Production Audiovisuelle : 9 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00417

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Production Audiovisuelle : 9 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00417

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 09 MARS 2023

N° 2023/196

Rôle N° RG 22/00417 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIVFK

[S] [H]

[M] [H]

C/

FINANCES PUBLIQUES INSPECTRICE PRINCIPALE DES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Delphine PARIGI

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 22 décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/06234.

APPELANTS

Monsieur [S] [H]

né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]

Monsieur [M] [H]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]

représentés par Me Delphine PARIGI et Me Louise RAMBAUD de la SELARL DPZ, avocats au barreau de NICE

INTIMEE

Madame l’INSPECTRICE PRINCIPALE DES FINANCES PUBLIQUES Agissant pour le compte du Directeur départemental des Finances publiques du Var et du Directeur Général des Finances Publiques

demeurant en cette qualité [Adresse 6]

représentée par Me Paul GUEDJ substitué par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et assistée de Me Jean-Luc FORNO de la SCP LOUSTAUNAU FORNO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 31 janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société civile immobilière (SCI) Villa le Grand Calme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Frejus, le 5 février 2014, ayant son siège social au [Adresse 4]) a été constituée le 16 janvier 2014 entre trois associés qui se sont répartis le capital social de 100 parts de la manière suivante :

– M. [S] [H], détenteur de 40 parts sociales :

– M. [M] [H], détenteur de 40 parts sociales ;

– M. [K] [X], détenteur de 20 parts sociales.

M. [S] [H] était, en outre, le gérant de la société.

Aux termes d’un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 25 mai 2018, la société Villa Le Grand Calme a fait l’objet d’une dissolution anticipée à compter du 25 mai 2018, M. [S] [H] ayant été désigné en qualité de liquidateur.

Aux termes d’un procès-verbal d’assemblée générale ordinaire du 27 juillet 2018, il a été procédé au constat de la clôture de liquidation de la société au 27 juillet 2018.

A l’issue des opérations de liquiation, la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Frejus le 31 janvier 2019.

Se prévalant du fait que la société n’était plus représentée, le gérant ayant perdu ses pouvoirs de représentation à compter de la dissolution et le liquidateur ayant perdu les siens à compter de la clôture de la liquidation, la Direction Départementale des Finances Publiques du Var, qui envisageait d’engager une procédure de contrôle à l’encontre de la société, a sollicité du président du tribunal judiciaire de Draguignan, par requête en date du 13 janvier 2020, la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de représenter la société Villa Le Grand Calme dans toutes les procédures fiscales menées à son encontre et devant toute juridiction éventuellement saisie dans ce cadre.

Par ordonnance sur requête en date du 31 janvier 2020, ce magistrat a désigné la SCP Evazin-Thomas en qualité de mandataire ad hoc chargé de représenter la société Villa Le Grand Calme dans toutes les procédures fiscales menées à son encontre par l’inspectrice principale des finances publiques du contrôle fiscal, agissant pour le compte du directeur départemental des finances publiques du Var et du directeur général des finances publiques, et devant toute juridiction éventuellement saisie dans ce cadre.

Par acte d’huissier en date du 23 septembre 2021, M. [S] [H] et M. [M] [H] ont assigné la Direction Départementale des Finances Publiques devant le juge des référés du tribunal jduciaire de Draguignan aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance du 31 janvier 2020.

Par ordonnance en date du 22 décembre 2021, ce magistrat a ;

– rejeté la demande ;

– dit n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance rendue sur requête le 31 janvier 2020 ;

– condamné M. [S] [H] et M. [M] [H] à verser à l’inspectrice principale des finances publiques du contrôle fiscal, agissant pour le compte du directeur départemental des finances publiques du Var et du directeur général des finances publiques, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [S] [H] et M. [M] [H] aux dépens.

Ce magistrat a estimé que :

– l’ordonnance est motivée par référence à la requête qui énumère les pièces à son soutien et dont elle s’approprie les motifs ;

– la requête contient en elle-même les circonstances justifiant qu’elle ne soit pas prise contradictoirement, son objet étant précisément de remédier à une situation où aucun contradictoire ne peut avoir lieu à l’égard d’une société dépourvue de représentant légal ;

– la mission du mandataire ad hoc est définie par l’ordonnance comme une mission de représentation de la société dans le cadre de procédures fiscales menées à son encontre, de sorte qu’elle est suffisamment précise ;

– la SCP Evazin-Thomas est inscrite sur la liste nationale des administrateurs judiciaires qui lui confère la qualification nécessaire à l’exercice du mandat ad hoc, outre le fait que la preuve de conflits d’intérêts ou d’absence d’indépendance de ce mandataire par rapport à l’administration fiscale n’est pas démontrée et que sa rémunération fera l’objet d’une taxation judiciaire en fin de mission ;

– les reproches d’incompétence ou de préservation insuffisante des intérêts de la société pourront éventuellement justifier une action en responsabilité du mandataire ;

– l’action, engagée un an après le début de la procédure, vise manifestement à anéantir a posteriori l’avis de recouvrement.

Suivant déclaration transmise au greffe le 11 janvier 2022, M. [S] [H] et M. [M] [H] ont interjeté appel de l’ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 25 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus amples des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu’elle :

– infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

– juge que l’ordonnance rendue le 31 janvier 2020 doit être rétractée ;

– à titre subsidiaire, réforme ladite ordonnace en désignant M. [S] [H] en qualité de mandataire ad hoc de la société Villa Le Grand Calme à compter de ce jour à la place de la SCP Evazin-Thomas ;

– condamne l’inspectrice principale des finances publiques du contrôle fiscal, agissant pour le compte du directeur départemental des finances publiques du Var et du directeur général des finances publiques, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamne aux dépens.

Concernant la régularité de l’ordonnance, ils exposent que la désignation d’un mandataire ad hoc pour une société dissoute et liquidée faisant l’objet d’un contrôle fiscal n’est réglementée par aucun texte et qu’il s’agit d’une création prétorienne. Ils estiment donc qu’il y a lieu de procéder par analogie avec les dispositions de l’article R 611-19 du code du commerce portant sur l’objet et la durée précise de la mission du mandataire. Ils font valoir que la mission du mandataire n’est pas suffisamment précise en ce qu’elle concerne toutes procédures fiscales menées à l’encontre de la société, sachant qu’il existe une procédure précontentieuse d’assiette et une procédure contentieuse, lesquelles procédures sont totalement distinctes. Par analogie avec les dispositions de l’article R 611-47 du même code portant sur la rémunération du mandataire, ils relèvent que cette dernière n’est pas déterminée par un écrit annexé à l’ordonnance de désignation, et ce, alors même que cette rémunération devra être prise en charge par la personne représentée. Dans tous les cas, ils soutiennent que la requête ne contient aucun élément précisant les circonstances suscrptibles de justifier qu’il soit procédé de manière non contradictoire en application des articles 493 à 495 du code de procédure civile. Ils relèvent que l’administration fiscale connaissait parfaitement la qualité d’ancien associé, gérant et liquidateur amiable de M. [S] [H], de sorte qu’elle aurait pu demander sa désignation en tant que mandataire.

Concernant le défaut d’incompétence et d’indépendance de la SCP Evazin-Thomas, ils précisent qu’ils peuvent invoquer des faits postérieurs au prononcé de l’ordonnance. Ils font valoir que cette SCP ne dispose pas de l’indépendance nécessaire pour représenter la société dès lors que la première proposition de rectification envoyée par l’administration fiscale, le 8 juin 2020, a été réceptionnée par la SCP, le 12 juin 2020, avant sa désignation officielle, ce qui démontre qu’elles étaient en lien, faisant observer que la SCP n’a eu connaissance de l’ordonnance sur requête la désignant en date du 31 janvier 2020 que le 19 juin 2020. De plus, ils relèvent qu’il est apparu lors de l’audience du 10 novembre 2021 que la SCP a été rémunérée par l’administration fiscale, et ce, alors même qu’elle est censée représenter et défendre les intérêts de la société. En outre, ils soutiennent que les droits de la défense de la société sont bafoués dans la mesure où, même si la SCP est inscrite sur la liste nationale des administrateurs judiciaires, elle n’a aucune compétence pour représenter la société dans le cadre d’une procédure fiscale, laquelle requiert une technicité et une expérience significative dans ce domaine. Ils soulignent que c’est grâce au cabinet DPZ mandaté par eux que des erreurs de procédure ont été évitées et que le recours au supérieur hiérarchique a été exercé, de même que le mémoire transmis à la commission administrative indépendante a été intégralement rédigé par le cabinet DPZ, sachant que la SCP lui a demandé de l’assister durant la séance afin qu’il défende la position de la société. Ils relèvent que la SCP n’a jamais procédé aux diligences nécessaires, malgré les demandes faites en ce sens par le cabinet DPZ, en contactant le notaire en cause afin de recueillir son avis sur l’acte qui a été dressé. Ils relèvent que la SCP a attendu le 20 avril 2021 pour transmettre au cabinet DPZ l’avis de la commission date du 7 avril 2021, de même qu’elle a attendu le 20 mai 2021 pour transmettre l’avis de mise en recouvrement du 10 mai 2021.

Concernant l’impartialité du juge, ils relèvent que le magistrat qui a rendu l’ordonnance sur requête est le même que celui qui a rejeté la demande de rétractation. Ils font observer que la manière dont l’ordonnance entreprise est rédigée démontre que ce magistrat a manqué d’impartialité. Ils soulignent avoir attendu la réponse à une question préjudicielle de la Cour de Justice de l’Union Européenne concernant le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge pour introdruire une réclamation contentieuse et un référé-rétractation en vue de cette réclamation. Ils relèvent s’être immédiatement acquittés de la taxe sur la valeur ajoutée, les pénalités et les intérêts de retard le 26 mai 2021 après avoir reçu l’avis de mise en recouvrement le 20 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 24 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus amples des prétentions et moyens, l’inspectrice principale des finances publiques, agissant pour le compte du directeur départemental des finances publiques du Var et du directeur général des finances publiques, sollicite de la cour qu’elle :

– confirme l’ordonnance entreprise du 22 décembre 2021 ;

– déboute les appelants de leurs demandes ;

– les condamne à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamne aux dépens avec distraction au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, avocat aux offres de droit.

Concernant la régularité de l’ordonnance, elle expose que la désignation du mandataire ad hoc l’a été sur le fondement des articles 493 à 495 et 845 du code de procédure civile et non sur ceux des articles L 611-3, R 611-18 et suivants et R 611-47 du code de commerce relatifs à la prévention des difficultés des entreprises, la société n’étant pas en difficulté mais liquidée lors de la désignation querellée. Elle relève que la requête contient en elle-même les circonstances justifiant qu’elle ne soit pas prise contradictoirement, à savoir qu’elle n’avait plus d’interlocuteur juridiquement habilité à représenter la société dans le cadre de la procédure de contrôle qui était envisagée. Elle fait observer que la désignation de M. [H] en tant que mandataire ad hoc ne s’imposait ni à l’administration fiscale, ni au président du tribunal. Elle souligne également que la mission est parfaitement précise dès lors qu’il s’agit d’une mission de représentation de la société dans le cadre des procédures fiscales menées à son encontre, comprenant toutes les phases de ces procédures. Elle expose que la durée du contrôle ne pouvant être déterminée à l’avance, la durée du mandat ne pouvait être fixée par le juge. Elle relève enfin que le juge n’a pas l’obligation de déterminer le montant de la rémunération du mandataire au moment de sa désignation et que, dans tous les cas, les frais de la mission du mandataire sont supportés par l’administration fiscale.

Concernant le défaut d’incompétence et d’indépendance de la SCP Evazin-Thomas, elle relève que le fait pour l’administration fiscale de rémunérer le mandataire n’enlève rien à l’indépendance de ce dernier, faisant observer que cette situation découle du simple fait qu’elle est à l’origine de la demande de désignation, outre le fait que sa mission est confiée par le juge et non par l’administration fiscale. Elle relève que ce mandataire a été destinataire de l’ensemble des éléments de la procédure, qu’il a pu faire valoir ses observations, qu’il a bénéficié d’un recours auprès du supérieur hiérarchique, qu’il a saisi la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d’affaires et qu’il a rédigé un rapport destiné à la commission. Elle insiste sur le fait que le recours hiérarchique s’est tenu le 3 février 2021 en présentiel, ce qui n’est pas une obligation.

Concernant l’impartialité du juge, elle relève que l’instance en rétractation d’une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, outre le fait que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 17 janvier 2023.

Par courrier en date du 2 février 2023, le conseil de l’intimée demande à la cour d’écarter des débats l’arrêt de la Cour de Cassation du 21 janvier 2021 déposé par le conseil des appelants lors de l’audience au motif qu’il n’était pas visé dans ses conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rejet de l’arrêt de la Cour de Cassation du 21 janvier 2021

S’il résulte de l’article 16 du code de procédure civile que la cour ne peut fonder sa décision sur une pièce non visée dans les conclusions, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui n’est pas considérée comme un document, peut être produite sans avoir à figurer dans le bordereau de pièces communiquées et/ou dans le corps des conclusions.

L’inspectrice principale des finances publiques, agissant pour le compte du directeur du directeur départemental des finances publiques du Var et du directeur général des finances publiques sera donc déboutée de sa demande de voir écarter des débats l’arrêt remis lors de l’audience par les appelants.

Sur la rétractation de l’ordonnance sur requête

Il résulte de l’article 493 du code de procédure civile que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

L’article 495 du même code énonce que l’ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.

L’article 496 alinéa 2 du même code énonce que, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.

Il ressort de l’article 497 du même code que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.

Il est admis que le juge saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d’instruction doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale à ordonner la mesure probatoire, ainsi que des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement et de la nature légalement admissible de la mesure sollicitée.

La régularité de la saisine du juge des requêtes étant une condition préalable à l’examen de la recevabilité et du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée, il convient de s’assurer que la requête ou l’ordonnance y faisant droit a justifié de manière circonstanciée qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, avant de statuer sur les autres moyens soulevés tenant, au cas d’espèce, à l’impartialité du juge de la rétractation, au bien-fondé la mesure sollicitée et, le cas échéant, à son contenu.

Sur la dérogation au principe de la contradiction

En application des articles 493 et 495 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête rendue non contradictoirement doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l’adoption des motifs de la requête, s’agissant des circonstances qui exigent que la mesure d’instruction ne soit pas prise contradictoirement.

Il appartient au juge, saisi d’une demande de rétractation, de vérifier, même d’office, si la requête et l’ordonnance caractérisent de telles circonstances.

Si le juge de la rétractation doit apprécier l’existence du motif légitime de la mesure sollicitée au jour du dépôt de la requête initiale ainsi qu’à la lumière des éléments de preuve produits ultérieurement devant lui, il est tenu, en revanche, s’agissant de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, d’apprécier les seuls éléments figurant dans la requête ou l’ordonnance, sans qu’il puisse en suppléer la carence en recherchant les circonstances justifiant qu’il soit dérogé au principe de la contradiction dans les pièces produites ou les déduire du contexte de l’affaire.

L’examen de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire ne doit donc être fait qu’à l’égard des énonciations et de la motivation figurant dans la requête ou l’ordonnance, motivation qui ne peut pas consister en une formule de style et qui doit s’opérer in concreto sur des faits qui, à ce stade de la procédure, n’ont pas besoin d’être établis et peuvent être contestés.

En l’espèce, les demandeurs à la rétractation, devenus appelants devant la cour, soulèvent l’absence de circonstances permettant d’éluder le principe du contradictoire.

L’ordonnance rendue le 31 janvier 2020 vise la requête déposée le 13 janvier 2020, ainsi que les pièces qui y sont jointes, de sorte qu’elle en adopte implicitement les motifs figurant dans la requête.

Pour justifier de la dérogation au principe du contradictoire, il résulte de la requête que la société Villa Le Grand Calme n’a plus de personnalité morale depuis le 31 janvier 2019, date à laquelle elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés, à l’issue de la clôture des opérations de la liquidation amiable effectuée le 27 juillet 2018, après que sa dissolution anticipée a été décidée par ses associés lors de l’assemblée générale du 25 mai 2018.

Se prévalant de la perte de la personnalité morale de la société Villa Le Grand Calme, la requérante indique qu’elle ne peut plus juridiquement agir dans le cadre des procédures qu’elle entend exercer à son encontre en matière de contrôle fiscal.

De plus, elle fait valoir l’absence de représentant légal, M. [S] [H] n’étant plus liquidateur de la société depuis la clôture de sa liquidation amiable intervenue le 27 juillet 2018.

Dans ces conditions, ces circonstances, qui ressortent de la requête et de l’ordonnance qui s’y réfère expressément, justifiaient qu’il soit dérogé au principe du contradictoire.

En effet, si les intimés soutiennent que la requérante, qui connaissait l’existence de M. [S] [H], en tant qu’ancien associé gérant puis ancien liquidateur de la société Villa le Grand Calme aurait pu recourir à une procédure judiciaire contradictoire en sollicitant sa désignation en tant que madataire ad hoc chargé de représenter la société dans les procédures fiscales à venir, il n’en demeure pas moins, qu’à la date de la requête, il est acquis que la société n’avait plus d’organe de représentation, de sorte que la requérante ne pouvait agir à l’encontre de la société dans le cadre d’une procédure contradictoire tant qu’aucun administrateur ad hoc chargé de la représenter n’était désigné.

Les intimés ne peuvent donc valablement se prévaloir de l’absence de circonstances résultant de la requête ou de l’ordonnance y faisant droit justifiant qu’il soit dérogé au principe de la contradictoire.

La rétractation de l’ordonnance ne sera donc pas ordonnée de ce chef.

Sur l’impartialité du juge de la rétractation

Les appelants soutiennent que la magistrat ayant statué en qualité de juge des référés est le même que celui ayant rendu l’ordonnance sur requête dont ils sollicitent la rétractation, ce qu’il ne pouvait pas faire sans violer le principe de l’impartialité du juge de la rétractation.

Or, en raison du caractère provisoire de la décision qu’il rend, le juge des requêtes ou des référés peut la modifier ou la rapporter en cas de circonstances nouvelles, et donc connaître deux fois des mêmes faits, sans que son impartialité fonctionnelle puisse être mise en cause.

Il résulte d’ailleurs expressément de l’article 497 du code de procédure que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, de sorte que le fait même pour le juge des requêtes de se prononcer, en tant que juge des référés, sur une demande de rétractation de l’une de ses ordonnances, n’est pas de nature à faire suspecter son impartialité.

De plus, le fait même pour ce dernier d’avoir indiqué, en tant que juge des référés, que la demande de rétractation, sollicitée un an après le début de la procédure, vise manifestement à anéantir a posteriori l’avis de recouvrement, n’est pas de nature, à créer, même en apparence, un doute sur son impartialité, dès lors que les appelants ont bien attendu le 23 septembre 2021 pour solliciter la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 31 janvier 2020, sachant qu’ils avaient parfaitement connaissance de la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter la société Villa Le Grand Calme.

Dans ces conditions, les appelants ne peuvent valablement se prévaloir de l’absence d’impartialité du juge des référés ayant rendu l’ordonnance entreprise.

La rétractation de l’ordonnance entreprise ne sera donc pas ordonnée de ce chef.

Sur le bien fondé de la désignation de l’administrateur ad hoc

Les appelants se prévalent de textes particuliers qui prévoient le recours à un mandataire de justice dans les conditions qu’ils déterminent, et en l’occurrence de l’article L 611-3 du code de commerce qui énonce que le président du tribunal de commerce, si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale, ou celui du tribunal judiciaire, dans les autres cas, peut, à la demande d’un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission, sachant que le débiteur peut proposer le nom d’un mandataire ad hoc.

Or, dès lors qu’il est acquis que la société Villa Le Grand Calme a fait l’objet d’une dissolution anticipée décidée par les associés, et non d’une dissolution judiciaire décidée par le tribunal judiciaire en raison de difficultés économiques pour insuffisance d’actifs, c’est à juste titre que le juge des référés a considéré que les appelants ne pouvaient se prévaloir des dispositions susvisées qui s’inscrivent dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises.

De plus, la désignation d’un mandataire ad hoc est sollicitée, non pas par la société, qui n’a plus de représentant légal, mais par l’administration fiscale.

Il en résulte que ce sont pas les conditions légales prévues par les articles R 611-19 et suivants du code du commerce qui s’appliquent dans le cadre de la demande de désignation sollicitée par l’intimée mais les conditions jurisprudentielles.

C’est ainsi que, hors les cas légaux particuliers, la désignation d’un mandataire ad hoc chargé d’un mandat judiciaire spécial d’accomplir un acte déterminé est une mesure exceptionnelle, qui suppose que soient réunies cumulativement deux conditions relatives à la gravité de la crise sociale, de nature à rendre impossible le fonctionnement normal de la société, et à l’urgence, du fait d’un péril imminent menaçant l’intérêt social.

Sa mission est toujours spécialement déterminée par le juge. Il peut s’agir d’un mandat ad litem conférant un pouvoir de présentation pour pallier l’absence d’organe de représentation.

Le mandataire ad hoc est un mandataire judiciaire qui relève des articles L 811-1 du code de commerce et doit en principe être choisi sur la liste des administrateurs judiciaires. Si l’article L 811-2 du même code offre la possibilité de désigner une personne extérieure à cette profession, il y a lieu de veiller à ce qu’il n’y ait aucun risque de conflit d’intérêts en respectant les règles d’incompatibilité prévues.

En l’occurrence, compte tenu, d’une part, de l’approbation des comptes de clôture de liquidation, de la liquidation de la société et de la fin du mandat donné au liquidateur par la remise des sommes revenant aux associés, lors de l’assemblée générale des associés du 17 juillet 2018, et, d’autre part, de la radiation de la société publiée au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 31 janvier 2019, le principe même de la désignation d’un mandataire ad hoc aux fins de représenter la société ne souffre d’aucune contestation.

S’agissant des modalités de cette désignation portant sur la mission qui a été confiée, sa durée et la rémunération du mandataire ad hoc, l’intimée justifie avoir engagé une procédure de redressement fiscal à l’encontre de la société Villa Le Grand Calme, et notamment en lui notifiant une procédure de proposition de rectification des déclarations de TVA effectuées au titre de l’année 2017, à la suite de quoi un avis de mise en recouvrement portant sur la somme de 91 233 euros a été émis le 30 avril 2021.

Etant donné que la proposition de rectification est le premier acte que doit recevoir le contribuable dans le cadre d’un contrôle sur pièces, la désignation d’un mandataire ad hoc avec un mandat ad litem aux fins de représenter la société était nécessaire dès ce stade de la procédure.

En outre, compte tenu des délais dont dispose le contribuable pour répondre, de sa faculté d’exercer un recours hierarchique, de sa faculté de formuler une réclamation contentieuse à l’encontre d’un avis de mise en recouvrement et des observations que doit faire l’administration fiscale en réponse, la représentation confiée au mandataire ad hoc doit concerner toutes les procédures fiscales menées à l’encontre de la société, qu’il s’agisse de la procédure précontentieuse d’assiette ou de l’éventuelle procédure contentieuse.

Dans ces conditions, la mission, telle que fixée par l’ordonnance sur requête est suffisamment précise en ce qu’elle vise toutes les procédures fiscales menées à l’encontre de la société et devant toute juridiction éventuellement saisie dans ce cadre.

Par ailleurs, dès lors qu’il était impossible, au moment de la requête, de connaître la durée des procédures fiscales mises en oeuvre, le mandat ad litem ne pouvait être limité dans le temps.

Enfin, le mandataire ad hoc étant désigné à la demande de l’administration fiscale, et non de la société, le président du tribunal judiciaire de Draguignan n’avait pas à déterminer, dans son ordonnance sur requête, les conditions de rémunération du mandataire désigné après avoir recueilli l’accord de la société qui n’était pas représentée au moment de la requête.

S’agissant du choix de la personne désignée, il résulte des articles L 811-1 et L 811-2 du code de commerce que les administrateurs judiciaires sont les mandataires chargés par décision de justice d’administrer les biens d’autrui ou d’exercer les fonctions d’assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens et que, nul ne peut être désigné en justice pour exercer ces fonctions, sous réserve de dispositions particulières, qui ne s’appliquent pas en l’espèce, s’il n’est inscrit sur la liste établie par une commission nationale instituée à cet effet.

Il n’est pas contesté que la SCP Evazin-Thomas figure sur la liste des administrateurs judiciaires, de sorte que sa désignation ne souffre d’aucune contestation sur ce point.

Si les appelants se prévalent de l’incompétence et du manque d’impartialité de la SCP Evazin-Thomas en matière de redressement fiscal, les pièces de la procédure démontrent que cette dernière a répondu à la proposition de rectification qui a été adressée à la société en formulant des observations, saisi la commission administrative des impôts afin qu’elle donne son avis sur le litige opposant la société à l’administration fiscale et formé un recours hiérarchique interne pré-contentieux, avant que l’avis de mise en recouvrement ne soit émis.

Le fait pour la SCP Evazin-Thomas d’avoir été assistée, tout au long de cette procédure, par le cabinet DPZ Avocats, révèle que le mandataire ad hoc a agi dans les intérêts de la société, étant rappelé que toute proposition de rectification donne la possibilité pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix, à ses frais.

De plus, si l’administration fiscale a adressé à la SCP Evazin-Thomas une première proposition de rectification, en date du 8 juin 2020, avant de lui en adresser une deuxième, le 15 juillet 2020, cela s’explique manifestement par le fait qu’elle avait omis, à la date du 8 juin 2020, de lui notifier l’ordonnance sur requête en date du 31 janvier 2020 la désignant en tant que mandataire ad hoc, laquelle lui a été notifiée le 15 juin 2020 pour être exécutoire au seul vu de la minute en application de l’article 495 du code de procédure civile, sans que la moindre connivence entre l’administration fiscale et le mandaire judiciaire ne soit démontrée, étant relevé sur ce point que la SCP Evazin-Thomas a été désignée par le président du tribunal judiciaire de Draguignan sans que ce mandataire n’ait été proposé par l’administration fiscale aux termes de la requête.

En outre, étant donné que l’administration fiscale est à l’origine de la demande de désignation du mandataire ad hoc aux fins de représenter une société qui ne dispose plus de la personnalité morale par suite de sa radiation après la clôture des opérations de liquidation, elle ne pouvait que faire l’avance de la rémunération du mandataire ad hoc, sans que cela ne caractérise un conflit d’intérêt.

Enfin, s’il résulte de l’article L 811-2 du code de commerce dernier alinéa que les tribunaux peuvent, à titre exceptionnel, par décision motivée, désigner comme administrateurs judiciaires des personnes physiques ayant une expérience ou une qualification particulière, même non inscrites sur la liste des administrateurs judiciaires, M. [S] [H] ne justifie pas remplir ces conditions.

Le fait pour lui d’avoir géré la société Villa Le Grand Calme et d’avoir réalisé les opérations de liquidation ne lui confère aucune compétence particulière en matière de procédure fiscale.

Pour toutes ces raisons, la désignation de la SCP Evazin-Thomas en tant que mandataire ad hoc aux fins de représenter la société Villa Le Grand Calme dans toutes les procédures fiscales menées à son encontre et devant toute juridiction éventuellement saisie dans ce cadre étant parfaitement justifiée par un motif légitime, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance rendue sur requête le 31 janvier 2020.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Dès lors que les appelants n’obtiennent pas gain de cause à hauteur d’appel, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle les a condamnés aux dépens et à verser à l’intimée la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens.

Ils seront également tenus in solidum aux dépens de la procédure d’appel avec distraction au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, avocat aux offres de droit.

Enfin, l’équité commande de les condamner in solidum à verser à l’intimée la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.

En tant que parties perdantes, ils seront déboutés de leur demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute l’inspectrice principale des finances publiques, agissant pour le compte du directeur du directeur départemental des finances publiques du Var et du directeur général des finances publiques, de sa demande de voir écarter des débats l’arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation du 21 janvier 2021 ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne in solidum M. [S] [H] et M. [M] [H] à verser à l’inspectrice principale des finances publiques du contrôle fiscal, agissant pour le compte du directeur départemental des finances publiques du Var et du directeur général des finances publiques, la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [S] [H] et M. [M] [H] de leur demande formulée sur le même fondement ;

Condamne in solidum M. [S] [H] et M. [M] [H] aux dépens de la procédure d’appel, avec distraction au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj, avocat aux offres de droit.

La greffière Le président

 


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