Production musicale : 1 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/13224

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Production musicale : 1 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/13224

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 01 DECEMBRE 2022

N°2022/807

Rôle N° RG 21/13224 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BICXC

S.A.S.U. STR

C/

[O] [U]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Elie MUSACCHIA

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 01 septembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/05283.

APPELANTE

S.A.S.U. STR

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 7]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Philippe BARTHELEMY de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIME

Monsieur [O] [U]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 8], demeurant [Adresse 13]

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Philip LUMLEY WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine OUVREL, Conseillère, et Mme Angélique NETO, Conseillère, chargées du rapport.

Mme Catherine OUVREL, Conseillère, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 décembre 2022.

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [O] [U] est propriétaire, depuis le 9 décembre 2009, d’un bien, cadastré AI[Cadastre 4], situé [Adresse 1], en zone Nh du PLU et classée Natura 2000, à proximité de la plage de [Localité 10].

Depuis le début de l’été 2021, les parcelles voisines, cadastrées AI[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 3], sont exploitées par la SASU STR qui exerce une activité de restauration, bar, piscine avec animation par un disc jockey et club pour enfants, sous l’enseigne ‘[9]’.

Soutenant que cet établissement était source de nuisances sonores quotidiennes, de 12 heures à 20 heures, en raison du niveau élevé de la musique, monsieur [O] [U] a requis un huissier de justice qui a dressé un constat les 18, 20, 22, 24 juillet et 6 août 2021 : un niveau entre 60 et 77 décibels était relevé.

Invoquant la violation des dispositions du code de la santé publique et un trouble manifestement illicite qui lui est causé dans ses activités personnelles et professionnelles, monsieur [O] [U] a saisi le juge des référés.

Par ordonnance en date du 1er septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :

rejeté les exceptions d’incompétence des juridictions civiles et des référés,

ordonné à la SASU STR de cesser sans délai toute diffusion de musique, quel qu’en soit le moyen, au sein de l’établissement ‘[9]’, situé [Adresse 1], au delà des limites prévues par les articles R 1336-6 à R 1336-8 du code de la santé publique, et ce, sous astreinte de 5 000 € par infraction à la présente ordonnance, constatée dans des conditions conformes à l’arrêté du 5 octobre 2006 modifié relatif aux modalités de mesurage des bruits du voisinage, et, au moyen d’appareils répondant aux exigences de l’arrêté du 27 octobre 1989 relatif à la construction et au contrôle des sonomètres,

condamné la SASU STR à verser à monsieur [O] [U] la somme provisionnelle de 2 000 € au titre du préjudice de jouissance,

condamné la SASU STR à verser à monsieur [O] [U] la somme de 840 € au titre des frais de constat d’huissier de justice,

condamné la SASU STR à verser à monsieur [O] [U] la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

ordonné l’exécution de l’ordonnance au seul vu de la minute,

débouté les parties de leurs autres demandes.

Selon déclaration reçue au greffe le 14 septembre 2021, la SASU STR a interjeté appel de la décision, l’appel portant sur toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 7 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SASU STR demande à la cour de :

réformer et mettre à néant la décision entreprise,

In limine litis :

se déclarer incompétente et juger que seul le tribunal de police est compétent s’agissant potentiellement de contraventions de 5ème classe à les supposer avérées,

se déclarer incompétente eu égard aux difficultés sérieuses tendant à l’application des articles R 1336-1 à 1336-7 du code de la santé publique,

Au fond :

dire que l’intimé ne saurait globaliser sur l’établissement ‘[9]’ le bruit émis par la plage de [Localité 11] en elle-même,

dire nuls les constats établis par maître [N], ce dernier n’étant pas en possession du matériel technique homologué et n’ayant pas procédé aux mesures du bruit résiduel tel que prévu et n’ayant pu ainsi mesurer l’émergence globale de ce bruit, maître [N] n’étant pas habilité pour effectuer de telles mesures, et les experts reconnaissant n’avoir pu le faire,

dire la cour incompétente dans la mesure où les textes du code de la santé publique renvoient à des sanctions pénales relatives aux contraventions de 5ème classe alors qu’aucune contravention n’a été dressée et qu’il est indirectement demandé d’établir par le biais d’une astreinte de 10 000 € par jour,

rejeter la demande d’astreinte par infraction constatée, aucune personne habilitée visée ne pouvant constater les dites infractions,

déclarer irrecevable la demande nouvelle de condamnation au paiement d’une somme de 15 000 € sollicitée par les intimés, en application de l’article 564 du code de procédure civile,

dire que les pièces 25 et 26 de l’intimé ne sauraient être retenues quant à leurs conclusions,

Subsidiairement :

nommer un expert avec mission habituelle concernant les problèmes de bruits et de nuisances sonores,

En tout état de cause :

débouter monsieur [O] [U] de toutes ses demandes,

condamner monsieur [O] [U] à lui régler la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

La SASU STR fait valoir la situation des lieux et la proximité de la villa de l’intimé, non seulement de son établissement, mais encore d’autres établissements pouvant occasionner du bruit (Nikki Beach [Localité 12], Verde Beach, La réserve à la plage), du chemin d’accès principal à la plage de [Localité 10] qui reçoit 30 000 personnes par jour, et de la présence d’un parking jouxtant sa propriété. Elle se défend donc de ce que l’établissement ‘[9]’ soit le réceptacle de tous les bruits d’ambiance créés sur cette plage, notoirement connue et très fréquentée. Elle fait valoir au contraire que son établissement est loué pour son calme et sa sérénité.

In limine litis, la SASU STR invoque l’incompétence de la cour au profit du tribunal de police s’agissant de sanctionner une contravention de 5ème classe, à la supposer constituée. Faute de contrôle par des agents assermentés, à l’aide des appareils homologués à cette fin, conformément à l’article L 571-18 du code de l’environnement, ce que n’est pas maître [N], huissier de justice, et mesures auxquelles il n’a pu valablement procédé, elle estime ses procès-verbaux nuls. Elle ajoute que dans ces procès-verbaux, l’huissier a nécessairement procédé par amalgame avec les bruits environnants, générés pas les autres établissements de plage situés à proximité. Elle fait valoir que le constat de l’huissier de justice ne respecte pas les formes imposées par les articles R 1336-6 et R 1336-7 du code de la santé publique, ne faisant pas état de l’émergence global et des valeurs résiduelles. Elle dénie donc toute force probante aux constats de l’huissier de justice.

S’agissant de l’appréciation du trouble anormal du voisinage, la SASU STR fait valoir qu’elle relève des seuls pouvoirs du juge du fond. Elle soutient que l’interdiction qui lui a été faite par le premier juge est impossible faute de désignation d’une personne habilitée pour constater une éventuelle infraction. La SASU STR met en avant des contradictions dans l’ordonnance entreprise qui a rejeté les exceptions d’incompétence par elle soulevées, a reconnu une certaine valeur probante aux constats d’huissier de justice pourtant imprécis, non réalisés avec des sonomètres homologués et n’identifiant pas les émergences globales et résiduelles imputables à l’établissement ‘[9]’ seulement, mais, lui a par ailleurs, fait interdiction de diffuser de la musique prévoyant un constat de ces infractions par référence aux normes non respectées pour en établir la réalité.

La SASU STR conteste la preuve de son préjudice par monsieur [O] [U], qu’elle estime insuffisamment rapportée. Elle dément avoir admis une diffusion irrégulière de musique dans son établissement.

La SASU STR soutient que les deux rapports d’expertise [K] et [F] sont inexploitables comme étant non contradictoires, vagues et imprécis, dépourvus de toute mesure du bruit résiduel alors que de nombreuses autres sources de nuisances sonores ont été identifiées (hélicoptères, autres restaurants et bar, passage des véhicules, etc) et qu’aucune mesure a été réalisée sur 24 heures, donc en dehors du temps de diffusion de la musique par l’établissement ‘[9]’. La SASU STR conteste la valeur du dernier rapport de monsieur [F], réalisé en juillet 2022. Elle fait valoir qu’elle a fait poser des limitateurs de pressions acoustiques qui fonctionnaient lors de la venue de monsieur [F]. Elle invoque le rapport de son propre expert, monsieur [W], qui démontre les insuffisances de celui de monsieur [F], notamment les irrégularités des mesures en extérieur, la prise de mesure un jour de vent fort. Elle en déduit que le rapport de monsieur [F] doit être annulé.

Par ailleurs, la SASU STR s’oppose à la demande de provision la considérant d’abord irrecevable comme étant nouvelle en appel, et soutenant qu’elle est infondée.

Par dernières conclusions transmises le 26 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [O] [U] sollicite de la cour qu’elle :

In limine litis :

À titre principal :

confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné la cessation de toute diffusion de musique aux conditions d’astreinte ainsi fixées,

Y ajoutant :

condamne par provision la SASU STR à lui régler une provision de 15 000 € sur les préjudices par lui subis au vu de la persistance du trouble après l’ordonnance rendue,

condamne la SASU STR à lui payer la somme de 12 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L’intimé conteste toute exception d’incompétence, faisant valoir que l’existence d’une infraction prévue et réprimée par le code de la santé publique ne les prive en rien d’agir devant le juge civil des référés, sur la notion de trouble anormal du voisinage. De même, il estime que le juge des référés est parfaitement compétent pour se prononcer dans ce cadre au titre d’un potentiel trouble manifestement illicite.

S’agissant de la validité du procès-verbal de constat par huissier de justice, il fait valoir que le procès-verbal d’huissier de justice est parfaitement valable quant aux constatations réalisées, quand bien même ce dernier n’a effectivement pas le pouvoir de dresser un procès-verbal d’infraction.

L’intimé invoque un trouble anormal du voisinage à raison des animations amplifiées par microphone et de la musique live amplifiée diffusées par l’établissement ‘[9]’, devenu un lieu de commerce festif. Il invoque la violation des articles R 1336-1 et suivants du code de la santé publique et R 571-26 du code de l’environnement, mettant en avant l’absence de respect des règles en matière de diffusion sonore par la SASU STR. Il se fonde sur les procès-verbaux de constat par huissier de justice qui relèvent un bruit de passe, perpétuel et très fort. Il soutient que les décibels constatés sont largement supérieurs à la norme admissible, qu’il s’agit d’une véritable discothèque à ciel ouvert, de sorte qu’il estime le trouble anormal du voisinage constitué. Monsieur [O] [U] s’appuie sur le rapport de l’expert en acoustique et dynamique des vibrations, monsieur [F], par lui mandaté pour faire une expertise à l’été 2021 et le 23 juillet 2022. Il invoque également le rapport de l’expert [K] sollicités par ses voisins et lui. Il fait valoir que la SASU STR a poursuivi son activité et les nuisances sonores sans aucunement tenir compte de la décision rendue en première instance. Il ajoute que ce sont bien les nuisances de l’établissement ‘[9]’ qui sont en cause, les autres établissements alentours étant fermés le jour des relevés de l’expert acousticien.

Au vu de la situation des lieux, il dément être gêné par le parking de l’Epi, qui ne jouxte pas sa propriété, ou par d’autres types de nuisances des autres établissements environnants, dont il n’a pas eu à se plaindre jusqu’alors.

Sur la provision, monsieur [O] [U] soutient que le trouble sonore est incontestable et qu’il leur cause un grave préjudice de jouissance qui s’est accru depuis l’ordonnance dans la mesure où la SASU STR n’a pas exécuté celle-ci, l’empêchant de travailler et de recevoir des amis.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 11 octobre 2022.

Monsieur [O] [U] a déposé de nouvelles écritures, n°3, le 11 octobre 2022, sollicitant le rabat de l’ordonnance de clôture, et, à défaut, le rejet des dernières conclusions et pièces communiquées par la SASU STR le 7 octobre 2022. Il a repris également l’ensemble de ses prétentions.

Par conclusions de procédure du 20 octobre 2020, la SASU STR s’est opposé au rabat de l’ordonnance de clôture, a sollicité le rejet des conclusions n°3 notifiées le 11 octobre 2022 par monsieur [O] [U], et a demandé que les dépens suivent ceux du fond, invoquant une violation des articles 15 et 16 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’, de ‘prise d’acte’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

Sur le rabat de l’ordonnance de clôture

En vertu de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l’occurrence, aucune cause grave ne justifie le rabat de l’ordonnance de clôture en vue d’admettre les conclusions transmises le jour de celle-ci par l’intimé, en réplique aux conclusions transmises 4 jours plus tôt, soit le 7 octobre 2022 par l’appelante, laissant ainsi un délai suffisant de réplique, si nécessaire. Il n’y a donc pas lieu de rabattre l’ordonnance de clôture.

En revanche, les conclusions du 7 octobre 2022 de l’appelante ne saurait être considérées comme de dernières heures, ou violant les droits de la défense, alors qu’un délai suffisant a couru pour permettre à l’intimé de répliquer. De plus, ces conclusions, et les trois nouvelles pièces communiquées (pièces 10, 11 et 12, respectivement en date du 22 juillet et du 5 octobre 2022) constituent une réplique aux pièces communiquées le 30 septembre 2022 par l’intimé, à savoir les pièces 25 et 26, tenant en un constat du 23 juillet 22 et un rapport du 10 août 2022. Le respect du contradictoire et des droits de la défense induisent une réponse à ces pièces qui auraient pu être communiquées avant le 30 septembre 2022, permettant une réplique plus en amont.

En définitive, l’ensemble des pièces communiquées jusqu’au 7 octobre 2022 par les parties seront prises en compte, sans rabat de l’ordonnance de clôture, de sorte que les conclusions d’intimé du 11 octobre 2022 sont écartées.

Sur les exceptions d’incompétence

Au profit du tribunal de police

En vertu de l’article L 1336-1 du code de la santé publique, les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

Par application des articles R 1336-1 et R 1336-2 du même code, les conditions de diffusion d’une musique amplifiée sont définies, et, les contrôles de l’application des dispositions de l’article R 1336-1 et de l’arrêté pris pour son application sont réalisés par les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L 571-18 du code de l’environnement.

Il n’est pas contesté que les manquements à de telles mesures relèvent du pouvoir de police exercé par l’Etat et certaines collectivités territoriales, les agents assermentés en vue de la recherche et de la constatation des infractions aux dispositions de lutte contre le bruit étant seuls aptes à les constater. Ces manquements constituent potentiellement des contraventions de 5ème classe dont le contentieux ressort du tribunal de police.

Toutefois, l’intimé, riverain de l’établissement dénoncé comme diffusant une musique à un niveau élevé, ne recherche pas ici la sanction d’une telle infraction, mais dénonce les troubles qui lui seraient ainsi causé, recherchant la responsabilité de cet établissement, au plan civil. Dès lors, c’est à bon droit que le premier juge a écarté l’exception d’incompétence soulevée. L’ordonnance entreprise sera confirmée à ce titre.

Sur l’incompétence du juge des référés

La SASU STR soulève l’incompétence du juge des référés soutenant que seul le juge du fond est compétent pour apprécier les prétentions de monsieur [O] [U] au titre d’un trouble anormal du voisinage.

Or, l’intimé a agi sur le fondement de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile en vue de dénoncer un potentiel trouble manifestement illicite.

D’une part, le moyen soulevé par la SASU STR ne caractérise pas une exception d’incompétence, mais ressort de la détermination de l’ampleur des pouvoirs du juge des référés. D’autre part, sur le fondement de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, il ressort effectivement des pouvoirs du juge des référés de déterminer l’existence, ou non, du caractère manifeste d’un trouble anormal du voisinage résultant des nuisances sonores reprochées à la SASU STR à raison de son activité. Là encore, c’est à juste titre que le premier juge a écarté toute incompétence et l’ordonnance entreprise sera confirmée.

Sur la validité des constats d’huissier de justice

La SASU STR conteste la validité des procès-verbaux de constat dressés par maître [N], huissier de justice, tant à raison du matériel technique employé que du fait du défaut d’habilitation de cet auxiliaire de justice.

En effet, ainsi que rappelé ci-dessus, le constat des infractions pénales prévues et réprimées par le code de la santé publique est attribué aux agents de l’Etat et des collectivités territoriales commissionnés et assermentés en vertu du décret 95-409 du 18 avril 1995. Tel n’est pas le cas de l’huissier de justice ici concerné, mais tel n’a pas été non plus l’objet de son mandat.

Il n’est pas ici question de déterminer l’existence d’une infraction pénale ou non, ce qui excéderait les pouvoirs de la présente juridiction. Pour autant, la preuve de l’existence d’un trouble manifestement illicite peut être rapportée par tous moyens, dont un tel procès-verbal de constat.

Un tel acte, réalisé à la demande d’une ou plusieurs parties, fait foi jusqu’à preuve du contraire en vertu de l’article 1er de l’ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 relative aux statuts des huissiers de justice, au titre des constatations réalisées par cet officier ministériel. Le champ des constatations concernées n’est pas délimité. Ce procès-verbal de constat ne peut en revanche valoir au-delà de ce qu’il constate, et ne vaut notamment pas procès-verbal d’infraction au sens des dispositions sus-visées. Il ne vaut pas non plus expertise acoustique. La qualité de l’appareil de mesure employé pour relever les bruits environnants et la méthode employée par l’huissier de justice ne peut être celle d’un expert ; elles sont discutables au même titre qu’un autre élément de preuve de même valeur. La validité du procès-verbal de constat n’est pas conditionnée par le respect des formes des articles R 1336-6 et R 1336-7 du code de la santé publique.

Dans ces conditions, les procès-verbaux de constat de maître [N] sont des éléments de preuve valables et recevables devant la présente juridiction, sans qu’il leur soit conféré une valeur plus importante que celle qu’ils ont. Aucune nullité de ces procès-verbaux ne peut être valablement retenue, ce qu’a justement jugé le premier juge.

Sur la demande de cessation de toute diffusion de musique

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite se caractérise par toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. En outre, aucune condition d’urgence ou d’absence de contestation sérieuse n’est requise pour l’application de l’article susvisé.

L’illicéité du fait ou de l’action critiquée peut résulter d’une règle de droit mais aussi d’un simple usage. Elle doit être évidente.

Si la condition de l’absence de contestation sérieuse du droit invoqué n’est pas requise par l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile. Pour autant, une contestation réellement sérieuse sur l’existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

Il est de principe que ‘nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage’, un tel trouble étant susceptible de constituer un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du code de procédure civile. Ainsi, le juge des référés a le pouvoir de constater son existence dès lors que la preuve en est faite avec l’évidence requise.

Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit en toute hypothèse rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint la réglementation applicable à son activité. Cette appréciation s’exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps (nuit et jour) et de lieu (milieu rural ou citadin, zone résidentielle ou industrielle). L’anormalité du trouble de voisinage s’apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s’en prévaut.

Le décret du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage a inséré dans le code de la santé publique un certain nombre de dispositions destinées à lutter contre le bruit qui ont été depuis modifiées par le décret du 7 août 2017.

Ainsi, en application de l’article L 1336-1 du code de la santé publique, les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé, dans tout lieu public ou recevant du public, clos ou ouvert, sont exercées de façon à protéger l’audition du public et la santé des riverains. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

L’article R 1336-5 du même code dispose, de manière générale, qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.

En outre, l’article R 1336-4 du même code renvoie en son dernier alinéa aux articles R 571-25 et suivants du code de l’environnement, s’agissant des prescriptions applicables en matière de lutte contre le bruit aux lieux ouverts au public ou recevant du public accueillant des activités de diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés.

L’article R 571-25 du code de l’environnement dispose que, sans préjudice de l’application de l’article R 1336-1 du code de la santé publique, l’exploitant du lieu, le producteur, le diffuseur qui dans le cadre d’un contrat a reçu la responsabilité de la sécurité du public, le responsable légal d’une activité se déroulant dans un lieu ouvert au public ou recevant du public, clos ou ouvert, et impliquant la diffusion de sons amplifiés est tenu de respecter les prescriptions générales de fonctionnement définies dans la présente sous section.

En vertu de l’article R 571-26 du code de l’environnement, les bruits générés par les activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public ne peuvent par leur durée, leur répétition ou leur intensité porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.

L’article R 1336-5 du code de la santé publique prévoit qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité. L’article suivant dispose que si le bruit mentionné à l’article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l’une de celles mentionnées à l’article R 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme est caractérisée si l’émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l’article R 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Lorsque le bruit mentionné à l’alinéa précédent, perçu à l’intérieur des pièces principales de tout logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d’activités professionnelles, l’atteinte est également caractérisée si l’émergence spectrale de ce bruit, définie à l’article R 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Toutefois, l’émergence globale et, le cas échéant, l’émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l’intérieur des pièces principales d’un logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas.

En vertu de l’article R 1336-7 du code de la santé publique, l’émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l’occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l’absence du bruit particulier en cause.

En l’occurrence, monsieur [O] [U], tout comme ses voisins, madame [J] [P] épouse [H] et monsieur [T] [H] se plaint, principalement des nuisances sonores générées tant par la diffusion de musique amplifiée, que par les bruits émanant du club enfant de l’établissement ‘[9]’, exploité par la SASU STR, depuis l’été 2021, sur la parcelle voisine.

La présence d’autres établissements festifs et restaurants de plage à proximité de la parcelle des intimés, aux abords de la plage de [Localité 10] à [Localité 11], pour certains depuis des années, n’est pas contesté, ni contestable, étant observé que l’intimé est propriétaire de sont bien depuis 2009, donc bien avant la transformation par la SASU STR de la villa H, uniquement à destination d’habitation, en établissement comprenant un restaurant de 240 couverts, un bar, une piscine avec animation par un disc-jockey et un club pour enfants dénommé ‘[9]’, se présentant comme l’un des nouveaux endroits en vogue dans le golfe de [Localité 12].

Pour autant, ce n’est qu’à compter de l’installation de l’établissement ‘[9]’ que l’intimé s’est plaint des nuisances générées par le bruit et par le trafic routier induit, étant observé que celui-ci se situe à 150 mètres de chez lui, les autres établissements diffusant de la musique se situant plus loin, derrière la SASU STR, et l’exposant moins directement au bruit. En effet, il est justifié de la gronde de riverains dans la presse et d’un dépôt de plainte de la part de l’intimé le 23 juillet 2021.

La conformité de la construction des installations par la SASU STR avec les règles de l’urbanisme ainsi que le fait que l’appelante ait obtenu les autorisations idoines d’exploitation ne font aucunement obstacle à la reconnaissance d’un trouble manifestement illicite au détriment des voisins.

Or, l’intimé justifie avoir alerté le maire de [Localité 11] ainsi que le préfet du Var à raison des nuisances dénoncées. Il est également justifié de ce que, dans le cadre de pouvoir de police administrative du maire, un procès-verbal n°2021-051, du 20 juillet 2021 à 17 heures 15, a été dressé par des agents de police municipale, transmis au préfet, à raison des nuisances sonores générées par l’établissement ‘[9]’.

Aux termes du procès-verbal de constat réalisé par maître [N], huissier de justice, entre les 18 et 24 juillet 2021, sont relevés, dans la zone résidentielle et d’habitations où se situe la parcelle de l’intimé, des nuisances sonores, des allées et venues et un trafic induit sur le chemin des barraques non conforme avec l’exiguïté des lieux. L’huissier de justice a procédé à des mesures à l’aide d’un sonomètre. Certes, ces constatations ne valent ni procès-verbal d’infraction conforme aux dispositions sus-visées du code de la santé publique et du code de l’environnement, ni expertise acoustique. Néanmoins, elles sont un moyen de preuve recevable dans les limites des mesures effectuées. Ainsi, le 19 juillet 2021 à 19 heures, l’huissier de justice relève sur la zone piscine de la propriété de monsieur [O] [U], un fond sonore très élevé en provenance de l’établissement ‘[9]’ avec un bruit de passe, perpétuel, très fort (72 dB relevées). Le 22 juillet 2021 à 17 heures 50, l’huissier de justice constate une musique en provenance de ‘[9]’, très forte, relevant des décibels entre 57,3 et 75,7. Lors d’un autre procès-verbal de constat réalisé le 6 août 2021, maître [N] relate une émanation musicale forte au niveau du portail de l’intimé, mesurée entre 77,2 dB et 80,5 dB, faisant état d’un niveau sonore très élevé.

Monsieur [O] [U] et ses voisins ont sollicité une expertise amiable, non contradictoire, de mesure acoustique de la part de monsieur [A] [K], par ailleurs expert près la cour d’appel, qui, dans un rapport du 6 septembre 2021, mais à raison de mesures réalisées le 26 août 2021, a procédé à différentes mesures, en des lieux distincts, avec des appareils dont l’homologation ne peut être contestée. Monsieur [K] indique ainsi que la diffusion de musique amplifiée dans l’après-midi s’est avérée particulièrement bruyante, ainsi que l’activité du club ‘[9]’ avec jeux d’enfants, animateurs, cris tout au long de l’après-midi. Monsieur [K] a constaté le bruit des clients et des véhicules accru en fin de journée. Concernant le mesurage du bruit, monsieur [K] s’est positionné au domicile des époux [H] et chez monsieur [O] [U] entre 13 heures et 20 heures. Il indique que c’est bien l’activité de l’établissement ‘[9]’ qui a pu être identifié, compte tenu du type d’activité de celui-ci, notamment les jeux d’enfants, le type de musique diffusée et l’horaire de fermeture, à la différence des autres établissements potentiellement bruyants situés à proximité. Pour autant, monsieur [K] indique tenir compte d’une possible augmentation du bruit ambiant à raison des autres établissements, des passages répétés d’hélicoptères, et à raison du vent, ce dont il déduit une minimisation du bruit perçu en provenance de ‘[9]’. Monsieur [K] indique avoir isolé ce bruit résiduel sur les périodes entre 13 heures et 15 heures, et au delà de 19 heures, correspondant à une activité musicale modérée au sein de l’établissement ‘[9]’. Ainsi, chez monsieur [O] [U], monsieur [A] [K] conclut à ‘une émergence du bruit comprise entre 4 et 7 dB(A), dépassant l’émergence maximale réglementaire de 6 dB(A)’, compte tenu de la durée cumulée d’activité comprise entre 4 et 8 heures par jour. Il ajoute que ‘l’émergence spectrale est sensible dans les basses fréquences et les mediums. Il estime ces résultats minimisés à raison du vent d’Ouest et de la question du bruit résiduel. Il ajoute que chez monsieur [O] [U], le bruit le plus gênant provient du club pour enfants et des animations qui y sont proposées. Ainsi, monsieur [K] définit le bruit perçu tant chez les époux [H], que chez monsieur [O] [U], comme étant ‘important et particulièrement gênant, sans véritable moment de répit entre 13 et 20 heures’. Il conclut au fait que les émergences globale et spectrale mesurées sont supérieures, voire nettement supérieures aux valeurs réglementaires maximales en matière de bruit de voisinage. Les mesures de décibels réalisées par monsieur [K] sont concordantes avec celles relevées par l’huissier de justice, maître [N], dans ses procès-verbaux de constat.

Ces éléments objectifs, répétés, précis et concordants ne peuvent être utilement combattus par des articles de presse vantant les mérites du calme et de l’ambiance ‘havre de paix’ de la villa ‘alla grande’ et de l’établissement ‘[9]’ dans son ensemble, ces derniers étant des indications publicitaires ponctuelles. De même, force est de constater que la pose d’un limitateur dans la chaîne d’amplifications de la sonorisation de l’établissement, dont il est justifié le 11 août 2021, n’est pas suffisante.

En définitive, la démonstration d’une diffusion de musique amplifiée par la SASU STR, continue entre 13 heures et 20 heures, chaque jour, de juin à septembre, avec une plus forte activité entre 15 heures et 19 heures, est démontrée, tout comme il est établi que le bruit généré excède les niveaux réglementaires admis dans ce type de circonstances, tant en termes d’intensité, que de durée et de fréquence. De même, les nuisances générées par l’activité du club pour enfants sont établies comme constituant une source sonore, régulière, continue, très élevée et très gênante.

Il résulte de ce qui précède que les pièces versées au dossier suffisent à démontrer, avec l’évidence requise en référé, l’existence d’un trouble né et actuel au jour du prononcé de l’ordonnance critiquée, trouble consistant en des nuisances sonores importantes, contrevenant aux dispositions légales et réglementaires sus-mentionnées et excédant les inconvénients normaux de voisinage, causant un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

Il est en outre manifeste que le trouble ainsi caractérisé persiste au jour du présent arrêt en dépit de la décision rendue. En effet, un deuxième procès-verbal d’infraction a été dressé par les agents municipaux assermentés le 18 septembre 2021 à 17 heures 40. Selon procès-verbal de constat de maître [N] des 5 et 7 septembre 2021, il appert que des mesures de décibels comprises entre 54,9 dB et 83,5 dB ont été enregistrées en plein après-midi. L’huissier de justice a également pu constater l’émission d’une diffusion musicale en provenance de l’établissement ‘[9]’ en continu. De plus, le 11 septembre 2021, l’huissier de justice accompagné d’un expert acousticien, monsieur [I] [F], a mis en évidence la prise de mesures acoustiques en trois lieux, entre 13 heures et 19 heures 30, au domicile de l’intimé et de ses voisins. Ce dernier indique prendre en compte un niveau sonore résiduel à partir des périodes de diffusion sonore moins intense par l’établissement ‘[9]’, en retenant à ce titre les mesures avant 14 heures 20 et après 19 heures 15, correspondant à une moindre activité de l’établissement concerné, dans la mesure où la diffusion musicale ne pouvant être totalement coupée, aucune mesure du bruit résiduel sans celle-ci n’est possible. Dès lors, contrairement à ce qu’affirme la SASU STR, les experts intervenus, certes non contradictoirement, tant monsieur [K] que monsieur [F], se sont attachés à retenir une valeur sonore résiduelle pour comparer avec les émergences globales et spectrales. Ils en déduisent tous deux que leurs mesures en période intense conduisent à des valeurs, a minima, nécessairement moindre que celles qui pourraient être retenues en comparaison avec un bruit résiduel, hors toute musique (minoration de plus ou moins 2 dB). Monsieur [F] déduit de ces mesures que ‘pour 6 des 7 essais l’activité musicale provenant du restaurant du ‘[9]’ ne respecte pas les articles R 1336-6 et suivants tant en termes d’émergences globales qu’en termes d’émergences spectrales dans les bandes octaves’. Monsieur [F] ajoute que les bruits constatés proviennent bien de l’établissement incriminé, les autres restaurants de plage susceptibles d’être bruyant étant fermés ce jour-là.

Selon nouveau procès-verbal de constat dressé par maître [N] le 23 juillet 2022 entre 14 heures et 18 heures 30, de nouveau accompagné de monsieur [I] [F], expert acousticien, il est apparu que l’activité musicale, identifiée comme provenant exclusivement de l’établissement ‘[9]’ ne respecte pas les articles R 1336-6 et suivants du code de la santé publique, les nuisances sonores étant avérées. Des mesures ont été prises tant en intérieur qu’en extérieur de la propriété de l’intimé. L’expert acousticien retient l’existence de bruit, musique et cris, audibles mais modérés jusqu’à 16 heures, puis à compter de cette heure, des mesures dépassant les normes autorisées, de façon similaire aux résultats des mesures du 11 septembre 2021 avec des valeurs d’émergence semblables. Monsieur [F] constate des moments d’intensification de la musique, au delà de ces relevés et préconise la réalisation d’une étude acoustique ainsi que la mise en place d’un limiteur empêchant l’animateur de sur amplifier le son au gré de son animation, tel que constaté.

La SASU STR produit une étude d’impact par elle sollicitée et réalisée le 22 juillet 2022 de laquelle il ressort que ‘le système de sonorisation est susceptible de générer des émergences sonores dans le voisinage supérieur aux exigences réglementaires’. Cette étude préconise des réglages du limiteur sonore dont la SASU STR assure qu’il y a été procédé au vu d’une facture d’intervention du 26 juillet suivant. Pour autant, aucune nouvelle mesure en attestant n’est produite, ce alors que le dit limiteur avait été installé avant l’expertise de monsieur [F].

S’agissant des critiques émises par monsieur [W], lui-même docteur en acoustique et expert, force est de constater qu’elle résulte d’une analyse sur pièces, dès lors peu probante, au vu du litige existant entre les parties, la discussion sur le niveau sonore résiduel ayant été abordée par messieurs [K] et [F].

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il appert donc que le trouble manifestement illicite, à l’évidence établi lors de la décision du premier juge, est encore constitué, et que l’ordonnance entreprise doit être confirmée sur ce point.

S’agissant de la mesure ordonnée afin de faire cesser le trouble, le juge doit veiller à ce qu’elle demeure proportionnée aux intérêts en présence.

Or, le premier juge a justement ordonné, non pas la cessation de toute diffusion de musique par l’établissement ‘[9]’ exploité par la SASU STR, mais la cession de toute musique excédant les normes fixées aux articles R 1336-6 à R 1336-8 du code de la santé publique comme fixant la limite de ce qui peut être considéré comme des inconvénients normaux de voisinage. De plus, si aucune personne n’est précisément définie pour constater les éventuelles infractions, force est de constater que le premier juge a justement fixé les conditions dans lesquelles ces infractions doivent être établies, par référence à l’arrêté du 5 octobre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits du voisinage qui définit la norme de référence. Aussi, la condamnation prononcée apparaît adaptée et exécutable ; elle doit être confirmée.

En revanche, le montant de l’astreinte prévu par le premier juge est manifestement insuffisant dès lors que cette mesure de coercition qui a pour but de permettre l’exécution de l’obligation posée n’a pas permis le respect de celle-ci, au vu de la persistance évidente du trouble manifestement illicite. En l’état des intérêts financiers concernés, tant du côté de la SASU STR que du côté des intimés, propriétaires individuels, et en vue de permettre une réelle exécution de la mesure, il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise quant au montant de l’astreinte fixée désormais à 70 000 € par infraction constatée.

Sur la demande de provision

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il convient de rappeler qu’il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant, qui n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Sur la recevabilité de la demande

Par application de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En vertu de l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’occurrence, l’intimé sollicite l’augmentation du montant de sa provision au titre de la réparation de son préjudice de jouissance, allouée à hauteur de 2 000 € en première instance. Il s’agit ici d’une demande d’appel incident, mais aucunement d’une demande nouvelle soumise à la cour, la prétention tendant à une indemnisation provisoire des préjudices subis par monsieur [O] [U] étant déjà déférée au premier juge.

Cette demande est donc recevable.

Sur le bien fondé

En vertu des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le trouble sonore avéré au domicile de monsieur [O] [U], continu et répété chaque après-midi sur la période de juin à septembre, au cours des étés 2021 et 2022, a indéniablement généré pour lui un trouble de jouissance, altérant sa santé et sa quiétude, et l’empêchant de jouir normalement de son bien. Monsieur [O] [U] produit à ce titre deux attestations témoignant de la gêne occasionnée au titre des moments de convivialité mais également dans le cadre professionnel, au vu de l’activité professionnelle exercée par lui sur place. Son préjudice est donc établi sans contestation sérieuse.

Compte tenu de la persistance du trouble au delà de la décision entreprise, la provision accordée en première instance en indemnisation de son préjudice doit être augmentée et fixée à 4 000 €.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SASU STR qui succombe au litige sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de monsieur [O] [U] les frais, non compris dans les dépens, qu’il a exposés pour sa défense.

L’indemnité qui lui a été allouée à ce titre en première instance sera confirmée et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire de 4 000 euros en cause d’appel.

L’appelante supportera en outre les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit n’y avoir lieu à rabat de l’ordonnance de clôture et écarte des débats les conclusions transmises par monsieur [O] [U] le 11 octobre 2022,

Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a fixé le montant de l’astreinte assortissant la condamnation prononcée à la somme de 5 000 € et en ce qu’elle a alloué à monsieur [O] [U] une provision de 2 000 € à valoir sur leur préjudice de jouissance,

Confirme l’ordonnance entreprise en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que l’astreinte assortissant la condamnation de la SASU STR à faire cesser toute diffusion de musique, telle que précisée par le premier juge, est fixée à 70 000 euros par infraction constatée dans les formes définies par le premier juge,

Déclare recevable la demande de provision présentée par l’intimé,

Condamne la SASU STR à verser à monsieur [O] [U] la somme provisionnelle globale de 4 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice de jouissance,

Condamne la SASU STR à payer à monsieur [O] [U] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SASU STR de sa demande sur ce même fondement,

Condamne la SASU STR au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

 


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