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après les documents budgétaires
La contribution à l’audiovisuel public était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) depuis 1969. Cette taxation permettait d’exonérer les opérateurs du paiement de la taxe sur les salaires. Le remplacement de la CAP par une fraction de TVA a donc eu pour conséquence d’entraîner l’assujettissement des sociétés de l’audiovisuel public concernées à la taxe sur les salaires. En conséquence, la fraction de TVA accordée inclut en retour une part supplémentaire destinée à compenser la hausse des prélèvements des entreprises, que le Gouvernement s’est engagé à compenser lors de la fixation de la trajectoire financière du secteur.
Au total, le coût de la neutralisation des effets fiscaux devrait atteindre 120 millions d’euros en 2024, en nette augmentation par rapport à 2023 où elle s’élevait à 78,6 millions d’euros. Ce montant représente 57 % de la progression des crédits constatée entre la loi de finances initiale pour 2023 et le présent projet de loi de finances et 3 % de la dotation totale accordée aux sociétés de l’audiovisuel public.
Décomposition de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la CAP versée aux sociétés de l’audiovisuel public prévues dans le projet de loi de finances pour 2024
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après les documents budgétaires
En déduisant les compensations mises en oeuvre afin de neutraliser les effets fiscaux liés à la suppression de la CAP, les moyens supplémentaires représentent tout de même 28 millions d’euros pour France Télévisions et 12,9 millions d’euros pour Radio France.
Il est à noter que les informations budgétaires pour 2024 s’agissant des financements comme des recrutements sont extrêmement parcellaires. Les documents budgétaires se contentent de renvoyer à la signature des contrats d’objectif et de moyens 2024-2028, qui auraient par ailleurs déjà dû être signés en 2023.
Les ressources propres des sociétés d’audiovisuel public sont dans l’ensemble orientées à la hausse, tirées par la croissance des recettes publicitaires, lesquelles sont cependant encadrées par les contrats d’objectifs et de moyens actuels.
Ressources propres des sociétés d’audiovisuel public
(en millions d’euros)
2022(réalisé) | 2023(prévisionnel) | |
France Télévisions | 417,5 | 414,8 |
Arte | 1,9 | 2,3 |
Radio France | 87,3 | 87,2 |
INA | 130,9 | 140,3 |
France Médias Monde | 14,3 | 15,7 |
TVA Monde | 9,28 | 9,07 |
Source : commission des finances d’après les documents budgétaires
L’article 31 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit d’introduire la possibilité pour les entreprises de l’audiovisuel public de bénéficier d’avances finançant des « actions de transformation » identifiées dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM).
D’après les documents budgétaires, l’enveloppe additionnelle dédiée à ces projets de transformation s’élèverait à 200 millions d’euros sur trois ans, dont 69 millions d’euros au titre de 2024.
Les documents budgétaires indiquent que ces projets de transformation prioritaires « ont vocation à accroître la qualité, la visibilité et l’impact des offres proposées par le secteur en matière de proximité, de numérique et d’information, notamment à destination du public jeune ».
L’essentiel de ces financements conditionnels serait affecté à France Télévisions (pour un montant de 45 millions d’euros, soit 1,78 % des sommes totales affectées à la société) et, dans une moindre mesure, Radio France (à hauteur de 15 millions d’euros, soit 2,30 %). En outre, France Médias Monde et l’INA en bénéficieraient également, à hauteur de respectivement 5 et 4 millions d’euros (1,67 % et 3,85 % de la fraction de TVA affectée à ces entreprises).
Répartition prévisionnelle de la fraction de TVA affectée aux sociétés d’audiovisuel public en 2024 en incluant la part incitative
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après les documents budgétaires
Si l’introduction d’une dose incitative, pour ne pas dire de performance, dans l’attribution des financements à l’audiovisuel public semble aller dans le bon sens, la question des indicateurs figurant dans les COM, et par conséquent des critères d’attribution, demeure à l’heure actuelle une inconnue. Le récent avis de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique se contente sur ce point d’indiquer que « compte tenu des enjeux, le prochain COM devra comporter tous les indicateurs permettant d’assurer un suivi étroit des ressources de l’audiovisuel public »22(*). au-delà du fait qu’une telle recommandation devrait relever de l’évidence s’agissant d’une saine gestion des deniers publics, elle souligne en creux l’absence de ces indicateurs lors de la discussion et du vote du présent projet de loi de finances.
En effet, si les COM devaient initialement être conclus dès mi-2023, les documents budgétaires font désormais mention d’une conclusion début voire mi-2024. D’après le projet annuel de performances du CCF « Avances à l’audiovisuel public », les COM « associeront également à chaque projet des objectifs, des indicateurs et des jalons infra-annuels précis permettant de suivre leur déploiement », sans plus ample précision. Ce même document indique également que les COM seront présentés aux instances des organismes concernés « dans les prochains mois », et que les commissions parlementaires compétentes, dont la commission des finances, ne pourront se saisir pour avis des COM avant le premier semestre 2024.
Le rapporteur spécial a analysé par le passé, en qualité de rapporteur de la commission de la culture du Sénat, les faiblesses des précédents COM, dont le bilan apparaît mitigé23(*). Il avait notamment mis en avant un nombre d’objectifs trop important et un manque de hiérarchisation : « le grand nombre des sujets évoqués dans ces documents comme le faible caractère contraignant des objectifs visés ont mis en évidence les défaillances de cet outil alors même que les entreprises de l’audiovisuel public ont besoin d’une certaine stabilité pour développer leur projet ».
Si la mise en place d’une part conditionnelle est positive sur le fond, elle implique un renforcement important des critères de performance afin de s’assurer que les versements réalisés ne se transforment pas en une hausse inconditionnelle. Ainsi, en cas de non-réalisation des projets sélectionnés ou de retard dans leur déploiement, il sera indispensable de réellement moduler les montants accordés. À l’heure actuelle, le projet annuel de performances se contente d’indiquer, pour le seul indicateur du programme 848 (avancement des projets de transformation prioritaires) que « la cible 2024 sera définie pour chacun des projets de transformation prioritaires dans les COM 2024-2028 en cours de finalisation qui préciseront les indicateurs de suivi de la réalisation de ce projet ».
Il est donc à ce titre regrettable que les COM se négocient une fois de plus sans réelle concertation, notamment avec les personnels des entreprises concernées et sans association du Parlement, lequel se trouve donc dans la position de voter pour ou contre des moyens supplémentaires sans connaître les objectifs auxquels ils seront conditionnés.
Le budget 2024 ne devrait pas marquer l’arrêt de la hausse des recettes accordées à l’audiovisuel public. Le projet de loi de programmation des finances publiques, qui devrait être transposé dans les trajectoires financières figurant dans les COM, prévoit au contraire une poursuite de la croissance des crédits accordés au cours des prochaines années. Sans compter la part incitative supplémentaire, la part « socle » des financements accordés devrait en 2026 être supérieure de près de 100 millions d’euros à celle accordée en 2024. Les documents budgétaires en 2023 ne prévoyaient pourtant pas d’évolution des crédits au cours des prochaines années.
Ainsi, entre 2022 et 2027, les montants accordés aux six sociétés d’audiovisuel public devraient avoir augmenté de 466,2 millions d’euros, soit une hausse de 12,6 %. Cette hausse s’élèverait à 142 millions d’euros entre les seules années 2024 et 2027.
Évolution prévisionnelle des financements accordés aux sociétés d’audiovisuel public entre 2024 et 2027
(en millions d’euros)
Source : commission des finances d’après les documents budgétaires
Le rapporteur spécial réitère le constat selon lequel les COM ne constituent qu’un ersatz de réforme de l’audiovisuel public. Eu égard à l’absence d’informations dont dispose le Parlement à l’heure actuelle, et à supposer que les COM 2024-2028 reprennent la structure des précédents, ces contrats ne se substituent pas à une réelle stratégie pour l’audiovisuel public, compte tenu du manque d’ambition et de moyens qui les caractérisent.
À titre d’exemple, la dernière génération de COM devait permettre d’accélérer un certain nombre de mutualisations, qui apparaissent indispensables. Malgré une prise de conscience des sociétés d’audiovisuel public, qui semblent davantage prêtes à progresser sur le sujet, les avancées sont restées minimes au cours des dernières années, en dépit de l’annonce du lancement de la plateforme « Ici », commune à Radio France et France Télévisions, ainsi que le travail commun sur les matinales de France info et France Bleu.
L’élaboration des COM doit donc être l’occasion d’une réflexion plus globale visant :
– la définition des missions de service public confiées aux sociétés de l’audiovisuel public ;
– le périmètre même du service public ;
– la définition d’une allocation de moyens adaptée.
Acquittée par près de 23 millions de foyers et 80 000 entreprises, le montant de la CAP (138 euros en métropole et 88 euros en outre-mer), en principe indexé sur l’inflation, était gelé depuis 2018. Prélèvement peu dynamique – le nombre de foyers l’acquittant se réduisant chaque année – et ne reflétant plus les nouveaux usages en matière de consommation audiovisuelle, la CAP était appelée à être profondément modifiée afin de tenir compte de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales en 2023, sur laquelle elle était adossée.
L’article 6 de la première loi de finances rectificative pour 202224(*) a supprimé, dès 2022, la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006, la dotation affectée par l’État à l’audiovisuel public est constituée d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) déterminée chaque année par la loi de finances de l’année. Ce montant était fixé par l’article 120 de la loi de finances pour 2023 à 3,815 milliards d’euros, versée sur le compte de concours financiers.
À l’initiative du Sénat, l’article 6 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit que l’affectation d’une fraction du produit de TVA au financement de l’audiovisuel public devra prendre fin au 31 décembre 2024.
Il s’agit, de la sorte, de respecter la nouvelle rédaction de l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances telle qu’issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (article 3). Celle-ci prévoit en effet, à compter de la loi de finances pour 2025, que pour un tiers (hors organismes de sécurité sociale ou collectivités territoriales) bénéficiant déjà d’une affectation de taxe, celle-ci ne peut être maintenue que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer.
Il y a d’ailleurs déjà lieu de s’interroger sur le fait que jusqu’en 2025, les sociétés de l’audiovisuel public soient, en quelque sorte, placées au même niveau que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, également récipiendaires d’une fraction du produit de la TVA.
La budgétisation qu’avait proposée le Gouvernement dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 devait aboutir à la clôture du compte de concours financiers le 31 décembre 2022. Cette suppression permettait de lever le doute sur la compatibilité de son utilisation à LOLF.
La Cour des comptes avait, en effet, relevé, dans sa note d’exécution budgétaire publiée en mai 201625(*), que le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » ne respectait pas, dans sa forme actuelle, les principes afférents aux comptes spéciaux, tels que prévus par l’article 24 de la LOLF.
Aux termes de celui-ci, les comptes de concours financiers doivent, en effet, retracer les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Les opérations doivent se solder, en cours d’année, par le versement d’intérêts qui auraient vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ou en fin d’année, par le remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers. Ces comptes sont, par ailleurs, dotés de crédits limitatifs26(*).
Les dépenses du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » ne constituent pas, cependant, des avances à proprement dit mais plutôt des dotations. Le compte n’est, en outre, pas équilibré par les remboursements des sociétés mais par une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.
En outre, la création du programme 848, qui rassemble les crédits dédiés à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public, devrait être contraire à l’article 2 de la LOLF. Il est également contraire au III de l’article 53 de la loi de 1986 qui prévoit que le Parlement « approuve la répartition entre les organismes affectataires des ressources publiques ». Dans la mesure où la répartition ne peut s’entendre qu’au niveau des programmes, il s’agit d’une fragilisation supplémentaire de la conformité du compte de concours financiers à la loi organique.
La réforme de l’audiovisuel public abandonnée en février 2020, prévoyait la création de France Médias, holding censée chapeauter les sociétés publiques audiovisuelles. Arte France et TV5 Monde n’étaient pas, cependant, intégrées à cette nouvelle structure. Trois missions lui auraient été assignées :
– définir des coopérations éditoriales entre les différentes entités, les décisions éditoriales demeurant du ressort des entreprises éditrices de programme ;
– déployer une offre « trimédia » : télévision, radio et internet ;
– mutualiser les fonctions non éditoriales à l’image de la formation, de la régie publicitaire ou de la recherche et développement.
La mission conjointe de contrôle du Sénat sur le financement de l’audiovisuel a préconisé d’aller plus loin avec la création d’une entreprise unique, regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA et de rendre enfin effectives les projets de coopération « par le bas » laborieusement mis en oeuvre ces dernières années, qu’il s’agisse des matinales communes à France 3 et France Bleu, du lancement de l’application numérique commune « Ici » ou du Club « Achats » lancé en 2017.
Une société unique garantirait une unité de pilotage, une réduction des niveaux hiérarchiques et donc une plus grande agilité en vue de répondre à la mutation du paysage audiovisuel, dans un contexte de montée en puissance des plateformes et de révolution des usages. La société unique permettrait de mettre en place deux organes communs :
– une véritable « newsroom » réunissant l’ensemble des journalistes de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, organisée en trois pôles distincts couvrant respectivement l’international, le national et le local. Ces pôles seraient chargés d’alimenter les différents supports et antennes qui pourraient conserver leur identité. L’existence d’une telle salle de rédaction commune francophone permettrait de supprimer les doublons, de renforcer l’expertise et de favoriser la réactivité. Les rédactions en langues étrangères seraient maintenues et développées au sein du pôle international tandis que le pôle local aurait pour mission de développer le maillage régional et ultramarin sur l’ensemble des supports ;
– la création d’un média de service public territorialisé qui puisse décliner son offre éditoriale sur tous les supports. France 3 et France Bleu seraient ainsi regroupées au sein d’une même filiale de la société unique, qui pourrait être dénommée « France Médias Régions ». Cette structure aurait pour mission de réorganiser à la fois l’offre et la présence territoriale de France 3 et France Bleu pour proposer des programmes conçus au plus près des territoires en partenariat avec les collectivités territoriales. Cette fusion de France 3 et France Bleu devrait également permettre de repenser les méthodes de travail en adoptant des modes de production plus souples et réactifs.
La société unique pose également la question du nombre de chaînes. La trajectoire de réduction des dotations entre 2018 et 2022 n’a eu aucune incidence sur celui-ci. Faute de réelle ambition, le nombre de chaînes dont le service public dispose a été, pour l’essentiel, maintenu, induisant dans le meilleur des cas des efforts de gestion mais, le plus souvent, une volonté de diversifier ses ressources, en particulier publicitaires, au risque d’un abaissement de la qualité des programmes. Le rapporteur spécial s’interroge, dans ces conditions, sur le nombre d’antennes de Radio France, s’interrogeant en particulier sur la pertinence de maintenir Mouv’ ou FIP sur la bande FM ou la présence de deux orchestres en son sein). La question du périmètre de France Télévisions doit également être posée. Force est de constater que France 5 semble davantage satisfaire des missions de service public telles que la promotion de la culture et de la connaissance que France 2, dont la quête d’audience pousse à la production coûteuse d’un feuilleton quotidien assez peu ambitieux quant au contenu ou au rachat de programmes éculés sur les chaînes privées, à l’image de MasterChef ou des Enfants de la Télé. Un transfert des émissions de France 5 vers France 2 – qui conserverait un pan entier de son antenne dédié à l’information – et la vente du canal 5 pourrait donc faire sens. Ces deux éléments contribueraient substantiellement à diminuer le coût du service public de l’audiovisuel, qui serait recentré sur ce qui est supposé être son coeur de métier.
Alors que le temps presse désormais, le Gouvernement n’a toujours avancé ni piste ni calendrier pour l’établissement d’un nouveau mode de financement de l’audiovisuel public en 2025, ce qui traduit un pilotage« court-termiste » de la dépense. Il semble incompréhensible, au regard de l’ampleur des enjeux et de la proximité de l’échéance, que le Gouvernement ne s’inquiète pas davantage de l’absence de prévisibilité de la ressource pour l’ensemble des six sociétés de l’audiovisuel public.
Si la nécessité de parer aux risques d’absence d’indépendance avait légitimement occupé une grande part des débats lors de la suppression de la CAP, cette question n’est en rien résolue à l’heure actuelle. La mission commune de contrôle du Sénat27(*) comme celle de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) sur l’avenir de la contribution, dont les conclusions ont été rendues publiques en juillet 2022, mettaient pourtant en avant différentes solutions.
Il convient de rappeler à ce stade que le Gouvernement envisageait initialement une budgétisation des crédits affectés à l’audiovisuel public qui paraissait à tout le moins plus lisible et plus conforme à la loi organique relative aux lois de finances28(*). Alors qu’une proposition de loi organique a déjà été déposée à l’Assemblée nationale29(*) prévoyant que des impositions de toutes natures puissent être directement affectées aux organismes de l’audiovisuel public, le risque est grand de voir pérennisée sans débat une solution initialement pensée comme transitoire, et sans que ces années intermédiaires n’aient été mises à profit pour avancer en vue d’une échéance pourtant prévue par la loi.
Dès lors que le Gouvernement ne semble pas prêt à s’emparer des propositions du Sénat s’agissant de la réforme de l’audiovisuel public, et alors que le budget 2024 constitue une étape de plus dans la spirale haussière de l’audiovisuel public, le rapporteur spécial a déposé un amendement II-5 (FINC.1) visant à geler les crédits des sociétés de l’audiovisuel public en 2024, en les maintenant au niveau accordé en LFI 2023.
Les crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » n’ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
Réunie le mardi 14 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l’examen du rapport de M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». – La mission « Médias, livre et industries culturelles » traduit la mission de régulation de l’État : si celui-ci n’a pas vocation à se substituer aux industries culturelles, son intervention est précieuse dans la plupart des différents domaines couverts par la mission. Ainsi, 742 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 736 millions en crédits de paiement (CP) sont prévus à ce titre en 2024. Ces chiffres traduisent une progression par rapport à la loi de finances pour 2023 de respectivement 5,6 % et 4,4 %.
Quatre grands axes peuvent être distingués dans la mission.
Premièrement, la moitié des crédits de la mission est fléchée vers le soutien au secteur de la presse écrite. Le montant total des aides à la presse diminue de 0,3 % par rapport à 2023 et devrait atteindre 196,5 millions en CP en 2024. Cette baisse intervient alors que les États généraux de l’information ont été lancés en septembre dernier.
Les difficultés structurelles du secteur de la presse écrite, dans un contexte de concurrence avec d’autres modes d’information, font l’objet de multiples analyses – je ne vais donc pas m’y appesantir. Le chiffre d’affaires global du secteur a reculé de 6 % entre 2019 et 2022, et cette tendance est amenée à durer. En particulier, la diminution des recettes publicitaires (- 2,8 % depuis 2019) pose question sur la capacité du secteur à mobiliser des ressources propres.
Si la réforme des aides à la presse est un véritable « serpent de mer », il sera intéressant d’observer si des propositions concrètes ressortent de ces États généraux, notamment s’agissant du modèle économique de la presse et du soutien public apporté aux titres d’information.
Deuxièmement, la mission porte une partie des crédits dédiés à la politique du livre. Pour autant, ces crédits sont loin de résumer l’action du ministère de la culture en faveur du livre, éclatée entre plusieurs programmes. La majeure partie des moyens accordés par la mission « Médias, livre et industries culturelles » est destinée à deux grandes bibliothèques nationales et au Centre national du livre (CNL). Les crédits sont d’ailleurs en forte hausse par rapport à 2023 (10,4 % en AE et 7,5 % en CP), essentiellement pour couvrir le coût de l’inflation pour ces opérateurs et pour poursuivre les différents chantiers, il est vrai, titanesques pour leurs bâtiments.
Troisièmement, la mission porte les emplois du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Le CNC ne bénéficie toutefois d’aucun crédit budgétaire. Son budget annuel – 829 millions d’euros en 2023 – est abondé par quatre taxes affectées. L’action du CNC est appuyée, au niveau fiscal, par cinq crédits d’impôt dont la dynamique est sans précédent. La dépense fiscale en faveur du cinéma devrait s’élever à 527 millions d’euros en 2024, en hausse de 11 % par rapport à 2023. Si vous le permettez, je ne m’étendrai pas davantage sur ce point dans la mesure où notre collègue Roger Karoutchi y a consacré un rapport budgétaire qu’il a présenté à cette commission il y a quelques mois seulement.
Quatrièmement enfin, et il s’agit d’un sujet qui, quoique modeste d’un point de vue budgétaire, me tient à coeur, la mission « Médias, livre et industries culturelles » finance également le Centre national de la musique (CNM). Rapporteur de la proposition de loi créant le CNM en 2019, j’avais déjà pointé l’inadéquation entre l’ampleur de l’ambition – à savoir faire du CNM l’équivalent du CNC dans le secteur de la musique – et les moyens confiés à l’établissement public.
Le budget du CNM pour 2024 devrait être d’environ 60 millions d’euros, permettant d’accorder entre 25 millions et 30 millions d’euros d’aides sélectives. Cela représente un montant largement en deçà des besoins de la filière musicale, que le CNM estime pour sa part à environ 60 millions d’euros.
Le Président de la République a mis en demeure en juin dernier les acteurs du secteur de trouver une nouvelle solution de financement, sous peine de la mise en place d’une taxe spécifique. Permettez-moi au passage de trouver cet oukase un tantinet baroque, compte tenu de la faible appétence du chef de l’État et de Bercy pour les taxes à faible rendement. Cette décision du Président de la République n’a fait que renforcer le climat délétère régnant entre les professionnels du monde de la musique, et les discussions se sont enlisées, chacun campant sur ses positions.
Force est donc de constater, à l’heure où je vous parle, que le Gouvernement n’a pas, d’une part, tenu les engagements prononcés lors de la création du CNM, et que, d’autre part, celui-ci n’a pas été en capacité de se positionner en amont du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.
Cela étant, je vous propose d’adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sans modification, mais également sans entrain.
S’agissant du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », mon avis est plus contrasté.
Ce compte retrace l’intégralité des crédits destinés aux six organismes de l’audiovisuel public. Comme vous le savez, ceux-ci passent désormais par l’affectation d’une fraction de TVA, dont le montant s’élève à 4,025 milliards d’euros. Cela correspond à une hausse de 209,4 millions d’euros par rapport à 2023, soit + 5,49 %. Cette augmentation s’ajoute à celle de 114 millions d’euros déjà constatée entre 2022 et 2023. Cette progression n’a pas été intégralement répartie entre les différentes sociétés. Ainsi, la moitié de la hausse des crédits accordée entre 2022 et 2024 devrait bénéficier à France Télévisions.
Par ailleurs, si le Gouvernement applique la trajectoire figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques, les montants accordés aux six sociétés d’audiovisuel public devraient augmenter de près d’un demi-milliard d’euros entre 2022 et 2027, soit une hausse de 13 %. Cette croissance s’élèverait à 142 millions d’euros entre les seules années 2024 et 2027.
D’après le Gouvernement, l’évolution des crédits dédiés en 2024 est motivée par trois éléments : en premier lieu, par la neutralisation des effets fiscaux induits par la suppression de la contribution à l’audiovisuel public ; en deuxième lieu, par la mise en place de recettes conditionnées à l’atteinte des objectifs fixés par la prochaine génération de contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus par les entreprises d’audiovisuel public ; et troisièmement, par la prise en compte des effets de la hausse des prix sur l’activité des entreprises.
La nouveauté pour ce PLF pour 2024 est la possibilité pour les entreprises de l’audiovisuel public de bénéficier d’avances finançant des « actions de transformation » identifiées dans les COM.
L’enveloppe additionnelle dédiée à ces projets de transformation s’élèverait à 200 millions d’euros sur trois ans, dont 69 millions d’euros au titre de 2024. Si l’introduction d’une dose incitative – pour ne pas dire de performance – dans l’attribution des financements à l’audiovisuel public semble aller dans le bon sens, nous ne connaissons pas pour l’instant le contenu des COM. Nous devons donc pour ainsi dire nous prononcer à l’aveugle.
En outre, les contrats ne se substituent pas à une réelle stratégie pour l’audiovisuel public, compte tenu du manque d’ambition qui les caractérise.
Par ailleurs, lors de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), le Sénat avait averti le Gouvernement que l’affectation de TVA serait contraire à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) dès janvier 2025. Autrement dit, il ne reste qu’un an pour trouver une solution alternative. Rien n’est pourtant avancé à l’heure actuelle. L’écrasant silence du Gouvernement sur ce point, si près de l’échéance, ne peut que nous surprendre. Le risque est grand de voir pérennisée sans débat une solution initialement pensée comme transitoire.
Plus largement, le Gouvernement ne semble pas prêt à s’emparer des multiples propositions du Sénat s’agissant de la réforme de l’audiovisuel public. Nous avions pourtant remis un rapport de contrôle sur le sujet, ainsi qu’une proposition de loi.
J’ai donc déposé un amendement de crédits visant à ramener les montants accordés à l’audiovisuel public à ceux qui sont prévus dans la loi de finances initiale pour 2023. Je vous propose d’adopter les crédits du compte de concours financiers modifiés par cet amendement.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. – Je soutiens la proposition du rapporteur concernant le financement de l’audiovisuel public. J’estime qu’il est temps de placer le Gouvernement devant ses responsabilités : il n’est pas envisageable, comme l’exécutif l’a fait, de décider de la suppression de la CAP sans fixer un cadre de travail et de réflexion pour trouver d’autres solutions de financement.
Une sorte de pis-aller pourrait consister à ne prendre aucune décision jusqu’au 1er janvier 2025. Or, lorsque l’on décide de conduire une réforme de cette ampleur, il importe de s’assurer de sa mise en oeuvre en formulant des propositions et en réunissant les acteurs concernés. Pour être tout à fait transparent avec vous, j’ai reçu ce matin la présidente de France Télévisions qui a confirmé l’absence d’un tel cadre de réflexion.
Maintenir en 2024 le financement public à son niveau de 2023 me semble être la solution la plus raisonnable dans un premier temps, avant d’enjoindre au Gouvernement de poser les jalons non seulement d’une réflexion, mais surtout d’un projet. Même sur des sujets d’apparence plus modeste, cette démarche nécessite en effet davantage de temps que ce que croit l’exécutif. Que chacun prenne ses responsabilités.
Mme Isabelle Briquet. – Merci pour ce rapport clair et synthétique. Pour ce qui concerne la presse et les médias, vous avez évoqué les États généraux de ce secteur, ouverts depuis le mois dernier, d’où ressortiront des propositions de réforme. Dans ce contexte, je déplore le mauvais signal envoyé avec la stagnation, voire la légère baisse des crédits du programme portant les aides à la presse.
S’agissant du financement du CNM, encore assuré pour l’essentiel en 2024 par des reports de crédits, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas avancé sur le projet de taxe sur le streaming alors qu’il pourrait s’agir d’un moyen pour apporter un financement pérenne à cet organisme.
M. Marc Laménie. – La suppression de la redevance, dont le produit était d’environ 3 milliards d’euros, soulève une interrogation sur le financement de l’audiovisuel public, désormais assuré par le biais de la TVA.
J’observe, par ailleurs, que les missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Culture » sont complémentaires, mais que cette complémentarité n’est pas sans entraîner des difficultés de lisibilité dans la mesure où certaines actions sont étroitement imbriquées, dont celles dédiées au livre et à la lecture.
Trois opérateurs agissent ainsi dans le domaine du livre : la Bibliothèque nationale de France (BNF), la Bibliothèque publique d’information (BPI) et le CNL. D’autres opérateurs interviennent-ils ? Les effectifs des trois organismes précités sont-ils en augmentation ? Ceux-ci sont d’ailleurs concentrés en région parisienne alors que les collectivités territoriales mènent des actions en matière de lecture publique et y consacrent des moyens tant financiers qu’humains.
M. Rémi Féraud. – J’en reviens au CNC et au rapport de Roger Karoutchi consacré au financement du cinéma, qui avait à la fois mis en lumière la protection dont bénéficie le cinéma français et l’existence d’un trésor de guerre extrêmement important. Or votre rapport budgétaire évoque de nouveau des dépenses fiscales en hausse de 55 millions d’euros : d’où provient cette augmentation ? N’y aurait-il pas là matière à formuler des solutions pour stabiliser ce financement ?
Sans être en faveur d’une réduction des crédits, il semble que ces derniers n’aient pas besoin d’être revus à la hausse chaque année, le CNC paraissant en mesure de mener ses actions sans aucune difficulté.
M. Thomas Dossus. – Ce budget est parfois construit de manière brouillonne et nous attendons comme vous une remise à plat des aides à la presse, peut-être à l’issue des États généraux de l’information.
S’agissant de l’audiovisuel public, nous avions indiqué dès la suppression de la CAP que la solution retenue n’était pas tenable, et nous constatons comme vous qu’aucune solution pérenne n’émerge. En revanche, je ne souscris pas à votre option consistant à sabrer les crédits alloués au service public de l’audiovisuel : si l’on entend faire bouger le Gouvernement, la rétorsion ne me semble pas être la bonne méthode.
Par ailleurs, je partage l’interrogation portant sur la taxe sur le streaming, qui était l’une des recommandations formulées par Julien Bargeton dans son rapport consacré à la stratégie de financement de la filière musicale. J’ai l’impression que cette idée a été jusqu’à présent agitée afin d’inciter les grandes plateformes à accepter une contribution volontaire, en laissant planer la menace d’une taxe en cas de refus de leur part. Il faudrait au contraire agir dès maintenant, car le CNM est à même de venir en aide aux acteurs les plus fragiles du secteur. Il importe de trouver un financement pérenne pour cette institution.
Mme Nathalie Goulet. – La refonte du fonctionnement des aides à la presse est à l’ordre du jour dans le contexte de crise sans précédent que traverse la presse écrite. Celle-ci se manifeste à la fois par la financiarisation et par des problèmes de liberté des rédactions.
Concernant le CNC, ont pu à la fois être soulignées la grande importance de la participation des collectivités territoriales et la récurrence de subventions versées à certains cinéastes tout à fait remarquables mais dont les performances sont loin de mériter les subventions qu’ils perçoivent. Quels sont les critères appliqués pour distinguer les cinéastes méritants d’autres qui le sont moins ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Je m’associe à la volonté du rapporteur d’exercer une pression sur le Gouvernement afin d’obtenir des clarifications dans le domaine de la musique, sans partager totalement son optimisme sur le rôle que peut jouer le CNM.
Je crains en effet de voir cet établissement public, s’il venait à dégager des ressources ici ou là, se substituer à certaines directions du ministère de la culture, un ministère faible dont le rôle consiste pour l’essentiel à distribuer des subventions. Les modèles de la musique et du cinéma sont bien distincts et je suis très perplexe quant à l’avenir du CNM, dont il convient de clarifier les missions. Il me semble que n’importe laquelle des directions du ministère de la culture pourrait s’acquitter de celles-ci.
M. Olivier Paccaud. – J’ai une question très simple concernant votre amendement visant à ramener les crédits de l’audiovisuel public à leur niveau de 2023 : pourquoi réserver un traitement aussi différent à Arte par rapport aux autres opérateurs ?
M. Michel Canévet. – J’avais également fait part de ma perplexité quant à la suppression de la redevance et nous restons à ce jour sans perspectives, comme l’a rappelé le rapporteur général, alors qu’une solution doit être trouvée avant la fin de l’année 2024. Il importe pourtant d’avancer dans ce dossier compte tenu des effets délétères constatés sur la TVA, dont la part affectée aux ressources de l’État diminue de façon dramatique.
Le rapporteur spécial a-t-il une idée pour suppléer à ce recours à la TVA pour financer l’audiovisuel public ? Ne faudrait-il pas engager une revue de dépenses afin de déterminer les moyens qui lui sont alloués ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. – Je tiens à rappeler, s’agissant de la baisse des crédits dédiés à la presse, qu’une hausse était intervenue en 2023 et que les indicateurs de ce secteur suivent une tendance baissière lourde qu’il est difficile de contrer. Mieux vaut-il, sans doute, stabiliser la situation dans un premier temps en attendant d’éventuelles réformes issues des États généraux de l’information.
Monsieur Laménie, vous avez raison sur la lisibilité : retracer l’ensemble des crédits dédiés à la culture s’avère particulièrement complexe tant le chassé-croisé est permanent dans ce domaine.
Pour ce qui est du nombre d’emplois que comptent les multiples opérateurs du secteur, l’effort consenti par Radio France et France Télévisions pour diminuer leur masse salariale est à relever. Pour autant, chassez le naturel, et il revient au galop : le PLF pour 2024 prévoit la création de 10 ETP pour le CNM, alors que l’on ignore la manière dont il sera financé. Cela en dit long.
Par ailleurs, la dynamique des ressources du CNC est liée au rebond du secteur du cinéma après la crise du covid, sans oublier le rôle joué par l’intégration des plateformes.
Monsieur Dossus, nous souhaitons tous assurer le financement pérenne du CNM, mais je tiens à souligner que nous sommes en position d’arbitre, j’y reviendrai.
Madame Goulet, je rappelle en préalable que le CNC et le CNM sont très différents, notamment au regard de leur statut : le CNC est un établissement public administratif exerçant des missions d’administration centrale, alors que le CNM est un établissement public à caractère industriel et commercial. Les auditions que nous avons menées ont confirmé la force du lobby du cinéma en France, considéré comme un art majeur alors que la musique est vue comme un art mineur. Pendant les dix à vingt premières années de son existence, le CNC a cependant été marqué par des conflits d’ego et des rivalités économiques, avant que le métier ne se mette véritablement en ordre de marche pour avancer, soudé, vers le même objectif.
Ce n’est pas le cas du monde de la musique, qui n’a pu être rassemblé que le 1er janvier 2020 alors qu’un tel rapprochement était demandé depuis 2012. Cette dynamique de rassemblement est pourtant indispensable, car le monde de la musique ne pourra pas se développer sans une maison commune telle que le CNM : encore faut-il parvenir à la porter sur les fonts baptismaux.
Au risque de me répéter, la tare de cette construction tient au fait que son financement n’a pas été prévu, d’où l’impasse à laquelle nous sommes confrontés. N’oublions pas, néanmoins, que le CNM – et donc le contribuable – a permis de sauver le monde de la musique pendant la crise du covid. Nous en sommes désormais sortis et en revenons à ce problème originel de l’absence de budget.
Constatant ce blocage, le Président de la République a semblé menaçant en 2023 à l’occasion de la fête de la musique, laissant entendre qu’une taxe sur le streaming serait mise en oeuvre si le monde de la musique ne parvenait pas à s’accorder. Après le recours à l’article 49.3 de la Constitution à l’Assemblée nationale, nous nous retrouvons dans une position d’arbitre qui nous a conduits à organiser, en lien avec le rapporteur général, une table ronde avec les acteurs du secteur.
Monsieur Paccaud, je rappelle que mon amendement a vocation à revenir à la situation de 2023 et non à réserver un traitement différencié à Arte : les crédits dédiés à Arte devant diminuer en 2024, les ramener au niveau de 2023 suppose donc de les rehausser. Il n’en reste pas moins que, parmi les résultats des six structures de l’audiovisuel public, Arte fait figure de modèle à suivre, sachant que la chaîne franco-allemande se situe à cheval sur deux calendriers et des financements différents, dans le cadre des contrats d’objectifs fixés par les deux pays. Particulièrement en avance sur le numérique – peut-être grâce à sa taille réduite -, Arte est plutôt à citer en exemple.
Pour vous répondre au sujet du moyen de suppléer à la baisse de la TVA, monsieur Canévet, la TVA ne peut pas servir de ramasse-tout. La décision du Président de la République de supprimer la CAP a été à la fois électoraliste et habile, puisque peu de Français ont manifesté l’envie de maintenir cette taxe, mais il a choisi de procéder ainsi sans en avertir sa ministre, laissant aux dirigeants du secteur le soin d’en assumer les conséquences. L’entretien avec Delphine Ernotte, ce matin, a été l’occasion d’évoquer le fait que l’on demande à ces responsables de se projeter dans l’avenir sans disposer de visibilité budgétaire : l’exercice est tout simplement impossible.
C’est d’ailleurs exactement ce qui nous est demandé par un vote à l’aveugle des crédits, sans connaître le contenu des COM. Certes, nous disposons d’orientations stratégiques, mais qui relèvent davantage de la littérature que d’éléments sonnants et trébuchants.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. – Pour en revenir à la taxe sur le streaming, nous avons organisé une table ronde rassemblant tous les acteurs. Nous n’accepterons pas de rester cantonnés au rôle d’arbitre et formulerons des propositions : de temps à autre, il faut sortir de la mêlée pour avancer. Les propositions feront vivre le débat et chacun devra prendre ses responsabilités.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. – Je conclus en apportant un complément à M. Laménie : la stratégie « Lecture et territoires » est financée par la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour un montant modeste, qui s’élève malgré tout à 5 millions d’euros par an.
La commission a décidé de proposer au Sénat d’adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
M. Claude Raynal, président – Nous passons au vote sur les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
L’amendement II-5 (FINC.1) est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d’adopter les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », sous réserve de l’adoption de son amendement.
*
* *
Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d’adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et d’adopter les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » tels que modifiés par son amendement.
Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)
– Mme Florence PHILBERT, directrice générale ;
– M. Fabrice de BATTISTA, chef du département des affaires financières et générales.
Centre national de la musique
– M. Jean-Philippe THIELLAY, président ;
– M. Romain LALEIX, directeur général délégué.
Centre national du cinéma et de l’image animée
– M. Olivier HENRARD, directeur général délégué ;
– M. Vincent VILLETTE, directeur financier et juridiques.
* 1 Itinéraire d’un art gâté : le financement public du cinéma, Roger KAROUTCHI, rapport n° 610 au nom de la commission des finances, mai 2023.
* 2 L’audiovisuel public fait l’objet d’un compte de concours financiers (cf. infra).
* 3 Décret n° 2023-331 du 3 mai 2023.
* 4 Loi du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.
* 5 Décret n° 2023-132 du 24 février 2023.
* 6 Vitamine ou morphine ? Quel avenir pour les aides à la presse écrite ?, rapport de Roger KAROUTCHI au nom de la commission des finances, juin 2021.
* 7 Loi du 13 janvier 1957 portant statut de l’AFP.
* 8 Décret n° 2006-1067 du 25 août 2006 pris en application de l’article 80 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, relative à la liberté de communication.
* 9 Loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique.
* 10 Rassembler la musique pour un centre national, mission confiée à M. Roch-Olivier Maistre, octobre 2017.
* 11 M. Pascal Bois, député de l’Oise et Mme Émilie Cariou, députée de la Meuse ont été chargés de cette mission.
* 12 Arrêt CJUE 8 septembre 2020 affaire C-265/19 Recorded Artists Actors Performers Ltd/Phonographic Performance (Ireland) Ltd e.a.
* 13 Rapport n° 611 (2018-2019) de M. Jean-Raymond HUGONET, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, juin 2019.
* 14 La stratégie de financement de la filière musicale en France. Faire du Centre national de la musique l’outil d’une nouvelle ambition ; mission du sénateur Julien Bargeton ; avril 2023.
* 15 Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (SMA).
* 16 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.
* 17 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.
* 18 Articles 220 X et 220 quaterdecies du code général des impôts.
* 19 Article 220 Z bis et terdecies du code général des impôts.
* 20 Itinéraire d’un art gâté : le financement public du cinéma, Roger KAROUTCHI, rapport n° 610 au nom de la commission des finances, mai 2023.
* 21 Cf. infra.
* 22 Avis de l’Arcom du 28 septembre 2023 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’année 2022.
* 23 L’occasion manquée des COM de l’audiovisuel public : des objectifs modestes et des moyens rationnés, rapport d’information n° 309 (2020-2021) de M. Jean-Raymond HUGONET, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, déposé le 27 janvier 2021.
* 24 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.
* 25 Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, mai 2016.
* 26 Sauf s’il s’agit de comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs
* 27 Changer de cap pour renforcer la spécificité, l’efficacité et la puissance du service public, rapport d’information n° 651 (2021-2022) de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la commission des finance – 8 juin 2022.
* 28 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
* 29 Proposition de loi organique portant modification de l’article 2 de la LOLF, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, applicable à compter du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025.