Produits dérivés : 23 février 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00712

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Produits dérivés : 23 février 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00712
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7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°69/2023

N° RG 20/00712 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QN7F

M. [Z] [J]

C/

SNC BOIS ET MATERIAUX

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Décembre 2022 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [F], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [Z] [J]

né le 15 Avril 1981 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Bertrand SALMON de la SELARL CVS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES substitué par Me DAVID Marion, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

SNC BOIS ET MATERIAUX

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Estelle GOURNAY de la SCP CABINET BARTHELEMY AVOCATS RENNES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Marilia DURAND, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SNC Bois & Matériaux constituée d’un réseau d’agences sous l’enseigne Réseau Pro, a pour activité la commercialisation de bois et de matériaux de construction. Elle dépend du groupe Wolseley France.

M. [Z] [J] a été embauché le 11 juin 2012 par la société Wolseley France, division Bois et Matériaux dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité d’attaché technico -commercial. Le salarié était affecté à l’agence de [Localité 5].

Le contrat prévoyait une clause de non-concurrence dans une entreprise similaire susceptible de faire concurrence à l’entreprise, pour une durée d’un an limitée dans une zone de 100km de rayon autour de son agence d’affectation lors de la rupture. L’indemnité compensatrice était fixée à 25 % du salaire brut mensuel moyen perçu au cours des 12 derniers mois.

La relation de travail était régie par la convention collective du négoce de bois d’oeuvre et produits dérivés.

Le 25 janvier 2016, M. [J] a notifié sa démission à effet au 26 février 2016.

Par courrier du 28 janvier 2016, l’employeur a accusé réception de sa démission, lui a indiqué que le préavis d’un mois s’achevait le 4 mars 2016 et lui a rappelé la clause de non concurrence prévue au contrat en contrepartie du versement d’une indemnité.

Le contrat de travail ayant pris fin le 4 mars 2016, la SNC Bois & Matériaux a versé au salarié la contrepartie financière de la clause de non-concurrence à concurrence de la somme de 643,50 euros bruts.

La SNC Bois & Matériaux ayant été informée que M. [J] devait être embauché par la société Bretagne Matériaux au sein d’une agence située à [Localité 5], à proximité de l’agence Réseau Pro, la société Bois & Matériaux a mis en demeure le 9 mars 2016 M. [J] et son nouvel employeur la société Bretagne et Matériaux de respecter la clause de non concurrence.

Le 20 avril 2016, la société a adressé en vain une seconde mise en demeure à M. [J] et à son nouvel employeur.

Le 23 septembre 2016, le conseil de la société Bois et Matériaux adressait une nouvelle mise en demeure à M.[J] et à la société Bretagne Matériaux de respecter la clause de non-concurrence.

Le 7 octobre 2016, M. [J] répondait à la SNC Bois & Matériaux que la clause de non concurrence était respectée puisque, malgré son embauche au sein de la société Bretagne et Matériaux, il était affecté à l’agence de [Localité 6].

Considérant subir un préjudice lié à la violation de la clause de non concurrence, la SNC Bois & Matériaux a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc par requête en date du 7 août 2017 afin de voir :

– Dire que M. [J] n`a pas respecté la clause de non-concurrence à laquelle il est contractuellement tenu ;

– Constater que la Société Bois & Matériaux subit un préjudice lié à la violation par M.[J] de sa clause de non concurrence ;

– Débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros

– Condamner M.[J] au remboursement de la contrepartie financière versée par la Société : 7 722 Euros

– Condamner M.[J] à payer à la Société Bois & Matériaux :

– en application de la clause pénale résultant de la violation de la clause de non-concurrence la somme de 28 080 euros (salaire brut moyen des 12 derniers mois)

– Article 700 du code de procédure civile : 2 500 Euros

– Entiers dépens.

M. [J] a demandé au conseil de prud’hommes de :

– A titre principal dire que l’activité principale de la société Bois & Matériaux relève de la convention collective du négoce des matériaux de construction et que la convention collective du négoce des matériaux de construction était applicable à la relation contractuelle de la société Bois & Matériaux avec Monsieur [J] [Z]

– dire que la clause de non concurrence contractuellement prévue au contrat de M.[J] est frappée de nullité, à raison de sa qualité d’employé, de l’impossibilité de prévoir au contrat de travail de Monsieur [J] une clause moins favorable que les dispositions de la convention collective applicable, de l’absence de preuve d’intérêt légitime relié à une telle clause

– Débouter la société Bois & Matériaux de l’ensemble de ses demandes

– la condamner au paiement des sommes suivantes :

– 5 000 euros à titre de Dommages et intérêts,

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par jugement en date du 21 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc a :

– Dit que la convention collective applicable à la relation contractuelle de la Société Bois & Matériaux avec M. [J] est la convention collective nationale du négoce de bois d”uvre et produits dérivés ;

– Dit que la clause de non concurrence est applicable et conforme ;

– Dit que M.[J] a violé la clause de non concurrence ;

– Dit que la SAS Bois & Matériaux a subi un réel préjudice à ce titre ;

– condamné M.[J] à payer à la SAS Bois & Matériaux les sommes suivantes:

– 7 722 euros au titre du remboursement de la contrepartie financière versée par la société demanderesse à M. [J],

– 28 080 euros au titre de l’application de la clause pénale prévue au contrat de travail résultant de la violation de la clause de non concurrence,

– 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Débouté M.. [J] de ses demandes ;

– Condamné M.[J] aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d’exécution.

M. [J] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 28 janvier 2020.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 15 juillet 2020, M. [J] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement en ce qu’il a :

‘ Dit que la convention collective applicable à la relation contractuelle de la société Bois & matériaux avec M. [J] est la convention collective nationale du négoce de bois d”uvre et produits dérivés ;

‘ Dit que la clause de non concurrence est applicable et conforme ;

‘ Dit que M.[J] a violé la clause de non concurrence ;

‘ Dit que la SAS Bois & matériaux a subi un réel préjudice à ce titre ;

‘ Condamné M.[J] à payer à la société Bois & matériaux les sommes suivantes :

‘ 7 722 euros au titre du remboursement de la contrepartie financière versée par la société demanderesse à M.[J],

‘ 28 080 euros au titre de l’application de la clause pénale prévue au contrat de travail résultant de la violation de la clause de non concurrence,

‘ 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

‘ Débouté M.[J] de ses demandes ;

‘ Condamné M.[J] aux entiers dépens y compris les frais éventuels d’exécution.

Statuant à nouveau :

– Dire que l’activité principale de la société Bois & matériaux relève de la convention collective du négoce des matériaux de construction, que la convention collective du négoce des matériaux de construction était donc applicable à la relation contractuelle de la société Bois & matériaux avec M.[J] ;

– Dit que la clause de non concurrence contractuellement prévue au contrat de travail de Monsieur [Z] [J] est frappée de nullité, à raison de sa qualité d’employé, de l’impossibilité de prévoir au contrat de travail de Monsieur [J] une clause moins favorable que les dispositions de la convention collective applicable, de l’absence de preuve d’intérêt légitime relié à une telle clause.

– Débouter la société Bois & matériaux de l’ensemble de ses demandes

– Condamner la société Bois & matériaux à lui verser les sommes suivantes :

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

– 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

– Condamner la Société Bois & matériaux aux entiers dépens.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 7 octobre 2020, la SNC Bois et matériaux demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en toutes ses dispositions et à titre principal :

– Dire que M.[J] n’a pas respecté la clause de non-concurrence à laquelle il est contractuellement tenu ;

– Constater que la Société Bois & matériaux subit un préjudice lié à la violation par M.[J] de sa clause de non-concurrence ;

– Débouter M.[J] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros ;

– Condamner M.[J] au remboursement de la contrepartie financière versée par la Société, soit 7 722 euros;

– Condamner M.[J] au paiement des sommes suivantes :

– 28 080 euros en application de la clause pénale résultant de la violation de la clause de non-concurrence ;

– 2 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

– 2 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

-les entiers dépens.

A titre subsidiaire :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M.[J] au paiement de la somme de 200 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 25 octobre 2022 avec fixation de l’affaire à l’audience du 06 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la convention collective applicable

M.[J] reproche au conseil d’avoir fait application de la convention collective du négoce de bois d’oeuvre et produits dérivés, visée dans le contrat de travail, alors que l’indication de cette convention dans le contrat ne fait pas échec à l’application de la convention collective juridiquement applicable correspondant à l’activité principale, à savoir celle du négoce des matériaux de construction; que le changement de convention collective est d’ailleurs intervenu en ce sens par la société Bois et Matériaux à compter du 1er octobre 2017; que dès son embauche en 2012, la convention collective du négoce des matériaux de construction aurait dû s’appliquer au sens de l’article L2261-2 du code du travail compte tenu de l’activité principale de la société, l’activité historique de vente de bois étant devenue minoritaire; qu’elle était plus favorable puisqu’elle frappe de nullité la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail des non-cadres, ce qui était son cas.

La société Bois et Matériaux conclut à la confirmation du jugement, en soutenant que c’est par pure opportunité que le salarié conteste l’application de la convention , ce qu’il n’avait jamais fait avant la saisine de la juridiction prud’homale ; que la clause de non-concurrence dont la validité s’apprécie à la date de sa conclusion, est autorisée par la convention collective des bois d’oeuvres et produits dérivés applicable au moment de l’embauche; que son activité de négoce de bois et de construction de matériaux rentrait parfaitement dans le champ d’application de la convention de négoce de bois d’oeuvre et produits dérivés ; que si son activité principale de commerce de gros de bois et dérivés a évolué et que le changement de convention a été effectué au cours de l’année 2017 en raison de l’évolution de son activité et de la refonte de la convention de négoce du bois et de son rattachement à la nouvelle convention Matériaux de construction négoce.

Selon l’article L 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale de l’employeur. Le caractère principal de cette activité est appréciée concrètement en fonction de la nature de l’activité et en cas d’activité commerciale de celle qui procure le chiffre d’affaires le plus élevé, nonobstant les mentions figurant sur le contrat de travail. La référence à son identification auprès de l’Insee a une valeur de présomption simple.

Lorsque le salarié revendique l’application d’ une autre convention collective que celle appliquée par l’employeur, il lui appartient de rapporter la preuve que l’activité principale de l’entreprise entre bien dans le champ d’application de la convention collective qu’il invoque. Il convient au préalable de rechercher l’activité principale exercée par l’entreprise au vu des pièces produites aux débats.

Il en résulte que :

– la société Bois et Matériaux référencée initialement sous le numéro NAF 51-5 E de la nomenclature INSEE se rapportant à une activité de ‘Commerce de gros de bois et de produits dérivés’ est passée en 2008 dans le secteur d’activité ‘Commerce de gros de bois, de matériaux de construction’ sous le numéro

APE 4673 A.

– elle était soumise à la CCN négoce du bois d’oeuvre et des produits dérivés du 17 décembre 1996 étendue par arrêté du 7 mai 1997 s’appliquant aux entreprises de commerce de gros de bois, panneaux et produits dérivés répertoriés sous le code NAF 51-5E. Dans le cas d’activités multiples (activités de commerces de gros commercialisant des articles relevant de branches différentes), la convention collective s’appliquera en fonction de l’activité principale déterminée en fonction du chiffre d’affaires le plus élevé.

– une nouvelle convention collective nationale des matériaux de construction, unifiant les trois conventions nationales des matériaux de construction et du bois, a été signée le 18 décembre 2015. Elle s’applique aux entreprises dont l’activité principale est le commerce de bois et de matériaux de construction ( code NAF 4673 A).

– l’arrêté d’extension du 21 mars 2017 de la convention collective des matériaux de construction a été annulé par le Conseil d’Etat le 18 septembre 2019 en tant notamment qu’il inclut dans son champ d’application des entreprises exerçant l’activité de commerce de gros de bois et dérivés du Bois visées par la convention du 17 décembre 1996.

La validité de la clause de non-concurrence doit être appréciée au regard des dispositions conventionnelles applicables entre la date de signature du contrat de travail, le 20 avril 2012, et le départ du salarié le 4 mars 2016.

Il résulte des documents comptables que l’activité principale de la société Bois et Matériaux était constituée en majeure partie au regard de la structure de son chiffre d’affaires durant la période du 1er août 2011 au 31 juillet 2012, figurant sur le bilan de l’année comptable clôturée au 31 juillet 2013 ( pièce 27) et des bilans suivants, par le négoce du bois et des dérivés du bois, englobant la vente des panneaux de bois, de produits d’isolation et les menuiseries intérieures/extérieures.

Les dispositions invoquées par le salarié sur la base de la nouvelle convention collective du négoce des matériaux de construction du 8 décembre 2015, applicable le 1er avril 2017 et dont l’arrêté d’extension du 21 mars 2017 a fait l’objet d’une annulation ultérieure par le Conseil d’Etat, n’étaient pas en vigueur à la période de conclusion et d’exécution du contrat de travail de M.[J]. Il ne peut donc pas sérieusement s’en prévaloir à l’appui de sa demande tendant à voir déclarer nulle la clause de non-concurrence.

La convention collective applicable à la relation de travail de M.[J] étant bien celle du négoce du bois et des dérivés du bois, le jugement sera confirmé sur ce point.

sur la validité de la clause de non-concurrence

M.[J] critique le jugement en ce qu’il a retenu la validité de la clause de non concurrence alors que :

– l’employeur ne rapporte pas la preuve que cette clause était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,

– les premiers juges n’ont effectué aucune recherche au regard des fonctions exercées et de la qualification du salarié pour vérifier que la restriction à la liberté du travail était justifiée.

La société Bois et Matériaux réplique que la clause insérée à son contrat de travail est licite, autorisée par la convention collective applicable, qu’elle est justifiée par les fonctions d’attaché commercial de M.[J], de ses compétences techniques et commerciales et ses rapports directs avec la clientèle, mais aussi de la spécificité des produits vendus et des clients.

Elle ajoute qu’elle a été informée de l’embauche de M.[J] par une société concurrente, la société Bretagne Matériaux dès le début de l’application de la clause, que malgré trois mises en demeure, le salarié n’a pas apporté la preuve du respect de la clause de non-concurrence alors qu’il poursuivait les mêmes activités commerciales dans son ancien secteur géographique et se prétendait de manière mensongère affecté dans une agence plus éloignée à [Localité 6].

La validité d’une clause de non concurrence est conditionnée au respect de trois critères cumulatifs : être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise, être limitée dans le temps et l’espace, comporter une contrepartie pécuniaire, le tout s’appréciant en tenant compte des spécificités de l’emploi du salarié.

La protection de ces intérêts s’apprécie non au regard de l’objet social, mais de l’activité réelle de l’entreprise.

La clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de M.[J] est ainsi libellée :

‘ Vous vous interdisez formellement à la rupture de ce contrat quelle que soit la partie qui a pris l’initiative de cette rupture et quels qu’en soient les motifs , de vous intéresser directement ou indirectement, pour votre compte ou pour celui d’un tiers, à une entreprise similaire susceptible de faire concurrence à notre entreprise, sous peine de dommages-intérêts irréductibles fixés à une année de l’ensemble de vos gains (..) Cette interdiction établie pour une durée d’un an est limitée à une zone de 100 km de rayon autour de votre agence d’affectation lors de la rupture(..). En contrepartie de cette clause de non-concurrence , vous percevrez mensuellement, quel que soit le motif de la rupture du contrat, une indemnité égale à 25% du salaire brut mensuel moyen perçu au cours des 12 derniers mois concernés par cette interdiction (…).’.

La clause de non-concurrence contestée vise bien le domaine d’activité de la société employeur. Les fonctions d’attaché technico-commercial de M.[J], l’amenant à avoir des contacts permanents avec la clientèle et à négocier les contrats en fonction d’éléments internes appartenant à l’employeur (fichiers clients, techniques commerciales, marges, tarifs pratiqués, notamment), justifient que l’employeur se prémunisse de l’utilisation potentielle de telles informations, et de la relation déjà établie avec les clients, aux fins de capter cette clientèle au profit d’une entreprise concurrente.

La clause ayant été valablement circonscrite géographiquement à 100 km de l’agence de [Localité 5], elle n’empêche pas le salarié d’exercer une activité professionnelle correspondant à ses compétences, les fonctions, accessibles avec la formation commerciale générale de M.[J], sa formation et son expérience de la négociation mentionnées dans son curriculum vitae ( pièce 19) et son profil Linkedin ( pièce employeur 31), pouvant être exercées dans d’autres domaines d’activité que le bois et les dérivés du bois, comme le confirme son recrutement ultérieur en novembre 2019 par un fournisseur en isolation. La clause est à la fois limitée dans le temps, avec une période de 12 mois n’excédant pas la période usuelle dans la profession.

La clause de non concurrence prévoit une contrepartie pécuniaire de 25 % de son salaire moyen correspondant à la somme de 643,50 euros par mois dont rien ne permet de caractériser qu’elle présenterait un caractère dérisoire au regard des restrictions à l’emploi qu’elle impose, le salarié ayant trouvé quelques jours après sa démission un travail dans le même domaine.

En conséquence, la clause de non concurrence insérée au contrat de travail de M. [J] avec la société Bois et Matériaux n’est pas nulle, comme l’a retenu à juste titre le conseil.

sur la violation de la clause de non-concurrence

M.[J] demande l’infirmation du jugement qui a retenu la violation de la clause de non-concurrence dans la mesure où :

– il n’a jamais démarché ses anciens clients de son précédent employeur,

– compte tenu des pressions exercées par la société Bois et Matériaux, il a convenu avec son nouvel employeur un transfert dans l’agence de [Localité 6] à partir du 1er octobre 2016, et jusqu’au mois de mars 2017, en dehors du secteur visé par la clause de non-concurrence.

– il justifie de son travail effectif dans le secteur de [Localité 6] en produisant des devis établis à son nom.

– la société Bois et Matériaux a adopté en décembre 2015 des méthodes jugées agressives envers ses concurrents en sollicitant notamment ses propres salariés pour débaucher les salariés des entreprises concurrentes.

La société Bois et Matériaux rétorque que la violation de l’obligation de non-concurrence par M.[J] est caractérisée dès le mois de mars 2016, lors de son recrutement par une société Bretagne Matériaux exerçant une activité similaire et concurrente dans le secteur de [Localité 5] et que l’avenant du mois d’octobre 2016 prévoyant un prétendu détachement de M.[J] dans une autre agence de [Localité 6] n’était destinée qu’à organiser fictivement le respect de la clause de non-concurrence, après réception d’une mise en demeure de l’avocat de l’ancien employeur.

La charge de la preuve de la violation de la clause de non-concurrence lui incombant, la société Bois et Matériaux rapporte la preuve que M.[J] est entré au service d’une ‘entreprise similaire susceptible de faire concurrence à notre entreprise’au sens des dispositions contractuelles dans le délai de 12 mois suivant son départ.

Il résulte en effet des débats que M.[J] a conclu le 7 mars 2016 un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Bretagne Matériaux, laquelle exerce son activité dans le domaine du négoce en gros des matériaux de construction et dispose 23 agences réparties sur les départements de l’Ille et Vilaine, des Côtes d’Armor et du Morbihan; qu’il travaillait au début de la relation contractuelle au sein de l’agence de [Localité 5], distante de plus de 2 km de son ancienne agence ( pièce 6); que l’avenant signé le 1er octobre 2016 par le salarié avec son nouvel employeur prévoyant une affectation temporaire au sein de l’agence de [Localité 6]’ est motivé par le ‘maintien de la clause de non-concurrence de son précédent employeur’ jusqu’au 1er mars 2017. Le nouvel employeur référencé sous le même code APE 4673 A que la société Bois et Matériaux correspondant au commerce de gros de bois et de matériaux de construction, doit être considéré comme une entreprise ayant un secteur d’activité similaire.

La preuve est également établie que M.[J] a déployé une activité commerciale, en méconnaissance de la clause de non-concurrence, dans un rayon de moins de 100 km de son ancienne agence de [Localité 5], et avant l’expiration du délai de 12 mois contractuellement prévu. Il résulte du témoignage de M.[C] ancien commercial de la société Bois et Matériaux, qu’ ‘il a vu et a été mis en concurrence sur le secteur de [Localité 5] avec M.[J], représentant de la société Bretagne Matériaux’ avec M.[Y] plâtrier, dont il résulte qu’il était un de ses anciens clients contrairement à ce qu’il a soutenu dans un premiers temps ( pièce 19) et avec M.[R] menuisier. M.[C] ajoute avoir vu M. [J] ‘ le 3 juin 2016 lors du festival Art Rock de [Localité 5], en qualité de représentant commercial VIP de la société Bretagne Matériaux’ afin d’y rencontrer des clients invités ainsi que des clients faisant partie du portefeuille de la société Bois et Matériaux.

Concernant la période allant du 1er octobre 2016 au 1er mars 2017 durant laquelle le salarié était contractuellement rattaché par avenant à l’agence de [Localité 6], M.[J] , pour démontrer qu’il respectait la clause de non-concurrence durant cette période, verse aux débats quelques devis (6) établis par ses soins, dont un devis daté du 1er décembre 2016 au profit de la société Courtais-Foubert.

Toutefois, le dirigeant de la société de menuiserie Courtais-Foubert affirmant n’avoir ‘jamais eu de contact avec M.[J]’, la société Bois et Matériaux rapporte la preuve que le devis transmis au client par l’agence de [Localité 6] de la société Bretagne Matériaux est différent de l’exemplaire fourni par M.[J] pour les besoins de la procédure en ce que le devis destiné au client ne porte pas le nom de M.[J] mais celui de M.[W], ce qui permet de remettre en cause la fiabilité du devis versé aux débats par M.[J]. La production de quelques devis établis pour le compte de l’agence de [Localité 6] ne suffit pas à établir que M.[J] travaillait de manière effective et régulière depuis le mois d’octobre 2016 au-delà des 100 km de son ancien secteur d’activité de [Localité 5].

Les explications que le salarié donne pour se justifier de son activité commerciale dans son ancien secteur ne sont pas pertinents, étant observé que son précédent employeur justifie lui avoir transmis des mises en demeure les 9 mars 2016, 20 avril 2016 restées sans réponse. Ses développements sur de prétendues ‘ actions agressives de la société Bois et matériaux’ à l’égard des sociétés concurrentes sont par ailleurs dépourvues d’intérêt dans le présent litige.

La société Bois et Materiaux rapporte donc sans conteste la preuve de la violation par M. [J] de sa clause de non concurrence.

M. [J] n’ayant jamais respectée la clause de non-concurrence malgré les mises en demeure adressées par son ancien employeur, il a perdu définitivement son droit à percevoir la contrepartie de la clause de non concurrence et doit rembourser la somme qu’il a perçue indûment à ce titre. En conséquence, la société Bois et Matériaux est fondée à obtenir le remboursement par M.[J] de la somme de 7 722 euros, en confirmation du jugement.

Le contrat de travail de M. [J] prévoit une clause pénale assurant à l’employeur une réparation forfaitaire équivalente à 12 mois de salaire en cas de violation de l’obligation de non concurrence par le salarié.

En application de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ou moins forte, néanmoins le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Si la clause pénale est justifiée, en ce que le non-respect de l’obligation de non concurrence cause un avantage au salarié, en facilitant chez son nouvel employeur le développement de son périmètre commercial et un préjudice de ce fait à l’ex employeur, la pénalité convenue apparaît excessive en son montant, et sera en conséquence, au regard des éléments produits aux débats, réduite à la somme de 12 000 euros, que M. [J] sera condamné à payer à la société intimée.

Le jugement sera infirmé uniquement sur le quantum.

Sur la demande de dommages-intérêts de M.[J] du fait de la clause de non-concurrence nulle

La clause de non-concurrence ayant été reconnue valide, M.[J] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts en raison de l’illicéité de la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail. Le jugement qui n’a pas motivé le rejet de cette demande sera complété sur ce point et confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de ce chef.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

L’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel n’est pas justifiée au regard de la situation respective des parties. La société intimée et M.[J] seront donc déboutés de leurs demandes respectives au titre des frais irrépetibles en cause d’appel.

Le jugement sera seulement confirmé en ses dispositions fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M.[J], partie perdante, doit être condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné M.[J] à payer à la SAS Bois et Matériaux la somme de 28 080 euros au titre de l’application de la clause pénale prévue au contrat de travail résultant de la violation de la clause de non concurrence,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et y ajoutant,

Condamne M.[J] à payer à la SNC Bois et Matériaux la somme de 12 000 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue au contrat de travail en raison de la violation de la clause de non concurrence,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles,

Condamne M.[J] aux dépens d’appel.

 

Le Greffier Le Président

 


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