Produits dérivés : 6 juillet 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-11.379

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Produits dérivés : 6 juillet 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-11.379
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CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juillet 2023

Cassation partielle

Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 772 F-D

Pourvoi n° C 21-11.379

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023

Mme [X] [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-11.379 contre l’arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d’appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Inora Designated Activity Company, dont le siège est [Adresse 3] (Irlande), anciennement dénommée société Inora Life Designated Activity Company, elle-même anciennement dénommé société Inora Life Limited,

2°/ à la société Predictis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée société Arca patrimoine,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [R], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Inora Designated Activity Company, et l’avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l’audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Isola, conseiller rapporteur, M. Martin, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [R] du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Predictis.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 7 février 2019), et les productions, Mme [R] a adhéré, le 9 novembre 2007, à un contrat d’assurance collective sur la vie, dénommé « Imaging », souscrit auprès de la société Inora Life Limited, devenue la société Inora Designated Activity Company (l’assureur), par la société Arca patrimoine, devenue la société Predictis.

3. Elle a effectué un versement de 30 000 euros, investi sur le support « Fastuo Dynamic », puis, en 2010, a procédé à l’arbitrage de la totalité de son épargne investie vers le support dénommé « Arca multigestion + ».

4. Invoquant un manquement de l’assureur à son obligation d’information précontractuelle, Mme [R] s’est prévalue de sa faculté prorogée de renonciation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 décembre 2013.

5. L’assureur ayant refusé de donner suite à sa demande, Mme [R] l’a assigné en restitution des primes versées et en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Mme [R] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de restitution de la somme de 30 000 euros formée à l’encontre de l’assureur, alors « que le caractère éventuellement abusif de l’exercice par l’assuré du droit de renonciation à un contrat d’assurance-vie ne répondant pas au formalisme informatif imposé par le code des assurances s’apprécie en considération de sa qualité d’averti ou de profane afin de vérifier, à la date d’exercice de cette faculté de renonciation, en fonction de sa situation concrète et des informations dont il disposait réellement au regard de ses compétences personnelles sur les caractéristiques essentielles de son investissement sur un produit complexe, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation ; qu’en se bornant à relever que Mme [R] était graphiste et, donc, dotée d’une bonne capacité de compréhension et qu’elle avait été avertie du risque de perte, après avoir relevé qu’elle avait coché « oui » à des questions d’ordre général sur ses placements précédents et sa compréhension du support et des risques pris et « non » à la question « souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires » et qu’elle avait reçu un certain nombre d’informations sur le produit et en retenant qu’« en tout état de cause, il résulte de la simple lecture de la notice que le produit est complexe et il n’est nul besoin d’être un souscripteur averti pour percevoir cette complexité, laquelle, à elle seule, ne suffit pas pour considérer que le souscripteur est victime d’une dissimulation quasi dolosive ainsi que le suggère l’intimée. Nombre de personnes souscrivent à des produits financiers sans toutefois avoir une parfaite compréhension des mécanismes boursiers qui les gouvernent », sans vérifier si, par son expérience personnelle et ses compétences, l’assurée pouvait avoir la qualité de client averti lui permettant de s’assurer de la portée de son engagement et de vérifier la teneur exacte des informations dont elle disposait, la cour d’appel, qui n’a donc pu vérifier la finalité de l’usage par Mme [R] de sa faculté de renonciation à l’assurance vie, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 applicable au litige :

7. Si la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus.

8. Pour rejeter la demande de restitution présentée par Mme [R], après avoir constaté que l’assureur n’avait pas respecté les dispositions des articles L. 132-5-2 et A. 132-8 du code des assurances, de sorte que la possibilité de renoncer au contrat s’était trouvée prorogée, l’arrêt retient, d’abord, qu’il résulte du bilan de situation patrimoniale que Mme [R] a répondu « oui » aux questions suivantes : « êtes-vous prêt(e) à immobiliser, sur une durée de 10 ans et plus, la part d’actifs financiers que vous souhaitez investir dans le support », « avez-vous déjà effectué des placements à risque et, plus particulièrement, êtes-vous familier des placements sur les marchés action », « avez-vous bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques de moins-values qu’il peut engendrer », « en cas de fortes fluctuations des marchés financiers ou en cas de baisse de la valeur du support, pensez-vous rester investi(e) jusqu’au terme du support » et qu’elle a répondu « non » à cette dernière question : « souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires sur le support ».

9. L’arrêt relève, ensuite, que le support était décrit dans l’annexe 2 de la notice d’information comme un Euro medium term note (EMTN), en l’espèce un panier équipondéré de vingt actions internationales, offrant une garantie en capital de 45 %, d’une maturité au 6 février 2018 et qu’il était en outre indiqué en fin d’annexe, en petits caractères, que les adhérents devront procéder à leur propre analyse des risques et devront, si nécessaire, consulter préalablement leurs propres conseils juridiques, financiers, fiscaux, comptables ou tout autre professionnel, et que l’obligation s’adresse à des adhérents expérimentés capables d’apprécier la nature des risques inhérents aux produits dérivés.

10. L’arrêt énonce également que Mme [R], graphiste, donc dotée d’une bonne capacité de compréhension, qui avait déjà investi des fonds dans une assurance vie en unités de compte, a été avertie du risque de perte d’une partie significative de son investissement et s’estimait suffisamment informée, ayant parfaitement conscience des risques et avantages de ce placement.

11. L’arrêt retient, enfin, qu’il est manifeste que Mme [R] n’a pas souffert d’un défaut d’information dans la période précontractuelle et qu’en réalité, ayant pris en toute connaissance de cause le risque d’une opération financière dans l’espoir d’un gain conséquent, elle s’est emparée de manquements de l’assureur au formalisme imposé par la loi dans l’unique dessein de lui faire prendre en charge ses pertes financières.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme [R] était une assurée avertie ou profane afin de vérifier, à la date d’exercice de sa faculté de renonciation, en fonction de sa situation concrète et des informations dont elle disposait réellement au regard de ses compétences personnelles sur les caractéristiques essentielles de son investissement sur un produit complexe de type EMTN, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de restitution de la somme de 30 000 euros formée par Mme [R] à l’encontre de la société Inora Life limited, l’arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Inora Designated Activity Company aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Inora Designated Activity Company et la condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.

 


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