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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 23 MARS 2012
(n° 089, 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 11/09340.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2010 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section – RG n° 10/00881.
APPELANTS :
– EURL HYPETRAXX RECORDS
prise en la personne de son gérant,
ayant son siège [Adresse 1],
– Monsieur [W] [C]
demeurant [Adresse 1],
représentés par Maître Patricia HARDOUIN de la SELARL HJYH Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056,
assistés de Maître Jean-Marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G0818.
INTIMÉ :
Monsieur [T] [O]
demeurant [Adresse 2],
représenté par Maître Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675,
assisté de Maître Redouane MAHRACH de la SELARL RMS Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : A820.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 février 2012, en audience publique, devant Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,
Monsieur Benjamin RAJBAUT, président de chambre,
Madame Sylvie NEROT, conseillère.
Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
Par cinq contrats, dont trois ne sont pas datés et les deux autres le sont des 2 avril et 15 août 2008, dont l’objet est de concevoir et d’écrire le scénario consistant en l’illustration audiovisuelle de l”uvre en vue de l’exploitation d’une vidéomusique, [T] [O], spécialiste dans la création 3D, a cédé à la société HYPETRAXX RECORDS dont [W] [C] est le gérant les droits d’exploitation de cinq vidéoclips qu’il a réalisés :
– Every body clap your hands, inteprété par Red One,
– Time to dance interprété par Pillbox,
– Dreamworld interprété par [W] [P],
– One desire interprété par Jakarta,
– Superstar interprété par Jakarta ;
Estimant que [W] [C] avait manqué à ses obligations contractuelles, [T] [O] l’a, par acte du 28 décembre 2009, assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, notamment en résolution des cinq contrats du fait des graves manquements commis, pour que soit prononcée l’interdiction d’utilisation de tout ou partie de ses ‘uvres, pour que des mesures de publication soit ordonnées et pour que [W] [C] ainsi que la société HYPETRAXX RECORDS soit condamnée solidairement à lui payer la somme de 150.000 euros à titre d’indemnisation pour l’atteinte à son droit de paternité sur ses ‘uvres la somme de 10.000 euros pour la contrefaçon par création d’une ‘uvre dérivée sans son autorisation, 675.000 euros à titre d’indemnisation de son préjudice patrimonial, 30.000 euros pour défaut de reddition des comptes d’auteur ;
Par jugement réputé contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 19 novembre 2010, le tribunal a :
– dit que [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS ont manqué à leurs obligations contractuelles,
– dit qu’en diffusant les clips dont il est l’auteur sans mention de son nom, [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS ont porté atteinte au droit moral de [T] [O],
– prononcé la résiliation des contrats passés courant 2008, en particulier les 2 avril et 15 août 2008 entre d’une part [T] [O], d’autre part [W] [C] et la société HYPETRAXX, et ce à compter du jugement,
– interdit à [W] [C] et à la société HYPETRAXX RECORDS d’utiliser tout ou partie des clips ‘Every body clap your hands’, ‘Time to dance’, ‘Dreamworld’, ‘One desire’ et ‘Superstar’ sur quelque support que ce soit et en particulier sur le site internet www.hypetraxx.com et ce, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement,
– condamné in solidum [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS à payer à [T] [O] la somme de 5.000 euros en réparation de l’absence de reddition de comptes et celle de 10.000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral d’auteur,
– ordonné la publication du dispositif du jugement sur la première page du site internet www.hypetraxx.com,
– rejeté toutes les autres demandes,
– condamné in solidum [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS à payer à [T] [O] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
Vu l’appel interjeté le 17 mai 2011 par la société HYPETRAXX RECORDS et par [W] [C] :
Vu les dernières conclusions signifiées le 3 février 2012 par lesquelles la société HYPETRAXX RECORDS et [W] [C] demandent à la cour de :
– déclarer [T] [O] irrecevable à agir du fait de son apport à la SACEM,
– infirmer le jugement en ce qu’il a
– ordonné la résiliation des contrats signés entre les parties sur le fondement du manquement à l’obligation d’exploitation, du défaut d’information de la prétendue absence de rémunération,
– ordonné l’interdiction d’utilisation des vidéoclips,
– les a condamnés au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de la reddition de comptes,
– les a condamnés au paiement de la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral allégué ainsi que la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’action en contrefaçon engagée contre eux par [T] [O],
– constater l’absence de faute et a fortiori l’absence de faute détachable de ses fonctions de dirigeant de la société HYPETRAXX RECORDS susceptible d’engager sa responsabilité,
en conséquence de :
– débouter [T] [O] de l’ensemble de ses demandes et de mettre [W] [C] hors de cause,
en tout état de cause de :
– rapporter à de plus justes proportions les indemnités auxquelles [T] [O] prétend,
– dire que la résiliation des contrats et l’interdiction d’utilisation ordonnées par les premiers juges n’emportent pas transfert de la propriété des cinq vidéogrammes, au profit de [T] [O],
reconventionnellement de :
– condamner [T] [O] au paiement de dommages intérêts à [W] [C] et à la société HYPETRAXX RECORDS sur le fondement du caractère abusif la procédure ouverte contre lui,
– condamner [T] [O] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2012 par lesquelles [T] [O] prie la cour de :
– constater qu’il est l’auteur des cinq vidéo clips ‘Every body clap your hands’, ‘Time to dance’, ‘Dreamworld’ , ‘One desire’ et ‘Superstar’,
– constater que [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS en qualité de producteur titulaire à titre exclusif des droits d’auteur sur les cinq clips, ont manqué gravement à leurs obligations contractuelles,
– prononcer en conséquence la résiliation des cinq contrats d’auteur de ces cinq clips,
– ordonner la résiliation judiciaire de tous les contrats conclus entre [W] [C] ou la société HYPETRAXX RECORDS ayant pour objet la commercialisation des ‘uvres précitées,
– interdire l’utilisation de tout ou partie des ‘uvres qu’il a créées, y compris les illustrations des chansons sur tout support, 30 jours à compter de la signification de l’arrêt et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée
– interdire l’utilisation de tout ou partie de ses oeuvres sur les sites internet des producteurs à savoir notamment www.jakarta-dj.com et www.hypetraxx.com dans les 30 jours à compter de la signification de l’arrêt et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée,
– ordonner aux frais de [W] [C] et de la société HYPETRAXX RECORDS la publication de l’arrêt dans les 30 jours de sa signification en première page des sites suivants :
http://www.jaarta-dj.com/
http://www.myspace.com/danny-wild
http://www.myspace.com/alanpride
http://www.pyspace.com/pillboxprod
http://www.dj-dannywild.com/
http://www.hypetraxx.com
http://www.youtube.com
http://www.dailymotion.com
http://www.airplayrecords.com
http://www.universalmusic.com
– condamner solidairement [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS à payer à [T] [O] les sommes de :
– 150.000 euros à titre d’indemnisation du droit à la paternité sur ses ‘uvres,
– 515.000 euros au titre du préjudice patrimonial et subsidiairement à la somme de 200.000 euros correspondant au coût de réalisation des cinq clips,
– 30.000 euros pour défaut de reddition des comptes d’auteur ;
– condamner solidairement [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais de constat d’huissier ;
SUR QUOI, LA COUR,
Sur la responsabilité personnelle de [W] [C] :
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS soutiennent que les dirigeants sociaux n’encourent une responsabilité personnelle à l’égard des tiers que s’ils ont commis une faute détachable de leurs fonctions, c’est-à-dire une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales et qu’en l’absence de démonstration d’une telle faute, seule peut être engagée la responsabilité de la société ;
Mais ils oublient de préciser que les cinq contrats d’auteur désignent [W] [C] comme principal cocontractant, la société HYPETRAXX RECORS n’apparaissant qu’en second lieu, de sorte qu’il convient de considérer [W] [C] comme personnellement engagé au côté de la société qu’il dirige ;
Il s’en déduit que les demandes formées par [T] [O] à l’encontre de [W] [C] ad personam sont recevables ;
Sur le moyen tiré de l’irrecevabilité à agir de [T] [O] au titre de ses droits patrimoniaux :
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS ne contestent pas à [T] [O] la qualité d’auteur et de réalisateur des cinq clips vidéo ‘Every body clap your hands’, ‘Time to dance’, ‘Dreamworld’ , ‘One desire’ et ‘Superstar’ ;
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS soutiennent en revanche que [T] [O] est irrecevable à agir pour faire valoir ses droits patrimoniaux du fait de son appartenance à la SACEM ;
[T] [O] réplique que s’il a fait apport de ses ‘uvres à la SACEM, c’est uniquement dans le but qu’elle assure la perception et la répartition des droits générés par ses ‘uvres et qu’il ne l’a pas mandatée pour la gestion de ses ‘uvres, et notamment leur production et leur promotion lesquelles ont été précisément confiées à [W] [C] et à la société HYPETRAXX RECORDS ;
Il ajoute que la SACEM n’a pas vocation à assurer la promotion et la commercialisation des ‘uvres qui lui sont apportées par les auteurs ;
Les cinq contrats dont les deux datés des 3 avril et 15 août 2008 portant sur les ‘uvres sus-visées mentionnent tous en introduction que l’auteur a informé [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS qu’il a confié la gestion de ses droits patrimoniaux à une société civile de gestion collective et au paragraphe ‘RÉMUNÉRATIONS’ article 5-1 a) que ‘l’auteur étant membre d’une société d’auteurs, sa contribution à l”uvre relève du répertoire d’une société d’auteurs. Par conséquent, sa rémunération due au titre de l’article 2-1-2 ci-dessus (soit les droits de télédiffusion et autres représentations publiques par tous modes de transmission nécessitant une reproduction préalable ou non) sera constituée par les droits perçus par lesdites sociétés en application des accords généraux et/ou particuliers que ces sociétés ont conclus avec les télédiffuseurs et aux exploitant du programme’ ;
L’assignation du 28 décembre 2009 délivrée par [T] [O] à [W] [C] et à la société HYPETRAXX RECORDS avait pour objet, outre la résolution des cinq contrats d’auteur, également la condamnation des défendeurs à lui verser les sommes suivantes :
– 150.000 euros à titre d’indemnisation du droit de paternité de l’auteur sur ses ‘uvres,
– 10.000 euros pour contrefaçon du fait de la création d’une oeuvre dérivée sans son autorisation,
– 675.000 euros à titre d’indemnisation du préjudice patrimonial,
– 30.000 euros pour défaut de reddition des comptes d’auteur,
– 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Or l’article 1er alinéa 2 des statuts de la SACEM prévoit que ‘Tout auteur, auteur-réalisateur ou compositeur admis à adhérer aux présents statuts fait apport à la société, du fait même de cette adhésion, en tous pays et pour la durée de la société, du droit d’autoriser ou d’interdire l’exécution ou la représentation publique de ses ‘uvres, dès que créées’ ;
L’alinéa 1er de l’article 2 indique que ‘Du fait même de leur adhésion aux présents statuts, les membres de la société lui apportent, à titre exclusif et pour tous les pays, le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction mécanique de leurs ‘uvres telles que définies à l’article 1er ci-dessus, par tous moyens connus ou à découvrir, sous réserve du droit de chaque membre de la société de retirer l’apport visé au présent article, à l’expiration de chaque période de dix ans, à partir de la date d’adhésion aux présents statuts avec préavis d’un an’ ;
L’article 4 précise que ‘La société a pour objet : 1° L’exercice et l’administration, dans tous pays, de tous les droits relatifs à l’exécution publique, la représentation publique, ou la reproduction mécanique, et notamment la perception et la répartition des redevances provenant de l’exercice desdits droits ;
Il résulte des dispositions qui précèdent qu’en conséquence de l’apport exclusif à compter de son adhésion, [T] [O] qui a confié à la SACEM l’exercice de ses droits patrimoniaux, n’a plus qualité pour ester en justice à l’encontre de tiers sous réserve d’une carence de la SACEM à les faire respecter ; il s’ensuit qu’il ne peut agir personnellement au titre de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur et que seule la SACEM est habilitée à le faire ;
La demande de condamnation de [W] [C] et de la société HYPETRAXX RECORDS au paiement de la somme de 515.000 euros à titre d’indemnisation du préjudice patrimonial de l’auteur sera donc
déclaré irrecevable ;
En revanche et comme le soutient pertinemment [T] [O], la SACEM n’a pas vocation à assurer la promotion et la commercialisation des ‘uvres de ses adhérents et ne saurait donc s’opposer à ce que l’auteur affilié agisse pour faire valoir ses droits si ceux-ci s’avéraient être lésés par le producteur avec lequel il a contracté ;
La responsabilité du producteur peut en effet être recherchée si l’auteur réalisateur démontre que ledit producteur n’a pas rempli ses obligations contractuelles ;
Si [T] [O] a cédé au producteur à titre exclusif et pour le monde entier les droits d’exploitation découlant de sa collaboration à la vidéomusique qui est un court métrage vidéo servant à illustrer visuellement une ‘uvre musicale reproduite sur un phonogramme, c’est à la condition que le producteur assure à l”uvre audiovisuelle une exploitation conforme aux usages de la profession ;
Sur l’obligation d’exploitation :
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS soutiennent qu’une vidéomusique n’est que l’accessoire du phonogramme qu’elle illustre audiovisuellement, qu’il appartenait à eux seuls de définir la stratégie commerciale d’utilisation des ‘uvres comme le prévoient les dispositions de l’article 2.1.1 a) des contrats, qu’ils n’étaient pas tenus d’assurer une exploitation permanente et suivie contrairement aux éditeurs et qu’ils n’étaient tenus que d’une obligation de moyens puisqu’ils ne sont pas des diffuseurs mais des intermédiaires, tributaires de ces derniers et du goût du public ;
Ils indiquent encore que les vidéomusiques n’ont pas trouvé de débouché sur les supports DVD, vidéocassettes ou numériques, alors surtout que ces clips vidéo sont destinés à être diffusés exclusivement à la télévision TF1, M6, MCM, MTV, NRJ MUSIC, M6club ou sur Internet FNAC, VIRGINMEDIA ou ITUNES ;
Ils ajoutent que [T] [O] ne démontre pas l’absence d’exploitation de leur part des ‘uvres audiovisuelles ;
Mais le paragraphe f) de l’article 1 identique pour les cinq contrats conclus entre [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS, d’une part, et [T] [O], d’autre part, stipule que le droit de reproduction accordé au producteur comprend ‘le droit d’utiliser ou de faire utiliser, à titre promotionnel ou commercial, des éléments de la Vidéomusique (titres, personnes, photographies, décors, costumes, accessoires, thèmes) en vue de la fabrication de jeux, jouets, cartes postales, posters, affiches, autocollants (…), tous objets des arts plastiques ou des arts appliqués, et en plus généralement toutes applications communément désignés sous le nom de ‘merchandising’ ;
Le paragraphe i) prévoit également ‘le droit d’utiliser ou de faire utiliser tout ou partie de la Vidéomusique, le son et l’image pouvant être dissociés dans des spots publicitaires visant à promouvoir l’artiste et/ou les phonogrammes et vidéogrammes exploités par le producteur’ ;
Le producteur étant tenu, par les dispositions de l’article L.132-27 du code de la propriété intellectuelle, d’assurer à l”uvre audiovisuelle une exploitation conforme aux usages de la profession, il n’appartient pas à [T] [O] de prouver l’absence d’exploitation de ses ‘uvres mais au contraire au producteur de démontrer les diligences qu’il a assurées pour diffuser les ‘uvres afin de les exploiter dans l’intérêt commun des parties contractuellement liées conformément aux usages ;
Or si [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS fournissent de nombreuses pages de captures d’écran, ils ne produisent à la cour aucune justification des démarches commerciales, promotionnelles ou autres sous la forme de merchandising qu’ils auraient effectuées pour faire connaître et promouvoir la vidéomusique de [T] [O] laquelle, si elle demeure l’accessoire du phonogramme qu’elle illustre audiovisuellement, n’en demeure pas moins un élément essentiel de la musique qu’elle sert à souligner et à mettre en valeur ;
Cette remarque est d’autant plus valable que le bébé à tétine dansant la tektonic constitue un apport valorisant de la musique, laquelle n’aurait pas connu le succès qu’elle a eue – plus de 30 millions de visionnages selon [T] [O], ce que [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS ne contestent pas – si ce personnage n’avait pas existé au point que pourrait se poser la question de savoir ce qui est devenu l’accessoire de l’un par rapport à l’autre ;
Sur le défaut d’information et la reddition des comptes :
L’article L.132-28 du code de la propriété intellectuelle impose au producteur de fournir, au moins une fois par an, à l’auteur un état des recettes provenant de l’exploitation de l”uvre selon chaque mode d’exploitation ;
L’article 6 des contrats rappelle cette obligation légale en précisant que les comptes d’exploitation seront arrêtés le 31 décembre de chaque année et adressés à l’auteur ou toute personne désignée par lui dans un délai de 90 jours, accompagnés s’il y a lieu du produit des pourcentages revenant à l’auteur conformément aux stipulations de l’article 5 ci-dessus ;
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS répliquent d’une part que les contrats litigieux n’évoquent à aucun moment une obligation d’information à leur charge, d’autre part que [T] [O] étant adhérent à la SACEM, les comptes étaient directement envoyés à cet organisme de perception et de distribution des redevances ;
Mais l’article 6 des contrats, reprenant en cela les dispositions de l’article L.132-28 du code de la propriété intellectuelle, impose au producteur de fournir à l’auteur (soulignement ajouté) un état des recettes provenant de l’exploitation de ses ‘uvres ;
Cette obligation légale que le producteur doit remplir spontanément sans que l’auteur ait à réclamer son dû a pour objet de permettre à l’auteur de connaître précisément, au moins une fois par an, les conditions dans lesquelles ses ‘uvres sont exploitées et les résultats financiers qu’elles engendrent ;
Il n’est également nullement démontré que [T] [O] a désigné la SACEM ou un tiers pour recevoir en son nom les comptes-rendus d’exploitation ;
Et en dépit d’une mise en demeure et d’une sommation de communiquer, [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS ne justifient pas avoir fourni, au moins une fois par an, à [T] [O], un état des recettes provenant de l’exploitation de ces cinq oeuvres selon chaque mode d’exploitation ;
Contrairement à ce qu’ils affirment, l’adhésion de [T] [O] à la SACEM ne dispensait pas [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS de se conformer aux dispositions légales et contractuelles sus-visées, dans la mesure où les relevés de la SACEM ne contiennent que des informations partielles relatives à la diffusion des ‘uvres de l’auteur et que, par exemple, les revenus tirés de la mise sur le marché de produits dérivés n’y figurent pas ;
Sur l’atteinte au droit à la paternité de l”uvre :
[T] [O] invoque les dispositions de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle et fait grief à [W] [C] et à la société HYPETRAXX RECORDS d’avoir omis de faire figurer son nom au générique des vidéomusiques ;
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS répliquent que le nom de [T] [O] apparaît sur les sites WAT TV, JAKARTA, DAILYMOTION ou YOUTUBE ; qu’il lui appartenait de faire apparaître son nom sur les génériques ; que les exemples de vidéoclips diffusés sur internet ne mentionnent pas le nom de leur réalisateur et que l’usage constant des vidéomusiques prenant la forme de courts extraits n’accrédite pas leurs auteurs ;
Mais l’article 7 des contrats mentionne de façon précise : ‘Au générique de la vidéomusique, le nom de l’auteur sera cité de la façon suivante : Réalisateur : [T] [O]’ ;
Le constat d’huissier du 16 septembre 2009 versé aux débats par [T] [O] démontre que cette obligation n’a pas été respectée (imprimés écran 4 à 9, 16, 22, 23, 28, 29, 37, 38, 40, 41, 46 à 49, 57 à 59, 67, 68) ;
Face à cette clause claire et dépourvue d’ambiguïté que le producteur se devait de respecter, [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS ne fournissent à la cour aucune explication convaincante ;
Et le fait qu’il soit admis que les vidéoclips n’accréditent pas leurs auteurs ne constitue pas en soi un juste motif de nature à exonérer le producteur de ses obligations contractuelles ;
En effet, tout auteur d’une création artistique a pour ambition de voir son statut de créateur connue ou reconnue par les professionnels de l’audiovisuel et par le public ; que la diffusion de clips vidéo sans aucune mention du nom de l’auteur et du réalisateur fait que ceux-ci risquent de demeurer dans l’anonymat contrairement à leur souhait ; qu’il ne sera dès lors pas possible de leur attribuer la paternité de leur création et qu’ils risquent ainsi pour l’avenir de voir leurs initiatives créatrices freinées ;
Sur les demandes présentées par [T] [O] :
[T] [O] fait grief à [W] [C] et à la société HYPETRAXX RECORDS d’avoir méconnu les termes des contrats qu’il a signés et de ne pas avoir :
– commercialisé des produits dérivés issus de ses ‘uvres (article 2.1.1 e), f), g), h) et i)),
– assurer la diffusion commerciale de ses ‘uvres,
– été informé sur l’état des recettes provenant de l’exploitation de ses ‘uvres,
– respecté son droit de paternité sus ses ‘uvres ;
Il résulte de ce qui précède que [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS ont à plusieurs reprises violé les clauses des contrats qu’ils ont conclus avec [T] [O] en manquant à leurs obligations d’exploitation des ‘uvres, de reddition des comptes et de respect à la paternité de ses ‘uvres ;
L’article 1184 du code civil expose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Conformément à la demande formée par [T] [O] dans ses dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2012 qui lient la cour en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour confirmera la décision déférée en ce qu’elle a prononcé la résiliation des cinq contrats conclus en 2008, en particulier ceux des 2 avril et 15 août 2008 entre [T] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS d’une part et [T] [O] d’autre part ;
‘ atteinte au droit patrimonial sur les ‘uvres
[T] [O] chiffre son préjudice à la somme de 515.000 euros en tenant compte du nombre de visionnages des clips vidéo, du chiffre d’affaires réalisé par les producteurs sur les ventes de chansons associées aux clips, sur les tournées du groupe Jakarta ainsi que des possibilités de débouchés pour les produits dérivés (tee-shirts par exemple) à partir du Bébé qui est devenu l’emblème du groupe Jakarta ;
Mais comme il a été ci-dessus rappelé, la demande de condamnation de [W] [C] et de la société HYPETRAXX RECORDS formée par [T] [O] au paiement de la somme de 515.000 euros à titre d’indemnisation du préjudice patrimonial de l’auteur a été déclarée irrecevable ;
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS critiquent l’évaluation faite par [T] [C] laquelle repose selon eux sur un rapport d’expertise amiable qu’ils considèrent subjectif, tendancieux voire erroné ;
Ils rappellent que le vidéoclip sert avant tout à illustrer l’interprétation d’une ‘uvre musicale reproduite sur un phonogramme et qu’il ne saurait exister sans cette dernière ; qu’il ne possède par conséquent aucune existence autonome ;
Mais [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS n’opposent à [T] [O] aucune contestation chiffrée, se contenant de soutenir qu’ils n’ont commis aucune faute et que le choix et le mode d’exploitation des ‘uvres cédées leur appartiennent ;
Une absence ou une mauvaise exploitation, voire une exploitation inadaptée des ‘uvres par [W] [C] et par la société HYPETRAXX RECORDS a occasionné à [T] [O] une perte de chance qui lui a occasionné un manque à gagner direct et certain ; de même, l’absence de présentation des comptes d’exploitation de ses ‘uvres a provoqué un préjudice de même nature ; enfin, la résiliation des cinq contrats est également à l’origine d’un préjudice qui mérite réparation ;
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS seront donc condamnés pour les motifs sus-évoqués à verser à [T] [O] la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice directement liés aux mauvaises conditions d’exploitation des cinq vidéogrammes ainsi qu’au défaut de reddition des comptes d’auteur ;
Le jugement déféré sera réformé en conséquence ;
‘ atteinte au droit à la paternité sur les ‘uvres :
[W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS devront être condamnés pour avoir porté atteinte au droit à la paternité sur les ‘uvres à la somme de 20.000 euros ;
Le jugement déféré sera par conséquent réformé en ce qu’il a fixé ce préjudice à la somme de 10.000 euros ;
Sur les mesures accessoires :
Il convient de faire droit aux mesures d’interdiction sollicitées et d’ordonner la publication du présent arrêt dans les conditions fixées au dispositif du présent arrêt ;
La demande de rejet de l’action en contrefaçon contre [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS est sans objet dans la mesure où [T] [O] ne formule plus aucune demande à ce titre devant la cour ;
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de [T] [O] les frais non compris dans les dépens qu’il a engagés et qu’il convient de fixer à la somme de 10.000 euros à la charge de [W] [C] et de la société HYPETRAXX RECORDS ;
Les demandes formées au même titre par [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS seront rejetées ;
P A R C E S M O T I F S,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS ont manqué à leurs obligations contractuelles et ont porté atteinte au droit moral de [T] [O], en ce qu’il a prononcé la résiliation des cinq contrats d’auteur conclus entre [W] [C] ou la société HYPETRAXX RECORDS, en ce qu’il a interdit sous astreinte à [W] [C] et à la société HYPETRAXX RECORDS d’utiliser tout ou partie des clips ‘Every body clap your hands’, ‘Time to dance’, ‘Dreamworld’ , ‘One desire’ et ‘Superstar’ et les a condamnés au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
Le réforme pour le surplus,
Constate que [T] [O] est l’auteur des cinq vidéo clips ‘Every body clap your hands’, ‘Time to dance’, ‘Dreamworld’ , ‘One desire’ et ‘Superstar’,
Dit n’y avoir lieu à mettre [W] [C] hors de cause,
Constate que [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS en qualité de producteur titulaire à titre exclusif des droits d’auteur sur les cinq clips ont manqué gravement à leurs obligations contractuelles,
Interdit l’utilisation de tout ou partie des ‘uvres créées par [T] [O], y compris les illustrations des chansons sur tout support, 30 jours à compter de la signification de l’arrêt et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée,
Interdit l’utilisation de tout ou partie de ses ‘uvres sur les sites internet des producteurs à savoir notamment www.jakarta-dj.com et www.hypetraxx.com dans les 30 jours à compter de la signification de l’arrêt et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée,
Ordonne aux frais de [W] [C] et de la société HYPETRAXX RECORDS sans que le coût total des insertions n’excède la somme de 10.000 euros hors taxes la publication de l’arrêt dans les 30 jours de sa signification en première page des sites suivants :
http://www.jaarta-dj.com/
http://www.myspace.com/danny-wild
http://www.myspace.com/alanpride
http://www.pyspace.com/pillboxprod
http://www.dj-dannywild.com/
http://www.hypetraxx.com
http://www.youtube.com
http://www.dailymotion.com
http://www.airplayrecords.com
http://www.universalmusic.com
Condamne in solidum [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS à payer à [T] [O] les sommes de :
– 100.000 euros au titre du préjudice matériel,
– 10.000 euros à titre d’indemnisation du droit à la paternité sur ses ‘uvres,
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS de l’ensemble de leurs demandes,
Condamne in solidum [W] [C] et la société HYPETRAXX RECORDS à payer à [T] [O] la somme complémentaire de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,