Production Audiovisuelle : 9 février 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-12.206

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Production Audiovisuelle : 9 février 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-12.206

CIV. 1

NL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 139 F-D

Pourvoi n° F 20-12.206

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [X] tant en son nom personnel
qu’en qualité de représentante légale d'[K] [U].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 3 juillet 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022

L’association Themis, administrateur ad’hoc d'[K] [U], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-12.206 contre l’arrêt rendu le 3 décembre 2019 par la cour d’appel de Colmar (5e chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [N] [U], domicilié [Adresse 3], pris tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant légal d'[K] [U],

2°/ à Mme [G] [X], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale d'[K] [U],

3°/ au procureur général près la cour d’appel de Colmar, domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Mme [X] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l’association Themis, ès qualités, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [X], et l’avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 3 décembre 2019), [K] [U] est née, le 17 septembre 2008, à Schiltigheim, de Mme [X] et a été reconnue le 27 janvier 2009 par M. [U].

2. A la suite d’une enquête pénale diligentée à l’encontre de M. [U] pour suspicion de reconnaissance frauduleuse, le procureur de la République l’a assigné, ainsi que Mme [X], en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de l’enfant, sur le fondement de l’article 336 du code civil, aux fins d’annulation de la reconnaissance paternelle.

3. L’association Themis a été désignée en qualité d’administrateur ad hoc de [K].

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs septième à dixième branches, du pourvoi principal, sur le troisième moyen, pris en ses troisième à sixième branches, du pourvoi principal et sur le premier moyen, pris en ses cinquième à septième branches du pourvoi incident, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les premier et deuxième moyen, pris en leur première à sixième branches, du pourvoi principal, rédigés en termes identiques, réunis, sur le deuxième moyen, pris en sa onzième branche, du pourvoi principal et sur le premier moyen, pris en ses première à quatrième branches, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

5. Par ses premier et deuxième moyens, pris en leur première à sixième branches, et par son deuxième moyen, pris en sa onzième branche, de son pourvoi principal, l’association Themis fait grief à l’arrêt de déclarer recevable l’action du ministère public et d’ordonner l’annulation de la reconnaissance de paternité de M. [U], alors :

« 1°/ que, d’une part, en matière civile, l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides ; qu’en se fondant néanmoins, pour dire que M. [U] n’est pas le père biologique de l’enfant Etinosa [T], fils de Mme [X],sur les conclusions de la mesure d’expertise génétique ordonnée par le procureur de la République de Strasbourg à la suite d’une enquête préliminaire de la Police de l’Air et des Frontières ouverte en février 2016 pour suspicion de fausse reconnaissance d’enfant en la personne de [V] [Y] [U], fille de Mme [J] [D], la cour d’appel a violé l’article 16-11 du Code civil, ensemble l’article 336 du même code ;

2°/ que, en tout état de cause, le consentement de la personne soumise à identification par ses empreintes génétiques doit être préalablement et expressément recueilli ; que l’association Themis faisait valoir devant les juges du fond que la mesure d’expertise génétique sur laquelle le ministère public a fondé une part essentielle de son argumentation et les juges du fond une part essentielle de leur motivation, avait été réalisée sans que le consentement d'[K] eût été recueilli au préalable, de sorte que l’analyse génétique ne constituait pas une preuve légalement admissible ; que la cour d’appel, qui a laissé ces conclusions sans réponse, a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que, partant, et faute d’avoir recherché, comme l’association Themis le lui demandait expressément, si la mesure d’expertise génétique sur laquelle le ministère public a fondé une part essentielle de son argumentation et les juges du fond une part essentielle de leur motivation, n’avait pas été réalisée sans que le consentement d'[K] eût été recueilli au préalable, de sorte que l’analyse génétique ne constituait pas une preuve légalement admissible, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 310-3, alinéa 2, du code civil et 9 du code de procédure civile, ensemble l’article 336 du code civil ;

4°/ que, aussi, lorsque la filiation est établie à l’égard des deux parents, chacun d’eux se trouve, en principe et de plein droit, titulaire de l’autorité parentale, qu’il exerce en commun avec l’autre, peu important à cet égard que les parents vivent ensemble ; qu’il n’en va autrement que lorsque la filiation est établie à l’égard de l’un des parents plus d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre ou lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l’égard du second parent de l’enfant, le premier restant alors, en principe, seul investi de l’exercice de l’autorité parentale ; qu’il résulte des propres constatations de la cour d’appel que M. [U] a volontairement reconnu Etinosa [T] et que cette reconnaissance est intervenue le 27 janvier 2009 soit moins d’un an après la naissance de l’enfant, survenue le 17 septembre 2008 ; que M. [U] était donc titulaire, de plein droit, en commun avec Mme [X], de l’autorité parentale sur [K] ; qu’en retenant néanmoins que Mme [X] était « seule titulaire de l’autorité parentale sur l’enfant », pour en déduire que son consentement était seul nécessaire à la réalisation de la mesure d’expertise génétique sur [K], la cour d’appel a violé les articles 372 et 373-2 du code civil, ensemble l’article 336 du même code ;

5°/ que, de plus, si, à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant, l’acte non usuel ne peut être réalisé que du consentement des deux parents ; que le consentement à une enquête génétique n’est pas un acte usuel que l’un des parents pourrait donner seul ; qu’il l’est d’autant moins lorsque cette enquête génétique ordonnée par le ministère public vise in fine à soutenir une action de celui-ci en contestation de paternité qui aura pour conséquence l’annulation de la reconnaissance de paternité, le changement corrélatif du nom patronymique du mineur et le changement de ses conditions d’existence ; que, dès lors et faute d’avoir recherché, comme l’association Themis le lui demandait expressément, si le consentement à l’enquête génétique effectuée sur l’enfant mineur [K] pouvait valablement être qualifié d’acte usuel auquel Mme [X] pouvait consentir seule, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 372-2 du code civil, ensemble l’article 336 du même code ;

6°/ que, de surcroît, lorsque, dans une procédure, les intérêts d’un mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, le juge des tutelles dans les conditions prévues à l’article 383 ou, à défaut, le juge saisi de l’instance lui désigne un administrateur ad hoc chargé de le représenter ; que pour voir déclarer irrecevable la requête en nullité de la reconnaissance de paternité formulée par le ministère public, Mme [X] et l’association Themis faisaient valoir devant les juges du fond que l’expertise génétique, ordonnée par « le procureur de la République de [Localité 7] (…) à la suite d’une enquête préliminaire de la Police de l’Air et des Frontières ouverte en février 2016 pour suspicion de fausse reconnaissance d’enfant en la personne de [V] [Y] [U], fille de Mme [J] [D] », mais dans le but de servir d’élément de preuve dans le cadre de l’action ultérieure en contestation du lien de filiation entre M. [U] et [K], avait été faite en violation des droits de l’enfant dès lors, notamment, qu’en dépit de ce que le conflit d’intérêt entre [K] et ses parents existait déjà au moment de l’expertise génétique, l’enfant ne s’était vu désigner un administrateur ad hoc, qui aurait été seul autorisé à consentir ou non au prélèvement génétique, que postérieurement à celui-ci ; que Mme [X] et l’association Themis soulignaient ainsi que l’enfant avait été privé, au moment de l’expertise génétique, de la mesure de protection prévue par la loi ; que la cour d’appel, néanmoins, a retenu « qu’au moment où ce prélèvement a été effectué, il n’existait aucun conflit d’intérêt entre la mère et l’enfant, s’agissant d’une enquête préliminaire ordonné par le ministère public et non d’une action en contestation de paternité dans laquelle l’enfant est partie à la procédure et doit être représenté par un administrateur ad hoc. Dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a refusé d’écarter l’expertise génétique » ; qu’en statuant ainsi, sans s’expliquer sur les raisons pour lesquelles le conflit d’intérêt existant entre la mère et l’enfant dans le cadre d’une action en contestation de paternité exercée par le ministère public n’aurait pas préexisté dans le cadre de l’expertise génétique ordonnée par ce même ministère public en vue de se procurer les moyens de preuve nécessaires à la recevabilité et au succès de cette même action en contestation de paternité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 388-2, alinéa 1er, du code civil, ensemble l’article 336 du même code ;

11°/ que, en tout état de cause, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants ; que, spécialement, les juges du fond doivent rechercher si l’intérêt supérieur de l’enfant mineur ne justifie pas le maintien du lien de filiation, peu important que la reconnaissance de paternité ait été ou non annulée à raison d’une fraude à laquelle en tout état de cause l’enfant n’a pas participé ; qu’en retenant, pour annuler la reconnaissance de paternité litigieuse, que l’intérêt supérieur de l’enfant garanti par l’article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant ne peut être utilement invoquée en présence d’une fraude à la loi caractérisée, la cour d’appel a violé l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, directement applicable devant les tribunaux français, ensemble les articles 332 et suivants du code civil. »
6. Par son premier moyen, pris en ses première à quatrième branches, de son pourvoi incident, Mme [X] fait grief à l’arrêt d’ordonner l’annulation de la reconnaissance de paternité de M. [U], alors :

« 1°/ que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ; qu’ainsi, même en présence d’une reconnaissance de paternité établie en fraude à la loi, le juge ne peut procéder à l’annulation de cet acte sans s’être assuré de la conformité de cette décision à l’intérêt supérieur de l’enfant ; qu’en retenant, pour annuler l’acte de reconnaissance de paternité établi le 27 janvier 2009 par M. [U] que ni l’intérêt supérieur de l’enfant garanti par l’article 3, § 1 de la convention internationale des droits de l’enfant, ni le respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sauraient être utilement invoqués en présence d’une fraude à la loi, la cour d’appel a violé ces textes, ensemble l’article 336 du code civil ;

2°/ subsidiairement, d’une part, qu’en matière civile, l’identification par empreintes génétiques ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides ; qu’en déclarant recevable, dans le cadre d’une action en contestation de filiation, une expertise biologique, dont il ressort de ses propres constatations qu’elle a été ordonnée dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée contre l’auteur de la reconnaissance, la cour d’appel a violé l’article 16-11 du code civil ;

3°/ toujours subsidiairement, d’autre part, que le prélèvement aux fins d’expertise biologique pratiqué sur un mineur requiert le consentement de ses représentants légaux, lesquels doivent avoir été dûment informés de la nature de ce prélèvement et de sa finalité ; qu’en retenant que l’expertise biologique était recevable dès lors que Mme [X], mère de l’enfant, avait consenti au prélèvement cependant qu’il résulte de ses propres constatations que ce consentement avait été recueilli lors d’une audition de celle-ci dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte contre le père de l’enfant, ce dont il ne résulte pas que Mme [X] ait été dûment informée de la finalité de ce prélèvement qui pouvait être utilisé pour contester la filiation paternelle de son enfant, la cour d’appel a violé l’article 16-11 du code civil ;

4°/ toujours subsidiairement, en outre, que le prélèvement aux fins d’expertise biologique pratiqué sur un mineur requiert le consentement de ses représentants légaux ; que lorsque la filiation est établie à l’égard des deux parents dans l’année qui suit la naissance de l’enfant, chacun d’eux se trouve, de plein droit, titulaire de l’autorité parentale qu’il exerce en commun avec l’autre ; qu’en retenant, pour déclarer recevable l’expertise biologique réalisée sur la base d’un prélèvement autorisé par la seule mère de l’enfant, que celle-ci était seule titulaire de l’autorité parentale, cependant qu’il résulte de ses propres constations que M. [U] avait reconnu l’enfant le 27 janvier 2009, soit moins d’un an après sa naissance, le 17 septembre 2008, ce dont il s’évinçait que M. [U] était, de plein droit, titulaire de l’autorité parentale qu’il exerçait en commun avec Mme [X] et qu’aucun prélèvement ne pouvait être réalisé sans son consentement, la cour d’appel a violé les articles 16-11, 372 et 373-2 du code civil. »

 


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