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AFFAIRE : N° RG 20/02492 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FPL5
Code Aff. :AL
ARRÊT N°
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT DENIS en date du 30 Novembre 2020, rg n° 19/00390
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 MAI 2022
APPELANTE :
Association SERVICE MANDATAIRE ET PRESTATAIRE AUX PERSONNES NECESSITANT UNE AIDE A LA VIE QUOTIDIENNE (SMAPA)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
Madame [Y] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Céline CAUCHEPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture : 4 octobre 2021
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 février 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d’instruire l’affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 05 MAI 2022 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président :Alain LACOUR
Conseiller:Laurent CALBO
Conseiller :Aurélie POLICE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 05 MAI 2022
* *
*
LA COUR :
Exposé du litige :
Mme [R] a été embauchée par l’Association service mandataire et prestataire aux personnes nécessitant une aide à la vie quotidienne (l’association) en qualité d’agent à domicile selon contrat à durée déterminée d’un an à effet du 25 mars 2014 au 24 mars 2015, à temps partiel (104 heures mensuelles) puis, selon contrat à durée indéterminée à compter du 25 mars 2015, toujours pour la même qualité et à temps partiel (105 heures par mois) et enfin, selon un deuxième contrat à durée indéterminée à effet au 1er avril 2016, toujours à temps partiel (145 heures par mois). Elle a été licenciée pour faute grave le 14 septembre 2018.
Saisi par Mme [R], qui contestait son licenciement, réclamait un rappel de salaires pour les heures complémentaires qu’elle avait accomplies et indemnisation des différents préjudices dont elle se plaignait, le conseil de prud’hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion, par jugement rendu le 30 novembre 2020, a dit que le contrat de travail de Mme [R] est un contrat à temps partiel et que les heures de travail accomplies en sus de la durée de travail contractuellement fixée ont la nature d’heures complémentaires ouvrant droit à majorations, condamné l’association à payer à Mme [R] la somme brute de 817,29 euros à titre de rappel de majorations pour heures complémentaires, 300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant pour Mme [R] de la méconnaissance par son employeur des règles posées aux articles L.3123-9 et L.3213-29 du code du travail, dit que le licenciement pour faute grave de Mme [R] est abusif, condamné l’association à payer à Mme [R] 1 197,46 euros bruts à titre d’indemnité légale de licenciement, 2 993,64 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 5 987,28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif. Le surplus des prétentions des parties a été rejeté.
Appel de cette décision a été interjeté par l’association le 31 décembre 2020.
Vu les conclusions notifiées par l’association le 16 août 2021 ;
Vu les conclusions notifiées par Mme [R] le 24 juin 2021 ;
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce :
Sur les heures complémentaires :
Vu les articles L.3123-13 et L.3123-39 du code du travail ;
Attendu que Mme [R] expose qu’alors que son contrat de travail prévoyait, dans sa première version, qu’elle dût travailler 104 heures par mois, et dans sa dernière mouture, 145 heures par mois, elle a accompli des heures complémentaires depuis le mois de septembre 2015 jusqu’au mois d’août 2018, qui n’ont pas fait l’objet d’une majoration ; qu’elle réclame la somme de 817,29 euros de ce chef ;
Attendu que l’association s’oppose à cette demande en objectant que depuis le mois d’octobre 2015, Mme [R] effectue 151,50 heures de travail par mois « soit un horaire équivalent à un temps plein », en sorte que depuis le mois de janvier 2016, son contrat de travail est devenu à temps plein, en l’absence d’opposition de la part de Mme [R] ; qu’elle ajoute que le contrat de travail à temps plein ne nécessite pas la rédaction d’un écrit et que depuis le passage à temps plein, Mme [R] est rémunérée sur la base de 151,50 heures par mois ;
Mais attendu que le contrat de travail qui liait les parties disposait notamment, dans sa première version, en son article 7, ceci : « la durée mensuelle de travail de [R] [Y] est fixée à 104 heures.
Il peut être demandé à Mme [R] [Y] d’effectuer des heures complémentaires dans la limite du tiers de 104h, soit 34 heures. Le salarié peut refuser au maximum 2 fois par an d’effectuer les heures complémentaires dans cette limite du tiers sans que son refus constitue une faute ou un motif de licenciement.
Mme [R] [Y] peut se voir imposer jusqu’à 3 interruptions d’activité non rémunérée dans une même journée.
La durée totale de ces interruptions ne peut excéder 5 heures.
De façon exceptionnelle, la durée totale des interruptions peut excéder 5 heures maximum pendant cinq jours sur deux semaines » ; que le contrat de travail liant les parties, dans ses deux dernières versions, prévoyaient les mêmes dispositions sauf s’agissant de la durée de travail mensuelle, fixée à 105 heures puis 145 heures ; qu’il est constant qu’entre le mois de septembre 2015 et le mois d’août 2018, elle a travaillé 151,50 heures par mois ;
Attendu que les heures complémentaires ainsi accomplies par Mme [R] excèdent les seuils prévus par l’article L.3123-13 susvisé et qu’aucun avenant n’a été signé par les parties pour modifier le contrat qui les liait, en sorte que les heures accomplies au-delà du quota contractuellement prévu constituent des heures complémentaires ouvrant droit à majorations ; que Mme [R] est par conséquent bien fondée à réclamer la somme de 817,29 euros de ce chef ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur le licenciement :
Vu l’article L.1243-1 du code du travail ;
Attendu que la lettre de licenciement est ainsi rédigée : « [‘] Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d’une faute grave [‘]
En effet, entre le 6 et le 9 juillet 2018, accompagnée de trois autres salariées, vous avez diffusé un tract auprès du personnel de l’entreprise en tenant des propos insultants et dénigrants à l’encontre de la direction de l’association.
Comme nous l’ont rapporté plusieurs salariés, vous avez effectivement insulté la direction de voleur et dénigré votre hiérarchie auprès des salariés de l’entreprise.
Ces faits ne sont malheureusement pas isolés car le 16 avril 2018, vous aviez également manifesté devant l’entreprise pancarte à la main.
Vous accusiez alors la direction de vols, de conflits d’intérêts et d’abus de biens sociaux.
Cette manifestation n’avait nullement pour objet de faire connaître de quelconque revendication salariale mais uniquement pour but d’insulter et dénigrer la direction [‘] En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave [‘] » ;
Attendu, s’agissant d’un licenciement pour faute grave, qu’il incombe à l’association d’établir les faits qu’elle impute à Mme [R] ; qu’à cet effet elle se prévaut de ses pièces :
– n° 1, constituée d’un tract intitulé « le saviez-vous ‘ », dans lequel la présidente de l’association est accusée de conduire une voiture achetée et financée par l’association, comportement qualifié par ce tract d’abus de biens sociaux, où il est également indiqué que des fonds sont versés à la présidente mensuellement en espèces sans aucun contrôle ni aucune trace, comportement qualifié par ce tract de vol et abus de biens sociaux, où il est encore mentionné que la présidente et le directeur de l’association sont mère et fils, circonstance qualifiée par ce tract de conflit d’intérêt illégal et où il est encore indiqué que le directeur emploie chez lui du personnel de l’association sans payer, comportement qualifié d’abus de biens sociaux ;
– n° 2, constituée de l’attestation de Mme [D], qui déclare que : « [T] m’a appeler pour venir manifester devant [illisible] et [R] [O] ont ma donner rendez-vous devant l’église puis direction devant l’ASMAPA. Donc je ne savais pas de quoi elles allaient faire, c’est en arrivant devant l’ASMAPA que j’ai tout compris, hélas j’étais influencer, je suis tomber dans un piège. J’avais un pancarte c’était écrire présidente voleuse l’ASMAPA voleur.
Puis [T] est rentrer dans le bureau elle nous a dit n’inquiète pas tous les pancarte été préparer , après discution avec les membres du bureau ne nous inquiète pas tout va bien se passer et les choses vont bien, la meneuse nous a dit de rentrer chez nous dort tranquille » ;
– n° 3, constituée de l’attestation de Mme [M], qui déclare ceci : « Vvers le mois de avril 2002, on m’a envoyé un texto pour me dire de venir devant la SMAPA pour manifester, j’ai répondu je travail je ne peux pas venir. Mais je ne savais pas quel était la revendication. En juillet vers le 9 juillet Mme [R] m’a appelé pour venir récupérer un tract, elle est venue faire la clinique de [Localité 5], je lui ai demandé comment vous avez eu mon numéro de téléphone, elle m’a pas répondu, par contre moi je lui ai dit je ne suis pas d’accord pour le revendication car mon travail est ma priorité et que pour les heures effectuées j’étais rémunérées. Je ne comprends pas cette démarche.
Je lui ai dit il faut pas nuire notre outil de travail. Puis à les parties.
Environ 2 ou 3 jours après Mme [V] [T] m’apelé pour me dire que je veux la présidente s’en va.
La Smapa voleur, le directeur tricheur nous ça va fait ferme la SMAPA. Je lui ai dit arrête de m’apeler et elle m’a dit sans trop tarder tu n’aura plus de travail et j’ai raccroché » ;
Attendu que ces pièces ne font pas la preuve que Mme [R] ait, entre le 6 et le 9 juillet 2018, diffusé un tract en tenant des propos insultants et dénigrants à l’encontre de la direction de l’association ni « insulté la direction de voleur », ni dénigré sa hiérarchie, ni enfin accusé la direction de l’association de vols, de conflits d’intérêts ou d’abus de biens sociaux ;
Attendu que si Mme [R] reconnaît avoir distribué un tract, qu’elle produit en pièce n° 4, son examen montre qu’il différe en tout point de celui invoqué par l’association, puisqu’il porte sur des revendications salariales et le paiement des heures complémentaires mais qu’il ne comporte aucun propos insultant, ni dénigrant ;
Attendu en outre que les deux attestations dont se prévaut l’association ne prouvent pas que Mme [R] ait distribuée le tract produit par l’employeur en pièce n° 1 ; qu’au contraire, Mme [R] établit que le tract produit par l’association en pièce n° 1 n’a été distribué que par Mme [V] (pièce n° 9 : attestation de Mme [V]) ;
Attendu que l’association échoue ainsi à rapporter la preuve des griefs qu’elle invoque à l’encontre de Mme [R], en sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur les indemnités pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, légale de licenciement et compensatrice de préavis :
Attendu que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont fait droit aux demandes de Mme [R] de ces chefs ; que le jugement sera là encore confirmé ;
Sur les dommages-intérêts pour préjudice subi :
Vu les articles 9 et 954 du code de procédure civile ;
Attendu que Mme [R], qui n’invoque aucune pièce au soutien de cette demande, n’établit pas qu’elle aurait subi un préjudice distinct du non-paiement des majorations dues par l’association au titre des heures complémentaires effectuées, déjà réparé par ailleurs ; qu’elle sera par conséquent déboutée de cette demande et le jugement infirmé de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion sauf en ce qu’il a condamné l’Association service mandataire et prestataire aux personnes nécessitant une aide à la vie quotidienne à payer à Mme [R] la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de l’Association service mandataire et prestataire aux personnes nécessitant une aide à la vie quotidienne ;
Condamne l’Association service mandataire et prestataire aux personnes nécessitant une aide à la vie quotidienne aux dépens d’appel et dit qu’ils seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière,le président,