Production musicale : 20 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05198

·

·

Production musicale : 20 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05198

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 20 MAI 2022

(n°78, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/05198 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDKEC

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 mars 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°20/06376

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S. DELIRIUM CAFE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

54, allée Jean Jaurès

31000 TOULOUSE

Immatriculée au rcs de Toulouse sous le numéro 829 913 839

Représentée par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque A 564

Assistée de Me Damien DE LAFORCADE plaidant pour la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE, toque T 66

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

SOCIETE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE (SPRE)

Société civile, prise en la personne de ses cogérants en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé

27, rue de Berri

75008 PARIS

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 334 784 865

Représentée par Me Guillem QUERZOLA, avocat au barreau de PARIS, toque E 606

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en remplacement de Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, empêchée, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 12 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,

Vu l’appel interjeté le 17 mars 2021 par la société Delirium Café,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 février 2022 par la société Delirium Café, appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 février 2022 par la société pour la perception de la rémunération équitable (SPRE), intimée, et appelante à titre incident,

Vu l’ordonnance de clôture du 24 février.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La SPRE est un organisme de gestion collective des droits voisins du droit d’auteur des artistes-interprètes et des producteurs de phonogramme dont l’existence et le fonctionnement sont respectivement prévus par les articles L. 214-5 et L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle.

Elle a pour objet de percevoir et de répartir entre ses ayants-droit la rémunération dite équitable prévue à l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle dont doivent s’acquitter les utilisateurs de phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit leur lieu de fixation dès lors qu’ils font l’objet d’une communication directe dans un lieu public ou d’une radiodiffusion.

La rémunération équitable destinée aux artistes-interprètes et aux producteurs des phonogrammes diffusés est en principe assise sur les recettes d’exploitation de leurs utilisateurs, parmi lesquels figurent notamment les discothèques et établissements similaires, les bars et/ou restaurants à ambiance musicale, les cafés et restaurants, les salons de coiffure, les commerce de détail ou de la grande distribution et plus généralement tous les établissements, espaces et lieux sonorisés.

La société Delirium Café exploite un bar à bières sis à Toulouse depuis septembre 2017 dans lequel elle diffuse de la musique. La société Delirium Café doit à ce titre verser une rémunération équitable à la SPRE qui dépend de son activité.

Le 19 janvier 2018 un agent assermenté de la SPRE a effectué un contrôle au sein du bar de la société Delirium Café afin de vérifier à quelle catégorie d’établissement celui-ci appartient pour la détermination du barème applicable. A la suite de ce contrôle, la SPRE a retenu la qualification de « bar à ambiance musicale » (BAM).

Par courrier du 15 mars 2018, la SPRE a adressé à la société Delirium Café un bordereau de déclaration annuelle pour l’exercice clôturé le 31 décembre 2017 en lui demandant de le retourner avec les pièces justificatives avant l’expiration du délai de 4 mois suivant la clôture. Elle a réitéré sa demande les 3 avril et 30 novembre 2018 avant d’adresser à la société Delirium Café des factures de rémunération équitable portant sur le montant forfaitaire mensuel de 580 euros.

Les 26 mai 2018 et 29 août 2019, de nouveaux contrôles ont été effectués au sein de l’établissement exploité par la société Delirium Café à la suite desquels la SPRE a maintenu sa décision de le qualifier de BAM.

La société Delirium Café contestant cette qualification et donc le montant des redevances réclamées, a saisi la commission paritaire SPRE/SYNHORCAT qui s’est réunie le 11 septembre 2019 sans qu’un accord ne soit trouvé.

C’est dans ce contexte que, par acte du 8 juillet 2020, la société Delirium Café a fait assigner la SPRE devant le tribunal judiciaire de Paris.

Le jugement dont appel a :

– dit que l’établissement exploité par la société Delirium Café doit être qualifié de ‘bar à ambiance musicale’ pour la fixation de la rémunération équitable ;

– condamné la société Delirium Café à payer à la SPRE la somme de 17.888, 45 euros au titre de la rémunération équitable restant due pour la période du 1er septembre 2017 au 31 octobre 2020 ;

– débouté la SPRE de sa demande de dommages et intérêts ;

– condamné la société Delirium Café à payer à la SPRE la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Delirium Café aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire.

La société Delirium Café a interjeté appel dudit jugement et par ses dernières conclusions sollicite de la cour de :

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il :

– a dit que l’établissement qu’elle exploite doit être qualifié de ‘bar à ambiance musicale’ pour la fixation de la rémunération équitable ;

– l’a condamnée à payer à la SPRE la somme de 17.888,45 euros au titre de la rémunération équitable restant due pour la période du 1er septembre 2017 au 31 octobre 2020 ;

–  l’a condamnée à payer à la SPRE la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

–  l’a condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

–  a ordonné l’exécution provisoire.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– constater qu’il n’est pas démontré par la SPRE la diffusion par son établissement d’une musique amplifiée attractive constituant une composante essentielle de l’activité commerciale,

En conséquence,

– juger que son établissement doit être qualifié de lieu sonorisé,

– juger que la somme due par elle en application du barème de rémunération équitable applicable aux lieux sonorisés entre son ouverture et le mois de janvier 2022 s’élève à 2.346,29 euros,

– condamner la SPRE à lui verser à la somme de 23.584,37 euros correspondant au trop versé au titre de la rémunération équitable,

– ordonner la publication de la décision à intervenir dans quatre journaux de son choix, dont deux titres de la presse régionale et deux titres de la presse spe’cialisée, aux frais exclusifs et avancés de la SPRE à concurrence de la somme de 8.000 euros ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait retenir la qualification de bar à ambiance musicale pour une partie de l’activité,

– dire et juger que la musique diffusée par elle, si elle devait être considérée comme amplifiée et attractive, ne pourrait concerner que les périodes allant de 20h30 à 1h du matin en dehors des soirées avec animation ou matchs,

– dire et juger que le calcul de la rémunération sur la base de l’assiette de chiffre d’affaires correspondant à ces périodes, après application des abattements de 12%, 15% et 10%, pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021 s’élèverait à 11.889,56 euros,

– condamner la SPRE à lui verser la somme de 14.041,01 euros correspondant au trop versé au titre de la rémunération équitable,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait retenir la qualification de bar à ambiance musicale pour la totalité de son activité,

– dire et juger qu’après application des abattements de 12%, 15% et 10% auquel elle a droit, la rémunération équitable due par l’établissement au titre des années 2018, 2019, 2020 et 2021 s’élèverait à 17.856,26 euros ,

– condamner la SPRE à lui verser la somme de 8.074,40 euros correspondant au trop versé au titre de la rémunération équitable,

En tout état de cause,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SPRE de sa demande de dommages et intérêts,

– condamner la SPRE à lui verser la somme de 3.700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par ses dernières conclusions, la SPRE sollicite de la cour de :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 12 mars 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il :

– a fixé à la somme de 17.888,45 euros au lieu de 19.231,36 euros le montant de la rémunération équitable restant due pour la période du 1er septembre 2017 au 31 octobre 2020,

– l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

La déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;

Réformant le jugement de ces chefs et statuant à nouveau,

– condamner la société Delirium Café à lui’ payer au titre de la rémunération équitable restant due pour l’activité de son établissement soumise au barème « bars et/ou restaurants à ambiance musicale » sur la période du 1er septembre 2017 au 31 janvier 2022 la somme de 7.328,23 euros, compte tenu du règlement intervenu en exe’cution du jugement entrepris ;

– condamner la société Delirium Café à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en re’paration du préjudice subi ;

– débouter la société Delirium Café de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société Delirium Café à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de proce’dure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de proce’dure civile.

Sur la qualification de l’établissement pour le calcul de la rémunération équitable

Selon l’article 2 de la décision du 5 janvier 2010 de la commission prévue à l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, sont considérés comme bar à ambiance musicale tous établissements recevant du public diffusant de la musique amplifiée, attractive constituant une composante essentielle de l’activité commerciale. L’article 1er de cette même décision définit les cafés et restaurants sonorisés comme des établissements qui diffusent une musique de sonorisation constituant une composante accessoire à l’activité commerciale.

Le protocole d’accord du 10 novembre 2011 signé entre la SPRE et les professionnels du secteur prévoit notamment que les établissements peuvent déterminer la catégorie à laquelle ils appartiennent sous réserve des contrôles opérés par agents assermentés, cet accord contenant, en outre, une grille de qualification indicative pour simplifier la recherche par ces établissements de la qualification de BAM/RAM lorsque celle-ci est incertaine.

L’appelante considère qu’elle dépend de la catégorie des établissements sonorisés et non des bars à ambiance musicale aux motifs qu’il n’est pas montré par la SPRE que la musique diffusée dans son établissement est une composante essentielle de son activité commerciale, cette musique diffusée en fond sonore étant de piètre qualité en raison d’un limiteur de son installé pour éviter les troubles du voisinage, les consommateurs venant pour le large choix de bières proposé et non pour l’ambiance musicale offerte par le bar qui ne communique nullement sur ce point.

Il ressort néanmoins des procès-verbaux de constat dressés par un agent assermenté en date des 19 janvier et 26 mai 2018, du 29 août 2019 et du 27 juin 2020, qui font foi jusqu’à preuve contraire :

– du procès-verbal du 19 janvier 2018 dressé par M. [O] [P] (pièce 1-3 SPRE), agent assermenté de la SPRE, présent dans les locaux du Delirium Café entre 22h55 et 23h00 que l’identité musicale est ‘rock’, la musique attractive celui-ci précisant ‘j’ai fais remarquer à la directrice que la musique est vraiment présente dans l’établissement. Elle approuve mon constat et me précise que la direction a choisi pour valoriser l’établissement de donner une place importante à la musique, et que c’est pour cette raison qu’un directeur artistique a été nommé’, celui-ci concluant : ‘je quitte l’établissement vers les 23h00 en ayant constaté la diffusion de musique amplifiée attractive’,

– du procès-verbal du 26 mai 2018 dressé par M. [O] [P] (pièce 1-5 SPRE) en suite de la contestation par l’intimée de la qualification de BAM, M. [P] indiquant être présent dans les locaux du Delirium Café entre 23h45 et 00h15 que l’identité musicale est ‘rock’, la musique attractive celui-ci précisant que ‘le limitateur acoustique affiche un volume sonore de 85db. L’établissement a réparti plusieurs baffles dans la salle et dispose d’un matériel moderne et sophistiqué de diffusion musicale… L’atmosphère générale du Delirium est celle caractéristique d’un pub, avec ses lumières tamisées et la musique qui permet de couvrir le brouhaha des conversations. Cette dernière est attractive et indispensable à l’ambiance générale de l’établissement’, celui-ci concluant à nouveau: ‘je quitte le Delirium à 00h15 en ayant constaté la diffusion de musique amplifiée attractive’,

– du procès-verbal du 29 août 2019 dressé par M. [O] [P] (pièce 1-6 SPRE), M. [P] indiquant être présent dans les locaux du Delirium Café entre 21h50 et 22h20 que l’identité musicale est ‘Hip Hop’, la musique attractive, celui-ci précisant que ‘le limitateur acoustique affiche un volume sonore de 85db. La musique diffusée est très présente et couvre les conversations. J’identifie ce soir le Hip Hop en thème musical. La musique diffusée est, comme lors de mes précédentes visites, différente d’un simple fond sonore et participe activement à l’ambiance générale du lieu’, celui-ci concluant toujours : ‘je quitte l’établissement vers les 22h20 en ayant constaté la diffusion de musique amplifiée attractive’,

– du procès-verbal du 27 juin 2020 dressé par M. [O] [P] (pièce 1-8 SPRE) en suite de la réunion de la commission paritaire SPRE/SYNHORCAT du 11 septembre 2019, M. [P] indiquant être présent dans les locaux du Delirium Café entre 23h10 et 23h25 que l’identité musicale est ‘Deep House’, la musique attractive, celui-ci précisant que ‘la musique diffusée est très présente et couvre les conversations, J’identifie ce soir là de la ‘house et deep house’en thème musical…le niveau sonore enregistré est d’environ 78 db. La musique diffusée est, comme lors de mes précédentes visites, différente d’un simple fond sonore et participe activement à l’ambiance générale du lieu’, celui-ci concluant encore : ‘je quitte l’établissement vers les 23h25 en ayant constaté la diffusion de musique amplifiée attractive’.

Il résulte de ces quatre constats qu’à chacune de ses visites l’agent assermenté de la SPRE remarque que la musique diffusée au sein de l’établissement est assez forte pour couvrir les conversations, constitue une musique attractive dont la diffusion est permise grâce à un matériel sophistiqué installé à cette fin ainsi que le reconnaît la directrice de l’établissement qui confirme la place importante donnée à la musique. Aussi, la société Delirium Café ne peut être suivie lorsqu’elle affirme que la qualité du son est détériorée en raison de la présence d’un limiteur de son, ce que n’a pas constaté l’agent assermenté de la SPRE à l’occasion de ses quatre visites ni certains clients de l’établissement qui qualifient sur les réseaux sociaux la musique diffusée de ‘bon son’, d’autres trouvant la musique d’un niveau sonore trop élevé. De même, la circonstance que cet établissement soit réputé pour offrir un large choix de bières, cette offre particulière étant un attrait pour la clientèle, n’est pas suffisante pour conclure que la musique diffusée dans l’établissement n’est pas attractive et ne constitue pas également une composante essentielle de l’activité commerciale.

Il est en conséquence établi la diffusion au sein de l’établissement Delirium Café d’une musique amplifiée attractive se distinguant nettement d’une simple musique de sonorisation, la qualification de BAM de cet établissement étant certaine et devant en conséquence être retenue sans qu’il soit besoin de recourir aux critères de la grille indicative. Le jugement mérite confirmation de ce chef.

Sur les sommes dues par la société Delirium Café au titre de la rémunération équitable

L’article 2 de la décision du 5 janvier 2010 assujettit à la rémunération équitable l’ensemble des recettes brutes de l’établissement qualifié de BAM/RAM, le taux applicable étant de 1,65%.

L’article 1er du protocole d’accord du 10 novembre 2011 précité prévoit notamment que : ‘Sachant qu’un établissement peut être BAM ou RAM pour une partie seulement de son activité, l’exploitant doit alors déclarer et justifier les recettes correspondant aux périodes pendant lesquelles la musique diffusée est amplifiée attractive. En l’absence de fourniture de justificatifs comptables, tels que notamment, une ventilation des recettes du compte de résultat vérifiable par la SPRE, l’exploitant devra constituer des relevés de caisse horodatés ou des enquêtes de caisse par sondage sur 1 mois significatif…Cependant dans un but de simplifier la détermination et la justification de l’assiette de calcul des droits, des normes d’exploitation sont proposées en annexe 2″.

La qualification de BAM ayant été retenue pour le Delirium Café, il convient d’appliquer les tarifs applicables à ces établissements. La société Delirium Café effectue un calcul des sommes qu’elle estime être dues en prenant en considération une partie de son activité et en appliquant des abattements qu’elle qualifie de réglementaires : 12% si la déclaration est envoyée dans les 4 mois de la clôture et 15 % si le paiement est effectué dans les délais, et de conventionnels : 5 % en cas d’autorisation du boîtier électronique et 5% supplémentaire en cas d’adhésion à une organisation signataire du protocole avec la SPRE.

Ainsi que le relève la SPRE, la société Delirium Café ayant toujours contesté la qualification de BAM, celle-ci n’a fourni aucun élément permettant de justifier les recettes pour les périodes pendant lesquelles elle admettait diffuser de la musique amplifiée attractive.

La SPRE a néanmoins appliqué les normes prévues à l’annexe 2 du protocole d’accord en date du 10 novembre 2011 en prévoyant un abattement de 50% pour ouverture avant 18h, 30% pour les lieux créant des événements autour des manifestation sportives et, sur les déclarations du dirigeant de l’appelante, une réduction de 35,47% liée à la terrasse non sonorisée.

Aussi, ces abattements de 50%, 30% et 35,47% seront retenus par la cour, les affirmations de la société Delirium Café quant aux jours et à la durée de diffusion de la musique attractive n’étant pas montrée, aucune pièce n’étant fournie au débat autre qu’un tableau (pièce n°30 Delirium Café) qui apparaît avoir été établi par l’appelante dans des circonstances inconnues et qui ne peut être retenu par la cour.

S’agissant des abattements supplémentaires de 12% la société Delirium Café ne peut y prétendre pour l’exercice 2018 à défaut d’avoir respecté les conditions prévues à l’article 2 de la décision du 5 janvier 2010, ainsi que justement relevé par le tribunal, celle-ci ayant attendu le 23 juin 2020 pour communiquer à la SPRE un premier bordereau de déclaration annuelle pour l’exercice 2019 comprenant celui de l’exercice précédent avec le bilan comptable, alors que cette communication doit intervenir dans les quatre mois suivant la clôture de l’exercice. Bien que le délai de quatre mois n’ai pas été totalement respecté pour l’exercice 2019, la SPRE a néanmoins accepté d’appliquer cet abattement en raison de la crise sanitaire.

Pour l’abattement de 15% qui bénéficie aux établissements qui s’acquittent avant le 25 du mois d’émission de la facture, du montant facturé, la cour observe avec la SPRE que la société Delirium Café qui conteste les barèmes qui lui sont appliqués, ne s’est jamais acquittée des factures mensuelles qui lui sont adressées depuis le 15 mars 2019, dans le délai prescrit pour bénéficier de cet abattement, qui ne peut donc lui être appliqué.

De même, les abattements de 5% voire 10 % en cas d’acceptation de l’établissement d’installer un système de relevé de programmes et de justification d’une adhésion à un groupement professionnel sont octroyés à la condition que l’exploitant soit à jour de ses obligations de déclaration et de paiement envers la SPRE (article 3 du protocole d’accord du 10 novembre 2011), ce dont ne justifie nullement l’appelante qui ne peut donc en bénéficier.

A cet égard, celle-ci ne peut utilement invoquer le fait qu’elle a toujours contesté la qualification de son établissement en tant que BAM et les délais de la réunion de la commission paritaire qui s’est tenue le 11 septembre 2019 pour expliquer l’absence de déclaration et surtout de règlement alors qu’il est prévu par l’article 5 du protocole d’accord que l’exploitant doit remettre avant cette réunion tous les éléments justificatifs nécessaires, ce dont s’est abstenue l’appelante, et que celle-ci était informée des passages de l’agent assermenté de la SPRE qui avait retenu la qualification de BAM et avait même indiqué à celui-ci ainsi qu’il résulte du rapport de visite dressé par M. [P] le 20 mars 2018 (pièce 1-4 SPRE), soit avant la clôture du premier exercice, que la société Delirium Café sollicitait un nouveau contrôle et qu’en suite de celui-ci, elle acceptera la facturation présentée, le second contrôle étant intervenu le 26 mai 2018.

En conséquence de ce qui précède,

– pour le premier exercice qui est de 16 mois (1er septembre 2017 au 31 décembre 2018), le calcul retenu par le tribunal aboutissant à la somme de 11.111,30 euros TTC sera repris par la cour, en ce qu’il n’est pas sérieusement discuté par l’appelante qui se base sur une rémunération équitable retenue par la SPRE de 7.729,62 euros, ce chiffre indiqué lors de la commission paritaire, se basant sur un exercice fictif de 12 mois,

– pour le second exercice (1er janvier 2019 au 31 décembre 2019), il sera retenu par la cour la somme de 10.473,06 euros TTC due par la société Delirium Café au titre de la rémunération équitable,

– pour le troisième exercice (1er janvier 2020 au 31 décembre 2020), le calcul retenu par le tribunal aboutissant à la somme de 4.032,31 euros TTC due, a été fait sur la base d’un chiffre d’affaires provisoire ; la société Délirium Café a toutefois communiqué le 21 octobre 2021 les justificatifs de son exercice clos au 31 décembre 2020 qui montre un chiffre d’affaires de 1.387.563 euros HT, les parties s’accordant pour considérer qu’après application des abattements ci-dessus, le chiffre d’affaires assujetti à la rémunération équitable de 1,65 % est de 313.374 euros HT soit la somme de 5.170,68 euros à laquelle il convient d’appliquer le seul abattement de 12% pour déclaration dans les délais soit 5.232,73 euros TTC au lieu de la somme de 4.032,31 euros retenue par le tribunal,

– pour le quatrième exercice (1er janvier 2021 au 31 décembre 2021), le dernier chiffre d’affaires connu étant celui de 2020, le chiffre d’affaires assujetti à la rémunération équitable de 1,65 % est de 313.374 euros HT soit la somme de 5.170,68 euros HT soit 5.946,28 euros TTC aucun abattement supplémentaire ne pouvant être appliqué,

– pour la période du mois de janvier 2022 également réclamée par la SPRE, la même base de chiffre d’affaires assujetti étant retenue, il convient d’allouer la somme de 495,52 euros TTC au titre de la rémunération équitable, sans qu’aucun autre abattement puisse être appliqué.

Il ressort de ce qui précède que la société Delirium Café doit à la SPRE au titre de la rémunération équitable la somme totale de 33.258,89 euros TTC arrêtée au 31 janvier 2022, dont il convient de soustraire la somme de 25.930,66 euros déjà acquittée par la société Delirium Café notamment en exécution du jugement déféré.

La société Delirium Café sera en conséquence condamnée à payer à la SPRE la somme complémentaire de 7.328,23 euros au titre de la rémunération équitable arrêtée au 31 janvier 2022.

Le jugement sera en conséquence confirmé sauf à y ajouter la condamnation de la société Delirium Café à la somme complémentaire de 7.328,23 euros TTC.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SPRE

La SPRE critique la décision déférée qui a rejeté sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice issu des manquements de la société Delirium café qui l’ont conduit à exposer des coûts supplémentaires de fonctionnement ayant une mission de perception et de répartition des droits et non celle d’une société de recouvrement de créances, et que l’appelante en s’abstenant de verser la rémunération équitable, a doublement porté atteinte aux droits voisins des artistes interprètes en violant leurs droits de propriété intellectuelle et en les privant de la rémunération légale à laquelle ils ont droit.

La SPRE est une société de perception et de répartition des droits voisins du droit d’auteur des artistes-interprètes et des producteurs de phonogramme.

S’il est exact que le défaut de versement de la rémunération équitable peut être constitutif d’une faute pénale et que les frais supplémentaires engagés par la SPRE pour recouvrer cette rémunération équitable auprès d’établissements qui refusent sans raison aucune de s’en acquitter n’entrent pas dans sa mission d’organisme de gestion collective, il n’en demeure pas moins que cet organisme doit justifier d’un comportement fautif de l’assujetti et des démarches entreprises en lien avec ce comportement. Or, la société Delirium Café a pu sans encourir la critique discuter la qualification de son établissement en BAM, celle-ci l’ayant fait bien avant la clôture de son premier exercice, et n’a fait qu’exercer ses droits en sollicitant la réunion de la commission paritaire.

La SPRE échouant à justifier une faute de la société Delirium Café engageant la responsabilité de cette dernière, sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.

Partie perdante, la société Délirium Café est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la SPRE, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire qui sera, en équité, fixée à la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la société Délirium Café à payer à la SPRE au titre de la rémunération équitable restant due pour l’exploitation de son établissement, la somme complémentaire de 7.328,23 euros TTC au titre de son activité soumise au barème « bars et/ou restaurants à ambiance musicale » pour la période du 1er septembre 2017 au 31 janvier 2022 ,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Délirium Café à payer à la SPRE la somme complémentaire de 2.000 euros,

Condamne la société Délirium Café aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x