Produits dérivés : 16 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/18747

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Produits dérivés : 16 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/18747
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2022

N° 2022/211

N° RG 18/18747 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDM4B

[T] [E]

[H] [E]

[D] [E] épouse [K]

C/

[N] [B]

SAS NEOLIVE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Elie MUSACCHIA

Me Ouassini MEBAREK

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/07624.

APPELANTS

Monsieur [T] [E]

né le 14 Avril 1944 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]

Monsieur [H] [E]

né le 13 Mars 1975 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

Madame [D] [E] épouse [K]

née le 12 Avril 1972 à , demeurant [Adresse 1]

tous représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Marion HAINEZ, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Monsieur [N] [B], demeurant [Adresse 5]

SAS NEOLIVE, dont le siège social est sis [Adresse 2]

tous représentés par Me Ouassini MEBAREK, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pierre CALLOCH, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 28 février 1991, monsieur [R] [B] et monsieur [L] [C] ont déposé auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle la marque semi-figurative NICOLAS [E] en classe 29 pour désigner le produit huile d’olive. Cette marque a été cédée à la société NEOLIVE, gérée par monsieur [B], suivant acte daté du 3 mai 1993.

Par acte en date du 31 mai 1991, monsieur [G] [E] a cédé à la société [A] A HUILE [E], depuis dénommée société NEOLIVE, un fonds de commerce à enseigne [A] A HUILE [E] ayant pour objet la fabrication et le commerce en gros, demi-gros et détail d’huiles d’olive, salaisons, conserves et produits dérivés et achats de ce même produits.

Monsieur [B] a déposé le 6 octobre 2003 auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle la marque verbale NICOLAS [E], puis le 14 septembre 2006 le même signe en classes 6, 24 et 29 ainsi que la marque [A] [E] en classes 3, 24, 29, 30 et 43.

Par actes en date du 3 octobre 2008, [T] [E], [H] [E] et [D] [E] ont fait assigner la société NEOLIVE devant le tribunal de grande instance de NICE notamment pour obtenir l’annulation de l’enregistrement de certaines marques et l’octroi de dommages intérêts. Ils ont attrait à la cause monsieur [B] par acte en date du 23 octobre 2018. La société OLIVE a fait assigner [T] [E] devant la même juridiction par acte en date du 26 juin 2013. Après jonction de ces trois procédures, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de NICE s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de MARSEILLE.

Le 17 mai 2018, le tribunal de grande instance a prononcé le jugement comportant le dispositif suivant :

DÉBOUTE [T] [E], [H] [E] et [D] [E] épouse [K] de leur demande de dommages et intérêts au titre de l’utilisation abusive du patrimoine [E],

DIT que l’action en revendication de la marque française semi-figurative “Nicolas [E]” n° 1 647043 est prescrite,

DIT que l’action en annulation de la marque française semi-figurative “Nicolas [E]” n°l647043 est atteinte par la forclusion,

ANNULE l’enregistrement de la marque verbale “Nicolas [E]” n°324938l déposée le 6 octobre 2003 pour le seul service de restauration,

ANNULE l’enregistrement de la marque verbale “Nicolas [E]” n°3450309 déposée le 14 septembre 2006 par la société NEOLIVE pour les seuls produits et services suivants : métaux communs et leurs alliages ; matériaux de construction métalliques ; constructions transportables métalliques ; matériaux métalliques pour les voies ferrées ; câbles, fils et serrurerie métalliques non électriques; quincaillerie métallique ; tuyaux métalliques ; coffres-forts , minerais ; constructions métalliques ; échafaudages métalliques , boites en métaux communs ; coffres métalliques ; récipients d’emballage en métal ; monuments funéraires métalliques ; plaques d’immatriculation métalliques,

ANNULE l’enregistrement de la marque verbale [A] [E] n°3450297 déposée le 14 septembre 2006 par la société NEOLIVE pour les seuls produits et services suivants : cosmétiques ; lotions pour les cheveux ; dentifrices , dépilatoires ;produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ;produits de rasage ; produits pour la conservation du cuir (cirages) ; crèmes pour le cuir ; services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; crèches d’enfants ; exploitation de terrains de camping ; maisons de retraite pour personnes âgées ;pensions pour animaux.

DIT n’y avoir lieu a ordonner la radiation des marques déposées par les défendeurs, mais ORDONNE la transcription de la présente décision sur le Registre national des marques en ce qu’elle annule l’enregistrement des marques litigieuses pour certains produits et services,

DIT n’y avoir lieu a publication de la présente décision,

DÉBOUTE les consorts [E] de toutes leurs demandes aux fins d’interdiction d’utiliser les dénominations comportant la dénomination [E],

CONDAMNE in solidum les demandeurs a verser la somme de 1.500 euros a chacun des défendeurs sur le fondement de 1’article 700 du Code de procédure civile,

DÉBOUTE la société NEOLIVE de ses demandes reconventionnelles dirigées contre [T] [E],

DÉBOUTE les défendeurs de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE les demandeurs aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu a exécution provisoire de la présente.

Les consorts [E] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 28 novembre 2018.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance en date du 4 avril 2022 fixant la date d’audience de plaidoirie le 2 mai 2022.

A l’appui de leur appel, les consorts [E] par conclusions déposées par voie électronique le 19 août 2019, après avoir rappelé l’historique des relations entre les parties, soutiennent que la société NEOLIVE et monsieur [B] ont abusé des droits acquis au titre de l’acte de cession de fonds de commerce en date du 31 mai 1991, celui ci n’ayant transmis que le droit d’utiliser le patronyme [E] dépendant de l’enseigne et du nom commercial, et dans le seul cadre de l’activité objet du fonds. Ils allègent l’existence d’une captation des prénoms et de l’histoire de la famille [E] et demandent à être indemnisé à hauteur de la somme de 20 000 € de ce chef.

Ils invoquent la mauvaise foi dont aurait fait preuve les intimés lors du dépôt de la marque semi-figurative NICOLAS [E] le 28 février 1991, l’absence de droit sur le prénom Nicolas rendant nul le dépôt de la marque NICOLAS [E] le 6 octobre 2003, cette nullité résultant en outre du caractère frauduleux du dépôt et du caractère notoire du patronyme [E]. A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de prononcer l’annulation partielle de cette marque pour les services non compris dans l’activité du fonds cédé. Ils demandent à la cour, sur les mêmes fondements, de prononcer la nullité totale, ou subsidiairement partielle, des marques NICOLAS [E] et [A] [E] déposées le 14 septembre 2006.

Les consorts [E] demandent à être indemnisés du préjudice résultant du dépôt des marques, évalué à la somme de 15 000 €, et invoquent en outre un préjudice résultant de l’atteinte portée à la réputation de leur famille notamment du fait d’un reportage télévisé, d’un article de quotidien et du conditionnement utilisé par les intimés dans le cadre de leur activité.

Au terme de leurs conclusions, les consorts [E] demandent à la cour de :

– condamner la société NEOLIVE à leur verser une somme de 20 000 € en réparation du préjudice moral lié à l’utilisation abusive du patrimoine [E].

– ordonner le transfert de propriété de la marque NICOLAS [E] n°1647043 déposée le 28 février 1991 à leur profit et ordonner l’inscription de ce transfert.

– prononcer la nullité de la marque NICOLAS [E] n°3249381 déposée le 6 octobre 2003 et subsidiairement sa nullité pour les produits service de restauration, cosmétiques, lotions pour cheveux.

– prononcer la nullité de la marque NICOLAS [E] n°3450309 déposée le 14 septembre 2006 et subsidiairement prononcer sa nullité pour les produits métaux communs et leurs alliages ; matériaux de construction métalliques ; constructions transportables métalliques ; matériaux métalliques pour les voies ferrées ; câbles, fils et serrurerie métalliques non électriques; quincaillerie métallique ; tuyaux métalliques ; coffres-forts , minerais ; constructions métalliques ; échafaudages métalliques , boites en métaux communs ; coffres métalliques ; récipients d’emballage en métal ; monuments funéraires métalliques ; plaques d’immatriculation métalliques,

– prononcer la nullité de la marque [A] [E] n°3450297 déposée le 14 septembre 2006 et subsidiairement prononcer sa nullité pour les produits préparations pour nettoyer et autres.

– Condamner la société NEOLIVE à leur verser la somme de 15 000 € en réparation du préjudice moral résultant du dépôt de ces marques, la somme de 10 000 € en réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte à leur réputation.

– condamner solidairement monsieur [B] et la société NEOLIVE au paiement d’une somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société NEOLIVE et monsieur [B], par conclusions déposées par voie électronique le 20 mai 2019, contestent l’historique et les éléments factuels rapportés par les appelants. Ils demandent à la cour de confirmer la prescription frappant l’action en nullité de la marque déposée le 28 février 1991 et concluent à la validité des autres marques contestées, rappelant

notamment les règles relatives à l’utilisation des noms patronymiques en tant que marques et contestant toute intention frauduleuse lors de leur dépôt. Ils rappellent en particulier pour ce faire les stipulations de l’acte de cession des fonds de commerce et la désignation y étant faite de leur activité. Ils contestent la qualité des consorts [E] à agir sur le fondement des faits par eux allégués au soutien de leur demande en dommages intérêts et font observer qu’en toute hypothèse ni les faits, ni les préjudices ne sont établis. Au terme de leurs écritures, ils demandent à la cour de :

DÉCLARER l’appel des Consorts [E] mal fondé,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 mai 2018,

DIRE ET JUGER qu’il n’existe aucune utilisation abusive du patrimoine [E].

DÉBOUTER la famille [E] de sa demande de dommages et intérêts a cet égard.

DÉBOUTER les Consorts [E] de leur demande de transfert de propriété par subrogation des marques françaises semi-figuratives qu’ils revendiquent à savoir n°1647043 déposées le 28 février 1991.

DIT n’y avoir lieu a nullité de la marque française Nicolas [E] déposée le 06 octobre 2003 sous le numéro 3249381,

DIRE n’y avoir lieu même a titre subsidiaire a la nullité de la marque française Nicolas [E] déposée le O6 octobre 2003 sous le numéro 3249381 pour les produits et services suivants: services de restauration alimentation, cosmétiques, lotions pour cheveux.

DIRE n’y avoir lieu a nullité de la marque française Nicolas [E] déposée le 14 septembre 2006 sous le numéro 3450309.

DIRE n’y avoir lieu a nullité de la marque française : ‘ [A] [E]’ déposée le 14 septembre 2006 sous le numéro 3450297 ni a nullité de la marque française Nicolas [E] 3450297 a titre subsidiaire pour les produits invoqués par les appelants.

DÉBOUTER les Consorts [E] de Ieur demandes de dommages et intérêts a hauteur de 15.000,00 euros en réparation du prétendu préjudice moral resultant des atteintes invoquées, outre leur demande a hauteur de 10.000,00 euros chacun a titre de dommages et intérêts en réparation de Ieur prétendu préjudice moral resultant de l’atteinte a Ieur réputation, outre le débouté de la condamnation relative à l’article 700 a hauteur de 20.000,00 euros et la condamnation aux dépens.

CONDAMNER Ies Consorts [E] solidairement ou à défaut in solidum au paiement de la somme de 50.000,00 euros a titre de dommages et intérêts pour préjudice moral causé a la société NEOLIVE outre le paiement d’une somme de 20.000,00 euros au profit de Monsieur [N] [B], outre la condamnation des Consorts [E] solidairement ou a défaut in solidum a payer à la SAS NEOLIVE et à Monsieur [N] [B] la somme de 10.000,00 euros a titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, outre la somme de 10.000,00 euros chacun sur la base de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’en tous Ies dépens de premiere instance et d’appel dont distraction est requise au profit de Maître MEBAREK.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en dommages intérêts pour utilisation abusive du patronyme [E]

L’acte de cession de fonds de commerce en date du 28 février 1991 stipule expressément en la page 2 que l’acquéreur, la société [A] A HUILE [E], ‘aura le droit d’utiliser le patronyme [E] dépendant de l’enseigne et du nom commercial, le vendeur lui accordant tous droits à cet effet, mais uniquement dans le cadre de l’activité objet du fonds’.

Les consorts [E] ne disposent pas d’un droit privatif sur les prénoms [I] ou [S], ou sur le nom [O] ; ils ne disposent pas plus, dans leur patrimoine, d’un droit de propriété ou d’usage sur des citations attribuées à [S] [P], sur des reproductions photographiques ou sur des éléments historiographiques relatifs à la famille [E] ; ils ne peuvent prétendre en conséquence que la reprise de ces éléments constitue une utilisation abusive du patronyme [E] à la disposition de la société NEOLIVE dans le cadre de l’activité du fonds de commerce cédé ; ils ne démontrent par ailleurs pas en quoi l’utilisation de ce patronyme et des éléments associés constituerait une atteinte à leur patrimoine, ou une faute délictuelle occasionnant pour eux un dommage ; c’est dès lors à bon droit que les premiers juges ont écarté la demande en dommages intérêts fondée sur l’existence d’un abus de droit.

Sur le dépôt frauduleux de la marque semi-figurative NICOLAS [E] n° 1647043

Les pièces 6, 17 et 37 visées par les consorts [E] démontrent que monsieur [E] a déposé en 1925 une marque semi-figurative NICOLAS [E] reproduisant l’étiquette placée sur les bouteilles produites ; elles ne prouvent par contre pas que monsieur [E], déposant, ait été lui-même l’auteur du dessin de l’étiquette ; et qu’il puisse en conséquence invoquer un droit d’auteur à titre d’antériorité ; par ailleurs, il n’est ni allégué, ni démontré qu’au jour du dépôt de la marque par messieurs [B] et [C] le 28 février 1991, la marque NICOLAS [E] enregistrée en 1925 était encore valable.

Le dépôt le 28 février 1991 de la marque NICOLAS [E] est antérieur d’un peu plus de deux mois à la signature de l’acte de cession de fonds de commerce ; cette antériorité ne démontre nullement que la marque a été déposée en fraude des droits des cédants, monsieur et madame [G] [E], ceux ci ayant expressément autorisé l’utilisation de leur patronyme pour l’exploitation du fonds et ne pouvant ignorer que la commercialisation des produits nécessitait de protéger le signe [E] par le dépôt d’une marque.

Il résulte de ces éléments que les premiers juges ont retenu de manière pertinente que le dépôt de la marque NICOLAS [E] ne se heurtait à aucune antériorité au sens de l’article L 711-4 du Code de la propriété intellectuelle et ne pouvait être considéré comme effectué dans une intention frauduleuse.

Sur la nullité de la marque verbale Nicolas [E] 3249381 déposée le 6 octobre 2003

Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, il a été concédé à la société NEOLIVE le droit d’utiliser le patronyme [E] dans le cadre de l’activité du fonds de commerce vendu le 31 mai 1991, cette utilisation pouvant se concrétiser en l’absence de toute disposition contraire par le dépôt de ce signe en tant que marque ; l’adjonction d’un prénom, en l’espèce NICOLAS, au signe [E] ne peut être considérée comme portant atteinte à un droit privatif et dès lors comme une cause de nullité du signe déposé, les consorts [E] ne disposent d’aucun droit sur le dit prénom ne présentant aucune originalité, et ce quand bien même ce prénom a été utilisé par la famille [E] pour la commercialisation de savonnettes (pièce 16 appelants) en étant adjoint au patronyme ; enfin, à bon droit, les premiers juges ont retenu que les pièces versées aux débats ne démontraient nullement que le nom [E] bénéficiait d’une notoriété au sens du Code de la propriété intellectuelle, c’est à dire qu’il s’agissait d’un nom célèbre ou rare dont l’utilisation pourrait générer un risque de confusion pour les consommateurs ; il sera observé que les articles de presse ou d’ouvrages versés par les appelants démontrent certes que la marque [E] dispose d’une certaine notoriété locale, mais non pas que le patronyme lui-même est identifié comme désignant une famille connue du grand public.

L’utilisation du patronyme [E] comme marque doit être limitée, conformément aux stipulations de l’acte du 28 février 1991, à l’activité du fonds cédé, soit ‘ la fabrication et commerce en gros, demi-gros et détail d’huiles d’olives, salaison, conserves alimentaires et produits dérivés, achat et vente en gros, demi-gros et détail d’olives, d’huiles comestibles, de produits alimentaires, de savons et lessives ‘ ; les appelants sont fondés à soutenir que ce même patronyme ne peut être déposé en tant que marque pour désigner des produits et services autres que ceux constituant l’activité du fonds ; il y a lieu en conséquence de confirmer la décision ayant annulé la marque en ce qui concerne le service de restauration, mais aussi d’ajouter aux produits ne pouvant être désignés les cosmétiques et lotions pour les cheveux.

Sur la nullité de la marque NICOLAS [E] 3450309 déposée le 14 septembre 2006 et de la marque [A] [E] 3450297

Pour les mêmes motifs qu’exposés au paragraphe précédent, il convient de confirmer la décision ayant annulé l’enregistrement de ces deux marques pour tous les produits et services ne relevant pas de l’activité du fonds de commerce telle que décrite à l’acte de cession.

Sur la demande d’indemnisation du fait de l’exploitation des marques

Les premiers juges ont à bon droit relevé que les consorts [E] pouvaient invoquer un préjudice moral du fait de l’utilisation de leur patronyme pour désigner des produits non désignés dans la cession du fonds de commerce ; ils ont cependant à tort oublié de reprendre dans le dispositif le montant par eux fixé de ce préjudice, par eux évalué à 1 000 €, et considéré que les appelants ne justifiaient pas d’une utilisation effective, et ce malgré la production d’un constat d’huissier faisant état de la commercialisation de produits tels que torchons, tabliers, sacs et bougies ; il convient en conséquence de confirmer le jugement ayant retenu l’existence d’un préjudice, et de condamner la société NEOLIVE au paiement d’une somme de 1 000 €, montant estimé par la cour comme réparant l’intégralité du préjudice moral subi.

Sur la demande d’indemnisation pour atteinte à la réputation de la famille [E]

Les documents versés par les appelants ne permettent pas d’affirmer que la société NEOLIVE exploite le fonds de commerce d’une manière de nature à porter atteinte à la réputation de la famille [E] ; les énonciations concernant les procédés de fabrication et l’existence de fraudes ne sont nullement étayées ; la société NEOLIVE verse au demeurant de nombreux articles de presse mettant en lumière la qualité de leur production, et ce alors que le reportage télévisé ou l’article daté du 21 août 2018 apparaissent trop imprécis ou généraux pour identifier la marque [E] comme désignant des huiles ou olives de mauvaise qualité ou trompeuses ; il convient en conséquence de confirmer le jugement ayant débouté les consorts [E] de leur demande en dommages intérêts.

Sur les demandes reconventionnelles en dommages intérêts pour procédure abusive

Même si les prétentions des consorts [E] sont en grande partie jugées non fondées, les éléments du dossier ne démontrent pas que’elles ont été émises dans l’intention de nuire à la société NEOLIVE ; la décision ayant refusé de les condamner pour procédure abusive sera en conséquence confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les consorts [E] succombant en la plupart de leurs prétentions émises en appel, ils seront condamnés à verser à la société NEOLIVE une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

– CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 17 mai 2018 dans l’intégralité de ses dispositions, sauf en ce qui concerne l’étendue de l’annulation de la marque Nicolas [E] n°3249381 et les dommages intérêts dus aux consorts [E].

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

– ANNULE l’enregistrement de la marque verbale Nicolas [E] n°3249381 déposée le 6 octobre 2003 pour les services et produits restauration, cosmétiques, lotions pour cheveux.

– CONDAMNE la société NEOLIVE à verser aux consorts [E] pris ensemble la somme de 1 000 € en réparation du préjudice subi du fait de l’utilisation de la marque Nicolas [E] pour la commercialisation de produits non visés dans l’acte de cession de fonds de commerce.

Ajoutant à la décision déférée,

– DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

– CONDAMNE les consorts [E] pris ensemble à verser à la société NEOLIVE la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– MET l’intégralité des dépens à la charge des consorts [E], dont distraction au profit des avocats à la cause en ayant fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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