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La reprise, sans autorisation, des émissions des chaînes TV sur les réseaux de partage de vidéos n’est sanctionnable que si la chaîne prouve qu’elle est bien titulaire des droits. Dans l’affaire opposant la SA TF1 à Dailymotion, il a été jugé que la plateforme de vidéos n’a pas agi promptement pour retirer des émissions appartenant à la chaîne.
La SA TF1 est une entreprise de communication audiovisuelle et en vertu des dispositions de l’article L 216-1 du code de la propriété intellectuelle, sont soumises à son autorisation la reproduction de ses programmes, ainsi que leur mise à la disposition du public. Il appartient toutefois à la chaîne d’identifier les programmes concernés et de rapporter la preuve de leur diffusion effective par la SA TF1. En l’espèce, la chaîne a pu établir ses droits sur l’ensemble des émissions mises à disposition sur Dailymotion (Cauet Retourne la télé, Koh Lanta, Star Academy, Le grand frère, Confessions Intimes, La méthode Cauet, Attention à la marche, Le droit de savoir, Le maillon faible, Les 100 plus grands …, Les 30 histoires …, les Journaux Télévisés, AutoMoto, Match France-Italie 1998, Pat et Stan, les 500 choristes, Secret Story, Émissions spéciales, La chanson de l’année 2008, Les disques d’Or 2008, Hommage à Claude François, 14 juillet 2008), Dr House, Grey’s anatomy, Face à la Une, Ushuaïa …).
La titularité des droits de la chaîne a été apportée par la présentation des contrats d’achat des droits de diffusion et l’apposition du logo de la chaîne TF1 sur les images des émissions.
Par ailleurs, le droit d’auteur a été jugé applicable à ces émissions : l’article L 112-2, 6° du code de la propriété intellectuelle considère comme oeuvres de l’esprit, « les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles ». L’élaboration d’émissions d’informations, de retransmissions sportives ou d’émissions de divertissement (jeux télévisés, variétés, etc) implique des choix, une sélection des sujets, des plans et des images, un assemblage, une composition, un commentaire et un mode de présentation manifestant la personnalité des auteurs de ces émissions qui permet de les considérer comme des oeuvres de l’esprit protégeables par les livres I et III du code de la propriété intellectuelle.
La société Dailymotion a été qualifiée de prestataire technique bénéficiant du régime dérogatoire de responsabilité de la LCEN.
L’article 6 I. 2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (dite LCEN) – qui transpose en droit interne l’article 14 de la directive n° 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil – prévoit un régime de responsabilité atténuée pour les hébergeurs de services sur Internet par rapport aux éditeurs en disposant que ‘les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible’.
Ce texte doit être interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui a dit pour droit dans son arrêt Google du 23 mars 2010 (affaires C-236/08, C-237/08 et C-238/08) que ‘l’article 14 de la directive n° 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (‘directive sur le commerce électronique’), doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées’. S’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités de cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données’.
La SA DAILYMOTION peut revendiquer les statuts distincts d’hébergeur et d’éditeur dès lors que les prestations fournies sont différentes et qu’elle offre à certains internautes divers services en contrepartie d’une plus grande maîtrise des contenus mis en ligne.
En l’occurrence, il résulte de l’analyse des conditions générales de la plateforme que la SA DAILYMOTION prend des mesures de mise en garde et d’alerte visant à prévenir les atteintes aux droits d’auteur en soumettant l’inscription à l’adhésion par l’internaute aux Conditions Générales d’Utilisation qui rappellent sa responsabilité quant au respect des dispositions légales et réglementaires quant aux droits de propriété intellectuelle des tiers et en soumettant chaque mise en ligne à l’acceptation préalable par l’utilisateur de ces Conditions d’Utilisation.
Il en résulte que l’organisation des espaces personnels des utilisateurs du site, le postage, l’accessibilité et le retrait des vidéos s’effectuent par les utilisateurs eux-mêmes sous leur seule responsabilité, sans possibilité d’interférence de la SA DAILYMOTION.
La possibilité pour la SA DAILYMOTION de retirer immédiatement les contenus manifestement illégaux pour atteinte aux droits de propriété intellectuelle, aux personnes, à l’ordre public ou aux bonnes moeurs ne relève pas d’un contrôle éditorial général a priori de ces contenus (ce qui lui serait d’ailleurs impossible dans la mesure où plus de 15.000 vidéos sont mises en ligne chaque jour) mais de la simple préservation des droits des tiers et du respect de la loi et apparaît comme un contrôle ponctuel a posteriori suite à des signalements effectués par les utilisateurs du site eux-mêmes par le biais du lien ‘signaler cette vidéo’.
La mise en avant par la SA DAILYMOTION en page d’accueil dans la rubrique ‘Membres mis en avant’ de certains membres ne relève pas davantage d’une politique éditoriale de cette société, étant relevé que dans la plupart des cas relevés par les sociétés du groupe TF1 il s’agit de motion makers ou d’official users dans le cadre des partenariats. Dans les autres cas il ne s’agit que d’une fonctionnalité du service offert aux utilisateurs leur permettant de noter les vidéos d’autres utilisateurs et de faire ainsi remonter ces vidéos dans les requêtes ‘vidéos les plus vues’ ou ‘vidéos les plus populaires’.
La mise en place de cadres de présentation et la mise à disposition d’outils de classification des contenus sont justifiés par la seule nécessité, en cohérence avec la fonction de prestataire technique, de rationaliser l’organisation du service et d’en faciliter l’accès à l’utilisateur sans pour autant lui commander un quelconque choix quant au contenu qu’il entend mettre en ligne.
Du fait de l’analyse concrète du processus de mise en ligne des vidéos par les internautes au regard des critères définis par l’arrêt du 23 mars 2010 de la Cour de justice de l’Union européenne, il apparaît que la SA DAILYMOTION n’intervient que comme un prestataire intermédiaire dont l’activité est purement technique et passive, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle a priori des données qu’il stocke. Il s’ensuit que la SA DAILYMOTION est bien fondée à revendiquer le statut d’intermédiaire technique et le régime de responsabilité limitée instaurée par l’article 6 I. 2 de la LCEN.
L’hébergeur n’engage sa responsabilité, conformément à l’article 6 I. 2 et à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, que si, ayant pris connaissance du caractère illicite des données stockées à la demande d’un annonceur ou des activités illicites de celui-ci, il n’a pas promptement retiré ou rendu inaccessible ces données.
L’article 6 I. 7 dispose en effet que l’hébergeur n’est pas soumis à une obligation générale de surveillance des informations qu’il transmet ou stocke, ni à une obligation générale de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ; il ne saurait donc être exigé de la SA DAILYMOTION une obligation particulière de vigilance et de filtrage a priori.
Selon l’article 6 I. 5 de la LCEN, la connaissance des faits litigieux est acquise lorsqu’il est notifié à l’hébergeur les éléments suivants : la date de la notification,• si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement, • la dénomination et le siège social du destinataire, s’il s’agit d’une personne morale,• la description des faits litigieux et leur localisation précise,• les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits, • la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.
Il a été jugé que 50 jours était un délai excessif pour retirer les vidéos litigieuses. La SA DAILYMOTION n’a pas respecté son obligation de prompt retrait des données dont elle avait été informé du caractère illicite par les mises en demeure sus dites au sens de l’article 6 I. 2 de la LCEN, ni n’a entrepris la moindre action à l’encontre des usagers expressément dénoncés comme utilisateurs abusifs. Ces manquements constituent à l’égard de la SAS e-TF1 des faits de concurrence déloyale et parasitaire constitutifs d’une faute engageant la responsabilité civile de la SA DAILYMOTION sur le fondement de l’article 1382 du code civil.