Production musicale : 22 novembre 2006 Cour de cassation Pourvoi n° 05-86.765

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Production musicale : 22 novembre 2006 Cour de cassation Pourvoi n° 05-86.765
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux novembre deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON et de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Stéphane,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 12e chambre, en date du 2 novembre 2005, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d’escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

“en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a été rendu après des débats au cours desquels le ministère public a été entendu en dernier sans que Stéphane X… ait eu la possibilité de répliquer ;

“alors qu’aux termes de l’article 513, dernier alinéa, du code de procédure pénale, le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers et que cette règle est une condition du procès équitable” ;

Attendu qu’en ne donnant pas la parole en dernier à Stéphane X…, qui n’était pas pénalement condamné et ne comparaissait qu’en sa seule qualité d’intimé, la cour d’appel n’a pas méconnu les dispositions de l’article 513, alinéa 4, du code de procédure pénale ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 112-2 et L. 113-6 du code de la propriété intellectuelle, 313-1 et 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

“en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a condamné Stéphane X… à payer des dommages-intérêts à la société Bac Films et à la société BNP Paribas ;

“aux motifs que Stéphane X… ne conteste pas que le contrat de distribution qu’il a signé le 11 juin 1999 au nom de sa société Globe Trotter Network avec la société Bac Films, représentée par son président directeur général Jean Y…, l’a été alors que celui-ci était dans l’ignorance totale de l’origine japonaise des images composant le film “Chère Kitty” finalement dénommé “Le journal d’Anne Z…” ; que Y… était au contraire fondé à croire qu’il s’agissait d’une création de la société GTN produite en France et en Irlande, présentée auprès tant de Bac Films que de Canal +, autre acquéreur du film pour son exploitation télévisuelle, comme “une oeuvre cinématographique de long métrage d’expression originale française et européenne au sens du décret n° 90.66 du 17 janvier 1990 modifié par le décret n° 92.279 du 27 mars 1992”, ayant la France pour pays d’origine, le français comme langue originale de tournage, comme auteur Daniel A… et comme réalisateur Julien B… ; que Jean Y… avait d’autant moins de raisons de douter de l’exactitude de ces éléments qu’à la date du 11 juin 1999 X… se livrait depuis plus d’un an à une campagne de presse accréditant la prochaine sortie d’un long métrage d’animation adaptant le Journal d’Anne Z… à l’écran, produit par sa société, fabriqué en Irlande et en Angleterre par les studios Creeve et Brookfield sous la direction du réalisateur Julien B… et sur un scénario de Daniel A… l’un et l’autre français selon un bordereau descriptif soumis au Centre national de la cinématographie

; que sont produits à cet égard quatre articles de presse, dont deux de la presse spécialisée (“Le film français”), le plus récent paru le 3 juillet 1999 – soit 8 jours avant la signature du contrat entre GTN et Bac Films – reprenant sous forme d’interview de Stéphane X… les points essentiels relatifs à la supposée origine européenne du film ; que cette fiction d’une production purement européenne et essentiellement française a été maintenue par la publication le 23 Juillet 1999 au registre public de la cinématographie des contrats conclus par Stéphane X… représentant la société GTN, d’une part, en 1993 avec Daniel A… auteur du scénario et, d’autre part, en 1997 avec le réalisateur Julien B…, qui se révéleront ultérieurement n’être nuls autres que X… lui-même qui prétend n’avoir ainsi qu’utilisé légitimement des pseudonymes ; qu’elle a été ultérieurement maintenue également par la livraison à Bac Films de l’exemplaire prévu pour l’exploitation en salle comportant un générique dépourvu de toute référence à une quelconque origine japonaise de l’oeuvre ;

que c’est en cet état qu’a été sollicité par Stéphane X… l’agrément du Centre national de la cinématographie pour un classement en oeuvre européenne d’expression originale française qui était de nature à permettre l’obtention d’aides publiques ; qu’en revanche cette fiction n’a pu être maintenue à partir de la projection du film en avant-première le 20 février 2000 au cours de laquelle un journaliste a reconnu en l’oeuvre projetée le film japonais Anne No C… qu’il avait vu lors de sa sortie au Japon en 1995 et où il n’avait rencontré que peu de succès ; que c’est à la suite de cette révélation, qui a donné lieu à un article dans le quotidien Le Monde du 24 février 2000, que Stéphane X… a admis avoir acquis des droits sur le film japonais le 25 mars 1998 après de la société TFC et a fourni à la société Bac Films une version du film pour la projection en salle comportant également le générique japonais ; par ailleurs, dans ce nouveau contexte, les autorités administratives ont finalement rejeté le classement du film distribué par la société Bac Films en oeuvre française ou européenne, et la société Canal + a rompu le contrat qu’elle avait signé avec GTN le 6 août 1999 ; que les circonstances ainsi rappelées font apparaître que Stéphane X… s’est livré à des manoeuvres frauduleuses pour tromper les sociétés Bac films, Canal + et BNP Paribas, sur la véritable origine du film intitulé le Journal d’Anne Z… ou Chère Kitty en leur faisant croire à une origine française ou européenne qui seule aurait été de nature à permettre l’obtention d’aides publiques, afin de les persuader de souscrire des contrats de distribution ou, en ce qui concerne la banque, de consentir des ouvertures de crédit par l’escompte des créances résultant de la souscription de ces contrats ; que les moyens invoqués par X… pour contester que ces faits puissent revêtir une qualification pénale consistent à soutenir : que le film dont il a cédé les droits de distribution constituait bien une oeuvre originale d’expression française par les modifications profondes qu’il aurait apportées au film japonais comme le prévoyait son contrat avec le producteur japonais initial, alors que ce contrat, expressément qualifié de contrat de distribution, ne permet les adaptations que dans des limites moindres, et que le travail effectué par ses soins est extrêmement limité dans la partie picturale de l’oeuvre puisque ce travail n’a pour l’essentiel consisté qu’à effectuer des coupures et modifications de montage sans création d’images nouvelles ; que ces modifications limitées et le changement de langue n’impliquaient qu’un travail technique ne conférant pas le caractère d’oeuvre originale ; que s’il est vrai que la société GTM a donné au film une nouvelle musique d’un compositeur différent il n’apparaît pas que cette nouvelle partition suffise à donner à l’oeuvre cinématographique dans son ensemble le caractère d’une oeuvre originale, dans la triple mesure où dans ce film le fond musical est discret, très secondaire par rapport au déroulement dramaturgique de l’action, et certes différent mais de caractère comparable ; que Stéphane X… soutient également qu’il aurait commis ni faux ni manoeuvre frauduleuse en établissant et en faisant publier au registre public de la cinématographie les

prétendus contrats d’auteur de 1993 avec Daniel A… et de réalisation en 1997 avec Julien B…, alors que ces personnages n’existent pas et que X… a contracté avec lui-même, et qu’il n’aurait ainsi que fait usage de pseudonymes ; que toutefois l’emploi de pseudonymes ne doit permettre que de dissimuler une identité dans un but légitime de protection, et respecter une condition générale de loyauté ; que cet emploi ne peut être reconnu comme légitime lorsque, comme en l’espèce, il a pour but de tromper un cocontractant sur la nationalité d’une oeuvre alors que cette circonstance produit des effets déterminants dans la conclusion ou au moins dans l’économie du contrat, ou en le persuadant de l’existence de contractants en réalité inexistants, et par là même d’entreprises imaginaires ; qu’ainsi ces contrats constituaient à tout le moins des faux intellectuels, et en tout cas leur utilisation accréditait faussement auprès des cocontractants de X… la croyance de l’origine française de l’oeuvre dont ils acquéraient les droits de distribution, et constituait donc en elle-même une manoeuvre frauduleuse contribuant à la réalisation de l’escroquerie ; que Stéphane X… fait encore valoir que le visionnage du film auquel Jean Y… a procédé ne lui aurait pas permis d’ignorer l’origine japonaise des images, alors que la partie civile fait justement valoir qu’il ne s’agit pas là d’une marque d’origine mais seulement d’un style bien adapté au caractère dramatique de l’oeuvre, susceptible d’être utilisé en tout lieu et notamment en Europe ; que X… soutient enfin que l’origine japonaise du film n’aurait pas été déterminante dans la conclusion des contrats de distribution, alors que Canal + a explicitement rompu son contrat pour cette raison, et que Bac Films, dont son président Jean Y… a admis qu’il aurait sans doute contracté même en en connaissant l’origine véritable compte tenu de l’intérêt qu’il portait au sujet, a bien précisé qu’il n’aurait pas contracté aux mêmes conditions ; qu’en conséquence de ce qui précède, il est établi que Stéphane X…, par des manoeuvres frauduleuses, a trompé les sociétés Bac Films, Canal + (laquelle n’est pas visée par la prévention) et BNP Paribas et les a ainsi déterminées pour l’une à contracter à son égard des obligations contractuelles pour un montant correspondant à une production française et non à une production étrangère adaptée en français, et pour l’autre à accepter l’escompte de créances surévaluées et contestées ; que l’infraction d’escroquerie au préjudice des sociétés Bac Films et BNP Paribas apparaissant ainsi constituée en tous ses éléments, il y a lieu, sur l’appel des seules parties civiles, de réformer le jugement en ses dispositions civiles en les indemnisant des conséquences dommageables de cette infraction ;

“1 ) alors que si les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier le caractère original d’une oeuvre, c’est à la double condition qu’ils recherchent si l’oeuvre qui leur est soumise exprime la personnalité de son auteur et qu’ils ne statuent pas par des motifs contradictoires et que la cour d’appel, qui constatait expressément que, dans la partie picturale de l’oeuvre, Stéphane X… avait procédé à un nouveau montage et que la musique du film ainsi que la langue utilisée étaient entièrement nouvelles, ne pouvait, sans se contredire et ce faisant s’abstenir de rechercher si l’oeuvre qui lui était soumise exprimait la personnalité de son auteur, faire état de sa prétendue absence d’originalité ;

“2 ) alors que, dans son arrêt avant-dire droit en date du 2 novembre 2005 ordonnant la réouverture des débats, la cour d’appel de Paris avait ordonné à Stéphane X… de fournir ses observations écrites par voie de notes ou de conclusions notamment sur le document semblant constituer la pièce n° 48 de la communication de la BNP et consistant en un tableau comparatif, plan par plan, des versions française et japonaise du film, établi le 6 mars 2000 par le laboratoire CMC ; que, dans sa note régulièrement adressée le 22 avril 2005 au président, Stéphane X… faisait valoir que le document établi par le laboratoire CMC à la demande de Bac Films constituait une comparaison technique insuffisante comme ne constatant ni les différences des textes (comprenant, outre les dialogues, tous les artifices du langage cinématographique et toutes les astuces de la poste synchronisation pour les plans où l’on entend des dialogues) ni les retraitements des images ; qu’à titre d’exemple, Stéphane X… invoquait l’une des scènes les plus importantes du film à savoir les réactions du docteur D… et d’Anne dans leur chambre lors de leur arrestation et démontrant que les plans du films avaient été retraités et les images travaillées une par une et qu’en faisant état de la prétendue absence d’originalité du film de Stéphane X… sans s’expliquer sur ces arguments péremptoires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

“3 ) alors que, dans son arrêt avant-dire droit, en date du 2 novembre 2005, ordonnant la réouverture des débats, la cour d’appel de Paris avait encore ordonné à Stéphane X… de fournir ses commentaires écrits par voie de notes ou de conclusions si besoin est sur son allégation selon laquelle l’article 2 du contrat de distribution du 25 mars 1998 lui permettait les adaptations les plus libres ; que, dans une note régulièrement adressée le 22 avril 2005 au président de la cour, l’avocat de Stéphane X… soutenait que la possibilité de réaliser une nouvelle version n’était limitée que par deux aspects : les dispositions en vigueur dans les territoires concédés (monde sauf Corée et Japon) et les obligations que le producteur japonais avait contractées à l’égard de la Fondation Anne Z… et à l’égard du musicien Mikaël E…, qu’il n’existait aucune clause de contrôle du consortium japonais sur les adaptations et en conséquence sur l’oeuvre de GTN, enfin que l’autorisation d’adaptation était limitée au seul respect des conditions habituelles, culturelles, commerciales ou linguistiques et qu’en affirmant par un motif nécessaire de sa décision que le contrat susvisé ne permettait des adaptations que dans des limites moindres sans s’expliquer sur ces arguments péremptoires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

“4 ) alors que le droit de choisir de ne pas publier son oeuvre sous son nom en choisissant un pseudonyme est un droit absolu de tout auteur protégé par les dispositions générales de l’article L. 113-6 du code de la propriété industrielle et qui n’est subordonné à aucune condition et qu’en qualifiant les contrats d’auteur signés en 1993 et 1997 de faux intellectuel constitutif de manoeuvres frauduleuses pour la seule raison que des pseudonymes avaient été utilisés par Stéphane X…, la cour d’appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

“5 ) alors qu’en matière d’escroquerie seules peuvent être prises en compte des manoeuvres antérieures à l’accord de volonté indûment obtenu et que la cour d’appel qui, au titre des manoeuvres frauduleuses, a cru pouvoir prendre en compte la publication des contrats d’auteur de 1993 et de 1997 au Registre public de la cinématographie, laquelle est intervenue le 23 juillet 1999, soit postérieurement à la signature du contrat de distribution entre Stéphane X… et Jean Y…, a violé par fausse application l’article 313-1 du code pénal ;

“6 ) alors que, lorsque dans une instance des débats ont été rouverts par un arrêt avant-dire droit, la juridiction reste saisie des conclusions déposées avant cette réouverture et doit par conséquent y répondre ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées et visées à l’audience du 15 décembre 2004, Stéphane X… s’appropriait expressément les motifs des premiers juges énonçant que quand bien même les manoeuvres frauduleuses alléguées auraient existé, elles n’auraient pas eu pour effet de déterminer la société Bac Films à conclure avec la société Globe Trotter Network le contrat de distribution litigieux signé le 11 juin 1999 dans la mesure où ce contrat avait été signé entre professionnels avertis et qu’il est impossible d’imaginer que Jean Y…, qui est unanimement reconnu pour être un grand professionnel, lui-même producteur et distributeur de dessins animés, n’ait pas su au premier coup d’oeil sur le film que les images étaient de provenance asiatique, cette origine apparaissant évidente même pour des profanes en la matière et qu’en ne répondant à ce chef péremptoire de conclusions et en énonçant de surcroît que Stéphane X… ne contestait pas que, lors de la signature par Jean Y… du contrat de distribution, celui-ci était dans l’ignorance totale de l’origine japonaise des images composant le film “Chère Kitty” finalement dénommé “Le journal d’Anne Z…”, la cour d’appel a statué par des motifs contradictoires et privé sa décision de base légale” ;

 


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