Production musicale : 13 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/22221

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Production musicale : 13 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/22221

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2023

(n°139, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/22221 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CE3ZF

Décision déférée à la Cour : jugement du 20 octobre 2021 – Tribunal de Commerce de PARIS – 8ème chambre – RG n°2020011810

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S.U. [J] FILMS, agissant en la personne de sa présidente en exercice, Mme [B] [J], domiciliée en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 512 358 607

Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistée de Me Constance DE GARIDEL-THORON plaidant pour la SELAS VALSAMIDIS (Cabinet TAYLOR WESSING) et substituant Me Benoît GOULESQUE- MONAUX, avocat au barreau de PARIS, toque J 010

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.S. EUROPEAN MOVIES GROUP, prise en la personne de sa présidente en exercice, Mme [M] [Z] épouse [S], domiciliée en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 1]

Immatriculée au rcs de Nice sous le numéro 820 298 289

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque L 0050

Assistée de Me Christophe PASCAL, avocat au barreau de PARIS, toque C 792

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mmes [C] [G] et [W] [L] ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 20 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Paris,

Vu l’appel interjeté le 15 décembre 2021 par la société [J] Films,

Vu l’ordonnance du 13 octobre 2022 du conseiller de la mise en état rejetant la demande de radiation de l’affaire,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 mars 2023 par la société [J] Films ([J]), appelante et intimée à titre incident,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 février 2023 par, la société European Movies Group (EMG), intimée et appelante à titre incident,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 16 mars 2023.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société [J], inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis 13 mai 2009, a pour activité la production de films pour le cinéma. Elle a notamment produit une comédie « Alibi.com », sortie en salles le 15 février 2017, qui a été un grand succès commercial.

La société EMG, inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis 13 mai 2016, a également pour activité la production de films et indique procéder par des levées de fond auprès d’investisseurs privés.

La société [J] a engagé en 2017 la production du film « CHRIST(OFF) », et a signé le 5 mai 2017 un contrat de coproduction avec la société EMG.

Aux termes de ce contrat, la société [J] est producteur délégué et a, à ce titre, la responsabilité de gérer les droits et formalités administratives, d’assurer la comptabilité du film et la reddition des comptes et de garantir la bonne fin et la livraison du film. Elle doit négocier et signer seule l’ensemble des contrats nécessaires au financement du film. Elle garantit qu’aucune décision ayant pour objet de modifier les éléments approuvés par EMG ne sera prise sans son accord préalable.

Le coût total du film était arrêté à la somme de 7 177 846 euros HT. La société EMG s’engageait à apporter la somme de 1 500 000 euros, forfaitaire et définitive, versée comme suit :

– 550 000 euros à la signature du contrat,

– 250 000 euros au dernier jour de tournage,

– 700 000 euros au dernier jour de montage.

La société [J] s’engageait à prendre en charge seule d’éventuels dépassements sans que cela n’entraîne de modification de la quote-part des droits corporels, incorporels ou droits aux recettes dont la répartition était fixée à 65% pour la société [J] et à 35% pour la société EMG.

L’article 7 intitulé « Répartition des recettes » était rédigé comme suit :

« En contrepartie de sa participation financière à la coproduction EMG PROD percevra :

A) Sur les Recettes Nettes Part Producteur (RNPP définies en Annexe C) générées par l’exploitation du film, par tous modes et procédés, sur tous supports, et en tous formats connus ou inconnus à ce jour, en toutes langues dans le monde entier, le pourcentage suivant :

1) 100% (cent pour cent) des Recettes Nettes Part Producteur H.T. jusqu’à récupération par EMG PROD de son Apport en coproduction à hauteur de 500.000 € (cinq cent mille euros), majoré de 20% soit jusqu’à récupération d’une somme totale de 600.000 € (six cent mille euros),

puis

2) 0% (zéro pour cent) jusqu’à récupération par [J] FILMS du gap de financement, plafonné à 1.600.000 € (un million six cent mille euros),

puis au-delà ;

3) 35% (trente-cinq pour cent) des Recettes Nettes Part Producteur, sans limitation de durée ni de montants.

Sous réserve des dispositions de l’article 1 des présentes, la part des RNPP de EMG PROD ne pourra pas être inférieure à 35% (trente-cinq pour cent), sauf pour les couloirs pré-cités aux 1) et 2).

Le gap de financement du Film est défini par la différence entre la somme des engagements de financements externes à [J] FILMS et EMG PROD obtenus et le coût définitif du Film.

B) Sur la vente des diffusions du Film sur une chaîne hertzienne française :

50% (cinquante pour cent) des recettes brutes encaissées par [J] FILMS pour la vente de la première et deuxième diffusion du Film sur une chaîne hertzienne française, étant précisé que la part d’EMG PROD sur la vente susvisée ne pourra être inférieure à 1.000.000 € minimum garanti par [J] FILMS payable au moment de la vente et au plus tard dans un délai maximum de 36 mois à compter de la première diffusion en salle ».

Le film « Christ(off) », sorti en salles le 11 juillet 2018, pendant la phase finale de la coupe du monde de football remportée par l’équipe de France, a été, avec seulement 106 000 entrées en salle, un véritable échec commercial.

Les relations entre les deux coproducteurs se sont alors détériorées et, par courrier du 25 septembre 2019, le conseil de la société EMG adressait à la société [J] une mise en demeure de justifier des démarches effectuées en vue de l’exploitation par télédiffusion du film, de payer la somme de 100 000 euros HT due au titre de l’exploitation au Bénélux et d’adresser des décomptes d’exploitation rectificatifs.

Le 20 novembre 2019 la société EMG réitérait ces demandes et faisait état de son inquiétude face au paiement de la somme de 1 000 000 d’euros prévu sur la vente des diffusions du film sur les chaines hertziennes françaises auquel, selon elle, la société [J] s’était engagée.

Considérant les réponses non satisfaisantes, la société EMG faisait assigner la société [J] par exploit du 18 février 2020 devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir paiement de sommes qu’elle estimait dues au titre du contrat de coproduction.

Le jugement contradictoire rendu le 20 octobre 2021, dont appel, a :

– condamné la société [J] à payer à la société EGM la somme de 100 000 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019,

– condamné la société [J] à payer à la société EGM la somme de 275,55 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019,

– condamné la société [J] à payer à la société EGM la somme de 1 000 000 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021,

– dit les parties mal fondées pour les demandes plus amples ou autres, et les en déboute,

– condamné la société [J] aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA,

– condamné la société [J] à payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile à la société EGM,

– dit que l’exécution provisoire est de droit.

Par ses dernières conclusions, la société [J] demande à la cour de :

– A titre liminaire,

juger que les demandes de la société [J] Films sont recevables y compris sa demande subsidiaire, cette dernière n’étant pas nouvelle en appel,

A titre principal,

– infirmer le jugement du 20 octobre 2021 en ce qu’il a : i) condamné la société [J] à payer à la société EMG la somme de 100 000 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019 ; ii) condamné la société [J] à payer à la société EMG la somme de 1 000 000 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021 ; iii) dit la société [J] mal fondée pour les demandes plus amples ou autres, et l’en a déboutée ; iv) condamné la société [J] aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA ; v) condamné la société [J] à payer la somme de 15 000 euros au titre de l’art. 700 code de procédure civile à la société EMG,

Statuant à nouveau,

– réputer non écrite la clause 7B du contrat de coproduction du 5 mai 2017 ;

– juger à titre subsidiaire que si la clause 7B devait jouer, la société EMG devra indemniser la société [J] Films pour le préjudice subi soit à hauteur de 1 000 000 euros ;

– condamner la société EMG à verser à la société [J] Films la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices causés par son comportement déloyal ;

En tout état de cause,

– débouter la société EMG de l’intégralité des demandes qu’elle forme ;

– condamner la société EMG à verser à la société [J] la somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société EMG aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, la société EMG demande à la cour de :

– dire la société [J] mal fondée en son appel et l’en débouter,

– confirmer le jugement du 20 octobre 2021 en ce qu’il a :

– condamné la société [J] à payer à la société EMG la somme de 100 000 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019,

– condamné la société [J] à payer à la société EMG la somme de 275,55 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019,

– condamné la société [J] à payer à la société EMG la somme de 1 000 000 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021,

– dit la société [J] mal fondée pour ses demandes plus amples ou autres, et l’en déboute,

– condamné la société [J] aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe,

– condamné la société [J] à payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société EMG,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit la société EMG mal fondée pour les demandes plus amples ou autres, et l’en déboute,

En conséquence, statuant à nouveau,

– condamner la société [J] Films à payer à la société EMG, une somme de 300 000 euros à titre de dommages intérêts,

En toute hypothèse,

– débouter la société [J] de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions, en particulier de sa demande reconventionnelle,

– condamner la société [J] Films à payer à la société EMG la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

– condamner la société [J] aux entiers dépens.

La cour relève que la condamnation prononcée par le jugement à l’encontre de la société [J] à hauteur de 275,55 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019, relativement aux droits sur la musique n’est pas contestée par les parties. Le jugement déféré doit en conséquence être considéré comme irrévocable de ce chef.

Sur la somme de 100 000 euros émanant de la société Nexus Factory

Les parties versent au débat un document intitulé « Avenant confidentiel de coproduction du 1er août 2018 pour l »uvre Christ Off » conclu entre la société [J] et une société belge Nexus Factory le 3 septembre 2018.

Selon cet avenant la société Nexus Factory se voit attribuer l’exploitation du film sur le territoire du Benelux et 100% des RNPP provenant de cette exploitation. Elle verse en contrepartie à la société [J] un minimum garanti de 100 000 euros HT.

Il n’est pas contesté que la société [J] a reçu ladite somme de 100 000 euros HT.

La société EMG, qui n’avait pas eu connaissance de la signature d’un contrat ou avenant avec la société Nexus Factory revendique le paiement de cette somme qu’elle qualifie de « recette » en application de l’article 7 A-1°, ci-dessus reproduit, du contrat de co-production.

La société [J] conteste que cette somme soit une « recette » et affirme qu’il s’agit d’un « apport en financement » qui dès lors n’entre pas dans la répartition des recettes telle que prévue à l’article 7 A susvisé.

Pour autant la cour retient que la société [J] ne produit au débat ni le contrat de coproduction du 1er août que l’avenant est supposé modifier, ni le « deal mémo » du 2 mai 2017, ni ne précise la date à laquelle la somme de 100 000 euros HT a été versée.

L’avenant conclu le 3 septembre 2018 mentionne un effet rétroactif au 1er juin 2017 soit à une date antérieure au contrat qu’il est supposé modifier.

S’il est exact que la société Nexus Factory est mentionnée à l’annexe 2 du contrat de coproduction conclu entre les parties le 5 mai 2017 comme partie au plan de financement, cela n’exclut pas de considérer la somme de 100 000 euros, minimum garanti en contrepartie de l’exploitation octroyée, comme une recette.

Or, aux termes de l’article 7-1° du contrat de coproduction la société EMG devait toucher 100% des recettes nettes générées par l’exploitation du film, par tous modes et procédés, sur tous supports, et en tous formats connus ou inconnus à ce jour, en toutes langues dans le monde entier jusqu’à 600 000 euros.

Dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné la société [J] à payer à la société EMG la somme de 100 000 euros HT majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 septembre 2019.

Sur la somme de 1 000 000 d’euros liée à la vente aux chaînes hertziennes françaises :

L’article 7B du contrat de coproduction du 5 mai 2017 prévoit le versement de 50% des recettes brutes encaissées par la société [J] pour la vente de la première et deuxième diffusion du Film sur une chaîne hertzienne française et précise « que la part d’EMG PROD sur la vente susvisée ne pourra être inférieure à 1.000.000 € minimum garanti par [J] FILMS payable au moment de la vente et au plus tard dans un délai maximum de 36 mois à compter de la première diffusion en salle ».

Comme relevé par les premiers juges, la société EMG et la société [J] s’opposent sur l’interprétation à donner de cette clause.

La société EMG sollicitait du tribunal qu’il juge que ladite clause « signifie que la SAS [J] Films est débitrice d’ici au plus tard le 12 juillet 2021 (délai maximum de 36 mois à compter de la première diffusion en salle pour la réalisation de la vente du Film sur une chaine hertzienne française) d’une somme minimale de 1 000 000 euros ».

La société [J] s’opposait à cette interprétation de la clause qui selon elle ne pouvait valoir engagement à payer la somme de 1 000 000 d’euros quelle que soit la situation des ventes hertziennes sauf à ôter tout aléa au contrat de production et rendre nulle ladite clause.

Elle demandait que si une telle interprétation de la clause était retenue, la clause soit réputée non écrite.

Les premiers juges ont jugé à tort que la clause ne portait pas à interprétation « tant sa rédaction est claire ». Ils ont retenu de la lecture de cette clause que « soit il y a une vente hertzienne et, quel que soit le montant de cette vente, 1 million d’euros est immédiatement payable, soit il n’y a pas de vente hertzienne et le million d’euros est payable dans un délai maximum de 36 mois à compter de la première diffusion en salle ».

Ainsi, ils n’ont pas tenu compte de ce que la clause se trouvait sous un titre intitulé « B) Sur la vente des diffusions du Film sur une chaîne hertzienne française », qu’elle commençait par déterminer 50% la part revenant à la société EMG des recettes brutes encaissées par la société [J] pour la vente de la première et deuxième diffusion du film sur une chaîne hertzienne française et qu’elle précisait que cette part « sur la vente susvisée ne pourra être inférieure à 1.000.000 € minimum garanti par [J] FILMS payable au moment de la vente et au plus tard dans un délai maximum de 36 mois à compter de la première diffusion en salle ».

La cour considère que la clause qui n’est pas claire doit être interprétée au regard de l’économie du contrat comme signifiant que le million d’euros garanti ne constitue pas une obligation inconditionnelle pour la société [J] de rembourser à la société EMG une somme de 1 000 000 d’euros sur la somme de 1 500 000 euros engagée mais seulement d’affecter en priorité et jusqu’au paiement de ladite somme de 1 000 000 d’euros la totalité des recettes brutes encaissées pour la vente de la première et deuxième diffusion du film sur une chaîne hertzienne française à la société EMG et non seulement les 50% correspondant à sa part telle que fixée contractuellement sur les recettes brutes issues de la vente de la première et deuxième diffusion du film sur une chaîne hertzienne française. Ce paiement devant intervenir soit au moment des ventes réalisées, soit dans un délai maximum de 3 ans à compter de la première diffusion en salle.

Les premiers juges ont, à tort, retenu que le film étant sorti en salle le 11 juillet 2018 la somme de 1 000 000 d’euros étaient automatiquement due à la société EMG par la société [J] au 12 juillet 2021 et ont condamné la société [J] au paiement de cette somme majorée des intérêts au taux légal à compter de cette date.

Seules les recettes brutes effectivement reçues en paiement de la vente de la première et deuxième diffusion du Film sur une chaîne hertzienne française jusqu’à un montant de 1 000 000 d’euros étaient dues à la société EMG et devaient être payées au plus tard le 12 juillet 2021.

Or, il ressort des éléments versés au débat qu’aucune vente à une chaine hertzienne française n’a été réalisée et que dès lors aucune somme à ce titre n’est due à la société EMG qui sera déboutée de ses demandes de ce chef. Le jugement est ainsi infirmé.

Par ailleurs, au regard de la compréhension de la clause retenue par la cour, il ne peut être fait droit à la demande formée par la société [J] de la voir réputée non écrite et il n’y a pas lieu de statuer sur la recevabilité et le bien ou mal fondé de sa demande subsidiaire de voir condamner la société EMG à lui payer la somme de 1 000 000 d’euros à titre de dédommagement du fait de l’application de la clause.

Sur la demande incidente de la société EMG

La société EMG demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande d’indemnisation à hauteur de 300 000 euros au regard des fautes commises par la société [J].

Elle reproche à l’appelante une inexécution du contrat de coproduction au regard de ses articles 6 et 7A avec une exploitation « amateur » en salles, auto-organisée et désastreuse, l’absence totale d’information sur la distribution, des fautes commises dans la distribution tel le délai particulièrement court de sortie du film après la signature du contrat de distribution et la délivrance du visa d’exploitation et le choix de la date calamiteuse de sortie du film. Une exploitation vidéographique symbolique et une exploitation inexistante sur les ventes à l’étranger et quasi-inexistante sur les ventes télévisuelles. Elle sollicite l’octroi de 300 000 euros au regard de l’atteinte à sa notoriété et à son image.

La société [J] conteste avoir commis une faute dans l’exploitation du film ou dans l’exécution des contrats de coproduction et rappelle que la fabrication du film a été menée à son terme et a pu sortir en salles. Elle précise n’avoir, en sa qualité de producteur, aucune obligation de résultat en matière de commercialisation et de vente du film et qu’elle ne pouvait pas prévoir l’échec du film.

L’article 6 intitulé « Mandats » du contrat de coproduction stipule :

« Les mandats exclusifs de commercialisation salle, vidéo et VOD en FRANCE seront confiés à un distributeur et feront l’objet d’un contrat séparé prévoyant ou non le versement d’un minimum garanti et prévoyant des frais d’édition dont la récupération sera mutualisée sur l’ensemble des mandats qui lui seront confiés. La commission de distribution sera de 30% (trente pour cent) maximum, selon les usages de la profession.

La vente exclusive du film à l’étranger sera confiée à un vendeur international. Elle fera l’objet d’un mandat séparé prévoyant ou non le versement d’un minimum garanti, une commission maximum de 25% (vingt-cinq pour cent) selon les usages de la profession sur les recettes brutes encaissées et la déduction de frais de commercialisation.

Ces mandats seront négociés par [J] FILMS, conformément à l’Article 3 C du présent Contrat.

[J] FILMS sera en charge d’effectuer les ventes des droits de télédiffusion du Film (payant, non payant) en France ».

L’article 7 A relatif à la répartition des recettes a été ci-dessus reproduit.

Pour autant si la société [J] peut être critiquée quant à certains de ses choix stratégiques peu pertinents, il ne peut lui être reproché aucune faute contractuelle au regard des articles susvisés du contrat de co-production.

Elle justifie avoir contacté plusieurs distributeurs qui ont refusé de distribuer le film et avoir ensuite confié, par un contrat signé le 11 juin 2018, la distribution à une société Lamarr et à une société MPC en cours de constitution pour une durée de 5 ans. La commission de distribution de 15 % était inférieure aux 30% fixés au contrat.

Elle n’a pas non plus contrevenu aux dispositions relatives à la vente à l’étranger même si aucun contrat hormis celui avec la société belge Nexus Factory n’a été signé.

Ainsi, si incontestablement elle a fait des mauvais choix notamment quant à la date de sortie du film au regard à la coupe du monde de football et/ou des distributeurs, il ne s’agit pas de fautes contractuelles telles que soutenues par la société EMG pouvant générer un dédommagement au profit du co-contractant.

Le jugement qui a débouté la société EMG de ce chef sera confirmé.

Sur la demande d’indemnisation de la société [J]

La société [J] demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande indemnitaire de 100 000 euros en réparation des préjudices subis par les actes qualifiés de déloyaux de l’intimée qui a fait pratiquer, au cours de l’été 2021, une série de saisies conservatoires sur le fondement d’une prétendue créance de 1 000 000 d’euros en faisant une présentation biaisée des faits au juge de l’exécution.

Pour autant la société [J] ne justifie d’aucune man’uvre déloyale ou d’intention de nuire lors des procédure d’obtention des saisies conservatoires autorisées par le juge, ni d’un autre objectif que celui de préserver la possibilité de recouvrer par des saisies conservatoires la créance qu’elle estimait avoir.

Le jugement qui a débouté la société [J] de ce chef sera confirmé.

Sur les frais et dépens

La condamnation de la société [J] aux dépens et à payer une somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance est confirmée.

En revanche, chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens exposés par elle s’agissant de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société [J] Films à payer à la société European Movies Group la somme de 1 000 000 euros HT, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021,

Y substituant et y ajoutant,

Dit n’y avoir à réputer non écrit l’article 7 B du contrat de coproduction du 5 mai 2017,

Déboute la société European Movies Group de sa demande de condamnation fondée sur l’application de l’article 7B du contrat de coproduction du 5 mai 2017,

Déboute les parties de toutes leurs demandes contraires ou plus amples,

Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens exposés par elle s’agissant de la procédure d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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