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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Arion, société anonyme, dont le siège est …,
en cassation d’un arrêt rendu le 29 mars 1996 par la cour d’appel de Paris (21e chambre B), au profit de Mme Laurence Y…, demeurant …,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l’audience publique du 27 octobre 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Brissier, Finance, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Soury, Besson, Mme Duval-Arnould, M. Liffran, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Arion, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X…, dite Taos X…, artiste chanteuse, a conclu avec la société Arion plusieurs contrats successifs dits “d’enregistrement” les 22 mai 1970, 22 avril 1972, 23 novembre 1973 et 22 janvier 1975 ; que ces contrats prévoyaient le paiement à Mme X… d’une redevance consistant en un pourcentage sur les ventes des reproductions des enregistrements ; qu’après le décès de Mme X… survenu le 2 avril 1976, les redevances ont été versées à sa fille, Mme Y… ; que la société Arion ayant cessé tout versement à compter du 21 octobre 1987 au motif qu’elle n’était tenue au paiement des redevances que durant la vie de l’artiste, Mme Y… a saisi la juridiction prud’homale en réclamant le paiement des redevances et en demandant la résiliation judiciaire des contrats ainsi que la restitution des bandes matrices originales ;
Attendu que la société Arion fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 29 mars 1996), d’avoir prononcé la résiliation des contrats d’enregistrement et de lui avoir en conséquence ordonné de remettre à Mme Y…, l’original ou une copie des phonogrammes réalisés au titre des contrats d’enregistrement, alors, selon le moyen, que les contrats d’enregistrement conclus par Mme X… et la société Arion qui portaient sur la cession de la “propriété de ses interprétations” ou de ses droits “d’exécutant” tendaient seulement à la rémunération de son interprétation, ladite rémunération prenant nécessairement fin au décès de l’artiste interprète ; que, dès lors, en cessant de verser la redevance prévue auxdits contrats postérieurement au décès de Mme X…, la société Arion n’a commis aucun manquement justifiant la résiliation de ces contrats ; qu’en décidant le contraire, et en ordonnant la restitution des phonogrammes, la cour d’appel a méconnu les clauses des contrats d’enregistrement et partant violé l’article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel a constaté que Mme X… avait réalisé plusieurs enregistrements de chants kabyles traditionnels qu’elle a elle-même recueillis et pour lesquels elle a conçu un arrangement musical, qu’elle a relevé que les contrats litigieux qui prévoyaient la cession des droits présents et futurs s’attachant au phonogramme et pouvant lui être reconnus à quelque titre que ce soit, avaient pour objet d’assurer la diffusion de cette oeuvre et non son interprétation ; qu’au vu de ces constatations et appréciations souveraines, établissant le caractère original de l’oeuvre en raison d’un apport personnel de l’auteur, elle a caractérisé l’existence d’une oeuvre de l’esprit pouvant bénéficier de la protection légale et a, ainsi, légalement justifié sa décision ;