Produits dérivés : 22 juin 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02548

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Produits dérivés : 22 juin 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02548
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TP/DD

Numéro 23/2171

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 22/06/2023

Dossier : N° RG 21/02548 – N°Portalis DBVV-V-B7F-H6G6

Nature affaire :

Demande présentée par un employeur liée à la rupture du contrat de travail ou à des créances salariales

Affaire :

[M] [W]

C/

S.A.S. BOIS & MATERIAUX

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 22 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 20 Mars 2023, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [M] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Maître LANGLA, avocat au barreau de TARBES

INTIMÉE :

Société PANOFRANCE venant aux droits de la S.A.S. BOIS & MATERIAUX

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître LIBERI de la SELAS BARTHELEMY, avocat au barreau de TOULOUSE, et Maître SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 08 JUILLET 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : F18/00216

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [M] [W] a été embauché par la société PBM Aquitaine (ensuite devenue la société Wolseley France Bois et Matériaux puis la société Bois & Matériaux à la suite d’une opération de fusion) le 8 septembre 2008, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en tant que Vendeur Interne Généraliste, niveau 3, échelon 3, coefficient 135 selon la convention collective du négoce de bois d’oeuvre et produits dérivés.

Ce contrat prévoyait une clause de non-concurrence aux termes de laquelle Monsieur [W] s’interdisait formellement d’entrer au service d’une société concurrente pendant 12 mois à compter de la rupture du contrat sur une zone de 50 kms de rayon autour de son agence d’affectation au moment de la rupture, ainsi que, le cas échéant, des autres agences auquel il aurait été affecté durant les 6 mois précédant cette rupture.

En contrepartie, il était prévu qu’il perçoive mensuellement, quel que soit le motif de la rupture du contrat, une indemnité égale à 25% du salaire brut mensuel moyen perçu au cours des 12 derniers mois, pendant le nombre de mois concernés par cette interdiction.

Par un avenant du 20 avril 2009, le poste de M. [W] a évolué vers le poste d’Attaché Technico-Commercial niveau ACT 4, coefficient 170. La limite géographique de la clause de non concurrence était portée à une zone de 100 kms de rayon autour de l’agence d’affectation au moment de la rupture, ainsi que, le cas échéant, des autres agences auquel il aurait été affecté durant les 6 mois précédant cette rupture.

D’autres avenants étaient par la suite régularisés entre les parties tout au long des relations contractuelles en 2011, 2015 et début 2017, lesquels reprenaient à chaque fois la clause de non-concurrence de manière strictement identique.

Enfin, un dernier avenant au contrat de travail de Monsieur [W] était conclu le 15 mai 2017, prévoyant que Monsieur [W] serait désormais rattaché à l’établissement de [Localité 5], à compter du 1er juin 2017.

Cet avenant reprenait la clause de non-concurrence de Monsieur [W] en l’assortissant d’une clause pénale et en la complétant légèrement, précisant désormais que, outre le fait de s’interdire d’entrer de quelque manière que ce soit au service d’une société concurrente, il s’interdisait également d’exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la société.

Par courrier en date du 12 décembre 2017, Monsieur [M] [W] a informé la société Bois et Matériaux de sa démission.

Cette dernière a accusé réception de cette démission le 15 décembre 2017 et a rappelé à M. [W] les termes de la clause de non-concurrence.

Le contrat a pris fin à l’issue du préavis, soit le 12 janvier 2018 au soir.

M. [W] a été embauché par la société Bigmat Toujas & Col à compter du 17 janvier 2018 suivant contrat signé le 15 décembre 2017.

La société Bois et Matériaux a adressé au salarié ses documents de fin de contrat et lui a versé chaque mois la contrepartie financière à son engagement de non-concurrence.

Estimant que la nouvelle activité professionnelle de M. [W] constituait une violation de la clause de non concurrence instituée, la société Bois et Matériaux a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de répétition de l’indu et de dommages et intérêts suivant requête du 2 août 2018.

Par jugement en date du 8 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Pau, statuant en formation de départage, a :

Dit que la clause de non concurrence contractuellement prévue dans le contrat de travail liant la société Bois et Matériaux et Monsieur [M] [W] est valide,

Débouté Monsieur [W] de l’intégralité de ses demandes,

Condamné Monsieur [M] [W] à rembourser la somme de 8.257,80 € bruts indûment perçue au titre de la contrepartie financière à l’obligation de non concurrence outre 825,84 € bruts au titre des congés payés afférents à la société Bois et Matériaux ;

Condamné Monsieur [M] [W] à payer 10.000 € de dommages et intérêts à la société Bois et Matériaux,

Condamné Monsieur [M] [W] à payer 1.000 € à la société Bois et Matériaux en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamné Monsieur [M] [W] aux dépens.

Par acte en date du 30 juillet 2021, Monsieur [W] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 28 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Monsieur [M] [W] demande à la cour de :

‘ Infirmer le Jugement du Conseil de Prud’hommes de Pau en date du 8 juillet 2021 en ce qu’il a :

Dit que la clause de non concurrence contractuellement prévue dans le contrat de travail le liant à la société Bois et Matériaux est valide,

L’a débouté de l’intégralité de ses demandes,

L’a condamné à rembourser la somme de 8.257,80 € bruts indûment perçue au titre de la contrepartie financière à l’obligation de non concurrence outre 825,84€ bruts au titre des congés payés afférents à la société Bois et Matériaux ;

L’a condamné à payer 10.000€ de dommages et intérêts à la société Bois et Matériaux,

L’a condamné à payer 1.000€ à la société Bois et Matériaux en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

L’a condamné aux dépens.

Statuant à nouveau,

‘ A titre principal :

juger que la clause de non concurrence figurant à l’avenant au contrat de travail en date du 15 mai 2017 est nulle et de nul effet,

en conséquence, débouter la société Panofrance venant aux droits de la société Bois & Matériaux de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

La condamner à lui restituer la somme de 7.115,37€ nets soit 9.083,64€ bruts, réglée au titre de l’exécution provisoire.

‘ A titre Subsidiaire :

juger qu’il a respecté la clause de non concurrence figurant à l’avenant au contrat de travail en date du 15 mai 2017,

en conséquence, débouter la société Panofrance venant aux droits de la société Bois & Matériaux de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

la condamner à lui restituer la somme de 7.115,37€ nets soit 9.083,64€ bruts, réglée au titre de l’exécution provisoire.

‘ A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour jugeait la clause de non concurrence licite, considérait qu’il n’avait pas respecté la clause de non concurrence figurant à l’avenant du 15 mai 2017, et le condamnait au remboursement de la contrepartie financière perçue :

juger que le remboursement desdites sommes devra être limité au montant net perçu par Monsieur [W],

Vu l’article 1231-5 du Code civil, réduire le montant des dommages et intérêts alloués à la société Panofrance venant aux droits de la société Bois & Matériaux au titre de la clause pénale à l’euro symbolique.

‘ En tout état de cause :

condamner la société Panofrance venant aux droits de la société Bois & Matériaux à lui payer la somme de 3.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

débouter la société Panofrance venant aux droits de la société Bois & Matériaux de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société Panofrance venant aux droits de la société Bois & Matériaux aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 27 décembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Panofrance, venant aux droits de la société Bois et Matériaux, demande à la cour de :

– confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Pau du 08 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

– confirmer que la clause de non-concurrence de Monsieur [W] est parfaitement valable ;

– confirmer que Monsieur [W] n’a pas respecté la clause de non-concurrence à laquelle il était contractuellement tenu ;

En conséquence,

– ordonner le remboursement par Monsieur [W] à son profit de la somme de 8.257,80 euros bruts indûment perçue au titre de la contrepartie financière à l’obligation de non-concurrence outre 825,84 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

– condamner Monsieur [W] à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause de non-concurrence ;

– condamner Monsieur [W] à lui payer la somme de 2.500,00 euros, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité de la clause de non concurrence

Le droit français reposant sur un principe de liberté contractuelle, employeurs et salariés sont a priori libres de faire figurer dans le contrat de travail individuel toutes clauses sur lesquelles ils sont parvenus à un accord, mais l’article L.1121-1 du code du travail prévoit que les restrictions apportées aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

L’objet d’une clause de non-concurrence est d’interdire au salarié, après la rupture de son contrat de travail, d’entrer au service d’une entreprise concurrente ou d’exercer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente à celle de son ancien employeur. Il est ainsi admis lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie, qu’il puisse être apportée une restriction à la liberté du travail de certains salariés par une clause de non-concurrence.

Tout contrat de travail peut, dès lors, contenir une clause de non-concurrence laquelle peut valablement figurer dans un écrit distinct du contrat de travail.

La clause de non-concurrence doit, pour être valable, obéir cumulativement aux conditions suivantes :

être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise ;

être limitée dans le temps et l’espace ;

tenir compte des spécificités de l’emploi ;

comporter une contrepartie pécuniaire.

Lorsque au moins une condition de validité fait défaut, s’il est trop gravement porté atteinte à la liberté du travail ou si les stipulations du contrat ne sont pas conformes à la convention collective applicable, le salarié, et lui seul, peut réclamer la nullité de la clause de non-concurrence.

En l’espèce, [M] [W] demande à titre principal la nullité de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis, faisant valoir qu’elle est imprécise et qu’elle n’est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.

La société Panofrance, venant aux droits de la société Bois & Matériaux lui oppose la motivation du jugement déféré qui a retenu la nature de son poste, son ancienneté et sa fonction pour considérer d’une part que la clause litigieuse avait pour objet la protection d’un intérêt légitime pour l’employeur et d’autre part que les limitations géographique et temporelle n’avaient pas pour effet d’étendre de façon indéterminée l’interdiction de concurrence faite au salarié.

Dans le cas présent, la relation contractuelle entre M. [W] et la société Bois et Matériaux a donné lieu à la rédaction d’une clause de non concurrence dont le contenue a évolué. Au dernier état de la relation de travail, elle était écrite comme suit :

« ARTICLE 10 – CLAUSE DE NON-CONCURRENCE :

Compte tenu de la spécificité du savoir-faire, des techniques, méthodes, formations mais également des documents et matériels mis à la disposition de Monsieur [M] [W] par la société, Monsieur [M] [W] s’engage, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, quelle qu’en soit la cause à ne pas :

Exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la société.

A la cessation du présent contrat de travail, quelle qu’en soit la cause et quel que soit la partie à l’origine de la rupture Monsieur [M] [W] s’interdit expressément de travailler ou de créer lui-même, directement ou indirectement, par personne physique ou morale, interposée ou non, pour son propre compte ou tout organisme, association, société concurrents de la société de façon habituelle ou occasionnelle.

Cette interdiction établie pour une durée de 12 mois est limitée à une zone de 100 kms de rayon autour de l’agence d’affectation de Monsieur [M] [W] lors de la rupture et, le cas échéant, des autres agences auxquelles Monsieur [M] [W] aurait été affecté pendant les six mois précédent cette rupture.

La durée de cette clause de non-concurrence est de 12 mois à compter de la cessation de ce présent contrat. En contrepartie de ces clauses définies ci-dessus et pendant toute la période, la société versera à Monsieur [M] [W] une indemnité mensuelle égale à 25% du salaire brut mensuel moyen perçu au cours des 12 derniers mois, pendant le nombre de mois concernés par cette interdiction.

En cas de violation de cette interdiction, Monsieur [M] [W] s’exposera au paiement par infraction constatée d’une indemnité fixée à une année de l’ensemble de ses gains, calculés sur le salaire brut mensuel moyen perçu au cours des 12 derniers mois d’activité sans préjudice du droit pour la société, de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l’entier préjudice, et ce sans aucune sommation que le simple constat d’un quelconque manquement.

Il est expressément convenu que la société pourra à tout moment en cours de contrat et dans un délai maximum de 15 jours suivant l’expiration du contrat de :

Réduire la durée d’application de cette clause de non-concurrence,

Libérer le salarié de cette interdiction, auquel cas l’indemnité prévue ci-dessus ne serait pas versée.

Monsieur [M] [W] reconnaît que, de par sa fonction, cette obligation de non-concurrence est essentielle à la protection des intérêts légitimes de la société, et qu’elle n’est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée à la liberté du travail au vu des limitations fixées dans l’espace et dans le temps ainsi que le type d’activité ciblée. »

Il importe de relever que M. [W] travaillait depuis plus de 9 ans pour la société Bois & Matériaux, d’abord comme vendeur généraliste puis, depuis plus de 7 ans, en tant qu’attaché technico-commercial.

Après avoir été affecté à [Localité 6] pendant plusieurs années, il a vu son lieu de travail établi à [Localité 5] par avenant en date du 15 mai 2017.

Ce dernier comportait également une clause de mobilité :

« ARTICLE 6 : LIEU DE TRAVAIL ‘ MOBILITE

A titre d’information, le lieu de travail de Monsieur [M] [W] est établi à [Localité 5].

L’exécution du présent contrat implique eu égard aux fonctions exercées par Monsieur [M] [W] des déplacements pour le compte de la société, chaque fois qu’ils apparaîtront utiles à l’accomplissement de toute mission lui incombant.

Monsieur [M] [W] ne saurait, dès lors, sauf cas de force majeure, se soustraire à de tels déplacements, sans remettre en cause unilatéralement l’existence du présent contrat dont cette disposition particulière constitue un élément essentiel.

Indépendamment des déplacements professionnels que Monsieur [M] [W] sera amené à effectuer dans le cadre de l’exécution de ses missions, Monsieur [M] [W] sera affecté comme précisé ci-dessus.

Toutefois, pour des besoins justifiés notamment par l’évolution de ses activités ou de son organisation, et plus généralement au fonctionnement de l’entreprise, la société se réserve le droit de muter Monsieur [M] [W] définitivement à l’intérieur du périmètre géographique suivant : 50 kms autour de son établissement de rattachement.

En cas de mise en ‘uvre de la r clause, Monsieur [M] [W] sera informé au moins 2 mois avant son affectation effective dans son nouveau lieu de travail. »

[M] [W] soutient que le périmètre visé par l’interdiction de non concurrence pouvait ainsi être étendu au gré de ses mutations et donc à la discrétion de l’employeur.

Or, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a relevé que, de par la fonction qu’il occupait au sein de la société Bois et Matériaux, à savoir attaché technico-commercial, M. [W] n’était pas amené à se déplacer régulièrement de sorte que la présence cumulée des deux clauses de non-concurrence et mobilité, elle-même très limitée dans l’espace, n’avait pas pour effet d’étendre de façon indéterminée l’interdiction de concurrence faite au salarié. De fait, aucun élément du dossier ne permet de constater l’existence de déplacements du salarié depuis son agence d’affectation.

Par la limitation dans le temps et dans l’espace qu’elle prévoit, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de M. [W], et plus particulièrement son dernier avenant, ne l’empêchait pas de retrouver un autre emploi compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelle.

Par ailleurs, la clause lui interdisait d’exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la société Bois et Matériaux, ou de travailler dans une entreprise concurrente de cette dernière, dont l’activité est la distribution de bois et de matériaux de construction en France, sous l’enseigne Panofrance pour ce qui concerne le secteur visé par la clause de non-concurrence. Panofrance est, selon son site internet, un distributeur spécialiste de bois et de panneaux (construction et agencement).

En visant la concurrence à la société Bois et Matériaux, la clause visait le domaine d’activité de celle-ci, parfaitement connu de M. [W], et nécessairement les produits concernés et en conséquence la clientèle visée.

La clause de non-concurrence apparaît donc précise quand à la nature des activités concernées et à sa limitation dans le temps et dans l’espace.

D’autre part, par sa fonction d’attaché technico-commercial, M. [W] disposait d’informations spécifiques sur le fonctionnement de cette société ainsi que sur les produits qu’elle vendait, de sorte que son employeur avait un intérêt légitime à l’insertion d’une clause de non-concurrence, ainsi que l’a justement motivé le jugement déféré.

Enfin, cette clause de non-concurrence prévoit une contrepartie financière pendant la durée prévue, soit un an en l’espèce, correspondant à 25% de la rémunération perçue par le salarié.

Il convient donc de considérer que l’insertion de la clause de non-concurrence dans le contrat de travail de M. [W], indispensable à la défense des intérêts légitimes de la société Panofrance venant aux droits de la société Bois et matériaux, ne porte pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail du salarié, de sorte qu’elle doit être déclarée valide.

Le jugement querellé sera donc confirmé de ce chef.

Sur la violation de la clause de non-concurrence

L’ancien salarié viole son obligation de non-concurrence s’il exerce une activité sans respecter les limites fixées par la clause.

La violation de la clause suppose donc l’accomplissement d’actes positifs, concrets. Mais par « actes concrets », il faut entendre la simple embauche chez un concurrent en violation de la clause, et non l’accomplissement d’actes effectifs de non-concurrence distincts et déjà consommés.

En l’espèce, la société Panofrance, qui vient aux droits de la société Bois & Matériaux, estime que l’embauche de M. [W] par la société Bigmat Toujas & Coll, juste après sa démission de ses effectifs, constitue une violation de la clause de non concurrence à laquelle il était soumis.

La société Bois et Matériaux exerce principalement dans le secteur de la distribution de bois et matériaux de construction.

Son site internet liste ainsi ses produits :

bois

panneaux

menuiserie

décoration intérieure

La société Bigmat vend pour sa part les produits suivants, ainsi que cela résulte de sa devanture :

matériaux de construction

cuisines

bain

carrelage

menuiseries

bricolage

Son site internet détaille un peu plus les produits en vente, parmi lesquels figurent :

bois bruts,

bois rabotés panneaux

menuiseries extérieures et intérieures

peinture décoration

Ces catégories de produits sont très semblables à celles distribuées par la société Bois et Matériaux, de sorte qu’il doit être considéré qu’elle exerce une activité concurrente à celle de l’intimée, quand bien même les conventions collectives applicables dans les deux entreprises sont différentes.

En travaillant au sein de la société Bigmat Toujas & Coll en tant qu’adjoint au chef d’agence, M. [W] s’est vu confier différentes missions listées par sa fiche de poste :

gestion administrative et logistique,

gestion commerciale ‘ développement gros ‘uvre

management en relation avec le chef d’agence

sécurité et environnement.

La clause de non-concurrence à laquelle il était soumis envers la société Bois et Matériaux lui « [interdisait] expressément de travailler ou de créer lui-même, directement ou indirectement, par personne physique ou morale, interposée ou non, pour son propre compte ou tout organisme, association, société concurrents de la société de façon habituelle ou occasionnelle », en précisant juste avant l’interdiction d’« exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la société ».

Or, alors qu’il était attaché technico-commercial au sein de la société Bois et Matériaux, M. [W] a vu ses missions étendues dans son nouveau poste.

Si la partie commerciale visait expressément le gros ‘uvre et non plus seulement le bois comme auprès de son précédent employeur, ses responsabilités l’amenaient à contrôler le bon fonctionnement de l’agence en général et à effectuer un management envers tous les salariés, en communiquant les informations nécessaires à la bonne marche de l’agence.

C’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les fonctions successives de M. [W] pouvaient ainsi être, pour partie, similaires ou concurrentes et que ce risque de concurrence était d’autant plus fort que l’appelant a pris ses nouvelles fonctions immédiatement après l’expiration de son préavis auprès de la société intimée.

En conséquence, il convient de confirmer la décision querellée qui a considéré que M. [W] n’avait pas respecté la clause de non-concurrence contractuellement prévue et l’a condamné à rembourser la somme de 8 257,80 euros indûment perçue au titre de la contrepartie financière à l’obligation de non-concurrence, outre 825,84 euros bruts pour les congés payés y afférents.

Par ailleurs, la clause de non-concurrence comportait une clause pénale à la charge de M. [W] en cas de violation de l’obligation de non-concurrence dont le montant représentait la somme de 33.031,20 euros, représentant une année de l’ensemble des gains du salarié.

La société Bois et Matériaux sollicite la confirmation du jugement déféré qui, en application de l’article 1231-5 du code civil, a réduit à la somme de 10000 euros le montant de la somme due par M. [W] à titre de dommages et intérêts.

Il importe de rappeler que l’existence d’une clause pénale ne nécessite pas la démonstration de l’existence et de l’étendue du préjudice de celui qui s’en prévaut. Elle est juste la fixation de façon forfaitaire des dommages-intérêts ou le plancher de ceux-ci qui seraient dus à l’employeur en cas de violation de l’obligation de non-concurrence par son ancien salarié.

Il résulte des éléments du dossier que, à réception de la lettre de démission de M. [W], la société Bois et Matériaux en a accusé réception et lui a rappelé qu’il était soumis à une clause de non-concurrence. Pour autant, M. [W] a, concomitamment, signé un contrat avec la société Bigmat Toujas & Coll qu’il a intégrée au lendemain de la fin de la relation contractuelle avec la société Bois et Matériaux.

Cette dernière a immédiatement écrit à son ancien salarié et à son nouvel employeur pour dénoncer la violation de la clause de non-concurrence tout en exécutant le versement de la contrepartie financière.

En considération de ces éléments, c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné à M [W] à payer à la société Bois et Matériaux la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en exécution de la clause pénale sanctionnant la violation de l’obligation de non-concurrence par l’ancien salarié.

Sur les demandes accessoires

[M] [W], qui succombe en son appel, sera condamné à en supporter les entiers dépens.

Il sera en outre condamné à payer à la société Panofrance, venant aux droits de la société Bois et Matériaux, la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Pau en date du 8 juillet 2021 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [M] [W] aux dépens d’appel ;

CONDAMNE M. [M] [W] à payer à la société Panofrance, venant aux droits de la société Bois et Matériaux, la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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