Production Audiovisuelle : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12442

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Production Audiovisuelle : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12442

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 08 JUIN 2023

N° 2023/ 425

Rôle N° RG 22/12442 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKAXF

S.A.S. GREENGT TECHNOLOGIES

S.A.S. JMB CLASSIC

C/

S.A.R.L. EURAPACK FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Caroline DELAPLACE

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de TOULON / France en date du 30 Août 2022 enregistré au répertoire général sous le n°21/05871.

APPELANTES

S.A.S. GREENGT TECHNOLOGIES,

immatriculée au RCS de TOULON sous le n° 750 798 415

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2] FRANCE

S.A.S. JMB CLASSIC,

immatriculée au RCS de TOULON sous le n° 881 646 061

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2] FRANCE

Toutes deux représentées et plaidant par Me Caroline DELAPLACE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

S.A.R.L. EURAPACK FRANCE

immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 402 157 952

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 8]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Grégoire LUGAGNE DELPON de la SELARL NORDJURIS MARSEILLE AVOCAT CONSEIL D ENTREPRISE, avocat au barreau de MARSEILLE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, et Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller.

Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties

Ainsi que rappelé par jugement dont appel, à l’expiration d’un bail dérogatoire, un second bail sous seing privé d’une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2017 a été consenti par la Sarl Eurapack France au profit de la société de droit monégasque, la SCI Box, sur un bâtiment à usage industriel situé dans la zone d’activité de [Localité 7] (Var) comprenant des bâtiments d’une surface de 3 700m² sur un terrain de 2,5 hectares.

Aux termes de ce contrat la bailleresse a expressément donné la faculté à la SCI Box de sous louer les locaux, objets du bail, à trois sociétés : la SAS Greengt Technologies et la Sarl Box toutes deux ayant leur siège social à [Localité 7], et la Sarl Box dont le siège social est situé à [Localité 6].

L’entreprise JMB Classic occupe également une partie des locaux, sans qu’aucun contrat n’ait

été signé avec la SCI Box.

Par jugement en date du 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulon a constaté le jeu de la clause résolutoire du bail liant la société Eurapack à la SCI Box, ordonné l’expulsion de cette dernière et celle de tous occupants de son chef, fixé une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du dernier terme, et l’a condamnée au paiement de la somme de 655 739,48 euros au titre des arriérés suivant décompte arrêté au mois d’août 2019, déduction à faire des loyers et charges du 1er janvier 2018 au 30 avril 2018, outre la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ce jugement signifié à la société Box le 16 décembre 2019 a été confirmé par arrêt de cette cour rendu le 21 janvier 2021, excepté sur le montant de la créance locative, la SCI Box étant condamnée au paiement de la somme en principal de 788 669,48 euros au titre de son arriéré locatif au mois de mars 2020 avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt, outre la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Cet arrêt a été signifié à la SCI Box le 24 février 2021 suivi de deux commandements de payer aux fins de saisie-vente délivrés les 5et 18 août 2021demeurés sans effet.

Par ordonnance sur requête de la société Eurapack rendue le 21 septembre 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Toulon a autorisé la SCP Bollengier-Stragier et Saglietti, huissiers de justice à Toulon :

– à pénétrer dans les lieux situés zone d’activités de [Localité 7] afin de procéder à la saisie-vente de tout meuble, tout objet, tout véhicule immatriculé ou non, tout matériel garnissant et se trouvant dans les lieux ;

– à procéder à l’enlèvement immédiat des objets et meubles, matériel, véhicules saisis sans attendre le délai d`un mois prévu par l’article L.221-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

– à les entreposer dans un garage à usage de parking au [Adresse 3] à [Localité 5] au sein de du garage Sarl Rome Parking ;

– à se faire accompagner par la force publique, serrurier, transporteur, tout technicien de son choix.

En vertu du jugement du 21 novembre 2019, de l’arrêt du 21 janvier 2021, et de l’ordonnance sur requête du 21 septembre 2021, un procès-verbal de saisie-vente a été dressé le 20 octobre 2021 à la demande de la société Eurapack dans les locaux appartenant à la débitrice, situés zone d’activités de [Localité 7], en présence de représentants des sociétés Greengt Technologies et JMB Classic, et portant sur trois véhicules de marque Ferrari. Ce procès-verbal a été signifié à la débitrice saisie le 29 octobre 2021.

Le 20 octobre 2021, en vertu du jugement et de l’arrêt précités, la société Eurapack a fait pratiquer deux saisies-attribution de créance entre les mains de la société Greengt Technologies et de la société JMC Classic pour le recouvrement de la somme totale de 1 316 501,67 euros en principal, intérêts et frais, déduction faite des versements perçus.

Ces deux sociétés ont par assignation délivrée le 18 novembre 2021 à la société Eurapack, saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Toulon à l’effet de :

– prononcer la caducité des saisies-attributions, pour défaut de dénonce des actes au débiteur dans les huit jours de la saisie ;

– prononcer la caducité de la saisie-vente, pour défaut de dénonce de l’acte au débiteur dans les huit jours de la saisie,

– ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-vente pratiquée par la société Eurapack, pour abus de saisie, en considération du droit de rétention qu’elles détiennent sur les véhicules saisis et enlevés,

– condamner la société Eurapack à restituer à la société JMB Classic les véhicules automobiles saisis, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– condamner la société Eurapack à payer à la société JMB Classic la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la saisie abusive,

– condamner la même à payer à chacune d’elles la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures elles ont en outre demandé de :

– juger que l’arrêt rendu le 21 janvier 2021 n’a pas été signifié à la société débitrice, la SCI Box, mais seulement à avocat,

– en conséquence, prononcer la nullité des saisies-attributions et dela saisie-vente pratiquées le 20 octobre 2021,

– constater que les véhicules, objet de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021 ne relèvent pas de l’assiette du privilège prévu à l’article 2332 du code civil,

– constater que la saisie-vente a été entreprise en application des règles gouvernant les saisies entre les mains du débiteur en violation des dispositions des articles R.22l-21 a R.22l-29 du code des procédures civiles d’exécution,

– juger en conséquence nulle et non avenue la saisie-vente du 20 octobre 2021 diligentée en application du privilège prévu à l’article 2332 du code civil.

En réponse, la société Eurapack a conclu :

– relativement au procès-verbal de saisie-vente du 20 octobre 202l, à l’irrecevabilité des sociétés demanderesses, faute de qualité à agir ;

– au rejet de leurs demandes pour le tout ;

– à leur condamnation in solidum au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre frais irrépétibles et dépens.

Par jugement du 30 août 2022 le juge de l’exécution a :

‘ dit que l’arrêt du 21 janvier 2021 constitue un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible ;

‘ déclaré irrecevables les sociétés Greengt et JMB Classic en leurs demandes de caducité du procès-verbal de saisie vente du 20 octobre 2021,

‘ les a déclarées irrecevables au titre de leur demande de nullité du procès-verbal de saisie attribution du 20 octobre 2021,

‘ les a déclarées irrecevables de leur demande de restitution des trois véhicules Ferrari, sous astreinte ;

‘ les a déclarées irrecevables en leur demande de dommages et intérêts pour saisie abusive ;

‘ a rejeté les demandes de caducité et nullité des saisies attribution diligentées le 20 octobre 2021 et dénoncées le 25 octobre 2021;

‘ a condamné in solidum les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens;

‘ a rejeté les autres demandes .

Les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic ont relevé appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification, par déclaration du 15 septembre 2022.

Aux termes de leurs écritures notifiées le 17 octobre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de leurs moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, elles demandent à la cour de :

– recevoir les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic en leur appel et le juger bien fondé,

– débouter la société Eurapack de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

– constater qu’en déclarant tout à la fois irrecevables et mal fondées les demandes les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic aux fins de nullité et de caducité de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021, le juge de l’exécution, statuant en première instance, a excédé ses pouvoirs,

– annuler, en conséquence, le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

– juger recevables les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic en leurs demandes, fins et prétentions,

– juger que les véhicules, objet de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021, par l’intermédiaire de la SCP Bollengier -Stragier & Saglietti, huissiers de justice à Toulon, ne relèvent pas de l’assiette du privilège prévu à l’article 2332 du code civil,

– juger, en conséquence, nulle et non avenue la saisie-vente du 20 octobre 2021 diligentée en application du privilège prévu à l’article 2332 du code civil,

– prononcer, en conséquence, la nullité de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021,

– constater que la saisie-vente pratiquée entre les mains les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic, tiers saisis, a été entreprise en application des règles gouvernant les saisies entre les mains du débiteur en violation des dispositions des articles R.221-21 à R.221-29 du code des procédures civiles d’exécution,

– prononcer, en conséquence, la nullité de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021 ;

– constater le caractère excessif de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021 qui est manifestement disproportionnée par rapport au montant de la dette principale,

– ordonner, en conséquence, la mainlevée immédiate de la saisie-vente pratiquée par la société Eurapack en raison d’abus de saisie ;

– condamner ladite société à restituer à la société JMB Classic les véhicules automobiles, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir :

‘ Ferrari « Kasperki » n° Chassis F 142 GT 2820,

‘ Ferrari « Jean Alesi » GT2,

‘ Ferrari « Enzo» noire, immatriculée en Angleterre [Immatriculation 4] exemplaire 399, pour le transporter et le conserver par le Garage du midi [Adresse 1]

– condamner la société Eurapack à payer à la société JMB Classic la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la saisie abusive,

– la condamner à payer aux sociétés Greengt Technologies et JMB Classic la somme de 5 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance, et à payer les entiers dépens de l’instance,

A titre subsidiaire,

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société Eurapack,

Statuant à nouveau :

– juger recevables les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic en leurs demandes, fins et prétentions,

– juger que les véhicules, objet de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021, par l’intermédiaire de la SCP Bollengier -Stragier & Saglietti, huissiers de justice à Toulon, ne relèvent pas de l’assiette du privilège prévu à l’article 2332 du code civil,

– juger, en conséquence, nulle et non avenue la saisie-vente du 20 octobre 2021 diligentée en application du privilège prévu à l’article 2332 du code civil,

– prononcer, en conséquence, la nullité de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021,

– constater que la saisie-vente pratiquée entre les mains les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic, tiers saisis, a été entreprise en application des règles gouvernant les saisies entre les mains du débiteur en violation des dispositions des articles R.221-21 à R.221-29 du code des procédures civiles d’exécution,

– prononcer, en conséquence, la nullité de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021 ;

– constater le caractère excessif de la saisie-vente pratiquée le 20 octobre 2021 qui est manifestement disproportionnée par rapport au montant de la dette principale,

– ordonner, en conséquence, la mainlevée immédiate de la saisie-vente pratiquée par la société Eurapack en raison d’abus de saisie ;

– condamner ladite société à restituer à la société JMB Classic les véhicules automobiles, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir :

‘ Ferrari « Kasperki » n° chassis F 142 GT 2820,

‘ Ferrari « Jean Alesi » GT2,

‘ Ferrari « Enzo» noire, immatriculée en Angleterre [Immatriculation 4] exemplaire 399, pour le transporter et le conserver par le Garage du midi [Adresse 1]

– condamner la société Eurapack à payer à la société JMB Classic la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la saisie abusive,

– la condamner à payer aux sociétés Greengt Technologies et JMB Classic la somme de 5 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance, et à payer les entiers dépens de l’instance,

En tout état de cause,

– débouter la société Eurapack de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– la condamner à payer aux sociétés Greengt Technologies et JMB Classic la somme de 5 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance en appel, y compris les frais d’exécution forcée de l’arrêt à intervenir.

A l’appui de leurs demandes d’annulation du jugement appelé, elles soutiennent l’existence d’un excès de pouvoir du juge de l’exécution qui tout à la fois, a déclaré leurs demandes irrecevables et statué sur le fond en les disant malfondées. Elles invoquent un conflit d’intérêt lié à la personne du premier juge qui est le même que celui ayant autorisé, sur requête de la société Eurapack, l’enlèvement de tout meuble, véhicule et matériel garnissant les lieux et ne pouvait donc se déjuger.

S’agissant de leur qualité à agir elles rappellent qu’en vertu de l’article R.211-9 du code des procédures civiles d’exécution un tiers peut contester la procédure de saisie attribution, et soutiennent qu’en matière de saisie vente, les tiers étrangers à la dette sont recevables à contester la saisie, contestations ayant notamment pour objet la propriété des biens saisis, et la société JMB Classic qui indique avoir pour activité la fourniture de prestations de services divers dédiés aux voitures de compétition et de route haut de gamme et de collection englobant notamment les services de gardiennage, fait valoir sa qualité de gardien des véhicules saisis.

Pour conclure à la nullité de la saisie vente, les appelantes indiquent que lesdits véhicules ne relèvent pas de l’assiette du privilège du bailleur prévu à l’article 2332 du code civil puisqu’ils n’appartiennent pas au débiteur ni à elles mêmes, ce dont la société Eurapack avait connaissance et que ce seul constat, sans qu’il soit besoin de rapporter la preuve de l’identification des propriétaires, suffit à caractériser l’irrégularité de la saisie opérée sur le fondement de l’article 2332 susvisé.

Elles ajoutent que les opérations de saisie-vente ont été diligentées en application des règles applicables à la saisie entre les mains du débiteur et non entre les mains de tiers et ne comportent pas l’ensemble des mentions prévues par l’article R.221-23 et R.221-24 du code des procédures civiles d’exécution.

Elles font en outre état d’un abus de saisie puisque la valeur des trois véhicules saisis est du double de la dette de la SCI Box et que le caractère excessif et disproportionné de la saisie-vente a causé un préjudice financier et commercial à la société JMB Classic vis à vis de ses clients.

Elles signalent encore que la société Eurapack n’a pas contesté dans les délais de l’article R.221- 29 du code des procédures civiles d’exécution, le droit de rétention dont elles se sont prévalu devant l’huissier instrumentaire en indiquant que les véhicules n’étaient pas la propriété de la société débitrice et qu’à tort l’intimée prétend que la saisie aurait été opérée entre les mains de cette dernière alors qu’elle l’a été entre les mains de sociétés tierces.

Par écritures en réponse notifiées le 15 novembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens, la société Eurapack France, formant appel incident, demande à la cour de :

– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a déclaré irrecevable :

– les actions les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic aux fins d’obtenir la caducité du procès-verbal de saisie vente du 20 octobre 2021,

– leurs actions aux fins d’obtenir la nullité du procès-verbal de saisie vente du 20 octobre 2021,

– leur demandes de restitution sous astreinte des trois véhicules Ferrari,

– leurs demandes de dommages et intérêts pour saisie abusive,

– le confirmer en ce qu’il a rejeté la demande de caducité et de nullité des saisies attributions du 20 octobre 2021,

– le réformer en ce qu’il a débouté la société Eurapack de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau,

– condamner in solidum les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au profit de la société Eurapack,

En tout état de cause,

– débouter les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic de toutes leurs demandes, fins et conclusions

– les condamner in solidum au paiement d’une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance

A cet effet et s’agissant de la demande de nullité du jugement entrepris l’intimée conteste l’excès de pourvoir allégué en soulignant que les jurisprudences produites par les appelantes ne sanctionnent que les décisions prononçant une condamnation en dépit du caractère irrecevable des actions engagées ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle soutient par ailleurs que si la requête qu’elle avait présentée au juge de l’exécution n’était par définition pas contradictoire, le débat contradictoire a été organisé du chef de l’action en mainlevée diligentée qui a permis à chacun de développer ses arguments et au juge de trancher toutes les parties ayant été entendues.

Sur la nullité de la saisie-vente, elle fait sienne la motivation du premier juge et relève que ni en cause d’appel ni en première instance les prétendus propriétaires des véhicules ne se sont manifestés, pas plus que la débitrice de sorte que les conditions de recevabilité de l’action tirée des articles R.221-30 et R.221-51 du code des procédures civiles d’exécution ne sont pas remplies et que nul ne plaidant par procureur, les demandes des sociétés Greengt Technologies et JMB Classic ont été à juste titre déclarées irrecevables.

Elle indique que la saisie-vente a bien été dénoncée à la débitrice et signale que les véhicules saisis sont par définition, hors marché et ne bénéficient d’aucune cote argus, leur valeur ne dépendant que d’un marché très étroit à la main de collectionneurs qui se connaissent tous et qui peuvent ou non acheter au prix qui leur convient. Elle précise qu’elle procédera dans un premier temps à la vente du véhicule Enzo Ferrari et que ce n’est que dans l’hypothèse où elle ne sera pas désintéressée que seront successivement vendus les deux autres véhicules.

Elle indique avoir opéré les saisies contestées au visa de l’article 2332 du code civil accordant un privilège général au bailleur sur les meubles meublant l’immeuble donné à bail et ajoute que

que la saisie vente a été effectuée entre les mains de la SCI Box en sa qualité de preneur et non pas entre les mains des sociétés Greengt Technologies et JMB Classic qui sont tiers par rapport à cette opération, de sorte que les dispositions des articles R.221-1 et suivants du code de procédures civiles d’exécution ne sont pas applicables qu’en outre les appelantes ne démontrent pas leur qualité de propriétaires des véhicules saisis et n’ont jamais déclaré détenir de biens pour le compte de la SCI Box. Par ailleurs la société JMB Classic ne justifie pas avoir avisé l’huissier instrumentaire de son droit de rétention ni au titre des actes de saisie ni postérieurement et ne donne aucune information sur la nature et l’étendue de ce droit.

Au soutien de son appel incident et après rappel des liens étroits existant entre la débitrice et les sociétés appelantes, la société Eurapack affirme qu’en contestant les saisies opérées celles-ci entendent différer sans fondement, le règlement des sommes qui lui sont dues depuis plus de six ans alors qu’elle est tenue de régler les taxes foncières, son emprunt immobilier et les autres charges attachées à la possession de l’immeuble précédemment loué à la SCI Box.

L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance du 7 mars 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation du jugement entrepris :

Selon l’article 542 du code de procédure civile l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel;

Ainsi que le relèvent à juste titre les appelantes, il ressort des motifs dudit jugement que le premier juge a statué sur le fond avant de déclarer leurs demandes irrecevables, commettant ainsi un excès de pouvoir ;

La cour fera donc droit à la demande d’annulation du jugement entrepris sans qu’il soit utile d’examiner les autres moyens de nullité soulevés par les appelantes ;

Conformément aux dispositions de l’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour se trouve par l’effet dévolutif de l’appel saisie du litige en son entier.

Sur la recevabilité des contestations des sociétés Greengt Technologies et JMB Classic:

A titre liminaire il sera observé que dans le dispositif de leurs écritures qui seul saisit la cour, conformément aux dispositions de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, aucune contestation n’est élevée à l’encontre des saisies-attribution de créances mises en oeuvre par la société Eurapack à l’encontre de la SCI Box, entre les mains des sociétés Greengt Technologies et JMB Classic le 20 octobre 2021, saisies qui ont été dénoncées à la débitrice domiciliée à [Localité 6], par acte transmis le même jour au Parquet général de la principauté, en application de la convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, la société saisie ayant signé le récépissé de remise le 29 octobre 2021 ;

S’agissant des contestations relatives à la saisie-vente du 20 octobre 2021, il convient en premier lieu de rappeler que selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ;

Les appelantes, au vu des justificatifs de signification produits par la société Eurapack, ne soutiennent plus la caducité de la saisie à raison de l’absence de dénonce du procès-verbal à la débitrice, laquelle en tout état de cause avait seule qualité à s’en prévaloir ;

Pour prétendre à la nullité de la saisie-vente les sociétés JMB Classic et Greengt Technologies font valoir que les véhicules saisis ne sont pas la propriété de la débitrice, ni la leur, mais celle de collectionneurs qui leur en avaient confié la garde et que lesdits véhicules ne relèvent donc pas de l’assiette du privilège du bailleur invoqué par l’intimée ;

En premier lieu et contrairement à ce qu’elles soutiennent tout tiers n’est pas recevable à contester une mesure d’exécution forcée ;

D’autre part, il résulte de l’article R. 221-50 du code des procédures civiles d’exécution que l’action en nullité de la saisie-vente pour un vice portant sur la propriété des biens saisis n’est ouverte qu’au seul débiteur, et n’a d’ailleurs pas été exercée par la SCI Box, en sorte que tiers aux poursuites les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic ne sont pas recevables à soulever une telle nullité, s’agissant d’une action attitrée ;

De même selon les dispositions de l’article R. 221-51 du même code, seul le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi peut, avant la vente, exercer l’action en distraction prévue par ce texte ;

Or les appelantes ne revendiquent pas cette qualité, sans toutefois justifier de l’identité des propriétaires des véhicules saisis, dès lors que les factures d’achat et de réparation de desdits véhicules, qu’elles versent aux débats, sont anonymisées ;

Enfin, elles sont encore irrecevables à soutenir la nullité de la saisie vente en raison du prétendu non-respect des dispositions réglementaires relatives aux opérations de saisie entre les mains d’un tiers, alors que la saisie a été opérée dans les locaux loués par la débitrice à la créancière et entre les mains de cette SCI Box qui n’était pas présente et à laquelle le procès-verbal de saisie-vente a été régulièrement signifié ;

Seule celle-ci était recevable à se prévaloir de la nullité de ce procès-verbal en raison d’une irrégularité de forme l’affectant, s’agissant là encore d’une action attitrée, puisque seul le destinataire de l’acte ou celui au préjudice duquel il est fait, peut en demander la nullité, étant en outre relevé qu’il ne ressort aucunement des mentions de ce procès-verbal que les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic, présentes lors des opérations, aient invoqué un quelconque droit de rétention sur les véhicules saisis ni d’ailleurs abordé la question de leur propriété ;

Il s’ensuit l’irrecevabilité de leur demande de nullité et de mainlevée de la saisie-vente ;

De même elles sont irrecevables à réclamer la mainlevée de cette saisie et la réparation d’un préjudice, à raison d’une disproportion alléguée entre la dette locative poursuivie et la valeur des véhicules saisis, cette action étant réservée au débiteur ;

Sur les demandes présentée par la société Eurapack France:

L’exercice du droit d’ester en justice ou d’interjeter appel constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d’erreur grossière équipollente au dol ; L’intimée sera déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de caractériser un tel comportement des appelantes, et faute d’établir l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés.

Il lui sera alloué à ce titre la somme de 4000 euros au paiement de laquelle les appelantes, parties perdantes, seront condamnées in solidum ainsi qu’aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

ANNULE le jugement entrepris ;

Vu les dispositions de l’article 562 du code de procédure civile ;

DECLARE irrecevables les demandes de nullité et de mainlevée de la saisie-vente pratiquée par la Sarl Erurapack France le 20 octobre 2021, présentées par la SAS Greengt Technologies et la SAS JMB Classic ;

DECLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par la SAS JMB Classic;

REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL Eurapack France ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic à payer à la société Eurapack France la somme de 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les demandes présentées à ce titre par les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Greengt Technologies et JMB Classic aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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