Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRÊT DU 06 JUILLET 2023
(n° , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18583 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEROC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020016310
APPELANTE
Mme [E] [A]
née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 6] (13)
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441
INTIMEE
S.A.S. MAY HOLDING
prise en la personne de ses représentants légaux
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 507 629 590
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Laura BOL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 20 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT, Présidente
Mme Isabelle ROHART, Conseillère
Mme Déborah CORICON, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER : Mme Saoussen HAKIRI lors des débats.
ARRET :
– contradictoire,
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.
*************
Exposé des faits et de la procédure
La SARL May Holding est une société holding, dont Mme [E] [A] était associée à hauteur de 32% du capital, aux côtés de M. [O], associé majoritaire (53%) et de Mme [D] (15%).
Madame [A] et Monsieur [O] sont co-gérants de May Holding.
La société May Holding était actionnaire unique de la SAS Mars Films, puis à compter de 2015 son actionnaire principal (70%), le solde du capital étant détenu par le groupe Vivendi.
La SAS Mars Films exerce une activité de production et de distribution de films cinématographiques et télévisuels. A partir de 2013 elle a ainsi produit en propre deux films par an en moyenne.
La société May Holding détient la présidence de Mars Films depuis sa création.
Mars Films s’est trouvée confrontée à d’importantes difficultés financières.
Le 8 juillet 2019, cette société a déposé une déclaration d’état de cessation de paiements auprés du tribunal de commerce de Paris qui a ouvert par jugement du 1er août 2019, une procédure de redressement judiciaire désignant la SCP [M] et Rousselet prise en la personne de Me [M] en qualité d’administrateur judiciaire et la SCP [F]-Daudé prise en la personne de Me [F] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 29 octobre 2019, Mme [A] était convoquée à une assemblée générale de la société May Holding, ayant pour objet la révocation de son mandat de co-gérante de la société.
Le 13 novembre 2019, l’assemblée générale des associés de May Holding décidait la révocation du mandat de co-gérant de Mme [A].
Postérieurement à sa révocation, Mme [A] a demandé l’accès à divers documents de la société et le paiement de sa rémunération de cogérance du 1er octobre au 13 novembre 2019, sans succès.
Par acte en date du 31.03.2020 Madame [A] a assigné la société May Holding devant le tribunal de commerce de Paris pour demander la condamnation de celle ci au paiement de sa rémunération, à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la révocation sans juste motif et abusive de son mandat de co-gérante, pour obtenir un droit de consultation et de copie de divers documents sociaux relatifs aux comptes annuels, aux inventaires, aux rapports soumis à l’assemblée générales et aux procès verbaux des assemblées générales ainsi qu’aux statuts en vigueur.
Par jugement en date du 8.10.2021 le tribunal de commerce a condamné la SARL May Holding à payer à Mme [E] [A] la somme de 11 466,66 euros, avec anatocisme à compter de la signification du présent jugement au titre de sa rémunération, et à payer les charges sociales correspondantes à cette rémunération, ainis qu’à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’articIe 700 du code de procédure civile, et a rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires. La SARL May Holding était condamnée aux dépens de l’instance.
Madame [A] a formé appel par déclaration d’appel en date du 25.10.2021.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 8.07.2022 Madame [A] demande à la cour de:
DECLARER RECEVABLE et BIEN FONDEE Madame [A] en son appel
DECLARER IRRECEVABLE et INFONDEE la société MAY HOLDING en son appel incident
INFIRMER le jugement rendu le 8 octobre 2021 par le Tribunal de Commerce de Paris en ce qu’il a rejeté les demandes de Madame [E] [A], plus amples ou contraires, dont celle qui tend à :
Condamner la société MAY HOLDING à verser à Madame [E] [A] la somme d’un montant de 207.540 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la révocation sans juste motif et abusive de son mandat de co-gérante,
CONFIRMER le dit jugement pour le surplus,
Et statuant à nouveau :
Vu l’article L. 223-25 du code de commerce,
DIRE ET JUGER que la révocation de Madame [E] [A] de son mandat de co-gérante de la société MAY HOLDING est dépourvue de justes motifs et abusive
En conséquence,
CONDAMNER la société MAY HOLDING à verser à Madame [E] [A] la somme de 207.540 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la révocation sans juste motif et abusive de son mandat de co-gérante.
DIRE et JUGER que les intérêts échus des condamnations prononcées porteront eux-mêmes intérêts en application de l’article 1342-2 du code civil
DEBOUTER la société MAY HOLDING de son appel incident et de l’intégralité de ses demandes
CONDAMNER la société MAY HOLDING à verser à Madame [E] [A] la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et ce dans les termes de l’article 699 du CPC.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 22.03.2023 la société MAY HOLDING demande à la cour de:
Sur l’appel principal
0 DECLARER Mme [E] [A] mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions et l’en débouter;
0 CONFIRMER la décision rendue par le tribunal de commerce de Paris le 8 octobre 2021 en ce qu’elle a rejeté la demande d’indemnisation formulée par Mme [E] [A] au titre de sa révocation qu’elle prétendait vexatoire et abusive;
Sur l’appel incident et à titre reconventionnel
0 DECLARER la société MAY HOLDING recevable et bien fondée en son appel incident;
0 INFIRMER la décision déférée en ce qu’elle a ‘condamn[é] la SARL MAY HOLDING à payer à Mme [E] [A] la somme de 11 466,66 euros, avec anatocisme à compter de la signification du présent jugement, et à payer les charges sociales correspondantes à cette rémunération’;
Statuant à nouveau
0 JUGER qu’aucune rémunération n’est due à Mme [E] [A] au titre des mois d’octobre et novembre 2019;
0 JUGER que Mme [E] [A] a commis une faute à l’encontre de la société MAY HOLDING en commettant un abus manifeste dans l’exercice de son droit d’agir en justice;
En conséquence,
0 DEBOUTER Mme [E] [A] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
0 CONDAMNER Mme [E] [A] à payer la somme forfaitaire de 10.000 euros à la société MAY HOLDING en réparation du préjudice que lui cause cette action abusive, outre la condamnation à une amende civile;
En tout état de cause,
0 INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8 octobre 2021 en ce qu’il a condamné la SARL MAY HOLDING à verser à Mme [E] [A] la somme de 2.000 euros en application du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance;
0 CONDAMNER Mme [E] [A] à verser à la société MAY HOLDING la somme de 30 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la révocation
Le tribunal a retenu, pour écarter le caractère abusif et injustifié de la révocation, le fait que la preuve était rapportée de divergences de vue et d’analyse stratégique entre Monsieur [O] et Mme [A], l’existence d’une profonde mésentente entre eux qui impactait nécessairement le fonctionnement de la société May Holding dans son mandat de présidente de Mars Films et a écarté le moyen soulevé par Mme [A] s’agissant du fait que les motifs de révocation développés dans le cadre de l’instance n’étaient pas ceux formalisés dans le courrier du 29.10.2019 de convocation à l’assemblée générale.
Madame [A] critique le jugement en indiquant que le tribunal a dénaturé les motifs invoqués à l’appui de sa révocation et n’a pas vérifié la réalité ni le sérieux des fautes reprochées.
Elle expose en premier lieu que les motifs invoqués à l’appui de sa révocation ne figurent pas dans le procès-verbal de l’assemblée générale de May Holding du 13 novembre 2019, qui se borne à renvoyer à un courrier du 29 octobre 2019 sans en reprendre le contenu ce qui suffit à invalider la révocation litigieuse selon la jurisprudence.
En deuxième lieu elle expose que les motifs invoqués dans le courrier du 29 octobre 2019 sont trop vagues et imprécis pour constituer un juste motif de révocation indiquant qu’il n’est pas fait référence à un seul exemple précis et concret d’acte, décision, agissement, communication désastreuse vis à vis de Visvires et de TF1 qui lui sont reprochés, précisant que Monsieur [O] était co gérant et donc co-responsable de la situation de mise en redressement judiciaire de Mars Films qu’il a imputé à Mme [A] et que toutes les décisions qu’il attribue à Mme [A] ont été prises en concertation, qu’en outre il était identifié vis à vis des partenaires comme le véritable patron de la société.
En troisième lieu elle expose qu’elle n’était pas mandataire de Mars Films mais que c’était la société May Holding représentée par ses deux co-gérants qui en était la mandataire sociale en qualité de présidente, et qu’elle ne peut selon la jurisprudence être révoquée pour des faits concernant la gestion de Mars Films dont elle n’est pas mandataire.
S’agissant des fautes,
En premier lieu elle conteste une quelconque répartition des tâches entre elle et Monsieur [O], faisant valoir que Monsieur [O] était tout aussi impliqué qu’elle dans le financement des films et dans la prise des décisions à ce titre.
En second lieu elle conteste le premier motif s’agissant du fait qu’elle serait à l’origine de la mise en redressement judiciaire de la société Mars Films du fait de ses actes, exposant que d’une part elle n’est pas présidente de Mars Films qui est présidée par May Holding, que d’autre part les actes reprochés ne sont pas indiqués.
Elle expose qu’elle comprendra dans le courrier du 9.12.2019 que ce qui lui est reproché est de ne pas avoir entamé en amont une procédure préventive en vue de discussion amiable avec les créanciers alors même qu’au cours du premier semestre 2019 elle s’est largement investie pour tenter de parvenir à une solution amiable qui a échoué du fait de la position de la société Vis Vires que Monsieur [O] a lui même rendu celle ci responsable de l’échec du procession amiable de conciliation dans des courriers du 27 juin 2019 et du 9 juillet 2019 adressés à Vis Vires. Elle indique que début juillet 2019 Mars Films s’est trouvée en état de cessation des paiements et qu’elle a déposé une déclaration de cessation des paiements.
Elle fait valoir qu’il ressort d’un courrier rédigé par Monsieur [O] à destination de Monsieur [T] pour lui demander un aide de 18 millions d’euros que la situation est due à des facteurs remontant à plusieurs années en arrière et indépendants de Madame [A] et que les difficultés ont été retracées par ailleurs dans d’autres documents co-rédigés dont la demande d’ouverture d’une procédure judiciaire.
S’agissant du dossier VisVires elle souligne qu’il lui est fait le reproche d’avoir par ses agissement et sa communication désastreuse amené Vis Vires à obtenir le gel de la trésorerie de Mars Films par des actions auprès des débiteurs de la société, que cependant aucun fait précis n’est détaillé.
Elle expose que Vis Vires est un fonds d’investissement qui a investi pendant plusieurs années dans la production audiovisuelle avant que son soutien ne devienne plus aléatoire à partir de 2018, qu’elle a mis en demeure Mars Films de lui régler une créance de 6 millions d’euros, que Vis Vires après le dépôt de la déclaration de cessation des paiements a communiqué à l’intention de toutes les sociétés du marché susceptibles de devoir des sommes à Mars Films afin d’en obtenir directement le règlement en se prévalant d’une prétendue délégation de recettes contestée, que cependant Monsieur [O] était co-rédacteur de tous les courriers adressés à Vis vire, qu’il a même tenté des négociations sans Mme [A], que celles ci ont été un échec, l’administrateur judiciaire considérant les revendications de Vis Vires incompatibles avec les règles encadrant le traitement des divers créanciers dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire en cours, qu’il ne peut lui être reproché aucune faute à ce titre.
Elle indique que la société May Holding déplace désormais le reproche sur le fait qu’elle aurait réalisé des cession de créances [U] au mépris des droits que Visvires aurait eu sur les films concernés alors que ce n’est pas une faute figurant dans la lettre d’énonciation des motifs de la révocation. Sur cette faute qui lui est reprochée elle réplique en outre d’une part que ces cessions de créance ont été réalisées avec l’aval de Monsieur [O] et d’autre part étaient irréprochables de l’aveu même de Monsieur [O] au regard du courrier co-signé adressé à Vis vires puisque cette société n’avait pas de droit sur lesdits films.
S’agissant de TF1 elle indique que la lettre lui reproche une communication très dommageable vis à vis de TF1 alors que cette dernière n’avait pas encore été informée de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, ce qui a entrainé une rupture de confiance avec ce partenaire économique, mais que, de nouveau, aucun exemple n’est donné de la communication très dommageable qui lui est reprochée, qu’il résulte du courrier du 9.12.2019 qu’il lui est reproché en réalité de ne pas avoir informé TF1 de l’ouverture de la procédure collective, que cependant TF1 était parfaitement informée de cette situation puisqu’il a demandé l’avant veille de l’ouverture du redressement judiciaire le retrait d’un actif de Mars Films.
Elle indique que désormais la société May Holding lui reproche la cession des créances dailly alors que ce motif ne figure pas dans la lettre du 29.10.2019 et qu’en tout état de cause lesdites cessions étaient validées par Monsieur [O] et étaient parfaitement légitimes et réalisées en toute transparence vis à vis de TF1.
Elle indique qu’il lui est ensuite reproché d’avoir rencontré l’administrateur judiciaire le 10.10.2019 et d’avoir tenté d’imposer sa vision personnelle en écartant Monsieur [O] alors qu’il était logique que l’administrateur judiciaire soit en relation avec l’un ou l’autre des représentants de la société présidente de Mars Films, que dans le même temps Monsieur [O] effectuait des démarches en tenant à l’écart Mme [A] et en outre ne venait plus au bureau depuis août 2019.
Elle indique que les initiatives de Monsieur [O] et de ses nouveaux conseils, le cabinet August Debouzy en particulier dans le cadre du litige avec Vis Vires qui a tout tenté pour s’affranchir des règles des procédures collectives, ont conduit à une situation très préjudiciable pour la société.
Elle souligne que la perte de confiance voire la défiance dont il est question de la part des partenaires de Mars Films à son égard n’est documenté par aucune pièce.
Elle expose qu’un nouveau motif a été invoqué par la société May Holding s’agissant d’un passage en force à l’encontre de Canal Plus, que cependant ce motif ne figure pas dans les courriers énonçant ou précisant les motifs de la révocation, ce qui le rend irrecevable. Elle indique que concernant Canal Plus les courriers adressés l’ont été par les deux cogérants qui ont ensemble, fait les choix de position à l’égard de ce partenaire.
La société May holding soutient que la révocation de Mme [A] repose sur de justes motifs s’agissant des décisions qu’elle a prises en tant que cogérant de la société May Holding et en tant que personne physique représentant cette dernière à la présidence de Mars Films, la lettre du 29.10.2019 précisant bien «tu as pris des décisions qui se révèlent catastrophiques dans la perspective du sauvetage de Mars Films vis-à-vis de nos partenaires et créanciers, notamment les sociétés VIS VIRES et TF1 ».
Elle indique que trois séries de décisions sont reprochés.
Elle fait valoir la cession de créances [U] dissimulées faites au préjudice de VisVires et de TF1, une tentative de passage en force à l’encontre de TF1 et un passage en force au préjudice de Canal Plus.
S’agissant des créances [U] elle soutient que, alors qu’elle était à la veille de déposer la déclaration de cessation des paiements pour le compte de Mars Films, Mme [A] a procédé à une importante série de cessions de créance pour un montant de 4.500.000 euros, sans information, ni accord de Monsieur [O], que ces cessions posent deux difficultés majeures:
– s’agissant de Vis Vires elle a effectué ces cessions alors que Vis Vires bénéficiait d’un principe de délégation de recettes en garantie du paiement de son pourcentage des recettes du films contrepartie de ses investissements, qu’ainsi VisVires était légitime à réclamer une quote-part, concernant deux long-métrages Vice et Ma vie avec [C] [B] [V] , qu’en ayant pris la décision de céder les créances que Mars Films détenait sur ces films, Mme [A] a ôté toute possibilité pour VisVires de recouvrer les différentes quotes-parts qui lui étaient contractuellement dues, obérant ainsi les relations et amenant VisVires à sollicter le gel de la trésorerie de Mars Films.
– s’agissant de TF1, Mars Films et TF1 Droits Audiovisuels ont signé un accord cadre de sous-distribution qui prévoyait que Mars Films se faisait avancer par TF1 Droits Audiovisuels le montant des frais d’édition nécessaires à la sortie d’un film et reversait ensuite à TF1 Droits Audiovisuels les recettes salles perçues après déduction de sa commission de distributeur, que cependant Mars Films n’a pas été en mesure de verser la part des recettes qui revenait à TF1 Droits Audiovisuels sur les films exploités dans les mois précédant l’ouverture du redressement judiciaire, que la cession des créances sur les avances de frais d’édition n’a pas permis la compensation des contrats connexes et que TF1 droits audiovisuels n’a pas pu percevoir ses recettes en raison de la procédure collective ouverte alors qu’en parallèle elle était contrainte de payer aux banques les cessions [U] effectuées par Mme [A] en période suspecte.
S’agissant de la tentative de passage en force à l’encontre de TF1 elle expose qu’elle ne ne reproche pas à Mme [A] de « n’avoir pas informé TF1 de l’ouverture imminente de la procédure de redressement judiciaire » mais qu’elle lui reproche en revanche d’avoir procédé à des cessions de créances au détriment des droits de TF1 Droits Audiovisuels et adopté à son endroit une attitude et un ton qui ont définitivement obéré la qualité de la relation et donc les chances de pouvoir compter sur ce partenaire dans le cadre du redressement de Mars Films autour de la distribution du film Le Lion en adressant un courrier officiel à TF1 pour la contraindre à lui confier la sous-distribution de ce film en méconnaissance des accords entre les parties, qu’il ressort d’un courrier adressépar TF1, en date du 12.09.2019, que cette situation a affecté les relations entre les parties.
S’agissant du passage en force à l’encontre de Canal Plus elle indique que Mme [A] a vendu les droits de diffusion du documentaire Les Etoiles Vagabondes à Netflix, droits qui appartenaient exclusivement à Canal+, alors même que celle ci avait refusé la vente de ce film à Netflix.
Elle indique que ce motif est bien visé dans les courriers énonçant les raisons de la révocation puisqu’il est mentionné ‘l’ensemble des agissements dommageable de ta part et la perte totale de confiance voire la défiance manifeste de nos partenaires créanciers et autres personnes attachées au sauvetage de Mars Films’.
La société May Holding soutient que les tâches étaient réparties entre les gérants et que Mme [A] s’occupait de la partie administrative et Monsieur [O] de la partie artistique.
Elle indique que les relations entre les cogérants se sont dégradés jusqu’à aboutir à une impossibilité de dialoguer.
Elle conteste tout caracctère abusif de la révocation et fait valoir que Mme [A] a pu présenter ses observations.
Sur ce
L’article 16 des statuts de la société May Holding stipule que le ou les gérants sont révocables par décision de l’associé unique ou en cas de pluralité d’associés par décision collective ordinaire des associés et que si la révocation est décidée sans juste motif elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.
Les pouvoirs des gérants sont stipulés à l’article 18 aux termes duquel dans les rapports avec les tiers le ou les gérants sont investis des pouvoirs le splus étendus pour représenter la société et agir en son nom, sous réserve des pouvoirs attribués par la Loi aux associés et dans les rapports entre l’associé unique ou les associés, le ou les gérants sont habilités à faire tous actes de gestion dans l’intérêt de la société.
Par courrier en date du 29.10.2019 adressé par lettre recommandée avec accusé de réception, la société May Holding a convoqué Mme [A] à l’assemblée générale des associés de la société pour, entre autre, que soit examiné le projet de révocation de celle ci de son mandat de co-gérant de la société.
Le courrier adressé indique:
Cette proposition de révocation est motivée par les raisons suivantes:
Tu as en ta qualité de gérante de la Société et agissant comme Président de Mars Films, accompli de nombreux actes engageant cette dernière; aboutissant à une situation économique dramatique qui s’est soldée par l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
Il s’avère que tu as pris des décisions qui se révèlent catastrophiques dans la perspectives du sauvetage de Mars Films vis à vis de nos partenaires et créanciers, notamment les sociétés VIS VIRES et TF1.
En effet VIS VIRES, du fait de tes agissements et de la comunication désastreuse à leur encontre dans le contexte de la procédure engagée, a obtenu le gel de toute notre trésorerie par des actions auprès de nos débiteurs, empêchant ainsi de recouvrer les sommes qui nous sont dues et qui sont vitales pour notre survie.
Dans le même cadre tu as eu une communication très dommageable vis à vis de TF1 alors que cette dernière n’avait pas encore été informée de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire s’agissant d’un partenaire majeur de Mars Films. Ceci a eu pour effet d’entrainer une rupture de confiance dans les relations avec ce partenaire économique incontournable pour nous, que je m’efforce de rétablir dans l’intérêt de Mars Films.
Alors que la procédure de redressement est en cours, tu as rencontré le 10 octobre dernier l’administrateur judiciaire, tentant d’imposer ta vision personnelle sur des décisions stratégiques à prendre pour Mars Films, sans ni m’avertir, ni même me consulter, en violation de mes droits en qualité de co-gérant de la société.
Au titre des mesures de sauvegarde que j’ai engagé afin de sauver Mars Films, j’ai donc sollicité, en t’informant préalablement, l’assistance de nouveaux conseils ainsi que de KPMG dans la mise en oeuvre d’un business plan, qui est vital dans le cadre de la procédure en cours. Ces personnes seront à même d’épauler Mars Films et notre société dans le sauvetage et le redressement que je compte mener à bien.
Etant donné les circonstances, l’ensemble des agissements dommageables de ta part et la perte totale de confiancen voire la défiance manifeste dont tu fais l’objet de la part de nos partenaires, créanciers et autres personnes attachées au sauvetage de Mars Films, le maintien de ton mandat de co-gérant de notre société et donc ta position de représentante légale de Mars Films n’est plus possible.
Le procès verbal de l’assemblée générale du 13.11.2019 qui a voté la révocation de Mme [A], ne fait pas mention des motifs de la révocation de Mme [A] indiquant que le président indique qu’il maintient les motifs exposés dans la demande de révocation de Mme [E] [A].
Par courrier du 9 décembre 2019 May Holding représentée par son gérant Monsieur [O] a écrit à Mme [A] en réponse à la correspondance de celle ci adressée dans le cadre de la révocation, détaillant certains motifs reprochés:
En premier lieu tu souhaites ainsi m’accuser de maux étranges comme celui d’avoir tenté de privilégier le créancier Vis Vires avant l’ouverture de la procédure en concédant des ‘sûretés’.
Je te rappelle que tu gérais la relation avec Vis Vires seule et que je n’y prenais pas part.
Il n’est donc pas crédible que je puisse m’être lancée dans une telle démarche.
Par contre lorsque j’ai eu connaissance de la situation avec ce créancier, je n’ai pu que constater la situation désastreuse (le mot est malheureusement bien pesé) dans laquelle nous nous trouvions avec , pour simple illustration, un créancier ayant visiblement contre toute attente, gelé nos revenus auaprès des exploitants et ce sans alternative crédible permettant de résoudre cette situation.
Je pourrais également te parler de ces contrats ‘de distribution ‘ que tu as supervisés et dont visiblement, vue la situation, tu ne maitrisais pas l’exécution (c’est un euphémisme).
Quant à ta stratégie de ne pas informer les créanciers et partenaires principaux avant de démarrer le redressement judiciaire, c’est bien évidemment une décision catastrophique, surtout dans notre milieu professionnel où la confiance et la réputation sont des valeurs particulièrement importantes.
Je ne vois pas d’ailleurs très bien comment TF1 ou d’autres partenaires comme VIVENDI, auraient pu apprécier autrement le fait de découvrir par la publication du jugement au BODACC, la mise en redressement judiciaire de l’entreprise et le gel de leurs créances.
(…)
Sur le redressement judiciaire tu as cependant raison sur le fait que je me suis vraiement étonné que, étant supposé avoir une parfaite connaissance de la situation financière tu n’aies pas démarré en amont une procédure préventive.
Outre le fait que cela m’aurait évité d’être mis devant le fait accompli, cela aurait également très certainement permis de dialoguer avec nos créanciers et partenaires pour voir si des solutions amiables pouvaient être implémentées.
Nous sommes en 2019 et chacun sait qu’il existe aujourd’hui un certain nombre d’outils peermettant aux sociétés, en amont d’éviter les procédures collectives.
Sur la nature des fautes reprochées s’agissant de fautes commises au préjudice de la société Mars Films
La lettre de convocation qui détaille les fautes reprochées à Mme [A] ne fait état que de fautes commises dans le cadre de la gestion de la société Mars Films mais ne fait pas état de fautes commises dans le cadre de la gestion de la société May Holding.
Madame [A] en tire comme conséquences que sa révocation n’est donc pas fondée sur de justes motifs en relation avec la gérance de May Holding.
Cependant la société May Holding est, comme son nom l’indique, une société holding qui a pour seule activité la prise de participation dans la société Mars Films, société dont elle était associée à hauteur de 100% dans un premier temps puis à hauteur de 70% ensuite et qui du fait de sa participation au capital de la société Mars Films en est devenue la présidente.
Les fonctions de présidente de la société Mars Films exercées par la société May Holding ont donc été exercées par les représentants de May Holding s’agissant de ses co-gérants, Monsieur [O] et Mme [A].
C’est donc à juste titre qu’il a pu être reproché à Mme [A] des fautes dans l’exercice par May Holding du mandat de présidente de la société Mars Films lorsque les décisions prises par la société May Holding l’ont été par Mme [A] en sa qualité de co-gérante.
Sur le périmètre des fautes reprochées à Mme [A]
La lettre de convocation de Mme [A] à l’assemblée générale de la société May Holding définit le périmètre des fautes reprochées à celle ci.
Un courrier a été adressé le 9.12.2019, et donc postérieurement à l’assemblée générale, qui reprend les motifs invoqués en en précisant la nature pour certains.
Madame [A] ne demande pas le rejet du courrier adressé le 9.12.2019 par la société May Holding représentée par son gérant, mais au contraire discute les explications apportées comme complètant et éclairant la lettre de convocation en l’absence de tout élément dans le procès verbal d’assemblée générale sur les fautes retenues à l’encontre de l’appelante.
La lecture de ces deux documents: lettre de convocation du 29.10.2019 et lettre d’explication du 9.12.2019 amènent à constater que des fautes aujourd’hui reprochés à Mme [A] dans les conclusions de la société May Holding ne figurent pas dans les deux documents de référence.
Il en est ainsi des fautes qui concenent la cession dailly des délégations de recettes qui aurait été effectués au préjudice de VisVires et de TF1.
En effet il n’est nullement question dans les deux documents de référence de critiques autour des cessions dailly et le fait qu’il ait été visé dans la lettre de convocation ‘de nombreux actes (..) aboutissant à une situation économique dramatique’, ‘des décisions qui se révèlent catastrophiques’ sans qu’il soit fait état de façon détaillé des actes ou des décisions critiquées ne permet pas aujourd’hui, dans le cadre de la procédure judiciaire, de considérer que les actes ou décisions jugées fautifs par la société May Holding incluaient les cessions daillys.
Il en est également de même pour la faute reprochée s’agissant du passage en force vis à vis de Canal + du fait de la cession des droits du documentaire Etoile Vagabonde à Netflix.
Faute de toute référence tant dans la lettre de convocation à l’assemblée générale que dans le courrier du 9.12.2019 de cette cession il ne peut être retenu que la phrase très générale ‘l’ensemble des agissements dommageable de ta part et la perte totale de confiance voire la défiance manifeste de nos partenaires créanciers et autres personnes attachées au sauvetage de Mars Films’ se réfère précisément à ce différent avec Canal +.
Il convient de souligner en outre qu’il ressort des emails échangés entre Canal + et Mme [A] concernant le documentaire Etoile Vagabonde que Monsieur [O] était en copie des échanges et la société May Holding ne verse aux débats aucun courriel aux termes duquel Monsieur [O] aurait pris une position différente de celle de Mme [A] auprès de celle ci en s’opposant à ladite cession ou en critiquant la décision de son associé et co-gérante.
Sur les fautes reprochées aux termes de la lettre de convocation du 29.10.2019 et du courrier du 9.12.2019
Quatre séries de fautes sont reprochées à la lecture de ces deux documents.
En premier lieu, s’agissant de la faute constituée par les actes accomplis par Mme [A] ayant engagé Mars Films et abouti à une situation économique dramatique (courrier du 29.10.2019: Tu as, en ta qualité de gérante de la société et agissant comme Président de Mars Films, accompli de nombreux actes engageant cette dernière, aboutissant à une situation économique dramatique qui s’est soldée par l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire).
La cour constate que ce motif ne repose sur aucun fait précis décrit dans le courrier de convocation et dans le courrier du 9.12.2019 et en conséquence, en l’absence de faits précis, le motif tiré d’actes accomplis par Mme [A] ayant précipité la déconfiture de la société ne peut être considéré comme justifié.
En deuxième lieu, s’agissant des décisions catastrophiques vis à vis de VisVires (Il s’avère que tu as pris des décisions qui se révèlent catastrophiques dans la perspective du sauvetage de Mars Films vis-à-vis de nos partenaires et créanciers, notamment les sociétés VIS VIRES et TF1.
En effet, VIS VIRES, du fait de tes agissements et de ta communication désastreuse à leur encontre, dans le contexte de la procédure engagée, a obtenu le gel de toute notre trésorerie par des actions auprès de nos débiteurs, empêchant ainsi de recouvrer les sommes qui nous sont dues et qui sont vitales pour notre survie) par courrier du 24.06.2019 Vis Vires mettait en demeure Mars Films de signer les délégations de recette portant sur les films objet des contrats signés en 2018 et de payer la somme de 5.868.422,70 euros correspondant au montant de sa créance exigible.
Le courrier en réponse de Mars Films à la société Vis Vires en date du 27 juin 2019 (pièce 11 de Mme [A]) qui déplore que Vis Vires refuse de suspendre l’exigiblité de ses créances empêchant ainsi l’ouverture de la conciliation conduite par Me [M], a été signé par les deux cogérants de May Holding.
Le courrier adressé par la société May Holding à la société Vis Vires le 9 juillet 2019 qui critique la position de celle ci, qui devait accepter par écrit de suspendre l’exigibilité de ses créances en échange d’une délégation de recettes sur les films 2018 pour permettre l’ouverture de la procédure de conciliation et qui n’a jamais transmis le courrier par lequel elle acceptait cette suspension de l’exigiblité faisant preuve de mauvaise foi, a également été signé par les deux co-gérants.
Il ressort de ces deux courriers que la position prise par Mars Films à l’égard de Vis Vires est une décision commune des co-gérants et non une décision prise par Mme [A] seule.
La preuve n’est pas rapportée par la société May Holding que la décision de ne pas régler la créance de Vis Vire est une décision unilatérale de Mme [A] mais il ressort, au contraire, du courrier du 9 juillet 2019 ainsi que des éléments produits aux débats, dont la déclaration de cessation des paiements et sa note explicative, que le défaut de paiement de cette créance résulte des difficultés financières importantes qu’a rencontrées la société Mars Films qui ont amené la mise en oeuvre d’une procédure de conciliation puis l’ouverture d’un redressement judiciaire.
Le courrier adressé par May Holding à Vis Vire cosigné par les gérants indique d’ailleurs que l’une des difficultés rencontrées par Mars Films a pour origne la réduction du financement de la société Vis Vire sans que cette information ait été portée à la connaissance de Mars Films suffisamment à l’avance pour que celle ci trouve d’autres sources de financement.
De même il n’est pas rapporté la preuve que la décision de ne pas signer les délégations de paiement soit une décision unilatérale de Mme [A]. Au contraire il ressort des courriers adressés sous la signature commune des deux co-gérants que c’est une décision commune prise par eux puisque cette signature était le corrolaire de l’engagement écrit et signé par Vis Vires de suspendre l’exigibilité de ses créances pour permettre l’ouverture de la procédure de conciliation, écrit qui n’a en réalité jamais été adressé par la créancière contrairement à ce qu’elle avait promis.
Par ailleurs il ressort des éléments versés aux débats et en particulier les courriers de l’administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce lors de l’ouverture du redressement judiciaire de la société Mars Films que la société VisVires a eu des comportements déloyaux et de nature à engager sa responsabilité contractuelle voire pénale, et le gel de la trésorerie de la société Mars Films s’inscrit dans le cadre des comportements critiquables de la société VisVires et n’est pas de la responsabilité de Mme [A].
Il en résulte que la preuve d’une quelconque faute de la part de Mme [A] dans les relations entretenues avec la société VisVires n’est pas rapportée et en conséquence le juste motif n’est pas établie.
En troisième lieu, s’agissant des décisions catastrophiques vis à vis de TF1 (Il s’avère que tu as pris des décisions qui se révèlent catastrophiques dans la perspective du sauvetage de Mars Films vis-à-vis de nos partenaires et créanciers, notamment les sociétés VIS VIRES et TF1.
(…) Dans le même cadre, tu as eu une communication très dommageable vis-à-vis de TF1 alors que cette dernière n’avait pas encore été informée de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, s’agissant d ‘un partenaire majeur de Mars Films. Ceci a eu pour effet d’entraîner une rupture de confiance dans les relations avec ce partenaire économique incontournable pour nous, que je m’efforce de rétablir dans l ‘intérêt de Mars Films) il ressort du courrier adressé par Monsieur [O] le 9.12.2019, en complément de la lettre de convocation, qu’il est en réalité reproché à Mme [A] de ne pas avoir informé TF1 du dépôt d’une déclaration de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce (Quant à ta stratégie de ne pas informer les créanciers et partenaires principaux avant de démarrer le redressement judiciaire, c’est bien évidemment une décision catastrophique, surtout dans notre milieu professionnel où la confiance et la réputation sont des valeurs particulièrement importantes.
Je ne vois pas d’ailleurs très bien comment TF1 ou d’autres partenaires comme VIVENDI, auraient pu apprécier autrement le fait de découvrir par la publication du jugement au BODACC, la mise en redressement judiciaire de l’entreprise et le gel de leurs créances).
Or le dépôt de la déclaration de cessation des paiements a été établi au nom des deux co-gérants. Monsieur [O] était donc parfaitement au courant de l’ouverture imminente d’une procédure collective et à même d’informer lui même la société TF1 de l’imminence de celle ci. Une réunion a d’ailleurs eu lieu le 29 juillet 2019 entre TF1 et Monsieur [O] comme en rappporte la preuve le courrier de TF1 du 12.09.2019. TF1 soutient dans ce courrier que Monsieur [O] ne l’aurait pas informé de l’imminence de l’ouverture de la procédure collective. Or celui ci avait toute latitude de le faire.
Mais surtout aucun élément ne rapporte la preuve d’une part que les co-gérants se sont mis d’accord pour informer TF1 et pour que Mme [A] se charge de cette démarche et d’autre part que celle ci n’a pas mis en oeuvre la décision collective prise.
Il en ressort que l’absence d’information de la société TF1, pour autant qu’elle soit établie, ce qui est contestée par Mme [A], qui explique que le retrait de la diffusion du film Lion la veille du jugement d’ouverture est la conséquence de cette information, relève donc d’une stratégie décidée par les deux co-gérants de la société May Holding dans le cadre de leur gestion de Mars Films et non de Madame [A] seule.
Ni le courrier de convocation, ni la lettre du 9.12.2019 ne font état d’un litige autour de la diffusion du film Lion comme le soutient aujourd’hui dans ses conclusions la société May Holding. En conséquence cet élément de fait ne fait pas partie du périmètre des fautes reprochées à Mme [A], étant en outre précisé qu’il était parfaitement connu de Monsieur [O]. Il est donc écarté.
Le reproche qui est fait à Mme [A] ne constitue donc pas un juste motif de révocation.
En quatrième lieu il est reproché à Mme [A] d’avoir rencontré seule, c’est à dire sans Monsieur [O], l’administrateur judiciaire (Alors que la procédure de redressement est en cours, tu as rencontré le 10 octobre dernier, l’administrateur judiciaire, tentant ainsi d’imposer ta vision personnelle sur des décisions stratégiques à prendre pour Mars Films, sans ni m’avertir, ni même me consulter, en violation de mes droits en qualité de co-gérant de la société).
Aucun élément n’est produit rapportant la preuve que cette réunion avec l’administrateur judiciaire a été organisée à l’initiative de Mme [A] et non à la demande de l’administrateur judiciaire. Il y a donc lieu de retenir que c’est sur convocation de l’administrateur que Mme [A] a rencontré celui ci. En conséquence soit l’administrateur n’a pas convoqué Monsieur [O] et ce choix ne peut être reproché à Mme [A], soit Monsieur [O] a été convoqué et a décidé de ne pas se rendre à la convocation et cette décision est de sa seule responsabilité.
En outre le fait de répondre aux convocations adressées par l’administrateur judiciaire constitue une obligation pour le représentant de la personne morale de la société placée en redressement judiciaire et ne peut donc être constitutif d’une faute de la part de Mme [A].
Le reproche qui est fait à Mme [A] ne constitue donc pas un juste motif de révocation.
Enfin le reproche qui est fait par la société May Holding représentée par son gérant Monsieur [O], dans le courrier du 9.12.2019, de ne pas avoir démarré en amont une procédure préventive est pour le moins surprenant puisqu’il résulte des éléments versés aux débats que la société May Holding a tenté de mettre en place une procédure de conciliation qui a échoué du fait de l’opposition de la société Vis Vires.
Il en résulte que la révocation de Mme [A] de ses fonctions de co-gérante de la SARL May Holding a été faite sans justes motifs et ouvre en conséquence droit à l’octroi de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi par Mme [A].
Sur la demande chiffrée de Mme [A]
Madame [A] expose qu’elle a subi un préjudice très important en terme financier puisqu’elle a été du jour au lendemain privée de toute ressource et dans un contexte où il lui a été difficile de rebondir, avec deux enfants à charge, et un préjudice moral et d’image très importants puisqu’elle a été montré du doigt par Monsieur [O] comme responsable de la déconfiture de Mars Films.
Elle demande 207.540 euros correspondant à une année de rémunération.
La société May Holding conclut que la demande qui correspond à 12 mois de rémunération est injustifiée dans son principe et incompréhensible dans son montant.
Sur ce
La révocation de Mme [A] a privé celle de ci de toute rémunération puisqu’elle était rémunérée dans le cadre de sa gérance de la société et non en qualité de salariée et ne pouvait donc prétendre à percevoir des prestations de pôle emploi.
Madame [A] était associée à hauteur de 31,8% dans la société et travaillait au sein de celle ci d’abord en qualité de salariée, puis ensuite en exécution d’un mandat social ayant remplacé le contrat de travail dont elle bénéficiait initialement depuis 2008 soit 11 ans à la date des faits.
Le préjudice de Mme [A] est particulièrement important au regard du milieu professionnel dans lequel elle exerce sa profession, qui reste un milieu assez confidentiel dans lequel la réputation d’une part et le réseau professionnel d’autre part jouent un rôle prépondérant. Le fait pour Mme [A] d’avoir été révoqué de ses fonctions pour faute est de nature à porter la suspicion sur ses qualités professionnelles rendant compliqué le fait de retrouver des fonctions dans cette branche d’activité.
Il y a donc lieu de lui allouer 6 mois de salaire en réparation du préjudice subi soit la somme de 103.770 euros et de dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal qui porteront eux même intérêt en application de l’article 1342-2 du code civil.
Sur l’appel incident concernant la condamnation de la société May Holding à verser à Mme [A] la somme de 11.466,66 euros au titre de sa rémunération
La société May Holding demande l’infirmation du jugement exposant que Mme [A] s’est vue consentir des avances sur frais d’un montant bien supérieur à la somme due au titre de ses rémunérations, que faute de justificatifs produits par Mme [A] l’expert comptable a été contraint de régulariser en salaires ces avances sur frais non justifiées qui s’élèvaient à la somme de 135.000 euros afin d’éviter que le compte courant de l’associée reste débiteur.
Madame [A] conclut à la confirmation de la décision entreprise sur ce point exposant qu’elle a droit à cette rémunération qui lui était due pour la période antérieure à sa révocation décidée le 13.11.2019, sur la base de l’ordonnance rendue par le tribunal de commerce le 22.01.2020, et qu’il n’est pas contesté par la société May Holding que celle ci ne lui pas été versée. Elle fait valoir que la société ne justifie aucunement les avances qu’elle soutient avoir versée, ni leurs dates, ni leurs montants et indique qu’elle a toujours justifié des frais dont elle a obtenu des remboursements ou des avances.
Sur ce
La société May Holding qui soutient qu’elle a versé des avances sur frais à Mme [A] qui faute de justificatifs ont été requalifiées en salaires qui eux même ont été compensés avec les sommes réclamées par Mme [A] au titre de sa rémunération ne verse aux débats aucun élément au soutien de ses allégations.
La décision de première instance qui a accueilli la demande de paiement de Mme [A] et rejeté l’opposition audit paiement de la soiété May Holding sera donc confirmée.
Sur le caractère abusif de l’appel
La société May Holding sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile soutient que l’appel de Mme [A] est abusif et demande sa condamnation à une amende civile ainsi qu’à lui verser une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en faisant valoir que Mme [A] fait preuve de malveillance et d’acharnement judiciaire à l’encontre de May Holding, en visant la procédure prud’homale engagée.
Sur ce
La société May Holding succombant sur l’ensemble du litige est malfondée à soutenir que l’appel interjeté par Mme [A] qui permet à celle ci d’obtenir la reconnaissance de ses droits s’agissant de l’absence de motifs de révocation est abusif.
Il y a donc lieu de la débouter de ses demandes en dommages et intérêts et en condamnation de l’appelante à une amende civile.
Sur l’article 700
Madame [A] demande une somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société May Holding demande la somme de 30.000 euros.
Sur ce
Il est inéquitable de laisser Mme [A] supporter la charge des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense pour voir rétablis ses droits en sa qualité de co-gérante révoquée abusivement et il lui est alloué la somme de 15.000 euros à ce titre.
La société May Holding est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8.10.2021 sauf en ce qu’il a condamné la SARL May Holding à payer à Mme [E] [A] la somme de 11 466,66 euros, avec anatocisme à compter de la signification du présent jugement au titre de sa rémunération, et à payer les charges sociales correspondantes à cette rémunération, ainsi qu’à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’articIe 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
Juge que la révocation de Madame [E] [A] de son mandat de co-gérante de la société MAY HOLDING est dépourvue de justes motifs et abusive,
En conséquence,
Condamne la société MAY HOLDING à verser à Madame [E] [A] la somme de 103.770 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la révocation sans juste motif et abusive de son mandat de co-gérante,
Dit que les intérêts échus sur la somme allouée porteront eux-mêmes intérêts en application de l’article 1342-2 du code civil,
Déboute la société MAY HOLDING de son appel incident et de l’intégralité de ses autres demandes,
Condamne la société MAY HOLDING à verser à Madame [E] [A] la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société MAY HOLDING aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés par les avocats de l’instance qui en ont fait l’avance conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente