Production musicale : 28 octobre 2009 Cour d’appel de Paris RG n° 07/20607

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Production musicale : 28 octobre 2009 Cour d’appel de Paris RG n° 07/20607
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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 28 OCTOBRE 2009

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 07/20607

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 01/17018

APPELANTES

SOCIETE CIVILE SPEDIDAM,

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Isabelle WEKSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 058

SOCIETE DE PERCEPTION ET DE DISTRIBUTION DES DROITS DES ARTISTES INTERPRETES DE LA MUSIQUE ET DE LA DANSE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Isabelle WEKSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 058

SYNDICAT NATIONAL DES ARTISTES MUSICIENS DE FRANCE,

agissant poursuites et diligences de son Président

DESISTEMENT PARTIEL LE 16/04/2008

[Adresse 2]

[Adresse 2]

défaillante

INTIME

Etablissement Public COMEDIE FRANCAISE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par la SCP DUBOSCQ – PELLERIN, avoués à la Cour

assisté de Me Olivier COUSI, avocat au barreau de Paris, toque T03,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Septembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller

Madame Anne-Marie GABER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL

ARRET : CONTRADICTOIRE

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Nous, Brigitte CHOKRON, Conseiller le plus ancien ayant délibéré, en l’empêchement de Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Nous Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Vu les appels relevés par la société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse (ci-après : spedidam) et le syndicat national des artistes musiciens de France (ci-après : snam) :

1°) du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 1ère section, n° de RG : 01/17018), rendu le 20 septembre 2006 (déclaration d’appel n° 24859 du 20 novembre 2006,

2°) du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 1ère section, n° de RG : 01/17018), rendu le 20 novembre 2007 (déclaration d’appel n° 24481 du 6 décembre 2007,

Vu l’ordonnance de jonction du 1er septembre 2008,

Vu les conclusions de désistement d’appel du snam du 16 avril 2008,

Vu les dernières conclusions de la spedidam, appelante (8 septembre 2009) ;

Vu les dernières conclusions de la Comédie-Française (20 août 2009) intimée et incidemment appelante ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 8 septembre 2009,

* *

SUR QUOI,

Considérant que la spedidam et le snam ont assigné la Comédie- française le 15 novembre 2001 en réparation des préjudices subis du fait de l’utilisation non autorisée de bandes originales dans le cadre de cinq spectacles et du fait de la sonorisation de onze autres pièces à l’aide de bandes originales sans autorisation préalable des artistes-interprètes et du préjudice subi par la profession des artistes-interprètes du fait de la violation des dispositions du code de la propriété intellectuelle ;

Que, par un premier jugement du 27 avril 2005, devenu définitif, le tribunal, entre autres dispositions, a déclaré certaines demandes prescrites par l’effet de la déchéance quadriennale, débouté la Comédie-française de ses demandes fondées sur la déchéance quadriennale pour les représentations de Phèdre données entre le 1er janvier et le 29 janvier 1997, les représentations des Fausses confidences données entre le 1er janvier et le 3 mai 1997 et celles de Tartuffe et des Femmes savantes ;

Que, par un deuxième jugement du 20 septembre 2006 (le premier des deux jugements dont appel), les premiers juges, ayant écarté certaines des fins de non recevoir opposées par la Comédie-française tirées notamment du défaut de qualité à agir de la spedidam pour défendre l’intérêt collectif de la profession ou l’intérêt individuel des artistes musiciens et retenu notamment le défaut de qualité à intervenir de cette société pour les droits des artistes solistes, a rejeté toutes les demandes de la spedidam sauf celles tendant au recouvrement des rémunérations de deux artistes, MM [H] et [D], se rapportant aux représentations de Phèdre données du 1er au 29 janvier 1997 et celles concernant les prestations de M. [Y] pour Les Femmes savantes ;que le tribunal a sur ces points renvoyé l’affaire à la mise en état ;

Que, par un troisième jugement, du 20 novembre 2007 (le second déféré à la cour) le tribunal a, pour l’essentiel, déclaré la spedidam irrecevable à agir pour le recouvrement des droits de M. [D], irrecevable à agir pour recouvrer les droits des artistes-interprètes afférents à la musique de scène du Bourgeois Gentilhomme, a retenu qu’en voulant appliquer son barème de 1995 la spedidam réalisait un abus de position dominante puisqu’elle tendait à vouloir imposer des hausses colossales non justifiées à un acteur économique sans que celui-ci puisse obtenir une révision de ce tarif mais se trouvait dans l’obligation de refuser tout contrat pourtant nécessaire à son activité, a condamné la Comédie-française à payer à la spedidam des dommages et intérêts en réparation du préjudice personnellement subi par M. [Y], l’artiste-interprète concerné par la sonorisation du spectacle Les Femmes savantes et par M. [H], l’artiste- interprète de la sonorisation du spectacle Phèdre, et débouté les parties de leurs autres demandes ;

Considérant que, par conclusions de désistement partiel signifiées le 16 avril 2008, le snam s’est désisté de son appel interjeté le 6 décembre 2007 du jugement du 20 novembre 2007 ; qu’il lui en sera donné acte ; qu’il n’a pas conclu au soutien de son appel formé le 20 novembre 2006 du jugement du 20 septembre 2006 et ne présente aucune demande devant la cour ;

Considérant que la Comédie-Française reprend en cause d’appel la fin de non recevoir tiré du défaut de qualité à agir de la spedidam au nom de l’intérêt individuel des artistes-interprètes visés par le litige ;

1) Sur la qualité à agir de la spedidam :

Considérant que la spedidam se présente comme une société de perception et de répartition des droits d’auteur et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes au sens de l’article L.321-1, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle ;

Que l’alinéa 2 du même texte, qui prévoit que les associés doivent être des auteurs, des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, des éditeurs ou leurs ayants droit, donne à ces sociétés qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge ;

Considérant, selon l’article 3 de ses statuts, que la spedidam s’est donnée pour objet l’exercice et l’administration dans tous pays, de tous les droits reconnus aux artistes-interprètes par le code de la propriété intellectuelle et par toute disposition nationale, communautaire ou internationale et notamment, outre la perception et la répartition des rémunérations, de toutes sommes pouvant revenir à l’ensemble des professions qu’elle représente au titre d’une indemnisation conventionnelle ou judiciaire, la défense des intérêts matériels et moraux des ayants droit en vue et dans les limites de l’objet social de la société ainsi que la détermination de règles de morales professionnelles en rapport avec l’activité de ses membres ; que le même article 3, 5, alinéa 2 , ajoute : «A cette fin, la Société a qualité pour ester en justice tant dans l’intérêt individuel des artistes-interprètes que dans l’intérêt collectif de la profession pour faire respecter les droits reconnus aux artistes-interprètes par le code de la propriété intellectuelle ainsi que par toute dispositions nationale, communautaire ou internationale» ;

Considérant que la Comédie-française ne dénie pas à la spedidam la qualité pour agir pour la défense des intérêts collectifs des professions qu’elle représente au titre de ses statuts ;

Qu’elle conteste cependant l’affirmation de cette société selon laquelle elle disposerait d’une habilitation légale lui conférant non seulement le droit exclusif d’exercer, au lieu et place des artistes-interprètes, les prérogatives reconnues à ces derniers par l’article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle, mais encore, et par voie de conséquence, le droit d’agir en justice pour faire valoir ces droits ;

Considérant que la Comédie-française fait valoir à ce sujet que l’attribution d’une qualité à agir dans l’intérêt d’autrui ne peut résulter que de la loi et doit revêtir un caractère exceptionnel et à condition, ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel à propos des prérogatives reconnues à des organisations syndicales représentatives, «que l’intéressé ait été mis à même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause et qu’il puisse conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et de mettre un terme à cette action» ;

Considérant que force est de constater que l’article L.321-1 du code de la propriété intellectuelle ne donne pas expressément aux sociétés qu’il vise la qualité pour agir en justice au nom de tous les artistes-interprètes, pris individuellement ; que ce texte se réfère seulement à la défense des droits dont ces sociétés ont statutairement la charge ;

Considérant que cet article ne peut avoir pour effet de donner à ces sociétés, et spécialement à la spedidam, le pouvoir exorbitant de dépouiller universellement tous les artistes-interprètes de la prérogative, qui leur est expressément reconnu par l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, de contrôler la fixation, la reproduction et la communication au public de leurs prestations et la rémunération afférente, ce que l’appelante n’hésite pourtant pas à revendiquer en affirmant que les statuts qu’elle s’est donnée lui confèrent le pouvoir exclusif d’exercer ce droit au lieu et place des artistes-interprètes (§ 21 de ses dernières écritures), quand même ces derniers, non seulement n’auraient pas adhéré à ces statuts, mais ne lui auraient pas même confié le mandat exprès de les représenter ;

Considérant, en réalité, que les statuts de la spedidam ne peuvent interdire à un artiste-interprète de se prévaloir personnellement des droits qu’il tient de l’article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle ; qu’il appartient à chaque artiste-interprète et à lui seul d’apprécier les conditions d’exercice de ses droits, de saisir éventuellement la juridiction compétente, de transiger, de se désister, d’exécuter ou non un jugement rendu en sa faveur ou d’exercer une voie de recours ; que, si rien n’interdit à un artiste-interprète de s’en remettre à la spedidam pour agir en son nom en cette matière, soit en devenant l’un de ses membres, soit en lui donnant un mandat spécial, rien en revanche, ne peut autoriser la spedidam à s’arroger de manière universelle le droit de réclamer, à la place de tout artiste-interprète victime supposée d’une atteinte à ses droits, la condamnation à son profit de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette atteinte, non par elle-même, mais par l’artiste-interprète intéressé ;

Mais considérant, en l’espèce, au contraire de ce qui paraît s’inférer, d’une part, des jugements attaqués, d’autre part, des discussions des parties sur l’identification des artistes ayant pris part aux prestations invoquées, que la spedidam ne réclame pas la condamnation de la Comédie-française à lui payer des dommages-intérêts en réparation des préjudices personnellement subis par ces artistes-interprètes pris individuellement (MM. [Y], [H], [D] …) ; que l’appelante sollicite en réalité, comme l’indique sans ambiguité le dispositif de ses conclusions, des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qui lui est propre en ce qu’il est causé collectivement à la profession qu’elle représente, à raison de l’utilisation de prestations des artistes-interprètes sans leur autorisation, et ce pour les spectacles désignés ; que ses demandes supposent, pour en justifier l’étendue, que soient identifiés les artistes-interprètes dont les droits ont été méconnus et les représentations dans lesquelles ont été utilisées leurs prestations sans autorisation ;

Considérant, dès lors, que la spedidam soutient à juste titre que, aux fins d’une telle action en défense des intérêts collectifs dont elle a la charge, sa qualité à agir ne dépend pas d’un mandat conféré individuellement par l’un des artistes-interprètes ayant participé à la prestation utilisée prétendument sans autorisation ; que la fin de non recevoir opposée par la Comédie-française, fondée essentiellement sur la règle « nul ne plaide par procureur » est donc dépourvue de pertinence et doit être écartée ;

2. Au fond :

Considérant, s’agissant d’une action fondée sur la responsabilité délictuelle, qu’il incombe à la spedidam de rapporter la preuve, premièrement, que la Comédie-française a commis la faute alléguée d’avoir utilisé, sans les autorisations requises par l’article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle, les prestations d’artistes-interprètes pour la représentation des spectacles désignés, soit en l’espèce Phèdre, Les Femmes Savantes, Le Bourgeois Gentilhomme, Le Dindon, Les Fausses Confidences, Tartuffe, Un mois à la campagne, deuxièmement, de la consistance du préjudice dont elle sollicite la réparation, troisièmement, du lien de causalité entre les deux événements ;

2.1. Sur le défaut d’autorisation allégué :

Considérant qu’il n’ y a pas lieu de s’arrêter au moyen marginal de la Comédie-française fondé sur les dispositions de l’article L.212-10 du code de la propriété intellectuelle suivant lesquelles « les artistes-interprètes ne peuvent interdire la reproduction et la communication publique de leur prestation si elle est accessoire à un événement constituant le sujet principal d’une séquence d’une ‘uvre ou d’un document audiovisuel » ; que, si les prestations en cause peuvent en effet être regardées comme accessoires par rapport au spectacle dont l’objet principal est la représentation de l”uvre théâtrale, celle-ci ne peut être assimilée à un «événement constituant le sujet principal d’une séquence d’une ‘uvre ou d’un document audiovisuel» au sens de ce texte, lequel n’a donc pas vocation à recevoir application en l’espèce ;

Considérant que la Comédie-française ne discute pas les éléments récapitulés dans les tableaux figurant pages 27 à 29 des dernières écritures de la spedidam faisant apparaître, pour chacun des spectacles visés, les noms des artistes-interprètes dont elle a utilisé les prestations, mais fait valoir qu’elle avait obtenu les autorisations requises, expliquant que, pour Les Femmes Savantes, Phèdre et Le Dindon, spectacles sonorisés par des bandes originales, elle a été autorisée par les artistes interprètes eux-mêmes à diffuser ces bandes originales, tandis que pour Le Bourgeois Gentilhomme, Les Fausses Confidences, Tartuffe et Un mois à la campagne, illustrés par des bandes sonores composées d’extraits de phonogrammes du commerce, elle a déclaré auprès de la spedidam les utilisations correspondantes, mais n’a jamais reçu de factures en retour ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que, pour les spectacles de la première catégorie, les artistes-interprètes intéressés ont évidemment autorisé la fixation de leur prestation puisque, par définition, ils ont participé à la séance d’enregistrement et signé à cette occasion une feuille de présence ; que la Comédie-française fait valoir que, dès lors qu’ils ont accepté d’enregistrer la musique destinée spécifiquement à l’accompagnement de la représentation en public d’un spectacle déterminé, l’autorisation initiale valait pour toutes les représentations à venir du même spectacle, considérées comme une seule et même utilisation de leur prestation, tandis que la spedidam, soutient, au contraire, que chaque nouvelle représentation devait être regardée comme une nouvelle communication au public au sens de l’article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle, comme telle soumise à nouvelle autorisation ;

Considérant qu’il ressort des pièces versées au débat que les feuilles de présence signées par les artistes-interprètes pour chacun des spectacles en cause mentionnent que l’enregistrement pour lequel l’autorisation est donnée a pour unique destination la sonorisation d’un spectacle dramatique ; qu’il y est encore indiqué au verso que «l’autorisation délivrée par la feuille de présence ne couvre pas la communication au public» et que «l’utilisation de cet enregistrement est soumise à un accord préalable écrit de la spedidam et du snam définissant les conditions de cette utilisation» ;

Considérant que la finalité des dispositions de l’article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle est de donner aux artistes-interprètes le pouvoir de contrôler les conditions d’utilisation de leurs prestations ; que ce texte distingue clairement les phases de fixation – autrement dit d’enregistrement – de reproduction et de communication au public pour lesquelles l’autorisation est requise ; qu’il s’en déduit que l’autorisation donnée pour la fixation ne dispense pas l’utilisateur de solliciter une autorisation distincte pour la communication au public ; que les conditions de la communication au public peuvent d’ailleurs demeurer incertaines au moment de l’enregistrement, de sorte qu’une autorisation donnée initialement à ce stade ne vaudrait pas un consentement éclairé pour des utilisations ultérieures, des éléments d’appréciations tels que le lieu du spectacle, le nombre de représentations et celui des spectateurs, ainsi que le montant des recettes d’exploitation étant par définition encore inconnu ;

Considérant que c’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la feuille de présence signée par les artistes-interprètes ne vaut que cession des droits pour l’enregistrement et non cession des droits de communication au public puisque l’autorisation de communiquer l’enregistrement au public doit être sollicitée auprès de la spedidam ;

Considérant qu’il en résulte que la Comédie-française, qui soutient à tort que les autorisations qu’il lui est reproché de ne pas avoir sollicitées n’étaient pas requises, admet implicitement, mais nécessairement, qu’elle ne s’est pas préoccupée de les obtenir ;

Considérant, à plus forte raison, que la Comédie-française n’est pas fondée à se prévaloir des autorisations données par M. [G] en qualité de compositeur de la bande originale du spectacle Le Dindon, par M. [R], en qualité de producteur, de compositeur et d’interprète de la bande originale de Phèdre et par M. [Y], dont la lettre d’engagement mentionne expressément «ce contrat ne fait nullement obstacle à mes droits d’artiste-interprète»,

Considérant, s’agissant des spectacles Le Bourgeois Gentilhomme, Les Fausses Confidences, Tartuffe et Un mois à la campagne, que la Comédie-française ne conteste pas l’obligation dans laquelle elle se trouvait d’obtenir les autorisations correspondantes puisqu’elle indique les avoir sollicitées en adressant à la spedidam les déclarations correspondantes ; qu’elle se borne à indiquer n’avoir jamais reçu les factures, reconnaissant par là que les autorisations requises ne lui ont pas été accordées ;

Considérant, de tout ce qui précède, que la faute alléguée par la spedidam à l’encontre de la Comédie-française est établie ;

2.2. Sur le préjudice :

Considérant, compte tenu des confusions déjà évoquées dans les motifs qui précèdent relatifs à la qualité pour agir de la spedidam, qu’il est nécessaire de rappeler que celle-ci réclame la condamnation de la Comédie-française à lui payer, non pas les droits ou des redevances auxquels pourraient prétendre les artistes-interprètes à raison de la communication au public de leurs prestations, pas davantage des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis individuellement par ceux-ci à raison de la communication au public de leurs prestations sans autorisation, mais des dommages-intérêts en réparation du préjudice qui lui est propre, causé, du fait de l’utilisation sans autorisation de bandes originales ou de phonogrammes du commerce dans le cadre de certains spectacles, par la méconnaissance de ses prérogatives et des dispositions du code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que c’est ainsi à titre de simple référence, pour verser au débat un élément d’appréciation du préjudice dont elle réclame la réparation, que la spedidam évoque son barème, lequel n’a en lui-même aucune force obligatoire à l’égard de la Comédie-française qui ne s’est pas engagée à l’appliquer ;

Considérant, dès lors, que la seule question est de savoir si cette référence est pertinente pour mesurer le préjudice allégué ;

Considérant, à cet égard, que la Comédie-française fait valoir que le barème invoqué est inadapté à l’économie des scènes dramatiques, qu’il ne respecte pas les usages de la profession, n’est pas le fruit de négociations collectives mais d’un abus de pouvoir, n’est pas proportionnel aux recettes d’exploitation des spectacles, ne respecte pas la hiérarchie habituellement retenue entre les droits d’auteur et les droits voisins, a mis en péril l’équilibre financier des compagnies qui ont voulu l’appliquer et constituent un abus de position dominante ;

Mais considérant qu’il est démontré, au vu des pièces versées au débat que de nombreux théâtres ont signé des accords avec la spedidam et entériné le barème contesté ; que rien ne permet de suspecter la sincérité de l’attestation produite par le responsable du service spectacles vivants de la spedidam d’où il résulte qu’entre 2007 et 2009, 1.593 structures ont déclaré et réglé les redevances afférentes à l’utilisation de musique enregistrée pour des spectacles dramatiques, 3.265 factures ont été réglées, 722 spectacles différents ont donné lieu au paiement de redevances ;

Considérant, part ailleurs, que la spedidam démontre que son barème a été négocié avec le syndicat des théâtres privés et le syndeac, n’a pas à subir la comparaison avec les droits d’auteurs ou d’autres droits voisins et tient compte de la réalité économique puisqu’il est fonction, notamment, du nombre de places du lieu de représentations, de la durée des musiques enregistrées utilisées de l’évolution du salaire de base syndeac et de la nature du spectacle ;

Considérant enfin que les données analysées par la Comédie-française, récapitulées dans sa pièce 158, ne démontrent pas l’augmentation brutale et non négociable de ses tarifs et leur disproportion par rapport à la valeur économique de la prestation fournie qui caractériseraient, selon elle, l’abus, par la spedidam, de la position dominante dont elle bénéficie ; que la spedidam établit au contraire que ces données sont incomplètes, insuffisamment précises ou inadéquates quant aux dates et indices de référence et ne permettent donc pas une comparaison pertinente des tarifs avant et après l’augmentation de 1995 ;

Considérant qu’aucun des arguments de la Comédie-française n’est donc déterminant pour écarter le barème de la spedidam comme instrument approprié de mesure de son préjudice ;

Considérant que les données relatives à la durée des bandes sonores utilisées et au nombre de représentations de chacun des spectacles visés ne sont l’objet d’aucune contestations, les indications de spedidam (pages 81 à 83 de ses dernières écritures) étant conformes à celles figurant dans le tableau établi patr la Comédie-française (page 45 de ses dernières écritures) ;

Considérant, dès lors, que les demandes de dommages-intérêts de la spedidam à raison de l’utilisation non autorisée des prestations des artistes- interprètes pour Phèdre, Les Femmes Savantes, Le Bourgeois gentilhomme », Le dindon, Fausses Confidences, Tartuffe, Un mois à la campagne, apparaissent justifiées et doivent être accueillies ; que les jugements entrepris seront infirmés en conséquence ;

3. Sur les autres demandes de la spedidam :

Considérant qu’il s’infère de ce qui a été dit sur la nature des demandes de la spedidam examinées ci-dessus que celles-ci tendent à la réparation de son préjudice propre, au titre de l’intérêt collectif de la profession qu’elle représente statutairement, distinct des préjudices individuels supposés des artistes-interprètes, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’accueillir sa demande supplémentaire de 7.622,45 euros de dommages-intérêts au titre de la méconnaissance des dispositions du code de la propriété intellectuelle, dont l’objet se confond avec la réparation du préjudice précédemment évoqué ;

Considérant que la spedidam ne démontre pas que la Comédie-française détiendrait nécessairement plus d’informations qu’elle-même sur les références complètes des phonogrammes du commerce utilisés pour sonoriser les spectacles Un mois à la campagne et Le bourgeois gentilhomme ainsi que de l’identité exacte de l’ensemble des artistes-interprètes dont les prestations ont été reproduites dans les phonogrammes du commerce en cause ; qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande d’application de l’article 11 du code de procédure civile tendant à ce qu’il soit fait injonction à la Comédie-Française de communiquer de telles informations ;

Considérant que la nature du litige n’impose pas d’accueillir la demande de la spedidam tendant à autoriser la publication de l’arrêt aux frais de l’intimée ;

4. Sur les demandes de la Comédie-française :

Considérant qu’il résulte du sens de l’arrêt que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la Comédie-française ne peut être accueillie ;

* *

PAR CES MOTIFS 

DONNE ACTE au snam de son désistement d’appel du jugement jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 20 septembre 2006,

CONSTATE que l’appel formé par le snam du jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 20 novembre 2007 n’est pas soutenu,

INFIRME les jugements entrepris, et STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la Comédie-française à payer à la spedidam :

– 1.510 euros à de dommages-intérêts en raison de l’utilisation sans autorisation de bandes originales dans le cadre du spectacle Phèdre,

– 18.833,01 euros de dommages-intérêts en raison de l’utilisation sans autorisation de bandes originales dans le cadre du spectacle Les Femmes Savantes,

– 19.422,90 euros de dommages-intérêts en raison de l’utilisation sans autorisation de phonogrammes du commerce dans le cadre du spectacle Le Bourgeois gentilhomme,

– 14.316,91 euros de dommages- intérêts en raison de l’utilisation sans autorisation de bandes originales dans le cadre du spectacle Le Dindon,

– 3.673,86 euros de dommages et intérêts en raison de l’utilisation sans autorisation de phonogrammes du commerce dans le cadre du spectacle Les Fausses Confidences,

– 3.207,34 euros de dommages- intérêts en raison de l’utilisation sans autorisation de phonogrammes du commerce dans le cadre du spectacle Tartuffe,

– 5.481,86 euros de dommages- intérêts en raison de l’utilisation sans autorisation de phonograrnmesdu commerce dans le cadre du spectacle Un mois à la campagne,

DÉBOUTE la spedidam de toutes ses autres demandes contraires à la motivation,

DÉBOUTE la Comédie-française de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

DIT que le snam supporte la charge des dépens qui le concernent,

CONDAMNE la Comédie-française aux dépens de première instance et d’appel relatifs à l’instance l’opposant à la spedidam qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau code de procédure civile et à payer à la spedidam 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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