Your cart is currently empty!
ARRET N°
du 07 juin 2022
R.G : N° RG 21/00924 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-E76K
[F]
[H]
c/
S.A. BNP PARIBAS
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL FOSSIER NOURDIN
la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 07 JUIN 2022
APPELANTS :
d’un jugement rendu le 14 avril 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de REIMS
Monsieur [X] [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Chéryl FOSSIER-VOGT de la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocat au barreau de REIMS
Madame [E] [H] épouse [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Chéryl FOSSIER-VOGT de la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocat au barreau de REIMS
INTIMEE :
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-baptiste DENIS de la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Florence MATHIEU, conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Florence MATHIEU, conseiller
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 02 mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 juin 2022,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Par acte sous seing privé du 20 novembre 2013, la société Very Oth a cédé à la SAS LFI Paris, dont M. [X] [F] est le président, le fonds de commerce de ‘Restauration et vente de produits dérivés’ connu sous l’enseigne ‘Oth Sombath’ sis [Adresse 2]), moyennant le prix de 1.100.000 euros dont 50.000 euros provenant des deniers personnels du cessionnaire et 1.050.000 euros financés au moyen d’un prêt accordé par la BNP Paribas.
Ladite banque, intervenante à l’acte sous seing privé, a consenti à la société LFI Paris un ‘Prêt global’ de 1.077.000 euros se décomposant en deux tranches :
-à concurrence de 1.050.000 euros en une première tranche dénommée ‘Tranche Prêt’ destinée au règlement partiel du prix de cession dudit fonds de commerce, aux conditions financières suivantes :
-au taux fixe de 3,05% l’an pendant toute la durée de la Tranche Prêt, et au taux effectif global’ de 4,72% l’an à partir d’un taux mensuel de 0,393%,
-avec une période de différé total de 3 mois à compter de la date de réalisation du prêt, puis à compter de la fin de la période de différé total, la créance de la banque constituée du montant du prêt majoré des intérêts au titre de la période de différé total sera remboursable en 81 versements mensuels de 14.469,03 euros,
-et à concurrence de 27.000 euros en une seconde tranche dénommée ‘Tranche Ouverture de Crédit’ destinée au règlement partiel de la commission demandée par la Bpifrance Financement, aux conditions financières suivantes :
-au taux fixe de 3,05% l’an pendant toute la durée de la Tranche Prêt, et au taux effectif global de 3,07% l’an a partir d’un taux actuariel mensuel de 2,255%,
-remboursable en 84 versements mensuels constants de 357,37 euros
Il y est notamment prévu, au titre des garanties du prêt global, les engagements de cautions solidaires et partiels de M. [X] [F] et de M. [U] [R].
Ceux-ci se sont portés chacun caution à concurrence de 25% du montant de la créance en principal due au titre du prêt, à laquelle s’ajouteront les intérêts, commissions, cotisations d’assurance s’il y a, frais et accessoires et ce dans la limite d’une somme de 309.637,50 euros, pour la durée de 108 mois.
Leurs conjoints respectifs, Mme [E] [F] née [H] et Mme [J] ont déclaré donner leur consentement conformément aux dispositions des articles 1415, 1424 et 215 du code civil aux cautionnements.
Selon acte signé par les parties le 19 août 2014, la BNP Paribas a consenti à la société LFI Paris un prêt de 80.000 euros d’une durée de 57 mois, au taux fixe de 2,95% l’an pendant toute la durée du prêt, et au taux effectif global de 3,59% l’an, remboursable en 57 versements mensuels constants de 1505,86 euros.
M. [X] [F] et M. [U] [R] se sont constitués envers la banque cautions solidaires avec l’emprunteur, mais sans solidarité entre elles, avec renonciation au bénéfice de division et de discussion, à concurrence chacun d’une somme totale maximum de 46.000 euros couvrant le paiement de 50% de la créance bancaire en principal due au titre du prêt, ainsi que les intérêts et le cas échéant pénalités ou intérêts de retard, pour la durée de 84 mois.
Leurs conjoints respectifs ont également donné leur consentement exprès à ces engagements.
Le tribunal de commerce de Paris a prononcé le 16 septembre 2015 l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au profit de la société LFI Paris, fixant la date de cessation des paiements au 17 juillet 2015.
Par jugement du 24 février 2016, ledit tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société.
A défaut de paiement des sommes restant dues au titre de ses prêts par la société LFI Paris placée en liquidation judiciaire, la BNP Paribas a poursuivi le recouvrement de sa créance auprès de M. [X] [F] en sa qualité de caution, par assignation délivrée le 13 juillet 2017, sur le fondement des articles 1134, 1147, 1415 et 2298 du code civil, en garantie des prêts consentis les 20 novembre 2013 et 19 août 2014.
Par acte séparé, la banque a également fait assigner Madame [E] [H] épouse [F] devant le tribunal de grande instance de Reims mais a demandé in fine la seule condamnation de l’époux auxdites sommes.
Saisi à la requête des époux [X] [F] d’un incident par conclusions notifiées le 29 novembre 2019, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Reims, par une ordonnance sur incident du 3 avril 2020 a’:
-dit qu’après vérification d’écriture et de signatures apposées par Monsieur [X] [F] et Madame [E] [H] épouse [F] sur les actes de cautionnement des 20 novembre 2013 et 20 août 2014, lesdits actes émanent de leur personne,
-débouté les époux [X] [F] de leur demande d’expertise graphologique,
-condamné Monsieur [X] [F] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 800 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens de l’incident.
Par jugement du 14 avril 2021, le tribunal judiciaire de Reims a, avec le bénéfice de l’exécution provisoire :
-débouté M. [X] [F] de l’intégralité de ses demandes,
-condamné M. [X] [F] à payer à la société BNP Paribas au titre des cautionnements souscrits les 20 novembre 2013 et 19 août 2014, les sommes dues, dans la limite de ses engagements, de:
-205.510,84 euros (au titre du prêt d’un montant initial de 1.050.000 euros, sur un capital restant dû de 822.043,36 euros),
-5.02548 euros l’an titre du prêt d’un montant initial de 27.000 euros, sur un capital restant dû de 20.101,95 euros),
-32.194,09 euros (au titre du prêt d’un montant initial de 80.000 euros, sur un capital restant dû de 64.388,19 euros),
Soit un total de 242.730,41 euros, outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 23 mai 2017,
-débouté M. [X] [F] de sa demande de report ou délais de paiement,
-déclaré commun et opposable le jugement à Mme [E] [F] attrait à la cause,
-débouté la société BNP Paris du surplus de sa demande,
-condamné M. [X] [F] à verser à la société BNP Paribas la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.
Par un acte en date du 6 mai 2021, les époux [X] [F] ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 29 juillet 2021, les époux [F] concluent à l’infirmation du jugement déféré et demandent à la cour :
-à titre principal, d’annuler les engagements de caution pris au profit de la BNP Paribas faute pour M. [X] [F] d’avoir rédigé la mention manuscrite imposée par les articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation sur le cautionnement de 309.637,50 euros et sur celui de 46.000 euros,
-à titre subsidiaire, de débouter la banque de ses demandes dans la mesure où, d’une part, Mme [E] [F] n’a pas pu valablement donner son consentement aux cautionnements des 20 novembre 2013 et 19 août 2014, celle-ci ne maîtrisant pas le français, et d’autre part, en raison du caractère manifestement disproportionné des engagements de caution de M. [X] [F] du 20 novembre 2013 et du 19 août 2014,
-à titre plus subsidiaire, de leur accorder le report du paiement de la dette de M. [X] [F] pendant deux ans à compter de la décision à venir,
– à titre reconventionnel, de retenir la responsabilité de la banque pour défaut de mise en garde ayant fait perdre à M. [X] [F] une chance de ne pas contracter les cautionnements, et de la condamner à payer à M. [X] [F] la somme de 320.073,75 euros (soit 90% de 355.637,50 euros) outre les intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2016, et d’ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties.
Ils sollicitent également le débouté de la banque en sa demande tendant à voir déclarer commun et opposable à Mme [E] [F] la décision à venir et le paiement à M. [X] [F] de la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 21 septembre 2021, la société BNP Paribas conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite la somme supplémentaire de 2.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en nullité des engagements de caution
Les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation dans leur version applicable au présent litige édictent les termes du texte d’engagement que la caution doit recopier fidèlement de sa main dans l’acte de cautionnement, à peine de nullité.
Monsieur [F] affirme que la mention manuscrite contenue dans les actes de cautionnement des 20 novembre 2013 et 19 août 2014 n’a pas été rédigée de sa main et déclare qu’il est chinois et ne maîtrise pas la langue française à l’écrit.
En vertu des articles 287 et 288 du code de procédure civile, si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie les écrits contestés à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statuer sur les autres.
Il appartient au juge de procéder à la vérification au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer sous sa dictée des échantillons d’écriture.
Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux.
En l’espèce, la cour estime que c’est par des motifs pertinents qu’elle adopte que le premier juge a souligné que le juge de la mise en état dans l’ordonnance du 3 avril 2020, dont il n’a pas été relevé appel par les époux [F], avait expressément souligné que la comparaison des écritures portées sur les deux actes de cautionnement établis au nom de Monsieur [F] ne révélait pas de différence substantielle, les chiffres et les lettres étant similaires. Il a noté que malgré des signatures sensiblement divergentes sur ces deux actes, la signature de Monsieur [F] n’était pas stable dans le temps :”Les multiples pièces produites aux débats, à savoir, l’acte de cession du fonds de commerce du 20 novembre 2013, les actes de cautionnement objet du litige, la page portant la mention “bon pour acceptation du blocage du compte bancaire (…)”, l’attestation du 5 novembre 2013 la fiche de renseignement du 5 septembre 2013 permettent de constater que si la physionomie générale de la signature de Monsieur [F] est identique, certaines caractéristiques divergent, en particulier le détail des lettres portées sur la barre horizontale centrale. Vérification faite, il n’est pas établi que les cautionnements litigieux n’émanent pas de Monsieur [F]”.
Le juge de la mise en état a également rejeté la demande de désignation d’un expert, compte tenu de la carence des époux [F] dans la production d’éléments permettant d’approfondir plus avant les comparaisons, et ce à l’aune de la tardiveté de l’incident soulevé le 27 août 2019 après deux jeux de conclusion au fond en réponse et plus de deux années après la délivrance de l’assignation.
L’argumentaire développé par Monsieur [F] selon lequel les deux actes des 20 novembre 2013 et 19 août 2014 auraient été rédigés par un salarié de la banque et le refus de la banque de justifier sur sommation de l’identité de ce conseiller financier est inopérant au vu de la motivation ci-dessus retenue mais également de l’examen du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 24 septembre 2013 de la société LFI Paris, présidée par Monsieur [X] [F], actionnaire de la société. En effet, sur ce document, il est notamment apposée la mention manuscrite “certifié conforme” avec la signature de Monsieur [F] et ces écrits pour lequels Monsieur [F] ne conteste pas être l’auteur présentent les mêmes caractéristiques d’écritures que les cautionnements critiqués.
Par ailleurs, la banque produit la copie d’ un acte authentique reçu le 3 mai 2011 par Maître [N], notaire à [Localité 4], aux termes duquel les époux [X] [F] ont acquis un bien immobilier et dans le corps duquel ces derniers ont consenti sans faire appel ni à un interprète, ni à un traducteur.
Enfin, il y a lieu de souligner qu’à hauteur de cour, les époux [F] ne versent aux débats aucune pièce nouvelle.
Dans ces conditions, il convient de débouter les époux [F] de leur demande de nullité des cautionnements et de confirmer le jugement déféré ce chef.
Sur la disproportion des actes de cautionnement
L’article L 341-4 du code de la consommation devenu L 332-1, dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il incombe à la caution de prouver la disproportion du cautionnement lorsqu’elle s’est engagée. Mais c’est au créancier professionnel qu’il incombe, face à la caution qui a démontré que son cautionnement était manifestement disproportionné lors de son engagement, d’établir qu’au moment où il appelle ladite caution, le patrimoine de cette dernière lui permet de faire face à son obligation.
*sur le cautionnement du prêt global en date du 20 novembre 2013 pour un montant de 309.637,50 euros
Monsieur [F] s’est porté caution solidaire du prêt global consenti le 20 novembre 2013 par la SA BNP PARIBAS à la société LFI Paris d’un montant de 1.077.000 euros dans la limite de la somme de 309.637,50 euros pour une durée de 108 mois.
Pour établir la disproportion alléguée, Monsieur [F] indique qu’il n’a pas compris ce à quoi il s’engageait (la banque ne lui ayant pas fourni les informations adéquates), qu’au moment de son engagement, il était déjà engagé à rembourser la somme de 480.134 euros et que le consentement donné par son épouse n’est pas valable dans la mesure où elle a signé en chinois et ne comprend pas le français.
En l’espèce, la conclusion du contrat de prêt et d’engagement de caution a été réalisée dans le cadre de l’acquisition du fonds de commerce de restauration par la SAS LFI Paris (dont Monsieur [F] était le président). Lors de cet engagement de caution, Madame [E] [H], son épouse, a déclaré donner son consentement exprès au cautionnement de son époux, Monsieur [X] [F].
Concomitamment à la conclusion du contrat de prêt et de l’acte de cautionnement, la banque a fait remplir à Monsieur [F]’:
-une attestation dactylographiée signée et datée du 5 septembre 2013, aux termes de laquelle Monsieur [F] déclare «’n’être frappé d’aucune interdiction légale ou judiciaire, ni d’aucune incapacité, au regard notamment du droit français et/ou de mon droit national et /ou de mon lieu de résidence’;
Etre marié à Reims en France, sans contrat de mariage, ne pas avoir désigné expressément de droit applicable à mon régime matrimonial, que le lieu de mon premier domicile matrimonial est [Adresse 3] et que ma situation matrimoniale n’a pas changé depuis’»,
-une fiche intitulée «’Renseignements sur l’emprunteur ou la caution’», datée du 5 septembre 2013 et signé par Monsieur [F]. La signature de ce dernier est apposée à côté de la mention dactylographiée «’Les informations recueillies dans le présent questionnaire et dont le demandeur certifie sur l’honneur l’authenticité ne seront utilisées que pour les seules nécessités de la gestion interne et pour satisfaire aux obligations légales et règlementaires’».
A titre liminaire, s’agissant du consentement de l’épouse au cautionnement de son mari, force est de constater que Madame [H] épouse [F], ne peut de manière péremptoire affirmer que son consentement n’est pas valable dans la mesure où elle a signé en chinois. En effet, l’article 1415 du code civil qui énonce que «’Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres’» n’exige pas le formalisme prescrit par l’article 1326 ancien du code civil. Aussi, en l’absence de document probant, la cour estime que Madame [H] épouse [F] a valablement donné son consentement au cautionnement de son époux, puisqu’elle a fait précéder sa signature de la mention manuscrite «’Je soussignée Madame [E] [F] née [H], déclare donner mon consentement exprès au cautionnement de Monsieur [F]’». Ce consentement a pour effet d’étendre l’assiette du gage du créancier aux biens communs, de sorte qu’il convient d’apprécier la proportionnalité de l’engagement de la caution du seul mari, tant au regard de ses biens et revenus propres que ceux de la communauté, incluant les salaires de son épouse.
Il résulte de cette fiche de renseignement que Monsieur [F] a déclaré’:
– être marié, sans contrat de mariage avec trois enfants mineurs à charge,
-être propriétaire de son habitation,
-des revenus annuels, au titre de son activité professionnelle de restaurateur gérant à hauteur de 83.565 euros,
-des revenus annuels de son épouse, exerçant la profession de restauratrice à titre salariée à hauteur de 26.048 euros,
– des charges annuelles au titre de crédits immobiliers ayant pour objet sa résidence principale’: 4.950 euros, 18.540 euros et 120 euros, soit un total de 23.610 euros,
-une estimation de son épargne’:
-250.000 euros en compte-épargne
-valeurs mobilières’: fonds de commerce restaurant 600.000 euros,
– un patrimoine immobilier’:
-résidence principale évaluée à 750.000 euros, dont 381.997 euros de crédits restant dû soit une valeur nette active de 368.003 euros,
Il a également mentionné dans ce document être déjà engagé à hauteur de 75.091 euros auprès de la Société Générale, en qualité de caution délivrée en novembre 2010 et prenant fin en août 2015.
Cette fiche de renseignement ne comportant aucune anomalie apparente, la banque n’avait pas à procéder à des investigations sur la situation de la caution.
C’est ce document qui doit être pris en considération pour apprécier la disproportion des engagements de caution, dans la mesure où c’est sur cette base que s’est fondée la banque pour accorder le prêt et vérifier l’adéquation des facultés contributives des cautions, peu importe que les époux [F] n’aient pas indiqué assumer le paiement d’autres engagements.
La cour estime, comme le tribunal, au regard de ces éléments que l’engagement de caution souscrit le 20 novembre 2013 par Monsieur [F] n’était pas manifestement disproportionné au sens de l’article susvisé. En effet, les revenus mensuels moyens du couple s’élevaient à 109.613 euros par an et leurs charges au titre du remboursement des crédits immobiliers afférents à leur résidence principale à 23.610 euros par an, soit un disponible annuel de 86.003 euros (7.166 euros par mois) pour faire vivre une famille de 5 personnes dont trois enfants mineurs.
L’actif net du patrimoine mobilier et immobilier de Monsieur [F] était d’un montant de 1.218.003 euros (250.000 + 600.000 +368.003).
Aussi quand bien même, Monsieur [F] s’était déjà porté caution solidaire en novembre 2010 à hauteur de 75.091 à l’égard d’un autre établissement bancaire, son engagement du 20 novembre 2013 pour 309.637,50 euros, au regard de sa situation financière ainsi décrite fait apparaître que ce dernier n’était pas manifestement disproportionné.
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
*sur le cautionnement du prêt du 19 août 2014 pour un montant de 46.000 euros
Monsieur [F] s’est porté caution solidaire du prêt global consenti le 19 août 2014 par la SA BNP PARIBAS à la société LFI Paris d’un montant de 80.000 euros (prêt affecté à la reconstitution du fonds de roulement de l’emprunteur) dans la limite de la somme de 40.000 euros pour une durée de 24 mois. Le consentement de l’épouse a été recueilli dans les mêmes conditions que lors du cautionnement du 20 novembre 2013, de sorte que la cour adopte la même motivation que ci-dessus concernant l’appréciation des facultés contributives au regard des biens communs comprenant les salaires de l’épouse.
La SA BNP Paribas ne produit pas de nouvelle fiche de renseignements et se base sur celle signée le 5 septembre 2013. Pour établir la disproportion alléguée, Monsieur [F] produit ses avis d’imposition 2014 et 2015 dont il ressort qu’en 2013 il a percu 49.655 euros et son épouse 27.299 euros, soit un revenu global de 76.954 euros annuels (6.412,83 euros par mois) et en 2014, 48.179 euros pour lui et 27.010 euros pour son épouse, soit un revenu global de 75.189 euros annuels (6.265,75 euros par mois). Monsieur [F] ne communique pas de documents venant dénoncer les déclarations réalisées lors de l’établissement de la fiche de renseignement établi le 5 septembre 2013, soit 9 mois plus tôt, s’agissant du patrimoine commun et des prêts immobiliers, de sorte que l’actif net susvisé à hauteur de 1.218.003 euros doit être à nouveau retenu par la cour pour examiner la disproportion alléguée.
Il y a lieu de relever comme le premier juge le comportement adopté par Monsieur [F] dans le financement des opérations contestées, dans la mesure où si l’avis d’imposition du couple 2014 sur les revenus de 2013 vise notamment des salaires et assimilés pour l’époux de 49.655 euros alors qu’il avait déclaré (et certifié sincères) à la banque des revenus annuels de plus de 83.000 euros au mois de septembre 2013, ce qui illustre une volonté délibérée de ce dernier de ne pas agir en transparence à l’égard de la BNP, de sorte qu’il ne peut sérieusement en tirer avantage a posteriori.
Au surplus, au vu de l’actif net conséquent du patrimoine financier susvisé, ce nouveau cautionnement d’un montant de 46.000 euros bien que s’ajoutant aux deux précédents n’apparaît pas comme manifestement disproportionnés.
Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef.
Les époux [F] ne contestent pas le décompte présenté par la banque le 5 juin 2018 au titre des sommes dues au titre des deux cautionnements, étant précisé que dans ce décompte, la SA BNP Paribas a intégré la déchéance du droit aux intérêts contractuels et fixé ses créances au montant des créances définitivement admis par le juge commissaire dans le cadre de la procédure collective ouverte au profit de la société LFI Paris.
Dès lors, il convient de condamner Monsieur [F] à payer à la SA BNP Paribas les sommes de’:
-205.510,84 euros (au titre du prêt d’un montant initial de 1.050.000 euros, sur un capital restant dû de 822.043,36 euros),
-5.02548 euros l’an titre du prêt d’un montant initial de 27.000 euros, sur un capital restant dû de 20.101,95 euros),
-32.194,09 euros (au titre du prêt d’un montant initial de 80.000 euros, sur un capital restant dû de 64.388,19 euros),
Soit un total de 242.730,41 euros, outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 23 mai 2017,
Et en conséquence, de confirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur la demande de délais de paiement
En vertu de l’article 1343-5 du code civil, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si des délais de grâce peuvent être accordés aux débiteurs.
Si Monsieur [F] indique dans ses écritures être de bonne foi et ne pas être en mesure de régler la somme de 267.354,87 euros en une seule, toutefois, il ne fait aucune proposition concrète de paiement pour apurer sa dette et ne justifie pas être en mesure d’honorer le remboursement d’un échéancier dans un délai de 24 mois.
Par conséquent, il convient de le débouter de sa demande de délai et de confirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [F] en paiement de dommages et intérêts
En vertu de l’article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, la banque est tenue à une obligation de mise en garde envers la caution lorsque ce dernier est une caution non avertie c’est-à-dire qu’en raison de sa situation professionnelle ou personnelle elle ne dispose d’aucune compétence spécifique en la matière.
Le devoir de mise en garde s’entend comme la nécessité pour le banquier d’attirer l’attention de la caution de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques du cautionnement consenti en adéquation avec la situation financière.
Il appartient à la caution de prouver qu’il existe, au moment de la souscription du cautionnement litigieux, un risque de non remboursement justifiant que la banque le mette en garde contre ce risque ; toutefois, il appartient en revanche à la banque, débitrice de l’obligation de mise en garde, de rapporter la preuve qu’elle a bien vérifié les capacités financières de son client mais également avisé ce dernier du risque de l’endettement né du prêt en présence d’un tel risque.
En l’espèce, comme cela a été ci-dessus démontré les cautionnements accordés étaient adaptés aux facultés contributives de Monsieur [F]. Aussi, en l’absence de démonstration par Monsieur [F] du caractère disproportionné de ses deux engagements de caution et donc du risque d’endettement né de l’octroi de la garantie, aucune obligation de mise en garde incombait à la SA BNP Paribas.
Dans ces conditions, il convient de débouter Monsieur [F] de sa demande en paiement de dommages et intérêts et de confirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur les autres demandes
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [F] succombant, il sera tenu aux dépens d’appel.
Les circonstances de l’espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d’indemnité irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 14 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Reims, en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Condamne Monsieur [X] [F] aux dépens d’appel et autorise la Scp Badre Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt, avocats, à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente