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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 JANVIER 2023
N° RG 21/00315 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UJBK
AFFAIRE :
[X], [J] [R]
C/
S.A.S. FLAB PROD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : AD
N° RG : F 19/00855
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER
Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [X], [J] [R]
née le 28 Mai 1975 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 428
APPELANTE
****************
S.A.S. FLAB PROD
N° SIRET : 478 275 175
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438 – Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Par contrat de travail à durée déterminée et avenant pour accroissement temporaire d’activité, Madame [X] [J] [R] a été engagée le 6 septembre 2011 par la société Flab Prod en qualité d’assistante comptable puis les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er mars 2013. La salariée est devenue assistante de direction selon contrat de travail à durée indéterminée portant une date d’effet au 22 août 2016. La convention collective applicable est celle de la production audiovisuelle.
Par courrier du 10 juillet 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 20 juillet 2018. La salariée n’ayant pas pu se présenter à l’entretien, la société lui a adressé un courrier daté du 20 juillet 2018 lui précisant les raisons pour lesquelles elle envisageait une rupture du contrat de travail, puis, par lettre du 27 juillet 2018, elle a été licenciée pour faute grave.
Aux termes d’une requête reçue au greffe le 28 juin 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de faire constater qu’elle a été victime de faits de harcèlement moral et d’un traitement discriminatoire, de contester la légitimité de son licenciement et d’obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 15 décembre 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– débouté Madame [J] [R] de toutes ses demandes,
– débouté la Sarl Flab prod de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens à la charge de Madame [J] [R].
Par déclaration au greffe du 27 janvier 2021, la salariée a interjeté appel de cette décision notifiée le 12 janvier 2021.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la salariée demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, dire et juger que le licenciement notifié suivant courrier en date du 27 juillet 2018 est nul ou à tout le moins dénué de toute cause réelle et sérieuse et a fortiori ne repose sur aucune faute grave,
– condamner en conséquence la Sas Flab Prod au paiement des sommes de :
*4800 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 480 euros au titre des congés payés afférents,
*4200 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
*57600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, soit 24 mois de salaire, sur le fondement des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail ou 19 200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 8 mois de salaire, sur le fondement des dispositions de l’article L. 1235-3 du même code,
infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, dire et juger qu’elle a subi des faits de harcèlement moral au demeurant discriminatoire,
– condamner en conséquence la Sas Flab Prod au paiement de la somme 50000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce harcèlement,
infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, dire et juger que la Sas Flab Prod a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral et, plus généralement à son obligation de sécurité
– condamner en conséquence la Sas Flab Prod au paiement de la somme de 50000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ces manquements,
– condamner la Sas Flab Prod au paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et ce au titre de frais irrépétibles de première instance et d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La salariée fait essentiellement valoir que :
– elle a eu accès aux pièces litigieuses dans le cadre de l’exercice de ses fonctions en lien avec le service informatique à l’occasion desquelles lui ont été communiqués la liste des salariés de l’entreprise, leurs adresses ainsi que leurs identifiants de connexion ; s’agissant des pièces obtenues durant son arrêt maladie, elle ne souhaite pas communiquer l’identité de la personne qui les lui a remises ; le droit à la preuve étant un droit fondamental, celui-ci peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée ou au secret des correspondances notamment lorsque cette production est indispensable à l’exercice de ce droit et proportionnée au but poursuivi comme en l’espèce ;
– les éléments de fait à l’appui du harcèlement moral qu’elle invoque sont matériellement établis essentiellement par des échanges de mails complétés d’attestations ;
– l’employeur n’a pas respecté son obligation légale de prévention des actes de harcèlement moral et plus généralement, alors qu’il était informé d’une situation de harcèlement moral depuis l’été 2014, il n’a pris aucune mesure sauf une enquête sous la pression de ses interventions écrites outre celle de l’inspection du travail et du médecin du travail ;
– le licenciement est principalement nul en application des articles L.1152-2 et L. 1232-3-3 du code du travail dès lors qu’il lui est fait grief d’avoir porté en toute connaissance de cause de fausses accusations de harcèlement moral alors qu’elle a bien subi un harcèlement moral ; l’employeur ne justifie pas de sa mauvaise foi.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 18 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, l’employeur demande à la cour de :
– déclarer l’appel de Madame [R] mal fondé et l’en débouter ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté Madame [R] de toutes ses demandes ;
– mis à la charge de Madame [R] les dépens ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
– l’a déboutée de sa demande reconventionnelle formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– a omis de mentionner dans son dispositif qu’il déclarait irrecevables les pièces 40 à 48, 55 et 67-1 à 67-5 communiquées par Madame [R] alors que cela ressort bien des motifs de la décision ;
en conséquence et statuant à nouveau :
– juger irrecevables et écarter des débats les pièces n°40 (40-1 à 40-4),41 (41-1 à 41-2), 42, 43, 44, 45, 46 (46-1 à 46-8), 47, 48, 55, 67 (67-2 à 67-5) et 92 communiquées par Madame [R] dans le cadre de la présente procédure dès lors que ces dernières ont été obtenues par l’appelante par un procédé déloyal en violation du secret des correspondances ;
– juger irrecevables et écarter des débats les pièces n°90, 91, 94, 95, 97, 99, 100 et 101 communiquées par Madame [R] le 18 octobre 2022 dans le cadre de la présente procédure dès lors que ces dernières (et notamment les échanges de sms repris) sont illisibles et qu’il ne peut donc pas y répondre dans le respect du principe du contradictoire ;
– juger que Madame [R] n’a été victime d’aucun agissement constitutif de harcèlement moral; qu’il n’a pas manqué à son obligation de sécurité et à son obligation de prévention du harcèlement moral ; que le licenciement de Madame [R] est parfaitement justifié par une faute grave et qu’il n’est entaché d’aucune nullité ;
– débouter en conséquence Madame [R] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions et notamment des demandes visant à obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes:
*4800 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
*480 euros au titre des congés payés sur préavis ;
*4200 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
*57600 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ou 19 200 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*50000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
*50000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement par celle-ci à son obligation de sécurité et/ou à son obligation de prévention ;
*4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Madame [R] au paiement d’une somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Madame [R] aux entiers dépens ;
– débouter Madame [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire :
– si la cour venait à juger le licenciement de Madame [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse, il lui est demandé de limiter sa condamnation au paiement d’une somme égale à 3 mois de salaire, soit à la somme de 7 200 euros, en application de l’article L.1235-3-1 du code du travail;
– si la cour venait à juger le licenciement de Madame [R] nul, il lui est demandé de limiter la condamnation de la société au paiement d’une somme égale à 6 mois de salaire, soit à la somme de 14400 euros, en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail.
L’employeur fait essentiellement valoir que :
– des mails contenant des conversations privées, échangés de 2011 à 2018 entre Madame [W], la supérieure hiérarchique de la salariée, et des collaboratrices de la société, couverts par le secret des correspondances, sont produits par la salariée alors qu’ils ont été obtenus par un procédé déloyal puisqu’elle n’était pas destinataire de ces pièces qui ne lui ont pas été remises volontairement et qu’elle n’en a pas eu connaissance dans l’exercice normal de ses fonctions, certaines d’entre elles ayant été envoyées alors qu’elle était en arrêt de travail ou déjà licenciée, et le salarié du service informatique niant lui avoir transmis des données permettant l’accès aux pièces ; Madame [W] a déposé une plainte à ce sujet ;
– les attestations, mails, et documents établis par la salariée elle-même, ne laissent pas présumer l’existence d’un harcèlement moral ; l’enquête interne a conclu à l’absence de toute situation de harcèlement moral et que c’est en réaction directe aux rappels à l’ordre de sa hiérarchie et dans le but d’échapper à ses responsabilités que la salariée a choisi de recourir de manière dévoyée au thème de la souffrance au travail ; les pièces médicales font ressortir l’absence de lien entre la pathologie constatée et ses conditions de travail dans l’entreprise ; il existe un état antérieur et son état de santé semble toujours dégradé ;
– le règlement intérieur reprend les dispositions légales en matière de harcèlement et une enquête interne a été diligentée ;
– le licenciement est justifié faute de harcèlement moral et compte tenu de la mauvaise foi de la salariée qui a porté de fausses accusations en réponse aux rappels à l’ordre de sa hiérarchie visant à lui faire renouer avec un bon exercice de ses missions ;
– faute de preuve de son préjudice à hauteur du montant réclamé, l’indemnité ne peut excéder six mois de salaire, soit 14400 euros, en cas de licenciement nul, ou trois mois de salaire, soit 7200 euros, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de voir des pièces écartées des débats :
Le dispositif du jugement entrepris ne mentionne rien à ce sujet alors que dans sa motivation, le premier juge considère devoir déclarer irrecevables les pièces n° 40 à 48, 55 et 67-1 à 67-5 communiquées par la salariée.
Par ailleurs, il n’est pas justifié des suites données à la plainte déposée par Madame [W] mettant en cause la salariée suivant certificat de dépôt de plainte établi le 14 août 2020 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Les pièces concernées sont des mails envoyés et reçus depuis les messageries professionnelles de la société Flab Prod essentiellement entre 2016 et 2018 et au sein du service auquel était affectée la salariée, contenant des discussions quasi-exclusivement à caractère professionnel entre Madame [W], supérieure hiérarchique, et les collaboratrices de celle-ci, dont la salariée qui en est le sujet principal.
La salariée produit ces pièces à l’appui de sa demande au titre d’un harcèlement moral ‘au demeurant discriminatoire’ en ce qu’ils sont nécessaires selon elle à l’établissement de faits laissant présumer un tel harcèlement s’agissant de la volonté de l’employeur de lui ajouter des tâches contraignantes et peu valorisantes et de l’existence en sa défaveur d’un management dysfonctionnel, ‘au copinage’, l’excluant et créant chez elle un mal être.
Sur l’origine de ces pièces, elle produit aux débats une pièce n° 70, soit une attestation rédigée par [E] [B], alias [F] [Y], journaliste et chroniqueuse notamment dans l’émission ‘ Le Grand Journal’ de septembre 2016 à mars 2017, qui indique qu’en raison de dysfonctionnements affectant les boîtes mails de la rédaction, la salariée leur a communiqué les mots de passe et identifiants internet et mails. De même, arguant, sans être utilement contredite, de l’exercice de missions les plus étendues et variées, qui ressortent des pièces contractuelles, l’ayant amenée, notamment, à faire le lien entre les salariés de l’entreprise et le service informatique, elle produit une pièce n°71, laquelle n’est pas visée par la demande de l’employeur de voir des pièces écartées des débats, qui se présente sous la forme d’une liste informatique de noms d’utilisateur des boîtes professionnelles de la société Flab Prod avec les mots de passe associés, outre les noms et prénoms des collaborateurs dont les personnes concernées par les mails litigieux. Elle ajoute que parmi les pièces litigieuses, celles qui sont afférentes à des périodes au cours desquelles elle ne travaillait pas dans l’entreprise, lui ont été transmises par une personne dont elle ne souhaite pas divulguer l’identité.
Pour sa part, l’employeur produit l’attestation du responsable technique des outils informatiques de la société Flab Prod qui indique être chargé de créer et de gérer les adresses mails des salariés permanents et qui affirme ne pas être en mesure d’expliquer comment la salariée a pu accéder aux mails litigieux et n’avoir jamais ni transmis à celle-ci le mot de passe généré automatiquement lors de la création de l’adresse mail de Madame [W], ni communiqué les codes d’accès à son ordinateur, les codes d’accès administrateur ou des mails échangés entre Madame [W] et d’autres collaborateurs. Dans un mail du 14 septembre 2020, ce même employé ajoute qu’aucun listing des identifiants personnels de connexion ‘Microsoft’ n’a été réalisé et qu’il est impossible qu’une liste de ces mots de passe des boîtes mails ‘@flab-prod.fr’ hébergés par Microsoft ait été transmise à la salariée.
Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle et au principe du secret des correspondances à la condition, comme en l’espèce, que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
En l’état de l’ensemble des éléments précités, en partie énigmatiques et contradictoires quant à l’origine des pièces concernées, et considérant en tout état de cause qu’il s’en déduit que la production par la salariée des pièces incriminées ne portant qu’une atteinte limitée à la vie personnelle et au secret de correspondances, est nécessaire à l’établissement des éléments de faits laissant supposer l’existence du harcèlement moral ‘au demeurant discriminatoire’ invoqué, tous éléments soumis à la contradiction de l’employeur par l’apport de ses propres éléments de preuve, il y a lieu de rejeter la demande de voir ces pièces écartées des débats.
Le jugement déféré est donc infirmé sur ces points et il y sera ajouté.
La pièce n°100 produite par Madame [X] [J] [R] étant illisible sera écartée des débats.
Sur le harcèlement moral :
Il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les éléments de faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, les éléments de faits présentés par la salariée à l’appui de sa demande au titre d’un harcèlement moral et qui sont matériellement établis résultent essentiellement, outre des attestations de collègues ayant constaté son mal être au travail ou reçu ses confessions à ce sujet, d’échanges de mails quant à la volonté de l’employeur de lui confier des tâches peu valorisantes et contraignantes et de les additionner si elle tardait à signer l’avenant modifiant ses fonctions, de fait antidaté, et ce, dans un contexte de management dysfonctionnel consistant pour Madame [O] [W], en tant que supérieure hiérarchique, à s’entourer de ses collaboratrices les plus proches, acquises à sa cause, à l’exclusion de la salariée dès lors objet de dénigrements, toutes situations décrites par celle-ci dans un mail du 30 janvier 2018 contestant un avertissement du 16 novembre 2017 dans lequel elle évoque les conditions dégradées auxquelles elle devait faire face notamment dans le cadre de l’exercice de ses fonctions de réception du courrier, des plis et des commandes de fournitures, en considération de surcroît de son état dépressif médicalement objectivé, à l’origine de frustrations et d’un mal être porté à la connaissance de l’employeur non seulement par elle-même mais, en outre, par un courrier d’un psychologue du travail du 16 février 2018 auquel elle a confessé sa souffrance au travail, informations auxquelles l’employeur a répondu par lettre du 26 février 2018 en insistant sur le caractère surprenant d’un tel courrier rédigé sur le seul ressenti de la part de sa salariée, indiquant se tenir à la disposition de celle-ci pour évoquer sa situation et la recevoir à sa meilleure convenance. La salariée a été informée de la décision de l’employeur de diligenter une enquête interne par courrier du 19 mars 2018, et ce, à la suite d’un courrier de l’inspection du travail du 12 mars 2018 établi à réception de la copie, envoyée par l’employeur, du courrier précité du 26 février 2018. L’inspecteur du travail y mentionne devoir rappeler à l’employeur ses obligations en matière de prévention du harcèlement moral : ‘ A la lecture de ce courrier, je note que vous y indiquez notamment : ‘ (…) La teneur de votre courrier, livré manifestement sur le seul ressenti de Madame [R],…’ ; ‘ Il est normal qu’un salarié – en situation de souffrance éventuellement – fasse part de son ressenti lorsqu’il décrit des ‘humiliations, brimades, dévalorisation de son travail et mis au ban’.
La salariée produit :
– des échanges de mails entre Madame [W] et sa collaboratrice Madame [P], entre le 25 juillet 2016 et le 24 août 2016 : la collaboratrice propose à la supérieure hiérarchique un avenant, sans progression en termes de classification notamment, relatif à de nouvelles fonctions d’assistante de direction, et ce, le 25 juillet 2016, quand la date de la signature que cet avenant mentionne est celle du 21 juillet 2016 ; la collaboratrice ajoute : ‘ On pourra voir à la rentrée’ ; elle précise : ‘ J’ai pensé qu’il serait bon de définir des horaires de travail.’ ; le 22 août, la supérieure hiérarchique écrit à sa collaboratrice : ‘ Voici l’avenant pour [J]. Tu l’imprimes clean et on lui fera signer ensemble demain. Je veux bien que tu imprimes aussi la liste des tâches ‘assistante’ modifiées que je t’ai envoyé la semaine dernière.’ ; peu après, la supérieure hiérarchique décide : ‘ Rajoutons dans la liste des tâches, la gestion des invitations de la Flab Party et de manière générale toutes les fêtes/réceptions faites par Flab ou pour les productions.’; après avoir remercié la collaboratrice qui vient de s’exécuter, Madame [W] ajoute, à propos de la salariée : ‘ Il y aura sans doute une petite Flab Party fin sept et je ne veux pas qu’elle rechigne à la gérer!’; le 23 août, Madame [W] écrit à cette même collaboratrice:
‘ La mise en forme, copie et reliure de dossiers de présentation et autres pour la société. Regardes aussi dans la liste des tâches de [U] s’il ne manque rien. Merci! Ps : Plus elle tardera à signer plus il y en aura’ ; le 24 août, la collaboratrice indiquera avoir ajouté ‘récupération’ dans la gestion des courtiers puis enverra la version définitive de l’avenant ;
– un échange de mails du 23 mars 2017 : une collaboratrice sollicite Madame [W], au sujet d’une demande formulée par la salariée de récupérer quatre heures d’absence sur ses heures de midi, et le manager répond : ‘ Je ne suis pas d’accord ; cela ne sert à rien et en plus elle arrive tard le matin. Tu lui prendras un demi RTT sans rien lui faire signer.’ ; peu de temps auparavant, le 28 octobre 2016, Madame [W] indiquait faire ‘ kdo de la journée de lundi à [D] et [S]’, ajoutait ne pas compter la demie-journée de vendredi ou de lundi à Madame [I], et faire ‘ kdo d’une journée maladie à [A] !!’ ; elle précisait : ‘ Je le laisse lui dire en douce’ avant d’écrire: ‘ Chut il faut pas le dire…Il faut bien que de temps en temps je favorise mon équipe ! Profitez bien !!! Gros bisous’ ;
– des mails échangés le 17 juillet 2017 au sujet des congés d’été de la salariée : Madame [W] évoque la situation de cette dernière auprès d’une collaboratrice en indiquant : ‘ Tu pourras me dire combien il lui reste de congés à celle là ‘ Merci !!’ ; puis, à propos de la feuille de congés de la salariée : ‘ Tu me montreras la feuille et on va lui faire refaire ; il est hors de question qu’elle parte le 31/07 ! Elle devait partir du 21/07, au soir et revenir le 16/08. J’ai dit que cette année encore on la laisserait revenir le 21/08 mais qu’en revanche, elle partait le 21/07 au soir. On ne va pas la payer à rien foutre une semaine de plus ! Montes la moi demain. Merci!!’ ;
– des mails échangés le 19 janvier 2018 entre Madame [O] [W] et Madame [I], autre collaboratrice : cette dernière, s’adressant à ‘Soso’, la sollicite pour valider un projet de mail à envoyer à la salariée ainsi rédigé : ‘ Bonjour [J]. [T] vient de m’informer que ton arrêt maladie vient d’être prolongé par ton médecin jusqu’au 30 janvier 2018. [J’espère que tu vas vite te rétablir et : cette partie de phrase est barrée ] je te souhaite mes meilleurs voeux pour 2018,[ surtout une bonne santé ! : partie de phrase également barrée ] ELLE N’EST PAS MALADE !!!! je reviens vers toi concernant ton rendez-vous du 28/12/17 avec l’agent comptable des impôts. Vont-ils pouvoir procéder à une main levée ‘ La fin du mois approche et je suis tenue légalement à pratiquer une retenue sur le salaire si je n’ai pas de main levée des impôts. Tu me tiens au courant stp ‘ A défaut de recevoir des informations précises, je serai obligée de pratiquer la saisie sur la paie de janvier sachant que j’ai déjà décalé d’un mois. [ Bon rétablissement et : cette partie de phrase est barrée ] bonne fin de journée’ ; la réponse de la supérieure hiérarchique est la suivante : ‘ Tu fais comme tu veux, mais voilà ce que je ferai. Pas trop de sollicitude elle n’est absolument pas malade elle profite juste du système et c’est exaspérant en attendant, on ne s’organise pas vraiment. Bisous bisous’ ; et la collaboratrice de répliquer : ‘Ok c’est vrai qu’elle nous met dans la galère et elle s’en fout ! Merci pour tes corrections. Je vais être factuelle tu as raison. Je fais partir tes corrections. Des bisous.’ ; puis, après avoir reçu un mail en réponse de la salariée remerciant sa collègue pour ses voeux et lui adressant les siens, et lui indiquant qu’il vaut mieux procéder aux retenues dès le mois de janvier 2019 tout en la remerciant d’avoir eu la gentillesse de décaler d’un mois la saisie, cette même collègue envoie cette réponse à Madame [W] qui fait le commentaire suivant : ‘Elle m’exaspère !!! tu lui retiens aussi son avance comme convenu, plus aucun kdo à cette C…’ ; ce à quoi la collaboratrice ajoute : ‘ Oui c’était prévu, je l’ai déjà noté dans mes tableaux ! Allez ma soso, te rends pas malade pour elle ; elle n’en vaut pas la peine ! Je trouve qu’on passe déjà beaucoup de temps sur son cas ! Bisous ma bichette’ ; enfin, Madame [W] lui envoie : ‘ bisous petite [Z]’ ;
– un échange de mail le 12 février 2018 : dans le cadre d’une demande d’attestation de salaire par la salariée et d’une discussion relative à une seconde adresse de celle-ci, elle est interrogée sur la nécessité de faire figurer cette adresse comme adresse fiscale sur ses bulletins de paie, puis elle est amenée à devoir préciser qu’il ne s’agit que d’une adresse de réception de ses documents administratifs ; Madame [W] écrit à la responsable des ressources humaines: ‘[T], tu ne lui [ la salariée ] réponds plus. On lui enverra par courrier ; je la croyais très très malade, mais visiblement, elle a toute sa tête pour s’occuper de ses problèmes administratifs’ ; dans ce même contexte, une collaboratrice est destinataire d’un mail de Madame [W] dans lequel celle-ci, visant la salariée, indique, notamment : ‘C’est une vraie c…..sse!!!’; la réponse est la suivante : ‘Ok soso! Je la trouve vraiment bête, tu avais raison quand tu le disais ! Ça ne rime à rien son cinéma d’adresse !!!!’ ;
La salariée fournit également des pièces médicales dont :
– les prescriptions établies par son médecin en lien notamment avec un courrier adressé le 22 janvier 2018 par un psychologue du travail qui constate des signes cliniques typiques d’un état de stress post-traumatique de type 2, ‘reliés semble-t-il à l’accumulation de comportements hostiles vécus au travail’ ;
– le certificat médical d’un psychiatre praticien hospitalier du 13 mars 2018 qui, précisant que sa patiente a été mise en arrêt de travail par son médecin traitant depuis le 27 novembre 2017, évoque un syndrome dépressif majeur avec une asthénie importante, des troubles du sommeil, ainsi qu’une anxiété permanente, état clinique nécessitant un traitement par antidépresseurs et anxiolytiques, ajoutant que sa patiente a indiqué subir notamment des pressions et du dénigrement à son travail depuis plusieurs années, relier son état psychologique à l’ambiance délétère qui règne à son travail, et avoir résisté longtemps puis s’être effondrée ;
– des bulletins d’hospitalisation de jour ou complète en établissements spécialisés entre les mois de mars et d’août 2018 ; une fiche d’observations renseignée par un psychiatre le 30 mars 2018 à la suite d’une hospitalisation en urgence pour des ‘idées suicidaires’, le praticien mentionnant notamment l’évocation par la patiente d’un harcèlement sur le lieu de travail et le constat de réveils précoces avec idées suicidaires et anxiété.
En tenant compte des éléments médicaux, les éléments de fait précités matériellement établis, considérés ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
L’employeur n’apporte pas d’éléments de nature à démontrer que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L’employeur fait valoir que :
– les personnes n’ont rien constaté des agissements dénoncés ; quand ces attestations corroborent l’existence d’une souffrance au travail ;
– l’attitude de Madame [W] était tolérante et respectueuse lors de reproches au sujet de l’exercice de ses fonctions et de nombreux retards et absences de la salariée que montrent soixante échanges de mails et Sms entre 2013 et 2016 ; alors qu’il s’infère de l’examen des pièces produites par l’employeur sur la période de 2012 à 2017, d’une part, que la supérieure hiérarchique n’a pas considéré devoir aller au-delà de simples interrogations, observations ou critiques ponctuelles sur le travail réalisé par la salariée après que celle-ci ait fait valoir ses arguments, des justifications, le cas échéant en faisant état de difficultés objectives dans l’exécution de ses missions, s’agissant notamment, dans ses dernières fonctions, de la problématique des fournitures dont les conditions de leur réception et de leur acheminement dans les locaux, d’autre part, que les retards ou les absences sont d’un nombre peu significatif sur l’ensemble de la période, qu’ils ont été portés à la connaissance de Madame [W], que les retards étaient surtout justifiés par des difficultés de dernière minute en matière de transport ou de prise en charge de ses enfants, et que ses absences étaient liées à son état de santé ;
– la salariée était satisfaite d’un changement de ses fonctions qui constituait pour elle une promotion ; or, les conditions dans lesquelles cette modification est intervenue et se sont successivement additionnées les tâches mises en cause, résultent de l’existence, ou de l’absence, de décisions prises par l’employeur, attitude que ce dernier ne justifie nullement par des éléments objectifs, notamment organisationnels, alors que le processus d’acceptation et de formalisation de l’affectation que l’employeur s’est finalement résolu à lui proposer s’inscrivait dans une problématique plus générale et ancienne qui trouvait son origine dans ses difficultés d’intégration dans le service placé sous l’autorité de Madame [W] que l’employeur n’ignorait pas et qui avaient évolué négativement au point de se transformer en un véritable sentiment d’exclusion au sein de l’équipe faute d’avoir été traitées sérieusement, et si des tensions sont apparues dès la prise des nouvelles fonctions, celles-ci s’expliquent par le maintien de la salariée sous l’autorité hiérarchique de Madame [W] et les décisions inexistantes ou inadaptées de l’employeur qui les généraient ou les amplifiaient faute de définition préalable et précise, comme de la mise en oeuvre, d’une organisation établie et pérenne permettant de les éviter, l’existence de telles tensions étant mise en exergue par l’enquête interne au cours de laquelle certains employés ont déclaré en avoir été les témoins de manière ponctuelle ; de plus, l’employeur n’apporte aucune réponse pertinente quant au lien établi par Madame [W] elle-même, entre la concrétisation d’un changement de fonctions et la nécessité pour la salariée de devoir accomplir de plus en plus de tâches qui, au-delà de leur aspect en partie peu valorisant, étaient contraignantes voire susceptibles de créer un risque en matière de santé et sécurité au travail, concernant notamment la logistique propre à assurer la réception et le traitement des fournitures, que l’employeur ne démontre pas n’avoir pu être volumineuses ; d’ailleurs, le seul avertissement prononcé à l’encontre de la salariée, le 17 novembre 2017, est principalement relatif à la prise en charge d’une commande de fournitures, Madame [W] lui reprochant, outre l’affirmation très générale et péremptoire d’avoir pris le parti d’adopter une lecture toute personnelle du cadre de ses fonctions, d’avoir, le 14 novembre 2017, omis de réceptionner des fournitures à l’arrivée d’un coursier et de se désintéresser de la gestion des coursiers en reportant cette charge sur le seul régisseur, lequel serait ‘passablement accaparé’, Madame [W] voyant également dans le refus de la salariée, qui estimait qu’il ne lui appartenait pas de s’en charger, de commander un bouquet de fleurs pour ‘Mme [V] [M] à la demande du programmateur de l’émission Le Tube’, constituait une autre illustration de l’ ‘exécution défaillante’ de ses missions ; par mail du 27 novembre 2017, la salariée a considéré que son travail était disqualifié par sa supérieure hiérarchique et plus généralement que le contenu de la lettre d’avertissement l’affectait, se sentant profondément ‘meurtrie’, étant atteinte dans son intégrité, indiquant avoir toujours eu à coeur de remplir sa fonction d’assistante avec passion, sérieux, enthousiasme et bienveillance, ajoutant ne pouvoir faire autrement que d’être arrêtée jusqu’au 3 décembre ; sa lettre de contestation de l’avertissement, qu’elle explique n’être intervenue que le 30 janvier 2018 en raison de son état dépressif réactionnel, décrit précisément des situations de management dysfonctionnels et les conditions particulières qui ont entouré la signature litigieuse de son avenant, dont le lien entre le manque rédactionnel et organisationnel de ses missions et la problématique récurrente de la réception des commandes, tous arguments que Madame [W] considérera comme contraires à la réalité des faits et ‘au mieux inopérants’ tout en déplorant l’attitude que la salariée lui prête en l’invitant à plus de mesure à l’avenir, tenant à lui rappeler là encore de façon très générale et affirmative, sans ne laisser aucune place à la discussion ou à l’apaisement sur ce point, avoir, évoquant la société et elle-même, soutenu la salariée dans l’exercice de ses fonctions, être restées à son écoute et s’être montrées soucieuses de répondre à l’ensemble de ses demandes et interrogations ;
– la supérieure hiérarchique de la salariée n’a eu aucun comportement de nature à la discréditer ou à la défavoriser par rapport à ses collègues ; ce que contredisent exactement les mails produits par la salariée alors qu’aucun élément, pas davantage l’enquête interne, ne permet de démontrer que la teneur de ces échanges de mails était justifiée et proportionnée, des tensions pesant sur le manager eussent-elles existé notamment en raison d’anomalies organisationnelles et de positionnement de la part de sa propre hiérarchie ; au-delà des tensions ponctuelles également générées par des dysfonctionnements structurels, l’attitude provocatrice et irrespectueuse de la salariée à l’égard de sa hiérarchie ne ressort pas à suffisance des éléments fournis, notamment d’attestations, dont celles de collaboratrices concernées par les mails litigieux, rédigées pour la plupart dans des termes très généraux et peu circonstanciées ; de même, il n’est nullement justifié de décisions objectivement favorables à la salariée marquant une réelle progression dans sa carrière et son positionnement au sein de l’entreprise au bout de plusieurs années ; et si les résultats de l’enquête interne vont dans le sens, d’une part, d’une reconnaissance des qualités professionnelles et relationnelles de Madame [W] et de sa situation personnelle au regard d’une problématique nécessairement impactante, toutes constatations qui ne sont pas remises en question sauf les aspects dysfonctionnels de son management, d’autre part, d’une non-verbalisation du malaise relationnel vis-à-vis de sa supérieure hiérarchique et de son isolement au sein de l’équipe, il en ressort néanmoins que des difficultés d’intégration dans l’équipe soumise à l’autorité hiérarchique de Madame [W] avaient été portées à la connaissance de l’employeur et que la relation est devenue plus conflictuelle lors de la prise de fonctions d’assistante de direction en raison du fait que la salariée n’acceptait pas le rôle hiérarchique de ‘[O]’ ; enfin, s’agissant plus particulièrement des mails produits par la salariée, l’employeur n’apporte pas d’élément objectif de nature à justifier des décisions stigmatisantes et une répétition de comportements éminemment dénigrants voire hostiles qu’ils révèlent à l’encontre de celle-ci ;
– les pièces médicales n’établissent aucun lien entre l’état de santé décrit et les conditions de travail de la salariée dans l’entreprise, et son état dépressif est antérieur à son engagement et celui-ci perdure ; quand pourtant l’état psychique dégradé de la salariée a été successivement objectivé par plusieurs médecins dont des psychiatres, notamment dans le cadre d’hospitalisations dans des établissements spécialisés, tous diagnostics concomitants aux situations de harcèlement moral dénoncées et que les médecins, sans indiquer avoir eux-même constaté de telles situations, n’ont pas affirmé avoir pour origine une pathologie précédente ni devoir être détachés du contexte professionnel dégradé évoqué par leur patiente, en considération notamment du constat d’un état post-traumatique et de manifestations spécifiques jusqu’à des idées suicidaires associées par la patiente à un harcèlement moral subi au travail.
Le harcèlement moral dès lors subi par la salariée justifie l’allocation d’une somme de 5000 euros nets réparant intégralement son préjudice, celle-ci n’apportant pas d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte en application des dispositions alors en vigueur des articles L 1132-1 et suivants du code du travail.
En conséquence, le jugement entrepris est également infirmé sur ces points.
Sur le non-respect de l’obligation de prévention du harcèlement moral et plus généralement de l’obligation de sécurité :
Si le règlement intérieur du 19 octobre 2012 reprend des dispositions du code du travail relatifs au harcèlement moral, l’employeur ne justifie d’aucune action concrète de prévention du harcèlement moral. Pareillement, alors que l’enquête interne met en exergue l’existence d’alertes sur des difficultés d’intégration dans le service dirigé par Madame [W] avant même la modification de ses fonctions, et qu’il y est précisé que la relation est devenue plus conflictuelle lorsque la salariée a pris ses dernières fonctions, l’employeur ne justifie pas de la mise en oeuvre de mesures de prévention spécifiques utiles afin d’éviter qu’un éventuel conflit entre les deux salariées concernées ne dégénère, pas même d’une information, voire d’une incitation, pour la mise en oeuvre d’une médiation prévue par le règlement intérieur. L’employeur n’a pas davantage réagi promptement et efficacement pour assurer la sécurité et la santé de la salariée et pour éviter tout risque à cet égard, dès lors qu’à la suite des dernières dénonciations l’informant d’une situation de souffrance au travail et de risques psychosociaux, il a tardé à y répondre par le déclenchement d’une enquête interne près de deux mois après en avoir été saisi, cette enquête ayant été menée par un assistant de production membre de la délégation unique du personnel et la responsables des ressources humaines. Il ne démontre pas avoir tout mis en ‘uvre pour que la situation de mal être et de malaise relationnel avec sa supérieure hiérarchique directe puisse être traitée au mieux des intérêts de la subordonnée puisqu’il n’a concrètement et opportunément réagi qu’au rappel formel et insistant de ses obligations en la matière par l’inspection du travail après avoir considéré, à réception du courrier du psychologue du travail du 16 février 2018, qu’un simple ‘ressenti’ ne devait appeler aucune réponse de sa part au-delà de sa seule mise à disposition de la salariée pour en discuter.
L’employeur a donc manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral, plus généralement, à son obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la prévention et la protection de la santé physique et mentale de la salariée en application de l’article L 4121-1 du code du travail.
Le préjudice moral distinct en résultant doit être indemnisé par l’octroi d’une somme de 2000 euros nets au titre de dommages et intérêts.
Le jugement entrepris est encore infirmé.
Sur la nullité du licenciement et ses conséquences financières :
En raison du harcèlement moral subi par la salariée, son licenciement doit être déclaré nul en application de l’article L 1152-2 du code du travail dès lors qu’il lui est essentiellement reproché
d’avoir été ‘manifestement animée d’une volonté de rétorsion’ dans la dénonciation de ‘ prétendus faits de harcèlement moral’ qu’elle savait ‘pourtant inexistants’.
Au vu des éléments d’appréciation, dont les éléments de calcul, la salariée est bien fondée en ses demandes en paiement d’une indemnité de préavis, d’un montant de 4800 euros bruts, outre 480 euros bruts de congés payés afférents, en application des articles L. 1234-1 et L.1234-5 du code du travail, ainsi que d’une indemnité légale de licenciement, d’un montant de 4200 euros nets conformément aux dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-1 du même code.
Par application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail et au vu des éléments fournis, il y a lieu d’allouer à la salariée, qui ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail, la somme de 28800 euros nets (douze mois de salaire brut mensuel de référence) à titre d’indemnité pour licenciement nul.
Sur les frais irrépétibles :
En équité, il n’y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au profit de la salariée à laquelle la somme de 2500 euros sera allouée de ce chef pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Sur les dépens :
Les entiers dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de l’employeur, partie succombante pour l’essentiel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Ecarte des débats la pièce n°100 produite par Madame [X] [J] [R].
Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter les autres pièces énumérées à cette fin par la société Flab Prod.
Dit que Madame [X] [J] [R] a subi un harcèlement moral.
Condamne la société Flab Prod à payer à Madame [X] [J] [R] la somme de 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Dit que la société Flab Prod n’a pas respecté son obligation de sécurité.
Condamne la société Flab Prod à payer à Madame [X] [J] [R] la somme de 2000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité.
Dit nul le licenciement de Madame [X] [J] [R].
Condamne la société Flab Prod à payer à Madame [X] [J] [R] les sommes suivantes :
– 4800 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,
– 480 euros bruts de congés payés afférents,
– 4200 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 28800 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Condamne la société Flab Prod à payer à Madame [X] [J] [R] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties pour le surplus.
Condamne la société Flab Prod aux entiers dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Juliette DUPONT, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,