Production musicale : 12 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/15024

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Production musicale : 12 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/15024

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 12 JANVIER 2023

N° 2023/21

Rôle N° RG 21/15024 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJCP

[K] [G] épouse [T]

[B] [T]

[M] [T]

[O] [U]

S.A.S. ACCORD

C/

S.A.S. ROCHER MISTRAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Myriam ETTORI

Me [M] DRUJON D’ASTROS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d’Aix en Provence en date du 12 octobre 2021 enregistré e au répertoire général sous le n° 21/01149.

APPELANTS

Madame [K] [G] épouse [T]

née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 21]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 10]

Madame [B] [T]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 21]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 23]

Monsieur [M] [T]

né le [Date naissance 8] 1981 à [Localité 21]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 9]

Monsieur [O] [U]

né le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 20]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

S.A.S. ACCORD

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 5]

représentés par Me Myriam ETTORI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistés de Me Jean-Marc DESCOUBES, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

S.A.S. ROCHER MISTRAL

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 11]

représentée par Me Nicolas DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Alexis CHABERT et par Me Edouard DE MELLON de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocats au barreau de LYON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, M. PACAUD, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le Château de [Localité 17], situé dans la commune de [Localité 17] (13), a été classé monument historique par arrêté du ministre de la Culture en date du 15 décembre 1984. Le 27 avril 2006, le Conservateur Régional des Monuments Historiques a considéré que ce classement s’étendait au [Localité 15] cadastré AI [Cadastre 2].

Le 30 décembre 2019, la société par actions simplifiée (SAS) [Localité 18] (aujourd’hui dénommée SAS Rocher Mistral) a fait l’acquisition du Château de [Localité 17], agrémenté d’environ deux hectares de jardins ainsi que du massif forestier environnant d’une superficie de 300 hectares.

Son projet, diffusé par voie de presse, était d’y réaliser un parc à thème sous la dénomination commerciale ‘Rocher Mistral’ avec un objectif de 300 000 visiteurs par an.

Elle a obtenu diverses subventions du [Adresse 13] et du Conseil Départemental des Bouches du Rhône.

Le 2 juillet 2020, la SAS [Localité 18] a déposé auprès du Préfet de Région une demande d’examen au cas par cas préalable à la réalisation éventuelle d’une évaluation environnementale dans le cadre des dispositions de l’article R 122-3 du code de l’environnement.

Par arrêté du 23 juillet 2020, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a considéré que ce dossier de demande d’autorisation du projet de permis d’aménager devait comporter une étude d’impact dont le contenu est défini par l’article R 122-5 du Code de l’environnement. Celle-ci devait notamment concerner l’évaluation du trafic routier induit par l’accès et les parkings du parc, l’estimation de l’impact sonore vis-à-vis des riverains, la prise en compte des risques d’inondation et de feu de forêt ou encore la quantification des impacts du projet sur la biodiversité.

Le 4 août 2020, la SAS [Localité 18] déposait une demande de permis pour la construction de bâtiments de style provençal et autres infrastructures destinées à l’accueil du public (commerces, gradins, restaurants) d’une surface totale de 3 708 m². Il était également sollicité une autorisation d’urbanisme pour la création de 924 places de parking dont 35 pour personnes à mobilité réduite et 20 pour des autocars, la surface totale affectée au stationnement étant de 34 665 m².

Par lettre recommandée avec AR du 21 août 2020, elle formait un recours gracieux contre la décision du préfet de région du 23 juillet 2020 qu’elle estimait illégale.

Le 17 mars 2021, la société Rocher Mistral a déposé une déclaration préalable de travaux, complétée le 28 avril, non soumise à permis et portant sur la parcelle AI [Cadastre 2], c’est-à-dire le [Localité 15] du château classé monument historique, pour :

– la réalisation partielle d’un sol en stabilisé,

– la réalisation d’éléments de circulations verticales complémentaires à ceux existants, soit des escaliers et rampes PMR,

– la pose d’une grille en fer forgé entre les deux piles en pierre à l’entrée du site,

– la pose de deux portails techniques en fer forgée en entrée et sortie du site,

– l’aménagement de l’ancien potager en espace d’accueil avec zone de spectacle, marché

provençal et guinguette,

– la mise en place de mobilier d’apparat.

Elle a ensuite commencé des travaux au pied du château et ce, dans la perspective d’une ouverture au public le 1er juillet suivant.

Le 5 mai 2021, elle a déposé en mairie de [Localité 17] une demande de permis d’aménager portant sur un parking temporaire de 429 places de stationnement pour l’accueil des visiteurs du parc sur la parcelle cadastrée AI [Cadastre 7]d, d’une surface de 19 945 m². Une demande de permis d’aménager un parking temporaire PMR de 10 places sur une surface de 139 m² était également déposée.

Le 12 mai 2021, elle déposait une demande de permis de construire auprès du maire de [Localité 17] pour la création de bâtiments temporaires, tels que local technique, billetterie et sanitaires, dans le [Localité 15] du château.

Par arrêté en date du 17 mai 2021, le maire de [Localité 17] a refusé la déclaration préalable de la société Rocher Mistral en date du 17 mars 2021 au motif que le projet étant situé dans le périmètre de protection du château, il était nécessaire de protéger ce dernier. A cette date, lesdits travaux étaient presque achevés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil du 28 mai 2021, l’association France Nature Environnement des Bouches du Rhône a mis en demeure la SAS Rocher Mistral de cesser immédiatement les travaux non autorisés dans le [Localité 15] du château (parcelle cadastrale AI [Cadastre 2]), constitutifs, à ses yeux, d’un délit, et l’a avisée qu’elle informait concomitamment le maire de [Localité 17] et le Ministère Public.

Par constat en date du 21 juin 2021, l’association Bien Vivre à [Localité 18] a fait constater par huissier de justice que les travaux nécessaires à l’aménagement du parking envisagé sur la parcelle AI [Cadastre 7] avaient débutés et que trois engins y étaient stationnés, les zones herbeuses étant d’ores et déjà coupées par des voies de circulation selon des tracés bien définis.

Par arrêté du 24 juin 2021, le maire de [Localité 17] a refusé la délivrance du permis de construire sollicité le 12 mai 2021 pour la création du local technique, de la billeterie et des sanitaires dans le [Localité 15] du château de [Localité 17].

Ces travaux avaient cependant déjà été réalisés et ils ont permis l’ouverture du parc.

Se plaignant de nuisances sonores et d’un afflux anormalement élevé de véhicules aux alentours du château des riverains, Mme [K] [G] épouse [T], Mme [B] [T], M. [M] [T], M. [O] [U] ainsi que la société par actions simplifiée (SAS) Accord ont, par requête en date du 30 juin 2021, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille aux fins de suspendre l’exploitation commerciale du parc ROCHER MISTRAL jusqu’au résultat d’une étude d’impact portant sur les nuisances sonores causées au voisinage par les spectacles sons et lumières programmés, la circulation automobile massive et les risques d’inondation induits par l’aménagement, sans autorisation, d’une parcelle de terrain à titre de parking, cadastrée AI [Cadastre 7], située à proximité de la rivière [Localité 19], ladite parcelle servant de bassin de rétention naturel limitant l’écoulement des eaux dans les propriétés riveraines du château.

La demande était également motivée par la circonstance que des travaux destinés à l’accueil du public avaient été réalisés sur un emplacement classé monument historique alors qu’il convenait d’attendre les autorisations exigées par la loi.

Par ordonnance en date du 19 juillet 1991, le juge des référé du tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Par acte d’huissier en date du 22 juillet 2021, Mme [K] [G] épouse [T], Mme [B] [T], M. [M] [T], M. [O] [U] et SAS Accord ont saisi aux mêmes fins le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence qui, par ordonnance contradictoire en date du 12 octobre suivant, les a déclarés recevables à agir puis :

– a dit n’y avoir à sursis à statuer ;

– les a déboutés de leurs demandes ;

– a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– a laissé à la charge de chaque partie ses propres dépens.

Il a notamment considéré :

– sur la fin de non recevoir, que les requérants avaient intérêt à agir dès lors qu’ils invoquaient des nuisances et un trouble causé à la jouissance paisible actuelle ou future de leur bien pour eux mêmes ou leurs locataires ;

– sur la demande de sursis à statuer que, l’action ne saurait être tenue par des plaintes déposées qui, de surplus, n’étaient accompagnées d’aucune constitution de partie civile et qui sont toujours en cours d’enquête ;

– sur le trouble manifestement illicite que :

‘ la SAS Rocher Mistral produisait des autorisations d’aménager ou de modifier un établissement recevant du public au nombre de trois en date du 12 mai 2021 et se prévalait d’un avis favorable de la commission de sécurité pour l’ouverture au public ;

‘ l’éventuel non respect de règles d’urbanisme ne suffit pas à constituer un trouble manifestement illicite ;

‘ les nuisances sonores n’étaient pas objectivées ;

‘ le constat du 23 février 2021, relatif à l’aménagement du parking, était insuffisant à établir un trouble manifestement illicite ;

Selon déclaration reçue au greffe le 22 octobre 2021, Mme [K] [G] épouse [T], Mme [B] [T], M. [M] [T], M. [O] [U] et SAS Accord ont interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par conclusions transmises le 21 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise puis :

– ordonne à la SAS Rocher Mistral, immédiatement après la notification de l’ordonnance à intervenir et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, de suspendre les activités musicales du parc Rocher Mistral jusqu’à la réalisation complète d’une étude d’impact relative aux nuisances sonores et à la mise en conformité avec la règlementation en vigueur ;

– ordonne à la SAS Rocher Mistral, immédiatement après la notification de l’ordonnance à intervenir et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, de suspendre l’utilisation comme parking et emplacements de stationnement de la parcelle cadastrée AI [Cadastre 7] sur le territoire de la commune de [Localité 17] jusqu’à l’intervention des autorisations légales ;

– ordonne à la SAS Rocher Mistral, immédiatement après la notification de l’ordonnance à intervenir et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, de suspendre l’exploitation du [Localité 15], cadastré AI [Cadastre 2], jusqu’à l’intervention des autorisations légales définitives et notamment de l’accord des autorités administratives compétentes s’agissant d’un site classé au titre des monuments historiques ;

– ordonne à la SAS Rocher Mistral de verser aux requérants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne la SAS Rocher Mistral aux dépens.

Par dernières conclusions transmises le 7 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Rocher Mistral sollicite de la cour qu’elle :

– infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré les appelants recevables à agir et les déclare irrecevables en leur action ;

– subsidiairement, infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté sa demande de sursis à statuer et prononce ledit sursis ;

– à titre infiniment subsidiaire, confirme l’ordonnance entreprise ;

– dans tous les cas, condamne solidairement les appelants au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 8 novembre 2022.

Par conclusions au fond et de procédure transmises le 17 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [K] [G] épouse [T], Mme [B] [T], M. [M] [T], M. [O] [U] et SAS Accord sollicitent la révocation de l’ordonnance de clôture et complètent leurs écritures tout en maintenant leurs prétentions.

Par conclusions transmises les 21 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Rocher Mistral s’associe à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et maintient ses prétentions précédentes.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la révocation de l’ordonnance de clôture

Aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du code de procédure civile dispose : Le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Aux termes de l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l’ordonnance de clôture. Par application des dispositions de ce texte, rapprochées de celles des articles 15 et 16 du même code, doivent également être considérées comme comme tardives les conclusions déposées le jour ou la veille de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l’avance.

L’article 803 du code de procédure civile dispose : l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue … (elle) peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.

Au cas présent, la société Rocher Mistral a conclu le 7 novembre 2022, soit la veille de l’ordonnance de clôture dont la date avait été communiquée avec l’avis de fixation du 21 novembre 2021, soit un an auparavant. Les appelants ont répliqué le 17 novembre 2022 en sollicitant la révocation de l’ordonnance de clôture. L’intimée en a fait de même le 21 novembre suivant.

A l’audience, avant le déroulement des débats, l’ensemble des avocats présents, y compris celui de l’appelant, ont confirmé verbalement leur demande de révocation de l’ordonnance de clôture. La cour a donc, avant l’ouverture des débats, révoqué ladite ordonnance et considéré que l’affaire était en état d’être jugée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir des requérants

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’intérêt à agir se définit comme le profit, l’utilité ou l’avantage que l’action engagée est susceptible de procurer au plaideur et implique nécessairement une analyse concrète de cet avantage, lequel se distingue du droit litigieux. S’il doit être direct et personnel, il n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action.

Les appelants justifient être propriétaires ou, pour la société Accord, avoir reçu mandat de gérer des biens situés à proximité du Château de Barden et allèguent, de ce fait, un certain nombre de troubles du voisinages au premier rang desquels des nuisances sonores. Au soutien de leurs prétentions, ils versent aux débats plusieurs constats d’huissier dont un, en date du 21 juillet 2021, portant divers relevés sonores.

Dès lors, même si leurs propriétés sises sur la commune de [Localité 18] sont utilisées comme résidences secondaires, leur intérêt à agir est incontestable. En effet, l’activité contestée du [Adresse 22] est saisonnière et correspond précisément à la période estivale élargie durant laquelle les appelants peuvent légitimement prétendre jouir paisiblement de leurs propriétés.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a rejété la fin de non-recevoir tirée de leur absence d’intérêt à agir.

Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes de l’article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

Dès lors, même si une enquête préliminaire est en cours, suite à la plainte déposée dans le courant du premier semestre 2021 par l’association France Nature Environnement des Bouches du Rhône à l’encontre de l’intimée, pour non respect des règles des codes de l’urbanisme et de l’environnement, enquête dans le cadre de laquelle la SAS Rocher Mistral reconnaît avoir été entendue, en audition libre, le 11 janvier 2022, il n’y a lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision qui sera prise par le parquet d’Aix-en-Provence ou de la juridiction pénale et ce, d’autant que la présente action en référé, fondée sur les dispositions de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, est, comme toute procédure de référé, marquée du sceau d’une certaine urgence, un trouble anormal de voisinage étant notamment allégué.

Sur les troubles manifestement illicites

Aux termes de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s’entend de celui qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Pour que la mesure sollicitée soit prononcée, ils doivent être constatés, à la date où le juge de première instance a statué et avec l’évidence requise en référé.

Sur la demande de suspension d’exploitation de la parcelles AI [Cadastre 2] dite ‘[Adresse 16]’

Il n’est pas contesté que, par arrêtés en date des 17 mars et 24 juin 2021, le maire de la commune de [Localité 18] a rejeté les déclaration préalable de travaux (n° DP 13009 21 00015) et demande de permis de construire (n° PC 130009 21 00005) déposées les 17 mars et 12 mai précédents, par la SA Rocher Mistral, dans l’optique d’aménager la parcelle AI [Cadastre 2] dite ‘[Localité 15]’.

Il résulte par ailleurs des procès-verbaux de constat, dressés les 21 juin et 21 juillet 2021 que, nonobstant ces décisions de refus, l’intimée a poursuivi et achevé ses aménagements puis commencé son exploitation au début du mois de juillet de l’année 2021 et ce, nonobstant l’arrêté en date du 23 juillet 2020, par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte a considéré que le dossier de demande d’autorisation du projet de permis d’aménager devait comporter une étude d’impact.

Nonobstant ces décisions administratives la SAS Rocher Mistral a été autorisée à exploiter le site, notamment par quatre ‘Autorisations d’aménager ou modifier un établissement recevant du public’ délivrées par le Maire de [Localité 18] le 28 juin 2021. Il s’évince par ailleurs de la motivation d’un arrêt (régulièrement versé aux débats), rendu le 16 juin 2022 par la chambre 1-3 de la cour de céans, dans une affaire connexe opposant l’Association France Nature environnement à la SAS Rocher Mistral, dans lesquelles le trouble manifestement illicite inhérent à l’absence d’autorisation d’urbanisme était également invoqué, que, par courrier en date du 14 septembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a indiqué à la rédaction de la Tribune de l’Art que les infractions constatées (étaient) susceptibles d’être régularisées, d’autres (nécessitant) de disposer du projet d’aménagement global et définitif pour statuer (étant ajouté que) certains dossier ont été déposés et sont en cours d’instruction. En outre, par trois arrêtés en date des 1er décembre 2021 et 19 juillet 2022, et donc postérieurs à l’ordonnance entreprise, le Maire de la Commune de [Localité 18] a autorisé ‘l’ouverture d’ERP temporaires de type L portant sur les sites du [Localité 15] et du [Localité 14], situés [Adresse 25]’. Enfin, de nouvelles ‘demandes de permis d’aménager comprenant ou non des constructions et/ou démolition’ ont été déposées les 30 juillet, 7 et 21 octobre 2021 par l’intimée.

S’agissant enfin de l’avis de la Sous-commission départementale de sécurité, versé aux débats par les appelants, il doit être souligné qu’il a été rendu le 7 septembre 2022 et donc plus de 9 mois après l’ordonnance entreprise alors que, comme rappelé supra, la cour doit se placer au moment où le premier juge a statué pour apprécier le trouble manifestement illicite. En outre, il ne peut être qualifié de ‘défavorable’ dès lors que la SCDS s’est seulement déclarée incompétente dans le domaine risque Feu de forêt et a sollicité l’avis de la sous-commission spécialisée en ce domaine.

Il résulte de l’ensemble de ces décisions et prises de positions administratives, pour certaines d’apparence contradictoires, que l’illécéité du trouble né de l’aménagement non autorisé du [Localité 15] n’est pas établie avec l’évidence requise en référé. Il convient également de souligner que les appelants arguent de l’absence de permis et autorisation de construire non pour solliciter la démolition des constructions critiquées mais pour faire suspendre des activités et/ou exploitation par ailleurs autorisées. Enfin, l’illégalité alléguée des aménagements réalisés dans le [Localité 15], au regard des règles d’urbanisme, à la supposer établie, serait insuffisante en elle-même à démontrer le trouble subi, de son fait, par les propriétaires voisins, lequel n’est pas, en l’espèce, caractérisé in concreto mais exposé comme résultant de la violation de dispositions d’ordre public que les appelants n’ont pas pour mission de faire respecter.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de suspension, sous astreinte, de l’exploitation du [Localité 15], cadastré AI [Cadastre 2], jusqu’à l’intervention des autorisations légales définitives et notamment de l’accord des autorités administratives compétentes s’agissant d’un site classé au titre des monuments historiques.

Sur la demande de suspension d’exploitation de la parcelles cadastrée AI [Cadastre 7] à usage de parking

Le 5 mai 2021, la SAS Rocher Mistral a déposé en mairie de [Localité 18] une demande de permis d’aménager portant sur un parking temporaire pour l’accueil des visiteurs du parc sur la parcelle cadastrée AI [Cadastre 7] d (dossier PA 13009 21 00001).

Le 21 juin 2021, Maître [W] [C], huissier de justice mandaté par l »Association Bien Vivre à Barden’, constatait que sans avoir au préalable obtenu l’autorisation sollicitée, la SAS Rocher Mistral avait commencé les travaux d’aménagement de la parcelle précitée. Elle relevait également que le futur parking déboucherait sur la route départementale 572, dite [Adresse 24], ce qui permettait de le situer juste à côté de celui du renommé parc zoologique de [Localité 18], les deux emplacements étant juste séparés par le [Adresse 12].

Ce faisant, nonobstant la question de sa licéité, cet aménagement évite aux véhicules des visiteurs du parc Rocher Mistral, d’avoir à s’engager sur le chemin précité ou la [Adresse 25], et donc de s’approcher du Château de [Localité 18]. Il constitue dès lors un progrès en termes de tranquillité du voisinage sachant qu’il n’est pas contesté que le site a, de tout temps, été visité et que, précédemment, le stationnement des véhicules en était beaucoup plus proche.

Dès lors, l’illégalité alléguée des aménagements réalisés sur la parcelle AI [Cadastre 7], au regard des règles d’urbanisme, à la supposer établie, ce qui ne résulte pas des pièces produites avec l’évidence requise en référé, serait insuffisante en elle-même à démontrer le trouble subi, de son fait, par les propriétaires voisins, lequel n’est pas, en l’espèce, caractérisé in concreto mais exposé comme résultant de la violation de dispositions d’ordre public que les appelants n’ont pas pour mission de faire respecter.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de suspension, sous astreinte, de l’utilisation comme parking et emplacements de stationnement de la parcelle cadastrée AI [Cadastre 7] jusqu’à l’intervention des autorisations légales.

Sur la demande de suspension des activités musicales

Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, un tel trouble étant susceptible d’être qualifié de manifestement illicite au sens de l’article 835, précité, du code de procédure civile. Le juge des référés a le pouvoir de constater son existence dès lors que la preuve en est faite avec l’évidence requise.

Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit en toute hypothèse rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s’exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle). Ainsi l’anormalité du trouble de voisinage s’apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s’en prévaut.

Le décret du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage a inséré dans le code de la santé publique un certain nombre de dispositions destinées à lutter contre le bruit qui ont été depuis modifiées par le décret du 7 août 2017.

Ainsi, en application de l’article L 1336-1 du code de la santé publique, les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

L’article R 1336-5 du même code dispose que, de manière générale, aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.

En outre, l’article R 1336-4 du même code renvoie en son dernier alinéa aux articles R 571-25 et suivants du code de l’environnement, s’agissant des prescriptions applicables en matière de lutte contre le bruit aux lieux ouverts au public ou recevant du public accueillant des activités de diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés.

L’article R 1336-5 du code de la santé publique prévoit qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité. L’article suivant dispose que si le bruit mentionné à l’article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l’une de celles mentionnées à l’article R 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme est caractérisée si l’émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l’article R 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Lorsque le bruit mentionné à l’alinéa précédent, perçu à l’intérieur des pièces principales de tout logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d’activités professionnelles, l’atteinte est également caractérisée si l’émergence spectrale de ce bruit, définie à l’article R 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Toutefois, l’émergence globale et, le cas échéant, l’émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l’intérieur des pièces principales d’un logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas.

En vertu de l’article R 1336-7 du code de la santé publique, l’émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l’occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l’absence du bruit particulier en cause.

L’article R 571-25 du code de l’environnement dispose que, sans préjudice de l’application de l’article R 1336-1 du code de la santé publique, l’exploitant du lieu, le producteur, le diffuseur qui dans le cadre d’un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, le responsable légal d’une activité se déroulant dans un lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, et impliquant la diffusion de sons amplifiés est tenu de respecter les prescriptions générales de fonctionnement définies dans la présente sous section.

Aux termes de l’article R 571-26 alinéa 1 du code de l’environnemnent, les bruits générés par les activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public ne peuvent par leur durée, leur répétition ou leur intensité porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.

L’article R 571-27 du même code précise :

I. ‘ L’exploitant, le producteur, le diffuseur qui dans le cadre d’un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, le responsable légal du lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, accueillant à titre habituel des activités de diffusion de sons amplifiés, ou le responsable d’un festival, est tenu d’établir une étude de l’impact des nuisances sonores visant à prévenir les nuisances sonores de nature à porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.

II. ‘ L’étude de l’impact des nuisances sonores est réalisée conformément à l’arrêté mentionné à l’article R. 571-26. Elle étudie l’impact sur les nuisances sonores des différentes configurations possibles d’aménagement du système de diffusion de sons amplifiés. Elle peut notamment conclure à la nécessité de mettre en place des limiteurs de pression acoustique dans le respect des conditions définies par l’arrêté mentionné à l’article R. 571-26. Cette étude doit être mise à jour en cas de modification des aménagements des locaux, de modification des activités, ou de modification du système de diffusion sonore, non prévus par l’étude initiale.

III. ‘ En cas de contrôle, l’exploitant doit être en mesure de présenter le dossier d’étude de l’impact des nuisances sonores aux agents mentionnés à l’article L. 571-18.

Enfin, l’article 5 de l’arrêté n° 72-2016, du maire de [Localité 18] en date du 30 mai 2016, relatif à la lutte contre le bruit sur le territoire de la commune dispose : Les propriétaires, directeurs, gérants ou exploitants d’établissements ouverts au public tels que cafés, bars, restaurants, cinémas, discothèques, bals, salles des fêtes, salles de spectacles et salles de sport, doivent prendre toutes mesures utiles pour que les bruits et notamment la musique émanant de ces locaux et ceux qui sont liés à leur exploitation ne soient à aucun moment gênant pour les habitants du même immeuble, des immeubles mitoyens et du voisinage.

Il résulte des termes de l’arrêté n° AE-F09320P0161 du 23 juillet 2020 que le préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur a différé sa décision sur la demande d’examen au cas par cas du projet d’aménagement lié au projet Rocher Mistral après l’énoncé de plusieurs ‘considérants’ parmi lesquel l’absence d’étude concernant l’estimation de l’impact sonore vis à vis des riverains, résultant des flux de véhicules attendus et des spectacles notamment son et lumière nocturne.

Cette étude a été réalisée sur site, par la société AGNA, spécialisée en acoustique qui conclut en ces termes son rapport du 10 octobre 2021 relatif à une visite du 14 juillet précédent : Cet audit aura permis de constater qu’en présence du public, le décret 2017-1044 est respecté puisque les niveaux sonores sont mesurés à 77 dBA devant le spectacle nocturne sons et lumières et 65 dBA pour la scène et théâtre, donc largement en deçà des 102 dBA autorisés. Nous pouvons ajouter que lors de ces mesures, le public venait en famille et que la diffusion sonore leur permettait de discuter, malgré tout, pendant sa diffusion. Le niveau de diffusion est tout à fait raisonnable, voire à la limite de bonnes conditions d’exploitation. Mais le système de sonorisation et le paramètrage qui a été effectué permet d’assurer malgré tout une diffusion de qualité. Les mesures réalisées, laissent apparître des conformité au regard du décret 2006-1099 relatif au bruit de voisinage, pour 4 points sur 5, mais les dépassements constaté sur la Maison des chasseurs, entrainent des dépassements qui pourraient attester de non conformités si des réglages n’étaient pas effectués en conséquence dans le cadre de cette étude d’impact environnementale. La vérification des niveaux sonores vers les maisons d’habitation plus proches a donc été envisagée.

Cette même société conclut son rapport du 7 octobre 2021, relatif à sa visite sur site du 27 septembre 2021, en ces termes : Les réglages effectués pendant notre visite sur site ont permis d’atteindre un niveau règlementaire à l’emplacement du point 3 qui est le point de référence le plus proche, cependant des émergences non conformes restent présentes au points 4 et 5. Nous avons donc conseillé de faire en sorte de ne pas dépasser les nivaux suivants : 85 dB[A] sur la scène et 77 dB[A] au niveau de la régie. Le respect de ce niveau peut être vérifié par la présence soit d’un limitateur placé au niveau de la régie, soit par la mise en place d’un afficheur de niveau sonore visible par le régisseur son. Le respect de ces niveaux globaux permet de vérifier l’absence d’émergences non conformes dues au spectacle son et lumière en limite de propriété des habitations voisines, cependant, la vérification du respect de ces émergences spectrales nécessite la réalisation de mesures à l’intérieur des logements (fenêtres ouvertes et fermées) pour permettre de statuer de manière complète sur ces émergences. Certains riverains présents lors des mesures nous ont également signalé être plus gênés par les spectacles de jour joués sur le marché provençal, d’autres mesures sont nécessaires pour conclure sur cet élément.

Les appelants versent aux débats un procès-verbal de constat, dressé le 21 juillet 2021, à la demande de [M], [K] et [B] [T], à l’occasion duquel Maître [N] [S], huissier de justice, a enregistré dans la chambre de leur fille, fenêtre ouverte :

– à 21 heures 55, 43,3 dB ;

– à 22 heures 16, 47,7 dB ;

– à 22 heures 23, 56 dB ;

– à 22 heures 24, 60 dB ;

– à 22 heures 25, 58,7 dB ;

– à 22 heures 29, 49 dB.

Cet officier ministériel précise également qu’il a entendu distinctement la voix d’un acteur déclamant son texte.

A ce constat s’ajoutent les attestations de M. [X] [L], M. [A] [E], M. [NI] [R], M. [J] [I], M. [A] [E], M. [P] [H], Mme [D] [Z] et M. [V] [F] dont il résulte notamment que :

– leur cadre de vie est dégradé par la répétition, chaque soir, du bruit à cette intensité (M. [L]) ;

– le niveau de bruit ambiant en soirée leur impose de fermer leurs fenêtres pour se protéger ce qui les prive de fait de la fraicheur de la nuit en période de fortes chaleurs (M. [E]) ;

– les nuisances sonores … musique, voix du présentateur, aplaudissements … ne leur permettent pas de dormir correctement, particulièrement le week-end, ni de profiter du calme habituel des lieux (M. [R]) ;

– la gêne engendrée par les hurlements des acteurs dans leurs micros et la puissance de la musique des spectacles nocturnes perturbent leurs vies physiquement par manque de repos et psychologiquement par le sentiment obsessionnel d’être une victime impuissante (M. [I]) ;

– ce ‘capharnaüm sonore’ du matin au soir … est nerveusement et mentalement très difficile à gérer au sortir de la crise du Covid (M. [H]) ;

– les nuisances sonores commencent à 7 heures par le va et vient des engins …

A ces diverses attestations, l’intimée oppose celle de M. [Y], résidant à 2 km du Château, selon lequel la musique du marché provençal est, en journée très douce et reposante, d’une intensité sonore très faible alors que pour les spectacles de nuit, d’une durée de 15 minutes, s’achevant à 23 h 15 pour le plus tardif, le son est circonscrit dans une enceinte rectangulaire se superposant aux jardins … et n’interfère en rien avec la pièce de théâtre jouée en simultané dans le marché provençal, le mistral le propulsant de surcroît vers la colline du zoo et la vallon de [Localité 19] inhabités. Et ce temoin d’ajouter qu’il était d’avantage dérangé par les fêtes de mariages, célébrées jusqu’à la fin de l’été, souvent tard dans la nuit.

Il s’évince du procès-verbal, du 7 septembre 2022, de la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d’incendie et de panique des Boûches du Rhones que horaires des spectacles d’une durée de 25 minutes sont les suivants :

– théâtre sur les Lettres de mon Moulin : 12 h 15, 14 h 00, 15 h 45 et 17 h 15 ;

– marionnettes sur Tartarin de [Localité 26] : 10 h 30, 11 h 30, 11 h 45 et 16 h 30 ;

– danses et musiques ‘Romande de la Saint-Jean : 19 h 45 et 21 h 45, uniquement les soirs où le parc est ouvert.

S’il ne saurait être question de contester la gêne subie par le voisinage du fait des spectacles, a fortiori nocturnes, force est de constater que ceux-ci n’excèdent pas 25 minutes et ne sont pas donnés au-delà de 23 heures 15, selon l’estimation la plus large. Les ressentis des différents attestants s’opposent sur la question alors que les relevés ponctuels réalisés par Maître [S] ne peuvent permettre de tirer quelque conclusion que ce soit sur le caractère anormal du trouble à la tranquillité causé au voisinage dès lors qu’ils ne présentent ni la fiabilité ni le niveau d’analyse d’une expertise amiable ou judiciaire. Ils ne peuvent en effet être assimilés à une émergence globale ou spectrale au sens des dispositions des articles R 1336-5 à R 1336-7 du code de la santé publique. Cette insuffisance sur le terrain de la preuve est, en outre, d’autant plus regrettable, que la société AGNA avait elle même fait état de l’utilité d’investigations complémentaires réalisées au sein des propriétés riveraines ce qui mettait les appelants en position de solliciter une expertise judiciaire sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.

L’on ne saurait, dès lors, considérer que, du fait des émissions sonores des activités de spectacle du parc Rocher Mistral, un trouble du voisinage, manifestement illicite au sens des dispositions de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, est avéré avec l’évidence requise en référé.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de suspension des activités musicales du parc Rocher Mistral jusqu’à la réalisation complète d’une étude d’impact relative aux nuisances sonores et la mise en conformité avec la règlementation en vigueur.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et laissé à la charge de chaque partie ses propres dépens.

Eu égard aux circonstance de fait sus-relatées, il ne paraît pas d’avantage inéquitable, en cause d’appel, de laisser à chaque partie la charge de ses dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Révoque l’ordonnance de clôture et considère que l’affaire est en état d’être jugée ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel.

La greffière Le président

 


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