Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 26 JANVIER 2011
(n° , 05 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 09/13191
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2009 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – RG n° 04/06180
APPELANTE
INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL (INA)
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Anne-Lise RIVIERE, avocat au barreau de Paris, toque : P216
substituant Me Yves BAUDELOT, avocat au barreau de Paris, toque : P216
plaidant pour la SCP BAUDELOT COHEN RICHEL POITVIN
dépôt de dossier.
INTIMÉE
LA SOCIÉTÉ DE PERCEPTION ET DE DISTRIBUTION DES DROITS DES ARTISTES INTERPRÈTES DE LA MUSIQUE ET DE LA DANSE (SPEDIDAM), S.A.
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Isabelle WEKSTEIN, avocat au barreau de Paris, toque : R058
plaidant pour l’association WAN Avocats
INTERVENANT FORCÉ
Me [M] [I]
Administrateur Judiciaire, ès qualité d’administrateur provisoire de la succession de Monsieur [Z] [A]
Demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]
Défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 Novembre 2010, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Caroline SCHMIDT
ARRÊT :- réputé contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu l’appel interjeté le 15 juin 2009 par l’Institut National de l’Audiovisuel (Etablissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial), ci-après l’INA, du jugement rendu le 7 avril 2009 par le tribunal de grande instance de Paris statuant dans le litige l’opposant à la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse (société civile), ci-après la SPEDIDAM ;
Vu les dernières conclusions de l’INA, appelant, signifiées le 24 juin 2010 ;
Vu les uniques écritures de la SPEDIDAM, intimée, signifiées le 2 février 2010 ;
Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 5 octobre 2010 ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu’il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :
– par contrats des 9 mars et 17 décembre 1970 modifiés par avenant du 23 février 1971, l’ORTF et la société SEPA sont convenues de produire en commun une série de 13 émissions du programme de télévision ‘La piste aux étoiles’ dont l’objet était de représenter des spectacles de cirque,
– les droits de producteur de la société SEPA ont été rachetés par [Z] [A] le 27 avril 1977 tandis que ceux de l’ORTF ont été transférés à l’INA par l’effet des lois de réforme de l’audiovisuel public successivement intervenues le 7 août 1974, le 29 juillet 1982 et le 30 juin 1986,
– ayant découvert que l’INA exploitait ces émissions télévisuelles sous forme de vidéogrammes du commerce, offerts à la vente sur son site internet, sans que les 16 artistes-interprètes qui accompagnaient musicalement les numéros de cirque aient donné leur autorisation, la SPEDIDAM a assigné l’INA le 2 juin 2004 devant le tribunal de grande instance de Créteil pour obtenir au fondement des dispositions des articles L. 212-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, la réparation du préjudice personnel des musiciens ainsi que de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession,
– l’INA a assigné en intervention forcée [Z] [A] aux fins de se voir relever et garantir des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre,
– aux termes du jugement entrepris, le tribunal ayant constaté que la SPEDIDAM justifiait de l’adhésion des 16 artistes-interprètes concernés par le litige, l’a déclarée recevable à agir non seulement pour la défense des intérêts collectifs de la profession qu’elle représente mais aussi en réparation du préjudice personnel des artistes et, statuant sur le fond, a pour l’essentiel, condamné l’INA à payer respectivement de ces chefs à la SPEDIDAM les sommes de 5000 euros et de 32 000 euros (en précisant à cet égard qu’il revenait 2000 euros à chacun des artistes ), rejeté les demandes de dommages-intérêts de la SPEDIDAM pour résistance abusive, de publication et d’affichage, déclaré enfin l’INA irrecevable en son appel en garantie à défaut de mise en cause des héritiers de [Z] [A] décédé le [Date décès 1] 2007,
– en procédure d’appel l’INA a, suivant exploit du 28 juin 2010, appelé en intervention forcée Me [I] ès qualités d’administrateur provisoire de la succession de [Z] [A] et maintenu son appel en garantie,
– Me [I] n’a pas constitué avoué et expose par son conseil, dans une lettre adressée en date du 16 novembre 2010 à la cour, qu’elle ne dispose d’aucun fonds lui permettant de se faire représenter,
– le présent arrêt sera réputé contradictoire par application des dispositions de l’article 473 du Code de procédure civile ;
Considérant, ceci étant posé, que l’INA renonce à soutenir devant la cour la fin de non-recevoir, précédemment soumise aux premiers juges, tirée de la qualité à agir de la SPEDIDAM dans l’intérêt individuel des artistes-interprètes ;
Qu’il ne conteste pas, sur le fond, que le vidéogramme litigieux constitue la compilation en trois volumes des 13 émissions ‘La piste aux étoiles’ co-produites par l’ORTF et la société SEPA, mais oppose d’une part, et ce pour la première fois en cause d’appel, que le contrat de cession des droits d’exploitation vidéographiques sur les enregistrements en cause a été conclu le 1er avril 1994 entre la société POLYGRAM VIDEO et [Z] [A] auxquels il incombait de rechercher les autorisations requises pour la reproduction des prestations des interprètes de l’accompagnement musical et que, n’ayant pris aucune part à la production, à l’édition et à l’exploitation du vidéogramme, aucune faute ne lui est imputable, d’autre part, que la participation des 16 musiciens pour la défense desquels prétend agir la SPEDIDAM n’est pas établie pour la série des 13 émissions reproduites sur le vidéogramme contesté, enfin, que l’autorisation des musiciens pour une exploitation des enregistrements sur tous supports et dans le monde entier a été en toute hypothèse accordée ainsi qu’en justifie une lettre adressée le 23 novembre 1970 à la SEPA par le chef d’orchestre [L] [F], chargé à l’époque de procéder pour le compte de la production à l’engagement des 15 musiciens appelés à composer son orchestre ;
Or considérant, en premier lieu, que la SPEDIDAM observe à juste titre que le contrat du 1er avril 1994, invoqué par l’INA pour s’exonérer de toute responsabilité, n’est pas produit aux débats, que le protocole d’accord conclu le 4 mars 1994 entre l’INA et [Z] [A] montre, en revanche, que ces derniers, venant respectivement aux droits de l’ORTF et de la SEPA co-producteurs des 13 émissions télévisuelles en cause dans le litige, sont convenus d’exploiter ces émissions conjointement, par tous moyens, sur tous supports connus ou inconnus à ce jour, dans le monde entier (article I-1), de se partager par moitié la part producteur des recettes nettes d’exploitation (article III-1), d’autoriser chacune des parties à consentir à la cession de droits d’exploitation dès lors que l’autre partie n’aura pas apporté de meilleure proposition (article I-2), d’allouer à celle des parties qui aura contracté une commission de 20% en sus de ses droits dans le partage de la part producteur (article I-3) ;
Qu’il s’infère de ces éléments, que le contrat du 1er avril 1994 portant cession à la société POLYGRAM VIDEO des droits d’exploitation vidéographiques sur les 13 émissions visées au protocole d’accord du 4 mars 1994, eût-il été signé par [Z] [A] seul, l’a été pour le compte des co-producteurs [A]/INA ;
Que l’INA ne dément pas, au demeurant, recevoir au titre de l’exploitation en cause 50% de la part producteur des recettes nettes d’exploitation ;
Qu’il ne conteste pas davantage que la jaquette du vidéogramme litigieux porte l’indication : 1994 PRODUCTION [A] / INA ;
Qu’il ne nie pas enfin, avoir fait courant avril 2004 la promotion du DVD ‘La piste aux étoiles’ sur la page ‘la boutique’ du site internet www.ina.fr, en affichant la couverture du DVD accompagnée du message suivant : les meilleurs moments de ‘La Piste aux Etoiles’ en couleur VHS , Ces programmes sont disponibles exclusivement auprès des revendeurs vidéos traditionnels, grandes et moyennes surfaces, VPC…
Que l’INA ne saurait sérieusement soutenir, en l’état de l’ensemble de ces observations, qu’il serait étranger à l’exploitation litigieuse ;
Mais considérant, en second lieu, qu’il ressort des conventions de co-production des 9 mars et 17 décembre 1970 que l’engagement et la rémunération du chef d’orchestre et des musiciens participant à l’enregistrement des 13 émissions visées à ces conventions incombe à la SEPA ; qu’il résulte par ailleurs des courriers échangés au cours de l’année 1970 entre la SEPA et [L] [F], que celui-ci a été engagé en qualité de chef d’orchestre pour la réalisation des 13 émissions et mandaté pour constituer la formation de musiciens qu’il sera appelé à diriger ; qu’il est constant enfin que les 13 émissions ont été enregistrées en 1970 et 1971 ;
Qu’il suit de ces éléments que les attestations, au demeurant non conformes aux prescriptions de l’article 202 du Code de procédure civile, aux termes desquelles [D] [H], [X] [O], [D] [E], [C] [B], [TI] [R], [K] [Y], [P] [EA], [S] [V], [U] [G], [J] [HE], [W] [T] affirment, respectivement, avoir participé comme musicien aux émissions ‘La piste aux étoiles’, en précisant pour certains qu’ils l’ont fait sous la direction de [L] [F] et pour d’autres pendant plus de 20 ans, sont dénuées de valeur probante, d’abord, parce qu’elles sont produites dans l’intérêt de celui qui les a établies, ensuite, parce qu’elles sont en tout état de cause insuffisantes à justifier que ces musiciens ont participé aux 13 émissions concernées par le litige, alors qu’il est constant que 230 émissions ‘La piste aux étoiles’ ont été enregistrées entre 1956 et 1978 et qu’il n’est pas démontré ni même allégué que les mêmes musiciens auraient oeuvré à chacune des 230 émissions ;
Que ne sont pas davantage pertinentes les productions par [U] [G] d’une fiche intitulée ‘récapitulation de la carrière artistique’ portant sur les années 1975 à 1979, par [J] [HE] d’avis de paiement de cachets délivrés par l’ORTF antérieurement à 1968 et postérieurement à 1973, par [N] [BT] de bulletins de paie de l’ORTF de 1972 et 1973, par [W] [T] et [S] [V] d’avis de paiement de cachet et de bulletins de paie délivrés par l’ORTF, certes datés pour certains de 1970 et de 1971 mais ne justifiant pas nécessairement d’une présence aux émissions concernées par le litige d’autant qu’il a été précédemment relevé que ces émissions ont fait l’objet de conventions spécialement établies entre l’ORTF et la SEPA aux termes desquelles l’engagement et la rémunération des musiciens appartenaient à la SEPA de sorte qu’il appartenait à cette dernière d’établir les avis de paiement de cachets et les bulletins de paie pour les musiciens ayant participé à l’enregistrement des émissions ;
Considérant que les prestations en cause dans le litige sont certes anciennes, que la SPEDIDAM ne saurait pour autant s’affranchir de l’obligation qui lui incombe en vertu des dispositions de l’article 9 de Code de procédure civile, de rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention ;
Que l’INA est en conséquence fondé à contester les prétentions de la SPEDIDAM faute pour cette dernière d’établir la participation des musiciens pour lesquels elle dit agir aux émissions reproduites par le vidéogramme litigieux ;
Que le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu’il a fait droit aux demandes de la SPEDIDAM ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu en conséquence de statuer sur la demande en garantie dirigée par l’INA contre Me [I] ès qualités, devenue sans objet ;
Considérant qu’il s’infère du sens de l’arrêt que la demande émise par la SPEDIDAM du chef de résistance abusive doit être rejetée ;
Que toutefois, aucune considération d’équité ne justifie qu’il soit fait droit à la demande de l’INA formée au fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme en ses dispositions soumises à la cour le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute la SPEDIDAM de ses demandes,
Dit sans objet l’appel en garantie de l’INA,
Déboute l’INA de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Condamne la SPEDIDAM aux dépens qui seront pour ceux afférents à la procédure d’appel recouvrés par les avoués constitués en la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,