SOC.
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 octobre 2016
Cassation partielle
M. LUDET, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 1704 F-D
Pourvoi n° T 15-21.742
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. U… D…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 15 mai 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l’opposant à la société Pro TV, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 6 septembre 2016, où étaient présents : M. Ludet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, MM. Schamber, Ricour, conseillers, Mme Hotte, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ludet, conseiller, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. D…, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Pro TV, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. D… a été employé à compter du 13 septembre 2000 en qualité d’auteur réalisateur par la société de production audiovisuelle Pro TV, dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage successifs, afin d’assurer la réalisation de reportages diffusés dans le cadre de l’émission » 30 millions d’amis » ; que la relation contractuelle s’est poursuivie jusqu’au 30 janvier 2011, terme de son dernier contrat d’usage ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification des contrats en contrat à durée indéterminée et de demandes tendant au paiement de diverses sommes au titre de la rupture ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la requalification de la succession de contrats à durée déterminée l’ayant lié à la société Pro TV à compter du 13 septembre 2000 en une relation de travail unique à durée indéterminée, fixer en conséquence à 930,50 € son salaire moyen, condamner la société Pro TV à lui verser des sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, à titre d’indemnité de requalification, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de le débouter de ses demandes d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail alors, selon le moyen, que s’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de la cour d’appel, d’une part, que la production de l’émission hebdomadaire « Trente millions d’amis » constituait l’activité normale et permanente de la société Pro TV, d’autre part, que M. D… avait participé pendant onze ans à cette émission aux termes de 276 contrats à durée déterminée d’une durée de un à cinq jours lui confiant la réalisation de « sujets » divers diffusés au cours de l’émission ; que pour le débouter de sa demande de requalification, la cour d’appel s’est bornée à retenir que ces contrats « concernaient tous un sujet spécifique explicitement visé de 8 minutes environ » de sorte « que le salarié n’était donc pas le réalisateur de la totalité de l’émission « Trente millions d’amis » mais seulement de certains reportages compris dans cette émission, dont le caractère pérenne n’est par ailleurs pas discuté ( ) » ; qu’en se déterminant de la sorte la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’existence d’éléments concrets et objectifs établissant le caractère par nature temporaire des emplois relatifs à la réalisation de « sujets » constituant l’activité normale et permanente de l’entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d’appel qui, usant de son pouvoir souverain d’appréciation, a constaté que le salarié n’avait travaillé que de façon discontinue pour la société Pro TV, suivant des contrats d’une durée de un à cinq jours maximum selon les bulletins de paie produits à partir de 2008, et que ses contrats s’étaient élevés à 2 en 2000, 9 en 2001, 26 en 2002, 22 en 2003, 22 en 2004, 20 en 2005, 18 en 2006, 33 en 2007, 43 en 2008, 51 en 2009, 26 en 2010 et 4 en 2011, pour un total de 145 jours travaillés en 2008, 168 jours en 2009, 51 jours en 2010 et 4 jours en 2011, a ainsi fait ressortir que l’activité de réalisation de reportages du salarié pour la société Pro TV était d’une ampleur variable, et que des reportages n’étaient pas effectués pour chaque émission, ce dont se déduisait le caractère temporaire de l’emploi ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen :