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à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 14 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/05056 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PSEB
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 23 SEPTEMBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2022009134
APPELANTE :
S.A. NEOMERYS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Charlotte BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. AMAJ ès qualités d’administrateur judiciaire de la SA NEOMERYS, prise en la personne de Maître [G] [O] domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.E.L.A.S. OCMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la SA NEOMERYS prise en la personne de Maître [L] [U] domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 04 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 JANVIER 2023,en chambre du conseil, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA
Ministère public :
L’affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
La SA Neomerys, immatriculée le 4 septembre 2014 au registre du commerce et des sociétés de Montpellier, a pour activité la culture d’algues et la vente de tous produits dérivés, la recherche et le développement en biotechnique et opérations liées aux installations photovoltaïques et la recherche et le développement en biotechnologie ; elle a plus particulièrement conçu et développé un projet de biocarburant à base de micro-algues génétiquement manipulées.
Jusqu’à courant 2019, la société Neomerys a bénéficié du crédit impôt recherche (CIR) pour le financement de ses dépenses de recherche et de développement s’imputant sur l’impôt sur les sociétés et permettant d’obtenir, lorsque le crédit est d’un montant supérieur à l’impôt, le remboursement du reliquat.
Au titre de l’exercice 2019, la demande de remboursement d’un montant de 489 740 euros au titre du CIR a été refusée par l’administration fiscale et au titre de l’exercice 2020 la demande de remboursement présentée par la société Neomerys à hauteur de 2 370 259 euros n’a été acceptée qu’à hauteur de 15 981 euros ; pour l’exercice 2021, la demande de remboursement au titre du CRI a été faite pour la somme de 2 185 028 euros.
Le 3 juin 2022, le dirigeant de la société Neomerys a effectué une demande tendant à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, faisant état d’un passif exigible de 5 991 588 euros dont 1 125 462 euros au titre de la TVA, et d’un montant d’actifs s’élevant à 9 536 717 euros incluant notamment une créance client de 4 462 040 euros sur une société Nausitoe ; le dirigeant exposait que les difficultés de l’entreprise étaient dues, pour l’essentiel, au défaut de paiement de la somme de 2 370 259 euros au titre du CIR afférent à l’exercice 2020.
Par jugement du 13 juin 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a notamment constaté l’état de cessation des paiements de la société Neomerys, ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 13 juin 2022, désigné la Selarl Amaj représentée par M. [O] en qualité d’administrateur et la Selas OCMJ représentée par M. [U] en qualité de mandataire judiciaire et dit que l’affaire sera rappelée en chambre du conseil à l’audience du 26 août 2022.
La Selarl Amaj ès qualités a déposé, le 4 août 2022, une requête aux fins de conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, faisant état des éléments suivants :
« Dans un premier temps, l’administrateur judiciaire a pris contact avec les services fiscaux pour solliciter le paiement des créances de crédit d’impôt recherche des exercices 2020 et 2021.
S’agissant du crédit d’impôt recherche 2019, une procédure contentieuse était déjà en cours devant le tribunal administratif de Montpellier. Par jugement en date du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société Neomerys. Se pose désormais la question de savoir s’il faut relever appel de cette décision, étant observé que la société ne dispose d’aucune trésorerie.
S’agissant des demandes de crédit impôt recherche 2020 (acceptation partielle) et 2021, l’administrateur judiciaire en a demandé le paiement.
L’administrateur judiciaire a également sollicité auprès de la société Nausitoe le paiement de la créance de 4 062 040 euros.
Enfin et compte tenu de l’absence de trésorerie et de perspective de recouvrement rapide, il a été mis en ‘uvre une recherche de repreneurs. Des publicités ont été faites sur le site “cnajmj” et dans le journal les Échos. La date limite de dépôt des offres a été fixée au 22 août 2022.
(‘)
La société Neomerys ne dispose d’aucune trésorerie ; dans ce contexte et sans attendre le terme de la recherche de repreneurs, l’administrateur judiciaire sollicite donc la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire ».
C’est dans ces conditions que par jugement du 23 septembre 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a, entre autres dispositions, constaté que la situation de la société Neomerys est irrémédiablement compromise, converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, mis fin à la période d’observation et à la mission de l’administrateur judiciaire et désigné la Selas OCMJ représentée par M. [U] en qualité de liquidateur judiciaire.
La société Neomerys a régulièrement relevé appel, le 4 octobre 2022, de ce jugement.
Elle demande la cour, dans ses conclusions déposées le 10 novembre 2022 via le RPVA, de :
(…)
-dire et juger toute demande de liquidation judiciaire irrecevable comme contraire aux intérêts des créanciers,
-dire et juger en outre le jugement du 23 septembre 2022 dénué de motivation,
-constater enfin que les conditions de la liquidation judiciaire ne sont nullement réunies et ce faisant,
-infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Montpellier,
-dire ne pas y avoir lieu a liquidation judiciaire,
-ordonner, à compter de l’arrêt à intervenir, la reprise de la période d’observation ouverte par le jugement de redressement judiciaire prononcé le 13 juin 2022 à son bénéfice,
-la renvoyer à poursuivre la procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce de Montpellier devant ladite juridiction et avec les organes désignés par le jugement de redressement judiciaire prononcé le 13 juin 2022.
Au soutien de son appel, elle expose pour l’essentiel que ni l’administrateur judiciaire, ni le mandataire judiciaire, tous deux demandeurs à la liquidation judiciaire, ne justifient d’un intérêt légitime à la solliciter, que la liquidation judiciaire, qui mettra un terme aux recherches en cours, stoppera tout espoir de valorisation des actifs immobilisés (les souches mutantes d’algues destinées à développer un biocarburant) et ne permettra pas le recouvrement des créances au titre du CIR, que le jugement du tribunal comporte des motifs d’ordre général et péremptoires, que la société n’ayant pas de salariés, ni de charges sociales, la poursuite de la période d’observation ne l’exposera à aucune charge significative, que l’administrateur judiciaire détient une somme de 15 981 euros versée à titre d’acompte sur le CIR de l’exercice 2020 et qu’elle est en mesure de présenter un plan de redressement, sachant que le passif non contesté n’est que de 1 656 070,38 euros.
La Selarl Amaj et la Selas OCMJ ès qualités, dont les conclusions ont été déposées le 12 décembre 2022 par le RPVA, sollicitent de voir confirmer le jugement entrepris, estimant le redressement de la société Neomerys manifestement impossible.
Le dossier de l’affaire a été communiqué au ministère public qui a donné un avis consistant à s’en rapporter.
Instruite conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, la procédure a été clôturée par ordonnance du 4 janvier 2023.
MOTIFS de la DECISION :
Aux termes de l’article L. 631-1 du code de commerce : « Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. Cette condition s’apprécie, s’il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l’activité ou les activités professionnelles. La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l’issue d’une période d’observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l’article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l’administrateur judiciaire ».
Selon les dispositions combinées des articles L. 631-19 I et L. 626-1 du même code, un plan de redressement doit être arrêté lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être redressée et le plan, ainsi arrêté, qui met fin à la période d’observation, peut comporter, s’il y a lieu, l’arrêt, l’adjonction ou la cession d’une ou de plusieurs activités ; il résulte du I de l’article L. 631-15 qu’au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes et du II de ce même article qu’à tout moment de la période d’observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du ministère public ou d’office, peut ordonner la cessation partielle de l’activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; enfin, l’article L. 640-1, alinéa 1er du code de commerce énonce qu’il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l’article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En l’occurrence, il ne peut être soutenu que la Selarl Amaj, en sa qualité d’administrateur judiciaire, se trouve dépourvue d’intérêt à solliciter la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, demande à laquelle la Selas OCMJ, mandataire judiciaire, s’est associée, alors qu’en vertu du II de l’article L. 631-15 du code de commerce, susvisé, les organes de la procédure sont recevables à saisir le tribunal d’une demande visant au prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d’observation ; le tribunal, sur la base des éléments contenus dans le rapport de l’administrateur judiciaire, a également retenu que la société Neomerys ne disposait d’aucune trésorerie malgré les démarches entreprises auprès de l’administration fiscale pour recouvrer les sommes réclamées au titre du CIR, que la recherche de repreneurs initiée par l’administrateur judiciaire n’avait pas abouti en dépit des publicités et des démarches effectuées, que le passif déclaré s’élevait, avant contestation, à 6 118 110,38 euros, que la société n’était donc pas en mesure d’assurer le financement de la période d’observation et que la présentation d’un projet de plan de redressement ne pouvait être envisagée ; il ne peut dès lors être soutenu que le tribunal s’est appuyé, pour fonder sa décision, sur des motifs d’ordre général et prétendument péremptoires.
Il n’est pas contesté, par ailleurs, qu’au cours de la période 2018-2019, la société Neomerys n’a dégagé aucun chiffre d’affaires significatif, hormis au cours de l’exercice 2020, à la suite de la vente, pour un montant de 4 462 040 euros, d’un matériel de biologie et de souches de micro-algues à la société Nausitoe, précision faite que cette créance n’a toujours pas été recouvrée malgré les démarches de l’administrateur judiciaire ; au surplus, sur les exercices 2020 et 2021, la société a enregistré une perte cumulée de 4 036 402 euros.
Même si elle n’a pas de salariés, ni de charges sociales à régler et, étant hébergée gratuitement par une autre société (sic), n’a pas à faire face à des charges locatives, la société Neomerys ne peut prétendre que la somme de 15 981 euros, correspondant au montant lui ayant été alloué au titre du CIR de l’exercice 2020, lui permettra de financer la poursuite de la période d’observation, alors qu’elle chiffre elle-même ses dépenses de fonctionnement à 3 089 752 euros hors dépenses de personnel dans sa demande de CIR de l’exercice 2021 et qu’elle doit assumer des frais de justice, notamment dans le cadre des diverses procédures l’opposant à l’administration fiscale en contestation des décisions sur ses demandes de CIR au titre des exercices 2019 (sa contestation a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 4 juillet 2019 ayant fait l’objet d’un recours actuellement pendant devant la cour administrative d’appel de Toulouse) et 2020 (sa contestation d’un rejet à hauteur de 2 354 278 euros est actuellement pendante devant le tribunal administratif de Montpellier).
Le passif déclaré s’élève à 6 275 948 euros incluant une créance d’un montant de 4 561 000 euros déclarée à titre chirographaire par la société Nausitoe au titre d’une facture 20220501 du 31 mai 2022 « acompte sur livraison de biens », qui a été contestée ; ainsi, même en faisant abstraction de cette créance (une procédure visant à l’extension à la société Nausitoe de la procédure collective de la société Neomerys est actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Montpellier en raison de l’existence, alléguée, de relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines entre ces deux sociétés), le passif que la société Neomerys serait amené à apurer, dans le cadre d’un plan, représente a minima une somme de 1 714 948 euros.
Or, en l’état actuel, la société Neomerys qui, n’ayant pas d’activité de production, ne dégage pas de chiffre d’affaires et ne peut disposer au mieux que de la seule somme de 48 935 euros lui ayant été allouée au titre du CIR des exercices 2019 et 2020 (15 181 euros + 33 754 euros) n’apparaît pas en mesure de poursuivre son activité et de présenter un plan de redressement permettant un apurement d’un passif de l’ordre de 1,7 M€ ; la perspective de se voir allouer dans un avenir proche des sommes variant de 1,5 à 2,3 M€ au titre du CIR des exercices 2020, 2021 et 2022 apparaît hypothétique, tout comme le recouvrement de la créance de 4 462 040 euros détenue sur la société Nausitoe, impayée depuis 2020 ; enfin, force est de constater que la société Neomerys a pour seuls actifs des matériels d’exploitation et mobiliers de bureau d’une valeur nette comptable de 29 000 euros, sachant qu’elle indique elle-même dans ses conclusions d’appel que les immobilisations correspondant aux souches mutantes d’algues destinées à développer un biocarburant sont dénuées de valeur.
C’est dès lors à juste titre, en fonction des éléments d’appréciation qui lui étaient soumis, que le tribunal a considéré que la société Neomerys n’était pas en mesure de financer la poursuite de la période d’observation et que son redressement était manifestement impossible ; le jugement entrepris doit ainsi être confirmé dans toutes ses dispositions.
Les dépens d’appel devant être employés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, après débats en chambre du conseil,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Montpellier
Dit que les dépens d’appel doivent être employés en frais privilégiés de procédure collective.
le greffier, le président,