Production Audiovisuelle : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00319

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Production Audiovisuelle : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00319

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/00319 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FVNK

Minute n° 22/00207

[S]

C/

[R], S.C.P. NOEL & [I]

Ordonnance , origine Juge de la mise en état de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 04 Janvier 2022, enregistrée sous le n° 20/00964

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

Madame [N] [S] ès-qualités d’héritière de feue madame [P] [Y], veuve [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

Monsieur [V] [R]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

S.C.P. NOEL & [I] ès-qualités de mandataire judiciaire de Monsieur [V] [R].

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 20 Septembre 2022 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 08 Décembre 2022.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêt du 4 octobre 2011, la cour d’appel de Metz, infirmant partiellement un jugement du tribunal de grande instance de Sarreguemines en date du 6 avril 2010, a ouvert une procédure de redressement judiciaire civil de droit local au bénéfice de M. [V] [R] et désigné la SCP Noël-Nodée-[I] (désormais SCP Noël-[I], ci-après SCP NL), prise en la personne de Maître [U] [I], en qualité de mandataire judiciaire au redressement.

Le 3 juillet 2010, Mme [P] [Y] a déclaré une créance de 133 759,07 euros à titre hypothécaire. M. [R] a contesté le montant de la créance.

Par ordonnance du 8 mars 2016, le juge-commissaire de la procédure de redressement judiciaire de M. [R] a admis la créance de Mme [Y] à hauteur de 36 000 euros. Mme [Y] a interjeté appel de cette ordonnance.

Mme [N] [S], divorcée [R], est venue aux droits de Mme [Y], décédée en 2017, en qualité d’unique héritière.

Par arrêt du 31 janvier 2019, la cour d’appel de Metz a :

‘ infirmé l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

‘ sursis à statuer sur la demande d’admission de créance et invité Mme [S] à saisir le juge du fond compétent conformément aux dispositions de l’article R. 624-5 du code de commerce ;

‘ réservé le surplus des demandes et les dépens.

La SCP NL, ès-qualités, a fait signifier cet arrêt à Mme [S] le 4 juillet 2019.

Par actes d’huissier du 17 juillet 2020, Mme [S] a fait assigner M. [R] et la SCP NL devant le tribunal judiciaire de Sarreguemines. M. [R] a saisi le juge de la mise en état, soulevant la forclusion de l’action.

Par ordonnance du 4 janvier 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Sarreguemines a :

‘ déclaré irrecevable comme forclose l’action de Mme [S] ;

‘ constaté la fin de l’instance ;

‘ laissé à chaque partie la charge de ses dépens sans indemnité pour frais irrépétibles.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a retenu que l’arrêt du 31 janvier 2016 avait été notifié à Mme [S] le 4 juillet 2019, que l’assignation devait donc intervenir au plus tard le 4 août 2019 mais qu’elle a été délivrée le 17 juillet 2020 de sorte que la forclusion avait joué.

Il a précisé qu’il était indifférent que la notification ait procédé du mandataire judiciaire et non d’une autre partie car l’essentiel était que la décision ait été portée officiellement à connaissance de Mme [S] ; que le procès-verbal de notification comportait les mentions légales nécessaires, notamment sur les voies de recours et qu’en tout état de cause, une telle erreur n’aurait pas fait grief car la forclusion ne résultait pas d’un délai de recours mais de l’exécution de l’arrêt par voie d’engagement d’une procédure selon le cadre posé par cet arrêt ; qu’en restant inactive, Mme [S] s’est montrée négligente alors que les contraintes faites aux créanciers sont justifiées par la nécessité d’un avancement rapide et équitable de la procédure collective : que le jeu de la forclusion est techniquement correct et ne se heurte pas à la notion de procès équitable dans le cadre spécial d’une procédure collective.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz en date du 27 janvier 2022, Mme [S] a interjeté appel aux fins d’infirmation de l’ordonnance en visant toutes ses dispositions. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/00319.

Mme [S] a effectué une seconde déclaration d’appel à l’encontre de la même ordonnance le 1er février 2022. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/00320.

Par ses dernières conclusions du 5 avril 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [S] demande à la cour de :

‘ recevoir son appel ;

‘ déclarer irrecevable l’acte de constitution du mandataire de M. [R] au nom et pour le compte de la SCP Noël-[I] ;

‘ déclarer irrecevables les conclusions du 18 mars 2022 au nom et pour le compte de M. [R] et de la SCP Noël-[I] ;

‘ infirmer l’ordonnance et statuant à nouveau ;

‘ débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

‘ déclarer recevable son action devant le tribunal judiciaire de Sarreguemines ;

‘ condamner M. [R] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’irrecevabilité de la constitution de l’avocat de M. [R] pour le compte de la SCP NL et des conclusions du 18 mars 2022, Mme [S] fait valoir que le mandataire judiciaire est le représentant des créanciers dont elle fait partie et qu’il y a donc un conflit d’intérêt majeur entre le débiteur et le mandataire judiciaire de sorte que l’avocat de M. [R] ne peut représenter le débiteur et la collectivité des créanciers.

Sur la recevabilité de son action, l’appelante expose que le délai de recours n’a pas commencé à courir en l’absence, dans l’acte de signification, de toute référence aux dispositions de l’article R. 624-5 du code de commerce, de toute indication relative au délai d’un mois imparti pour saisir la juridiction compétente et à la forclusion encourue en cas d’absence de diligence dans ce délai. Elle ajoute que si l’arrêt mentionne bien l’article R. 624-5 du code de commerce comme fondement légal, il ne mentionne ni le délai d’un mois, ni la forclusion en cas de non-respect du délai et qu’en tout état de cause, ce n’est pas l’arrêt qui fait courir le délai mais l’acte de signification comportant les mentions obligatoires.

Elle indique en outre que l’acte de signification est erroné puisqu’il mentionne la possibilité de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois.

Par leurs dernières conclusions du 18 mars 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [R] et la SCP Noël-[I], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [R], demandent à la cour de :

‘ débouter Mme [S] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

‘ confirmer l’ordonnance entreprise ;

‘ condamner Mme [S] aux entiers dépens d’instance et d’appel et à leur verser chacun la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les intimés font valoir que Mme [S] est forclose en toutes ses demandes car elle n’a pas saisi la juridiction compétente dans le délai d’un mois requis par l’article R. 624-5 du code de commerce. Ils estiment que la signification est régulière et que la mention du délai de pourvoi en cassation est correcte s’agissant d’une voie de recours effectivement ouverte contre l’arrêt du 31 janvier 2019. Ils ajoutent que l’article R. 624-5 du code de commerce n’instaure pas une voie de recours et n’avait donc pas à figurer sur l’acte de signification.

Par ordonnance du 17 mai 2022, les procédures numéro RG 22/00319 et RG 22/00320 ont été jointes sous le numéro RG 22/00319.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la constitution pour la SCP NOËL [I] et des conclusions du 18 mars 2022

La SCP Noël [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [R], a constitué avocat le 18 mars 2022 en la personne de Me Heinrich, qui est également l’avocate de M. [R].

La cour relève qu’aucune disposition légale ne permet au juge de déclarer irrecevable la constitution d’un avocat pour conflit d’intérêt, à le supposer caractérisé. De même, aucune disposition ne permet de prononcer l’irrecevabilité des conclusions pour conflit d’intérêt, cette notion relevant de la déontologie de l’avocat.

Les demandes de Mme [S] tendant à l’irrecevabilité de l’acte de constitution du mandataire de M. [R] au nom et pour le compte de la SCP Noël-[I] et à l’irrecevabilité des conclusions du 18 mars 2022 au nom et pour le compte de M. [R] et de la SCP Noël-[I] seront donc rejetées.

Sur la recevabilité de l’action

Selon les dispositions de l’article R. 624-5 du code de commerce applicable aux décisions du juge commissaire, lorsque ce dernier ne conserve pas sa compétence pour statuer sur une contestation de créance, il doit désigner la partie qui doit saisir la juridiction compétente dans le délai de un mois à compter de la notification.

A défaut de saisine de la juridiction au fond, la partie désignée est forclose soit à faire valoir sa créance, soit à la contester en fonction de la partie qui devait saisir la juridiction au fond et le juge commissaire statue alors sur la créance en tenant compte de cette forclusion.

Aussi, le délai de forclusion de l’article R 624-5 du code de commerce ne concerne que l’admission ou pas de la créance devant le juge commissaire et ne s’applique pas devant la juridiction saisie pour voir trancher le principe d’une créance à laquelle s’applique le cas échéant les délais de forclusion de droit commun.

En conséquence, l’action de Mme [S] devant le juge du fond compétent n’est pas concernée par la forclusion de l’article R. 624-5 du code de commerce et le juge de la mise en état ne pouvait pas déclarer irrecevable comme forclose cette action sur ce fondement.

Dès lors il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de déclarer recevable l’action de Mme [S].

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [R] succombant à la présente instance sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Ne sont employées en frais privilégiés de la liquidation judiciaire que les créances de frais de justice correspondant aux besoins du déroulement de la procédure collective, la procédure au fond devant une juridiction civile pour voir trancher le principe d’une créance ne relève pas de ces dispositions. Il convient de rejeter la demande à ce titre.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette les demandes de Mme [N] [S] tendant à l’irrecevabilité de l’acte de constitution du mandataire de M. [V] [R] au nom et pour le compte de la SCP Noël-[I] et à l’irrecevabilité des conclusions du 18 mars 2022 au nom et pour le compte de M. [V] [R] et de la SCP Noël-[I]

Infirme l’ordonnance du 4 janvier 2022 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Sarreguemines en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Déclare recevable l’action devant le tribunal judiciaire de Mme [N] [S] ;

Condamne M. [V] [R] aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne M. [V] [R] aux dépens d’appel

Rejette la demande tendant à dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;

Laisse à chacune des parties la charge des frais engagés par elle en appel et non compris dans les dépens.

Le Greffier La Présidente de Chambre

 


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