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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 28 JUIN 2023
(n° , 20 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02930 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGYR
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de commerce de Paris du 12 mai 2016
Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 28 novembre 2018
Arrêt du 08 Septembre 2021 -Cour de Cassation de PARIS
APPELANTE
E.P.I.C. L’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT ‘ COTE D’AZUR HABITAT
Etablissement public à caractère industriel et commercial, inscrit au R.C.S. de Nice sous le n° 492 713 912 .Prise en la personne de son représentant léga[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Anthony BAUDIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0164
INTIMEES
Société NATWEST MARKETS PLC
anciennement dénommée ROYAL BANK OF SCOTLAND PLC
Société de droit Ecossais, enregistrée en Écosse sous le numéro SC090312, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1] – ECOSSE
Société NATWEST MARKETS NV
anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND NV,
enregistrée au registre du commerce d’Amsterdam sous le numéro 33002587, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[H] [C]
350-1082 ME
AMSTERDAM PAYS-BAS
Représentées par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
ayant pour avocat plaidant Me Henri SAVOIE et Me Tristan GAUTIER
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M.Vincent BRAUD, Président
M.Christophe VACANDARE,Conseiller, appelé d’une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l’article R.312 du code de l’organisation judiciaire
Mme Estelle MOREAU,Conseillère, appelée d’une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l’article R.312 du code de l’organisation judiciaire
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Vincent BRAUD, Président dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Vincent BRAUD, Président et par Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
L’office public d’aménagement et de construction de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM), devenu l’office public de l’habitat Côte d’Azur Habitat (OPH), est l’un des premiers bailleurs sociaux en France avec un parc de plus de 22 000 logements qu’il gère et développe dans les Alpes-Maritimes. Sa dette projetée au 31 décembre 2006 s’élevait à 347 341 759,96 euros, dont 89 % était souscrit auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). « Sur ce montant 323 195 369,94 € [étaient] soumis à la variabilité du taux de rémunération du livret A. Ce taux n’étant plus, comme par le passé, fixé par arrêté ministériel, mais révisé tous les 6 mois au travers d’une formule complexe, la majeure partie de l’encours de l’office [était] impactée par l’incertitude issue de cette déréglementation » (pièce no 6 de l’OPH : délibération du 6 juin 2006).
« Conformément au double objectif de sécurisation de la part de [sa] dette variable et de dégagement de marges de man’uvres financières pour la réalisation du plan de patrimoine et du plan stratégique de patrimoine de l’office, cinq critères ont été retenus pour conduire la renégociation de la dette : une capacité d’autofinancement augmentée de 25 M€ sur les cinq prochains exercices […], une renégociation portant uniquement sur l’encours de dette CDC […], la renégociation des prêts CDC indexés sur le livret A, ainsi que ceux supportant des intérêts compensateurs, dus en cas de remboursement anticipé, le non-paiement des intérêts compensateurs […], la mise en concurrence d’établissements bancaires français ou européens reconnus, ayant déjà accompagné d’autres structures de logement social dans ce type de démarche, et proposant des produits financiers sécurisés, aisément contrôlables et maîtrisables par l’OPAM » (pièce no 6 de l’OPH).
Ainsi, plusieurs établissements de crédit, dont la société ABN Amro Bank N. V. (ABN Amro), ont été mis en concurrence début 2006. Courant février 2006, ABN Amro a fait parvenir à l’OPH sa « proposition de stratégies relative à la renégociation de la dette ». Il y est dit qu’en accord avec l’OPH, ABN Amro a « concentré son offre initiale sur des stratégies d’utilisation de produits dérivés […] cette proposition [étant] adossée sur la ligne d’emprunt la plus longue » (pièce no 8 de l’OPH). Elle a revu sa proposition au mois de mars 2006 (pièce no 9 de l’OPH) puis en avril 2006 (pièce no 10 de l’OPH), cette dernière mouture comprenant 24 pages et résultant « de nombreux travaux réalisés en relation permanente avec l’OPAM ».
La commission des finances de l’office s’est réunie le 17 mai 2006. Elle a retenu l’hypothèse de renégociation suivante : remboursement anticipé de 190 prêts souscrits auprès de la CDC et soumis à la variation du taux du livret A et leur refinancement, ainsi qu’une souscription de contrats financiers d’échange (« swaps ») sécurisés auprès de Calyon, ABN Amro et Ixis en précisant que « ces produits permettront d’échanger les intérêts au taux du livret A de la dette ciblée par ces contrats, contre les intérêts de cette même dette, exposée à un autre taux ». Dans sa séance du 7 juin 2006, le conseil d’administration de l’OPH a autorisé le président à rembourser par anticipation 79 439 352,48 euros auprès de la CDC, à signer les contrats de prêt correspondants pour un montant total identique auprès de Dexia Crédit local, et à souscrire des contrats financiers d’échange sécurisés auprès de Calyon pour un montant de 73 108 710 euros, ABN Amro pour un montant de 71 691 284 euros, Ixis (groupe Caisse d’épargne) pour un montant de 73 149 920 euros (pièce no 6 de l’OPH).
Ainsi, l’OPH a conclu le 7 juin 2006 avec la banque ABN Amro un contrat d’échange de conditions d’intérêts référencé OSRAMS 22138 8097090 aux termes duquel, pour un montant notionnel amortissable de 71 691 283,10 euros, la banque payait le taux prévu au titre d’un emprunt précédemment souscrit auprès de la CDC, c’est-à-dire un taux variable égal à la moyenne mensuelle du taux interbancaire à 3 mois offert en euro et de l’indice des prix français à la consommation, cependant que l’OPH lui versait :
‘ du 1er août 2006 au 1er août 2011, un taux fixe bonifié de 1,50 %
‘ du 1er août 2011 au 1er février 2031, un taux dépendant de l’écart entre le CMS 30 ans et le CMS 2 ans, ci-après « écart de référence » :
– dans le cas où l’écart de référence était supérieur ou égal à 0,25 %, l’OPH payait un taux fixe de 2,50 %,
– dans le cas où l’écart de référence était inférieur à 0,25 %, l’OPH payait un taux variable indexé sur cet écart aux termes de la formule suivante : 6,48 % – 5 × (CMS 30 ans – CMS 2 ans).
Le 12 juillet 2006, l’OPH et ABN Amro ont signé une convention cadre relative aux opérations sur instruments financiers à terme « pour régir leurs opérations de marché à terme, présentes et futures, les globaliser, en préciser les principes généraux et bénéficier de toutes dispositions législatives s’y appliquant ».
En 2007, The Royal Bank of Scotland Plc (RBS Plc), accompagnée des groupes Fortis et Santander, a procédé au rachat des activités de banques de financement et d’investissement du groupe ABN Amro.
Par lettre datée du 14 janvier 2009, ABN Amro Bank a avisé l’OPH que, dans le cadre de ce rachat, elle envisageait le transfert des opérations sur instruments financiers à terme conclues vers RBS Plc et qu’à compter de la date de signature de ce courrier une nouvelle convention cadre FBF relative aux opérations sur instruments financiers à terme sera réputée conclue entre l’OPH et RBS Plc, dont les termes seront identiques à la première, et chaque opération sera soumise à la nouvelle convention. Cette lettre a été signée le 30 janvier 2009.
Ainsi, le 30 janvier 2009, une convention tripartite a été signée entre l’OPH, ABN Amro et RBS Plc afin que le contrat d’échange de conditions d’intérêts conclu entre ABN Amro (devenue par la suite The Royal Bank of Scotland N. V., société de droit néerlandais, puis Natwest Markets N. V.) et l’OPH soit transféré par voie de novation à la société de droit écossais RBS Plc, devenue Natwest Markets Plc. Elle prévoyait qu’« à compter de la date de novation :
« ‘ Côte d’Azur Habitat (l’OPH) et ABN Amro n’auront plus aucun droit et ne seront plus tenues à aucune obligation, l’un envers l’autre (notamment de paiement, de livraison ou autre), à l’exception toutefois de tout droit né ou de toute obligation exigible ou devant être exécutée avant la date de novation, conformément aux modalités de l’opération ABN Amro concernée.
« ‘ Une nouvelle opération (la « Nouvelle Opération RBS »), dont les termes seront identiques à ceux de l’opération ABN Amro concernée, sera réputée conclue entre Côte d’Azur Habitat et RBS, suivant laquelle RBS sera tenue aux mêmes obligations (de paiement, de livraison ou autre) que celles qui incombaient précédemment à ABN Amro dans le cadre de l’opération ABN Amro concernée, et Côte d’Azur Habitat restera tenu aux mêmes obligations (de paiement, de livraison ou autre) que celles lui incombant précédemment dans le cadre de l’opération ABN Amro concernée, à l’exception toutefois de toute obligation exigible ou devant être exécutée avant la date de novation, conformément aux modalités de l’opération ABN Amro concernée ».
Par délibération cadre du 14 décembre 2011 intitulée Gestion et suivi des produits de couverture, le conseil d’administration de l’OPH a exposé :
‘ « dans le cadre du suivi de la dette, [souhaiter] mener une politique de gestion active de ces opérations, avec pour principal objectif de réduire les risques éventuels inhérents à ce type d’instruments, si l’opportunité se présente » ;
‘ « compte tenu des incertitudes et des fluctuations qu’est susceptible de subir le marché, [désirer] se protéger d’éventuelles hausses de taux, ou bénéficier de baisses possibles, en renégociant les caractéristiques actuelles ».
Il a délimité « les périmètres d’intervention visant à réaménager tout ou partie de ces expositions, et/ou mettre fin à ces positions à moindre coût dans l’hypothèse d’une évolution défavorable des conditions économiques et financières ».
Au vu du rapport de présentation établi par le service d’analyse financière, le conseil d’administration a chargé le directeur général, notamment, de « réaménager à taux fixe les opérations de couverture, à partir de 5,20 % et en deçà, le versement de la formule Livret A par la contrepartie bancaire venant en compensation de ce taux » ; de « procéder au débouclage d’une ou plusieurs de ces opérations » ; de « passer les ordres nécessaires pour arrêter les conditions de sécurisation et/ou de sortie ».
RBS Plc a formulé plusieurs propositions de réaménagement du contrat financier d’échange de taux d’intérêt.
Par actes extrajudiciaires en date du 11 juin 2013, l’OPH a assigné ABN Amro Bank N. V., RBS Plc et la succursale parisienne de cette dernière devant le tribunal de commerce de Paris, afin d’obtenir, à titre principal, la nullité et, à titre subsidiaire, la résiliation du contrat financier d’échange conclu avec ABN Amro puis transféré, par voie de novation, à RBS, et, en tout état de cause, la condamnation des banques à lui payer des dommages et intérêt équivalents à la valeur de remplacement du contrat déterminée par expertise. L’OPH s’est ensuite désisté de son action à l’encontre de ABN Amro Bank N. V. et, par acte extrajudiciaire en date du 17 décembre 2015, a assigné RBS N. V. en intervention forcée.
Par jugement contradictoire en date du 12 mai 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
‘ Dit l’action engagée à l’encontre de la société de droit néerlandais RBS N. V. prescrite;
‘ Dit irrecevable l’action en nullité engagée à l’encontre de la société de droit écossais RBS Plc ;
‘ Débouté l’OPH de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société de droit écossais RBS Plc ;
‘ Débouté l’OPH de sa demande de nomination d’un expert ;
‘ Débouté la société de droit néerlandais RBS N. V. et la société de droit écossais RBS Plc de leur demande de condamnation de l’OPH à une amende civile ;
‘ Débouté la société de droit néerlandais RBS N. V. et la société de droit écossais RBS Plc de leur demande de dommages et intérêts ;
‘ Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamné l’OPH aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 199,44 euros dont 33,02 euros de taxe sur la valeur ajoutée.
****
Par déclaration du 6 juin 2016, l’OPH a interjeté appel du jugement.
Par un arrêt avant dire droit en date du 30 mars 2018, la cour d’appel de Paris a invité les parties à conclure sur la recevabilité :
‘ des demandes de résiliation du contrat et des demandes indemnitaires formées contre la société RBS N. V. à propos des manquements fautifs et préjudiciables commis lors de la conclusion du contrat de swap litigieux ;
‘ des demandes d’annulation du contrat de swap et des demandes indemnitaires fondées sur des faits antérieurs au 30 janvier 2009, formées à l’encontre de RBS Plc qui est devenue contrepartie postérieurement à cette date.
Les sociétés RBS N. V. et RBS Plc ont changé de nom, le 26 avril 2018 et le 29 avril 2018 pour devenir, respectivement, Natwest Markets N. V. et Natwest Markets Plc.
Par arrêt contradictoire en date du 28 novembre 2018, la cour d’appel de Paris a :
‘ Confirmé le jugement déféré en ce qu’il a dit l’action engagée à l’encontre de la société de droit néerlandais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V, devenue NATWEST MARKETS N. V., prescrite, a dit irrecevable l’action en nullité engagée à l’encontre de la société de droit écossais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc, devenue NATWEST MARKETS Plc, a débouté la société de droit néerlandais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V devenue NATWEST MARKETS N. V. et la société de droit écossais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc, devenue NATWEST MARKETS Plc, de leur demande de condamnation de l’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT – CÔTE D’AZUR HABITAT à une amende civile, a débouté la société de droit néerlandais THE ROYAL BANK F SCOTLAND N.V, devenue NATWEST MARKETS N. V.,. et la société de droit écossais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc, devenue NATWEST MARKETS Plc, de leur demande de dommages et intérêts, a dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné l’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT – CÔTE D’AZUR HABITAT aux dépens, l’a infirmé pour le surplus ;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
‘ Déclaré irrecevable l’action engagée contre la société de droit écossais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc, devenue NATWEST MARKETS Plc, tendant à l’annulation du contrat de swap, à sa résiliation, à la condamnation à des dommages-intérêts ;
‘ Déclaré irrecevable l’action engagée contre la société de droit néerlandais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V, devenue NATWEST MARKETS N. V., tendant à la résiliation du contrat de swap et à la condamnation à des dommages-intérêts ;
‘ Condamné l’Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT- CÔTE D’AZUR à payer à la société de droit écossais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc, devenue NATWEST MARKETS Plc, la société de droit néerlandais THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V, devenue NATWEST MARKETS N. V., chacune la somme de 30 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Rejeté toutes autres demandes des parties ;
‘ Condamné l’Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT-CÔTE d’AZUR aux dépens et admis l’avocat concerné au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
L’OPH a formé un pourvoi contre l’arrêt.
Par arrêt en date du 8 septembre 2021, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a :
‘ Cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevable l’action engagée contre la société de droit écossais The Royal Bank Of Scotland Plc, devenue la société Natwest Markets Plc, tendant à l’annulation de la convention novatoire du 30 janvier 2009 et à la condamnation à des dommages-intérêts, en ce qu’il déclare irrecevable l’action engagée contre la société de droit néerlandais The Royal Bank Of Scotland N. V., devenue la société Natwest Markets N. V., tendant à la condamnation à des dommages-intérêts et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
‘ Remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.
La Cour de cassation a jugé que la cour d’appel avait violé :
‘ les articles 1271 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, en retenant, pour déclarer irrecevable la demande d’indemnisation formée contre la société Natwest Markets N. V., venant aux droit de la société ABN Amro, que :
-par l’effet de la novation, une obligation nouvelle a été créée qui s’est substituée, de manière simultanée et indissociable, à l’obligation ancienne, laquelle s’est éteinte corrélativement, qu’ainsi des rapports de droit successifs ont été créés, d’abord entre l’OPH Côte d’azur habitat et la société ABN Amro, jusqu’au 30 janvier 2009, puis à compter de cette date entre l’OPH Côte d’azur habitat et la société RBS Plc, à propos d’un contrat unique de swap conclu le 7 juin 2006, et que la novation, en ce qu’elle porte extinction de l’obligation ancienne, a pour conséquence d’effacer toutes actions, exceptions et moyens de défense relatifs à l’obligation éteinte, ce dont elle déduit que l’OPH Côte d’azur habitat ne peut agir en responsabilité contre la société ABN Amro ;
-alors que la novation du contrat du 7 juin 2006 intervenue le 30 janvier 2009 ne privait pas l’OPH Côte d’azur habitat de son droit d’agir contre la société Natwest Markets N. V., venant aux droits de la ABN Amro, en réparation de préjudices résultant de manquements précontractuels commis par celle-ci à l’occasion de la conclusion du contrat initial ;
‘ l’article 4 du code de procédure civile, selon lequel l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes formées par l’OPH Côte d’azur habitat tendant à l’annulation de la convention novatoire du 30 janvier 2009 et à la condamnation de la société RBS Plc, devenue la société Natwest Markets Plc, à lui payer des dommages-intérêts, que :
– l’OPH Côte d’azur habitat ne peut agir ni en nullité du contrat de swap ni en responsabilité contre la société RBS Plc en invoquant des faits antérieurs au 30 janvier 2009, cette société étant devenue contrepartie postérieurement à cette date ;
– alors que, dans ses conclusions, l’OPH Côte d’azur habitat soutenait, d’abord, que la convention novatoire du 30 janvier 2009 était nulle, dès lors qu’il n’avait pas la capacité de la conclure et, ensuite, que la société RBS Plc avait manqué, au jour de la conclusion de cette convention, à ses obligations précontractuelles.
L’office public de l’habitat Côte d’Azur Habitat, établissement public à caractère industriel et commercial, a saisi la cour d’appel de ce siège par déclaration du 1er février 2022, et aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 avril 2023, il demande à la cour de :
INFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a dit l’action engagée à l’encontre de la Société de droit néerlandais NATWEST MARKETS N. V. anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V. prescrite,
INFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a dit irrecevable l’action en nullité engagée à l’encontre de la Société de droit écossais NATWEST MARKETS Plc anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc ;
INFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a débouté COTE D’AZUR HABITAT de sa demande de dommages et intérêts ;
INFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du CPC ;
INFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a condamné COTE D’AZUR HABITAT aux dépens ;
Statuant à nouveau et réformant de ces chefs de jugement dont appel :
ANNULER le contrat de swap n° OSRAMS22138 conclu avec NATWEST MARKETS Plc anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc.
CONDAMNER en conséquence solidairement les établissements bancaires NATWEST MARKETS N. V. anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V. et NATWEST MARKETS Plc anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc à verser à COTE D’AZUR HABITAT la somme de 4 899 695 euros, à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir ;
CONDAMNER solidairement les établissements bancaires NATWEST MARKETS N. V. anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V. et NATWEST MARKETS Plc anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc à verser à COTE D’AZUR HABITAT, à titre de dommages-intérêts, la somme de 2,18 millions d’euros, à parfaire à la date de l’arrêt à intervenir ;
CONDAMNER solidairement les établissements bancaires NATWEST MARKETS N. V. anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V. et NATWEST MARKETS Plc anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc à verser à COTE D’AZUR HABITAT la somme de 175 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER solidairement les établissements bancaires NATWEST MARKETS N. V. anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND N.V. et NATWEST MARKETS Plc anciennement dénommée THE ROYAL BANK OF SCOTLAND Plc aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 30 mars 2023, la société de droit néerlandais Natwest Markets N. V. (anciennement dénommée The Royal Bank of Scotland N. V.) et la société de droit écossais Natwest Markets Plc (anciennement dénommée The Royal Bank of Scotland Plc) demandent à la cour de :
A titre principal :
– Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 12 mai 2016 en ce qu’il a jugé irrecevable pour défaut d’intérêt à agir l’action en nullité contre la convention tripartie du 30 janvier 2009, en ce qu’il a débouté l’Office public de l’Habitat – Côte d’Azur Habitat de ses demandes indemnitaires et l’a condamné aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire :
– Débouter l’Office de ses demandes d’annulation de la convention tripartite du 30 janvier 2009 ;
– Juger irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité contractuelle contre Natwest Markets N. V. ;
– Débouter l’Office de ses demandes indemnitaires formulées contre Natwest Markets N. V. et Natwest Markets Plc ;
En tout état de cause :
– Débouter l’Office de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner l’Office à verser 100.000 euros à chacune des deux parties Natwest Markets N. V. et Natwest Markets Plc en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2023 et l’audience fixée au 16 mai 2023.
CELA EXPOSÉ,
Sur la prescription de l’action engagée contre la société Natwest Markets N. V. :
Aucun moyen n’est invoqué dans la discussion de l’appelant au soutien de ce chef d’infirmation. En tout état de cause, le jugement déféré qui a déclaré prescrite l’action en nullité du contrat financier d’échange du 7 juin 2006 engagée à l’encontre de la société de droit néerlandais RBS N. V., a été confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 28 novembre 2018, qui n’a pas été cassé sur ce point. Il n’y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
Sur la recevabilité de la demande d’annulation de la convention novatoire du 30 janvier 2009 :
Aux termes de l’article 31 du même code, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Les intimées contestent l’intérêt de l’appelant à demander l’annulation de la convention novatoire du 30 janvier 2009 parce que cette annulation ne changerait pas les obligations de l’OPH, les termes de la nouvelle convention entre l’OPH et RBS Plc étant identiques à ceux de la convention initiale entre l’OPH et ABN Amro. Elles font valoir en outre que la remise en l’état au jour de l’introduction de l’instance, consécutive à l’annulation des contrats d’échange de taux d’intérêt, placerait l’OPH dans une position de débiteur à leur endroit.
L’appelant réplique que l’annulation de la convention novatoire du 30 janvier 2009 ne ferait pas revivre le contrat initial eu égard notamment aux circonstances nouvelles ayant depuis lors affecté ABN Amro ; que le montant des restitutions calculé par les banques, au demeurant contesté, serait inférieur au coût de résiliation du contrat ; que l’OPH a encore intérêt à ne plus être exposé au risque dudit contrat.
La novation n’a lieu que si une obligation valable est substituée à l’obligation initiale ; en cas d’annulation de la convention novatoire, la première obligation retrouve son efficacité.
En l’espèce, si les termes de l’obligation novée et de l’obligation novatoire sont identiques, le cocontractant de l’OPH n’est pas le même. Ce fait suffit à caractériser son intérêt à agir, sans qu’il soit nécessaire de préjuger des conséquences juridiques que l’OPH pourrait en tirer.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef, et l’OPH déclaré recevable en sa demande d’annulation de la convention du 30 janvier 2009.
Sur le bien-fondé de la demande d’annulation de la convention novatoire du 30 janvier 2009 :
L’OPH poursuit la nullité de la convention du 30 janvier 2009, d’une part, pour défaut de capacité et de pouvoir, d’autre part, pour vice du consentement. Il fait ainsi valoir que :
‘ il n’avait pas, en sa qualité d’établissement public, la capacité de conclure cet engagement pris en violation tant du principe de spécialité que du principe de légalité des ressources des établissements publics ;
‘ le contrat est nul pour défaut de pouvoir du signataire ;
‘ le contrat est nul pour réticence dolosive ;
‘ le contrat est nul pour erreur sur la nature du contrat et sur sa cause ;
‘ le contrat est nul pour défaut de cause.
Sur la nullité pour défaut de capacité :
En application de l’article 1108 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, la capacité de contracter est une condition essentielle pour la validité d’une convention.
L’objet et la capacité des offices publics de l’habitat sont définis par la loi aux termes des articles L. 421-1 et suivants anciens du code de la construction et de l’habitation, dans leur rédaction applicable à l’espèce. Les ressources des offices publics de l’habitat sont déterminées par l’article L. 421-15 du même code.
Les parties reconnaissent en l’occurrence que les offices publics de l’habitat ont la capacité de souscrire des emprunts ainsi que des contrats financiers si ceux-ci constituent des opérations de couverture et non des opérations spéculatives.
L’appelant estime que le contrat querellé est de nature spéculative et excède de ce fait sa compétence légale. Les banques intimées considèrent pour leur part que la critique de l’OPH porte sur la convention novée, qui constitue au demeurant une opération de couverture que l’établissement public avait la capacité de souscrire.
L’appelant soutient en outre que les instruments financiers à terme ne comptent pas au rang des ressources ouvertes par la loi à un office public de l’habitat. Les banques intimées considèrent pour leur part qu’un contrat de couverture des risques de taux d’emprunt n’a pas pour objet de procurer des ressources.
La convention novatoire du 30 janvier 2009 a pour seul objet et effet de remplacer la contrepartie de l’OPH sans modifier la substance des droits et obligations de ce dernier. La novation ainsi réalisée par changement de cocontractant ne revêt en soi aucun caractère spéculatif. Elle ne procure pas de nouvelles ressources à l’établissement public. Dans ces circonstances, l’OPH avait la capacité d’y consentir.
Au demeurant, l’opération d’échange de conditions d’intérêts en cause n’apparaît pas elle-même de nature spéculative. Il convient à cet égard de rappeler les circonstances dans lesquelles le contrat initial du 7 juin 2006 a été conclu. Ainsi que l’expose le cabinet Finexsi consulté par les banques, à partir du 1er juillet 2004 jusqu’à fin janvier 2008, donc à la date de conclusion du contrat, le taux du livret A n’a plus été fixé de manière discrétionnaire. Sa formule de calcul était la suivante : [(moyenne TIBEUR 3 mois + taux inflation)/2] + 0,25 %, arrondi au multiple de 0,25 % le plus proche, les deux indicateurs étant respectivement le taux interbancaire à 3 mois offert en euro mensuel moyen du mois m-1 (décembre et juin), exprimé avec deux décimales, et le taux d’inflation glissant annuel donné par l’indice de l’Institut national de la statistique et des études économiques des prix à la consommation hors tabac du mois m-1 (décembre et juin) exprimé avec une décimale. Le contrat évoque cette formule sans référence à l’arrondi. Il est en outre constant qu’en 2006, tous les acteurs économiques anticipaient une hausse des taux dans un contexte de pressions inflationnistes.
Ainsi que l’OPH l’a lui même énoncé lors de la séance de son conseil d’administration du 7 juin 2006 (pièce no 6 de l’appelant), le taux « n’étant plus comme par le passé, fixé par arrêté ministériel, mais révisé tous les 6 mois au travers d’une formule complexe, la majeure partie de [son] encours [était] impactée par l’incertitude de cette dérèglementation ». L’OPH a lui- même indiqué dans le rapport définitif de la mission interministérielle d’inspection du logement social que selon cette formule, les taux se seraient positionnés aux alentours de 5,10 % (4 % au 1er août 2008 + une marge moyenne de 1,10 %) (pièce no 19 des intimées).
La conclusion du contrat d’échange de taux d’intérêt est ainsi intervenue à l’occasion de la renégociation de la dette de l’OPH, mû par la volonté d’augmenter sa capacité d’autofinancement, notamment pour supporter le programme de réhabilitation qu’il avait engagé. L’OPH a mis en concurrence plusieurs établissements bancaires « ayant déjà accompagné d’autres structures de logement social dans ce type de démarches et proposant des produits financiers sécurisés aisément contrôlables et maîtrisables par l’OPAM » (pièce no 6 de l’appelant). Il a conclu deux autres contrats financiers d’échange, l’un avec Calyon, l’autre avec Ixis, les trois contrats permettant « d’échanger les intérêts au taux du livret A de la dette ciblée par ces contrats, contre les intérêts de cette même dette, exposée à un autre taux ». Dans le rapport définitif de la mission interministérielle d’inspection, l’OPH a lui-même indiqué que la finalité de sa démarche était de « dégager des marges immédiates pour la réalisation du PSP [plan stratégique de patrimoine] et augmenter les efforts d’entretien du parc, conformément au programme de réhabilitations et d’entretien établi par les services techniques » (page 24-3).
ABN Amro lui a soumis plusieurs propositions, le 20 février, le 13 mars et le 7 avril 2006. Pour chaque stratégie, « CMS spread digital », « CMS spread cumulatif », « taux de change USD/YEN », « Coupon cumulatif sur l’Euribor 3 mois » et « Coupon réduit sur l’Euribor 3 mois », dont les termes sont précisés, les avantages et les inconvénients sont énumérés, le risque est précisé, l’historique est décrit dans un graphique et le scénario analysé. Dans le récapitulatif des stratégies, est mentionné le montant de la capacité d’autofinancement générée. Le 7 avril 2006, ABN Amro a indiqué à l’OPH : « Pour être en mesure de dégager la capacité d’autofinancement requise par l’OPAM, nous suggérons de mettre en place des swaps de couverture pour les deux tranches, celle avec IC et la tranche nouvellement contractée.
« Les différentes stratégies de couverture présentées permettent de payer une charge financière moindre moyennant une prise de risque sur un sous-jacent taux ou spread de taux ou taux de change, en figeant un niveau du taux payé par l’OPAM suffisamment bas pendant les 5 premières années.
« La mise en place de telles stratégies de couverture implique un risque inhérent. En cas de mouvement de marché défavorable, l’OPAM peut être en situation de payer un taux élevé.
« Il est conseillé de suivre les évolutions des positions dans le temps pour ajuster le cas échéant certaines de ces positions » (pièce de l’OPH no 10, page 5).
Le contrat choisi par l’OPH est un contrat d’échange de conditions d’intérêts. Un tel contrat est un pari financier autorisé par la loi et un contrat aléatoire dès lors que l’avantage que les parties en retireront n’est pas appréciable lors de la formation du contrat puisqu’il dépend d’un événement incertain, en l’espèce la variation de la valeur de l’écart entre les indices CMS 30 ans et CMS 2 ans.
Ce contrat financier avait pour objet dans un premier temps de permettre à l’OPH de verser un taux d’intérêt bonifié, inférieur à celui de sa dette, avec dès le départ la volonté de limiter la sécurisation du contrat jusqu’en 2011, puis dans un deuxième temps d’accepter une prise de risque sur les positions du marché.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, le contrat financier litigieux ne comprend aucune « composante optionnelle mettant l’office en position de vendeur d’options ». Passé la première période de cinq ans, la condition suspensive attachée à la valeur de l’écart entre les indices CMS 30 ans et CMS 2 ans commande le déclenchement de la majoration du taux d’intérêt payé par l’OPH. Cette stipulation est étrangère à l’exercice d’une faculté résultant de l’exercice de l’option, l’évolution de l’écart de référence n’ayant rien à voir avec l’exercice d’une faculté par la banque, qui serait titulaire de l’option. Il s’agit d’un événement futur et incertain, d’un fait objectif et vérifiable par les parties dont la réalisation s’impose à elles et ne dépend pas d’un acte
de volonté de l’une d’elles. Le contrat en cause n’est donc pas un contrat d’option.
Ce contrat d’échange a un objectif principal différent de la recherche du profit dans un seul but d’enrichissement, puisqu’il fait partie d’une stratégie de restructuration de la dette et de couverture d’un risque de marché. Il réalise une couverture du risque de taux de l’emprunt sous-jacent dès lors que son montant nominal correspond à une partie des emprunts sous-jacents, que sa durée est égale à celle de la ligne d’emprunt sous-jacent la plus longue, que l’OPH reçoit un taux dit « proxy » correspondant à une approximation de la formule du livret A, et que le contrat permet une diversification de l’exposition au risque de taux.
N’est pas spéculative une opération soumise à la variabilité des marchés qui présente un risque boursier ordinaire présumé connu de tous. Constitue en revanche une opération de couverture et non une opération spéculative la conclusion d’un contrat d’échange de conditions d’intérêts lorsqu’elle a pour but la protection contre l’évolution des taux et la réduction du coût global d’un endettement, même si un tel contrat est, par nature, aléatoire et que sa conclusion expose l’une des parties à un risque, même illimité (Com., 20 mars 2019, no 17-15.961).
En l’espèce, l’opération d’échange de conditions d’intérêts n’étant pas spéculative, l’OPH avait en tout état de cause la capacité de la souscrire.
Sur la nullité pour défaut de pouvoir :
L’OPH prétend que, n’ayant pas la capacité pour contracter des opérations sur des dérivés de taux spéculatif, le conseil d’administration de l’office ne pouvait pas autoriser la conclusion du contrat litigieux, pas plus qu’il ne pouvait valablement déléguer le pouvoir de le conclure.
Étant jugé au contraire que l’OPH avait la capacité de conclure la convention novatoire du 30 janvier 2009, il a valablement délégué à sa directrice générale, [X] [Y], le pouvoir de le signer.
Sur la nullité pour dol :
En application de l’article 1108 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, le consentement de la partie qui s’oblige est une condition essentielle pour la validité d’une convention.
Aux termes de l’article 1109 ancien du même code, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
L’article 1116 ancien du même code dispose :
« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
« Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
L’OPH reproche à RBS Plc plusieurs omissions tendant toutes à éviter que l’office ne refuse la novation du contrat :
‘ la banque ne l’a pas informé sur les risques et les coûts du contrat financier d’échange ;
‘ la banque ne s’est pas assurée du consentement ni de la capacité ni du pouvoir de l’office pour conclure la convention novatoire ;
‘ la banque n’a pas non plus informé l’office qu’il pouvait refuser la novation du contrat d’échange, ni qu’il pouvait du fait du rachat de l’activité d’ABN Amro par RBS Plc mettre fin audit contrat.
L’appelant en déduit que l’intention dolosive doit être constatée.
Les banques intimées lui opposent à raison que le premier de ces griefs porte sur la convention initiale de 2006, non sur la convention tripartite du 30 janvier 2009 dont l’annulation est demandée. La convention novatoire ne modifiant pas les risques et les coûts supportés par l’OPH à raison de la convention novée, le défaut d’information allégué sur ce point n’apparaît pas déterminant du consentement de l’OPH à la novation.
Par ailleurs, il a été jugé que l’OPH avait la capacité et le pouvoir de conclure la convention novatoire. Aussi RBS Plc n’avait-elle pas à informer l’OPH qu’il était libre de refuser la novation proposée et de contraindre ABN Amro à poursuivre la relation contractuelle. Au demeurant, ABN Amro et RBS Plc écrivent le 14 janvier 2009 à l’OPH que « la présente lettre a pour objet de recueillir [son] accord sur ce transfert et les modalités qui lui seront applicables, telles que détaillées ci-après ». La même lettre se conclut ainsi : « Nous vous remercions de bien vouloir nous confirmer votre accord sur les termes de la présente lettre en nous retournant un exemplaire signé ».
Enfin les intimées contestent que le rachat de l’activité d’ABN Amro par RBS Plc aurait autorisé l’OPH à mettre fin au contrat du 7 juin 2006. L’OPH invoque en ce sens les dispositions de l’article 7.2 Résiliation en cas de circonstances nouvelles de la convention cadre, dont le paragraphe 7.2.1.2 stipule que constitue une circonstance nouvelle, autorisant la résiliation de l’ensemble des transactions en cours, « toute fusion ou scission affectant la partie concernée ou toute cession d’actif effectué par celle-ci se traduisant par une détérioration manifeste et substantielle de son activité, de son patrimoine ou de sa situation financière ».
Les intimées lui opposent toutefois les termes de l’article 7.2.1.2 de l’annexe à la convention cadre, signée le 12 juillet 2006 :
« Le premier paragraphe de l’article 7.2.1.2 est remplacé comme suit :
« toute fusion ou scission affectant la partie concernée ou toute cession d’actif effectuée par celle-ci se traduisant :
« (a) dans le cas où l’entité survivante (« X ») était, immédiatement avant cette opération, notée par Standard and Poor’s Corporation (« S&P ») et/ou Moody’s Investor Services, Inc. (« Moody’s ») ou par toute autre organisation qui succèderait :
(i) par un abaissement de la notation chez S&P et/ou Moody’s de l’entité issue de la fusion ou de la scission ou celle ayant cédé ses actifs de trois positions au moins [‘] par rapport à la notation de X juste avant cette opération ou la notation est inférieure à l’investment grade qui est BBB chez S&P ou son équivalent Baa3 chez Moody’s
(ii) par la cessation de la notation de l’entité issue de la fusion ou de la scission ou qui a vendu ses actifs immédiatement après cette opération ;
« (b) dans le cas où X, n’était pas, avant une telle opération, notée par S&P et/ou Moody’s, il résulte, immédiatement après cette opération, une détérioration manifeste de la situation financière issue de la fusion ou de la scission ou qui a vendu ses actifs. »
Or, l’OPH ne démontre pas que le rachat des activités de banques de financement et d’investissement du groupe ABN Amro ait entraîné les conséquences susdites. Les banques intimées affirment au contraire que les agences de notation n’ont jamais dégradé la note d’ABN Amro dans les termes mentionnés dans l’annexe à la convention cadre conclue avec l’office. Le rachat d’ABN Amro par RBS Plc n’a donc pas constitué une circonstance nouvelle permettant de résilier le contrat financier initial.
Dans ces circonstances, la réticence dolosive alléguée n’est pas établie.
Aussi bien le dernier paragraphe de la convention du 30 janvier 2009 dispose-t-il :
« En signant la présente lettre, ABN Amro, RBS et Côte d’Azur Habitat déclarent, chacun pour ce qui le concerne (étant précisé que chacune des déclarations suivantes sera réputée réitérée à chaque date de novation) :
« ‘ avoir tout pouvoir et capacité pour signer la présente lettre, exécuter les obligations en résultant et ont pris toutes mesures nécessaires pour autoriser la signature et l’exécution de la présente lettre ; et
« ‘ que la signature et l’exécution de la présente lettre ne contreviennent à aucune loi ou règlementation leur étant applicable, ni à aucune disposition de leurs statuts ou autres documents constitutifs respectifs ; et
« ‘ qu’aucun manquement, cas de défaut, circonstance nouvelle, ou autre cause de résiliation anticipée n’est intervenu à leur encontre, dans le cadre de la convention ABN Amro ou de la nouvelle convention RBS selon le cas, ou n’était en cours juste avant la signature de la présente lettre, ou n’est susceptible de se produire suite à la signature de la présente lettre ou à l’exécution de leurs obligations résultant de la présente lettre. »
Sur la nullité pour erreur :
Aux termes de l’article 1110 ancien, alinéa premier, du code civil, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.
L’OPH prétend que son consentement a été vicié par des erreurs portant sur :
a) la nature du contrat qu’il pensait être une opération de couverture alors qu’il s’agissait d’un contrat financier spéculatif ;
b) la cause du contrat en ce qu’il ignorait qu’il était dès le départ structuré par ABN Amro à son détriment.
Les banques intimées lui opposent que les erreurs alléguées portent sur la convention initiale de 2006, non sur la convention tripartite du 30 janvier 2009 dont l’annulation est demandée ; qu’en tout état de cause elles ne sont pas constituées car, d’une part, le contrat d’échange de conditions d’intérêts conclu par l’office est bien un produit de couverture ; d’autre part, l’OPH en a suivi les coûts de débouclage dès la signature des opérations.
a) Il a été précédemment jugé que la convention novatoire du 30 janvier 2009 ne revêt en elle-même aucun caractère spéculatif, si bien que l’erreur alléguée à cet égard est étrangère à l’objet du contrat argué de nullité.
b) L’appelant expose que les opérations d’échange de conditions d’intérêts sont par nature des opérations dont l’issue est aléatoire ; qu’elles sont établies sur la base du principe d’équivalence actuarielle au moment de leur mise en place, cette équivalence disparaissant toutefois au fur et à mesure du passage du temps, avec pour conséquence l’apparition d’un profit pour l’une des parties et d’une perte corrélative pour l’autre ; que si la valeur est négative au jour de la conclusion du contrat, l’aléa est faussé, l’une des parties enregistrant une perte latente qui ne dépend pas d’un événement futur et incertain ; qu’en l’espèce, l’aléa existe, mais a été faussé par une appréciation erronée des risques échangés aux termes du contrat financier ; qu’en effet, au lieu d’être nulle lors de la mise en place de l’échange de taux d’intérêt, la valeur de marché de l’opération était défavorable à l’office parce qu’elle comprenait de façon occulte les coûts de la transaction.
Il a été précédemment jugé que la convention novatoire du 30 janvier 2009 avait pour seul objet et effet de remplacer la contrepartie de l’OPH sans modifier la substance des droits et obligations de ce dernier. Elle ne crée pas d’aléa nouveau. L’erreur alléguée sur ce point n’apparaît pas déterminante du consentement de l’OPH à la novation.
Sur la nullité pour défaut de cause :
En application de l’article 1108 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, une cause licite dans l’obligation est une condition essentielle pour la validité d’une convention.
Aux termes de l’article 1131 ancien du même code, l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.
L’article 1271 ancien du code civil dispose :
« La novation s’opère de trois manières :
« 1o Lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l’ancienne, laquelle est éteinte ;
« 2o Lorsqu’un nouveau débiteur est substitué à l’ancien qui est déchargé par le créancier;
« 3o Lorsque, par l’effet d’un nouvel engagement, un nouveau créancier est substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé. »
Il résulte de la combinaison de ces textes que la novation n’a lieu que si l’obligation ancienne à laquelle est substituée la nouvelle est valable. Si la première obligation est nulle, la seconde est dépourvue de cause et ne produit aucun effet (1re Civ., 7 nov. 1995, no 92-16.695).
L’appelant soutient à cet égard que l’OPH n’avait pas la capacité de conclure le contrat initial et son représentant le pouvoir de le signer ; qu’il était affecté des mêmes vices du consentement que ci-avant décrits puisque ni ABN Amro ni RBS ne se sont assurées que l’office avait été éclairé sur la nature réelle, le risque et la valeur du contrat ; qu’ainsi, la convention novatoire qui crée une obligation nouvelle à partir d’un contrat nul est dépourvue de cause.
L’OPH a été définitivement jugé prescrit en son action en nullité du contrat conclu le 7 juin 2006 avec ABN Amro devenue RBS N. V. La convention novée n’encourant pas la nullité, la convention novatoire a une cause licite.
L’OPH sera en conséquence débouté de son action en nullité engagée contre la société de droit écossais RBS Plc.
Sur la recevabilité de la demande d’indemnisation formée à raison de la conclusion du contrat du 7 juin 2006 :
L’OPH recherche la responsabilité de la société Natwest Markets N. V., venant aux droits de la société ABN Amro, résultant de manquements précontractuels commis par celle-ci à l’occasion de la conclusion du contrat initial du 7 juin 2006. Il impute à la banque un défaut d’information, un défaut de conseil, un défaut de mise en garde, un défaut de loyauté, et un manquement aux règles de bonne conduite. L’OPH demande en conséquence réparation de sa perte de chance de ne pas contracter l’échange de conditions d’intérêts et d’échapper ainsi aux risques auxquels il est exposé aujourd’hui au titre du contrat.
L’intimée lui oppose la prescription de sa demande indemnitaire.
Aux termes de l’article L. 110-4, paragraphe premier, du code de commerce dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 19 juin 2008, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. Ce délai a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
Aux termes de l’article 26, paragraphe II, de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée de la loi antérieure.
La prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance (Soc., 18 déc. 1991, no 88-45.083 ; Com., 12 mai 2004, no 02-10.653 ; 1re Civ., 19 fév. 2002, no 99-10.597). Ainsi que le fait valoir l’appelant, le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde, d’information et de conseil consiste en la perte de la chance de ne pas contracter ou d’éviter le risque qui s’est réalisé. Ce dommage se manifeste dès la conclusion du contrat, à moins que le contractant ne démontre qu’il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage (Com., 17 mai 2017, no 15-21.260).
La société Natwest Markets N. V. estime que le point de départ du délai de prescription est le 7 juin 2006, date de conclusion du contrat.
L’OPH expose pour sa part qu’il ne pouvait savoir avoir subi un préjudice lors de la conclusion du contrat dès lors qu’il n’avait pas été informé du coût dudit contrat et de l’importance du risque pris, notamment du risque de dégradation du taux payé au titre du contrat d’échange. Il estime par suite que ce n’est que lors de l’examen du contrat par ses conseils juridiques et financiers, dans le cadre de l’assignation délivrée le 11 juin 2013, que l’office a découvert que l’information qui lui avait été communiquée était incomplète et trompeuse.
Il incombe à l’OPH de prouver qu’il a de manière légitime et raisonnable été dans l’ignorance de son droit. Or, la cour relève en premier lieu que, dès la conclusion du contrat, l’OPH savait qu’après une période de cinq ans, le taux qu’il devrait payer dépendait de la variation de deux indices et que, pour utiliser les termes employés dans ses conclusions, repris de l’analyse réalisée à sa demande en novembre 2015 par la société Lore Finance, cet échange de taux d’intérêt ne « sécurise » pas la dette, mais crée deux risques nouveaux pour lui, celui de supporter un taux très élevé en cas d’inversion de la courbe des taux et celui de supporter la différence entre le taux du livret A et le taux reçu au titre du taux du livret A. Le simple examen de la teneur de la convention, auquel l’OPH pouvait personnellement procéder puisqu’il s’agit, ainsi que le soulignent les intimées, de l’application d’une formule très simple résultant de trois opérations élémentaires (deux soustractions et une multiplication) réalisées par référence à deux taux de marché usuels, objectifs et faisant l’objet de publication, permettait, dès la conclusion du contrat, à l’OPH de comprendre le risque qu’il prenait.
En second lieu, s’agissant de sa connaissance de la valorisation de l’échange de conditions d’intérêt à la conclusion du contrat, l’office déclare dans son rapport sur les impacts de la renégociation de la dette pour l’exercice 2008 : « Dès la signature des opérations, Côte d’Azur Habitat en a suivi les coûts de débouclage. Depuis le début de la crise financière, le suivi de ces soultes est hebdomadaire. [‘] les montants des soultes à verser dans le cadre d’un débouclage éventuel ont varié entre 350 000 et 50,7 M€ au cours des huit derniers mois. Ces soultes ont diminué de près de 15 M€ au cours des cinq derniers mois » (pièce no 40 des intimées, page 9). Ce suivi hebdomadaire est confirmé par les échanges électroniques à ce sujet (pièce no 2 des intimées).
Dans ces circonstances, l’OPH ne pouvait, à la date du 7 juin 2006, légitimement ignorer le dommage dont il se plaint. Par suite, son action en responsabilité contre la société Natwest Markets N. V. est irrecevable pour avoir été engagée le 17 décembre 2015 contre la société RBS N. V. devenue Natwest Markets N. V., soit après le 19 juin 2013.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il dit l’action engagée à l’encontre de la société de droit néerlandais RBS N. V. prescrite.
Sur le bien-fondé de la demande d’indemnisation formée à raison de la conclusion du contrat du 30 janvier 2009 :
L’OPH recherche la responsabilité de la société Natwest Markets N. V., venant aux droits de la société ABN Amro, et de la société Natwest Markets Plc, venant aux droits de la société RBS Plc, résultant de manquements précontractuels commis par celles-ci à l’occasion de la conclusion de la convention tripartite du 30 janvier 2009. Il impute aux banques un défaut d’information, un défaut de conseil, un défaut de mise en garde, un défaut de loyauté, et un manquement aux règles de bonne conduite. L’OPH demande en conséquence réparation de sa perte de chance de ne pas contracter l’échange financier et d’échapper ainsi aux risques auxquels il est exposé aujourd’hui au titre du contrat.
Sur le devoir d’information :
L’OPH expose qu’une obligation d’information était imposée au 30 janvier 2009 par l’article L. 533-12 du code monétaire et financier, qui mettait à la charge de RBS Plc l’obligation de « communique[r] à [ses] clients, notamment [ses] clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause ».
Elle fait également valoir que le règlement général de l’Autorité des marchés financiers mettait également à la charge d’ABN Amro, puis de RBS Plc, une obligation d’information sur les coûts.
Sur ce fondement, l’appelant reproche aux banques de ne pas lui avoir communiqué, au jour de la novation, les informations relatives aux risques emportés par l’échange de taux proposé, la valorisation du contrat au jour de sa conclusion, la nature spéculative de l’opération qu’elles proposaient de conclure.
Les intimées répliquent que RBS Plc n’avait pas à délivrer ces informations dès lors que l’office était déjà valablement engagé depuis près de trois ans avec ABN Amro, laquelle avait rempli son obligation d’information précontractuelle.
Étant rappelé que la convention novatoire du 30 janvier 2009 a pour seul objet et effet de remplacer la contrepartie de l’OPH sans modifier la substance des droits et obligations de ce dernier, cette novation ne constitue pas un service d’investissement. ABN Amro et RBS Plc n’étaient de ce fait pas tenues de communiquer à l’OPH les informations susdites, afférentes à la convention novée.
Sur le devoir de conseil :
Si le banquier prestataire de services d’investissement n’est pas, en cette seule qualité, tenu d’une obligation de conseil à l’égard de son client, il est tenu, lorsque, à la demande de celui-ci ou spontanément, il lui recommande un service ou un produit et lui prodigue ainsi un conseil, de le faire avec pertinence, prudence et loyauté, en s’enquérant de ses connaissances, de son expérience en matière d’investissement, ainsi que de sa situation financière et de ses objectifs, afin que l’instrument financier conseillé soit adapté (Com., 20 juin 2018, no 17-11.473).
L’appelant estime que les propositions qui lui ont été communiquées (pièces nos 8, 9 et 10 de l’OPH) manifestent les conseils prodigués par ABN Amro de procéder à la conclusion du contrat d’échange initial, et qu’en proposant la conclusion d’une opération volatile et nullement « sécurisée » puisque faisant supporter à l’office un risque illimité, ABN Amro a manqué à ses obligations de conseil envers lui.
La société Natwest Markets Plc observe à raison que le grief ainsi formulé lui est étranger, et qu’aucune violation du devoir de conseil n’est ainsi alléguée contre RBS Plc par l’office.
Au surplus, outre que les faits dénoncés se rapportent à la convention initiale et que la novation elle-même ne constitue pas un service d’investissement, l’appelant n’est pas fondé à prétendre que ABN Amro lui aurait conseillé de procéder à la novation du contrat financier avec RBS Plc. En effet, la lettre du 14 janvier 2009 par laquelle ABN Amro et RBS Plc demandent à l’OPH son accord pour transférer de l’une à l’autre les opérations sur instruments financiers à terme précédemment conclues, ne contient aucune recommandation en ce sens.
Sur le devoir de mise en garde :
L’OPH dénonce un manquement des banques à l’obligation de mise en garde leur incombant du fait de la nature spéculative des opérations ; de l’ordonnance no 2007-544 du 12 avril 2007 mettant à la charge du prestataire de services d’investissement une obligation d’évaluation du client ; de l’asymétrie de connaissance entre elles et leur client.
Au regard de la nature spéculative du contrat et du caractère profane de l’office, l’appelant considère qu’il appartenait à ABN Amro de l’avertir des risques liés au contrat financier d’échange no 1.
Au regard de l’obligation d’évaluation du client, l’appelant considère qu’il appartenait à RBS Plc, se substituant à ABN Amro au titre de la novation, d’évaluer la compétence de l’office et de contrôler ainsi l’adéquation du produit au regard de la situation de son client. Il soutient que le contrat financier d’échange no 2 ne correspondait pas à ses objectifs d’investissement et que RBS aurait donc dû s’abstenir de contracter ou tout du moins le mettre en garde contre les risques liés au contrat d’échange no 2.
Au regard de l’asymétrie de connaissance, l’appelant considère que les banques ont entretenu l’asymétrie d’information avec l’office en lui communiquant des informations lacunaires et trompeuses.
Les intimées lui opposent que l’OPH était averti, que le contrat d’échange de taux d’intérêt ne constituait pas une opération spéculative, et qu’en tout état de cause les documents de présentation fournis par ABN Amro mettaient en garde l’office sur les risques inhérents au contrat financier. Quant à RBS Plc, elle s’est contentée de se substituer à ABN Amro et estime qu’elle n’avait donc pas à mettre en garde l’OPH.
En premier lieu, la banque a le devoir d’informer son client des risques courus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors le cas où il en a connaissance (Com., 5 nov. 1991, no 89-18.005). Il a toutefois été précédemment jugé que la convention novatoire du 30 janvier 2009 ne revêt en elle-même aucun caractère spéculatif, non plus que la convention novée.
En second lieu, la cour a également jugé que la novation en cause ne constitue pas un service d’investissement. Aussi ne sont pas applicables les dispositions de l’article L. 533-13 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 avril 2007 relative aux marchés d’instruments financiers, aux termes duquel :
« I. ‘ En vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d’investissement s’enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation.
« Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations requises, les prestataires s’abstiennent de leur recommander des instruments financiers ou de leur fournir le service de gestion de portefeuille pour compte de tiers.
« II. ‘ En vue de fournir un service autre que le conseil en investissement ou la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d’investissement demandent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit proposés aux clients ou demandés par ceux-ci leur conviennent.
« Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations nécessaires ou lorsque les prestataires estiment, sur la base des informations fournies, que le service ou l’instrument ne sont pas adaptés, les prestataires mettent en garde ces clients, préalablement à la fourniture du service dont il s’agit. »
En dernier lieu, la convention du 30 janvier 2009 ayant pour seul objet et effet de remplacer la contrepartie de l’OPH sans modifier la substance de ses droits et obligations, l’appelant n’est pas fondé à prétendre que la banque aurait eu sur les risques de l’opération des informations qu’il aurait ignorées. Puisque la convention novatoire ne modifiait pas les risques supportés par l’OPH, ni ABN Amro ni RBS Plc n’étaient tenues à aucune obligation de mise en garde à son égard.
Sur le devoir de loyauté :
Aux termes de l’article 1134 ancien, alinéa 3, du code civil, les convention légalement formées doivent être exécutées de bonne foi.
À cet égard, l’OPH reproche aux banques :
‘ de l’avoir trompé sur la nature véritable de l’échange de conditions d’intérêts, produit spéculatif et non de couverture ;
‘ d’avoir insisté sur les avantages de l’échange de taux d’intérêt et sur les gains susceptibles d’en résulter pour l’office, en se gardant de mettre l’accent sur les risques courus ;
‘ en proposant à l’office un contrat inadapté à la bonne gestion de sa dette, alors qu’il n’a pas vocation à jouer sur le marché des produits dérivés de taux ;
‘ en ne lui communiquant pas la valeur négative du contrat d’échange no 1, qui aurait révélé à l’office le coût initial de conclusion du contrat et le fait qu’il emportait dès le départ un risque avéré pour l’office.
Les faits dénoncés se rapportent à la convention initiale et aux conditions dans lesquelles elle a été conclue. Or, il a été précédemment jugé que l’appelant n’était pas recevable à rechercher la responsabilité des intimées à raison de tels faits.
Sur le manquement aux règles de bonne conduite :
L’article L. 533-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable le 30 janvier 2009, dispose :
« I. ‘ Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d’investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles.
« II. ‘ Les prestataires de services d’investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause. »
Au regard de ce texte, l’OPH estime que les informations communiquées en 2009 par RBS Plc sont lacunaires. Aucun manquement à un devoir d’information n’a toutefois été précédemment retenu contre ABN Amro et RBS Plc, étant rappelé que la novation en cause ne constitue pas un service d’investissement. L’inobservation des dispositions de l’article L. 533-12 précité n’est pas caractérisée.
L’OPH fait également grief à ABN Amro d’avoir manqué aux règles de bonne conduite prescrites aux prestataires de services d’investissement à l’occasion de la conclusion du contrat financier no 1. Or, il a été jugé plus haut que l’appelant n’était pas recevable à rechercher la responsabilité des banques à raison de tels faits.
Aucune faute n’étant démontrée à la charge des intimées, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il déboute l’OPH de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’OPH en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1o À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2o Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.
Sur ce fondement, l’OPH sera condamné à payer aux sociétés Natwest Markets Plc et Natwest Markets N. V. la somme de 30 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles.
LA COUR,
PAR CES MOTIFS,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 novembre 2018 ;
Vu l’arrêt de cassation du 8 septembre 2021 ;
Statuant à nouveau dans les limites de la cassation ;
INFIRME partiellement le jugement en ce qu’il dit irrecevable l’action en nullité engagée à l’encontre de la société de droit écossais The Royal Bank of Scotland Plc ;
Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,
DIT recevable l’action en nullité engagée à l’encontre de la société de droit écossais Natwest Markets Plc anciennement dénommée The Royal Bank of Scotland Plc ;
DÉBOUTE l’office public de l’habitat Côte d’Azur Habitat de sa demande d’annulation du contrat d’échange de conditions d’intérêts numéro OSRAMS22138 conclu avec la société Natwest Markets Plc anciennement dénommée The Royal Bank of Scotland Plc, et de sa demande subséquente de restitution de la somme de 4 899 695 euros ;
DIT irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité contractuelle engagée contre la société Natwest Markets N. V. à raison de la conclusion du contrat du 7 juin 2006 ;
DÉBOUTE l’office public de l’habitat Côte d’Azur Habitat du surplus de ses demandes indemnitaires formulées contre la société Natwest Markets N. V. ;
CONFIRME toutes les autres dispositions non contraires ;
CONDAMNE l’office public de l’habitat Côte d’Azur Habitat à payer aux sociétés Natwest Markets Plc et Natwest Markets N. V. la somme de 30 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’office public de l’habitat Côte d’Azur Habitat aux entiers dépens exposés devant les juridictions du fond ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,