Production Audiovisuelle : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00108

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Production Audiovisuelle : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00108

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00108 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EUPC.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 03 Février 2020, enregistrée sous le n° 19/00037

ARRÊT DU 05 Janvier 2023

APPELANTE :

Madame [T] [V] épouse [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me QUILICHINI, avocat substituant Maître MAGESCAS, avocat postulant au barreau d’Angers et par Maître Lara BAKHOS, avocat plaidant au barreau de RENNES

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L’AN JOU ET DU MAINE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe LUCAS de la SELARL SULTAN – LUCAS – DE LOGIVIERE – PINIER – POIRIER, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 180292

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 05 Janvier 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine (CRCRAM de l’Anjou et du Maine) applique la convention collective nationale du Crédit Agricole.

Mme [T] [V], épouse [X] a été embauchée par la CRCRAM de l’Anjou et du Maine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’agent commercial qualifié affecté à l’agence de [Localité 10] à compter du 2 janvier 2007.

Mme [X] va successivement occuper des fonctions de conseillère commerciale puis de conseillère des particuliers dans les agences de [Localité 9], [Localité 10], [Localité 5], [Localité 7], [Localité 6] Cathédrale puis [Localité 6] Centre avec des périodes de congé parental à temps partiel du 3 septembre 2013 au 20 septembre 2014 puis du 24 mars 2015 au 30 mars 2016.

Le 15 septembre 2015, Mme [X] a été nommée conseillère des particuliers à l’agence de [Localité 6] centre dirigée par M. [P] [E].

Par courrier du 21 janvier 2017 adressé à M. [E] et à M. [R], directeur de région, Mme [X] s’est plainte du comportement de M. [E] à son égard.

À la suite de ce courrier, M. [R] et Mme [H] [C], responsable des ressources humaines, ont proposé de rencontrer Mme [X].

Différents courriels ont été échangés au cours du mois de février 2017 entre Mme [C] et Mme [X] concrétisant un accord de principe pour la mise en place d’une mesure de médiation.

Le 18 avril 2017, une convention de médiation a été établie mais les différentes réunions de médiation ont été reportées en raison des arrêts de travail de Mme [X].

Parallèlement, des anomalies décelées dans la gestion de dossiers par Mme [X] ont conduit la CRCRAM de l’Anjou et du Maine, par courrier du 14 août 2018, à la convoquer à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement initialement fixé le 28 août 2018 puis reporté au 4 septembre 2018.

Par courrier du 6 septembre 2018, la CRCRAM de l’Anjou et du Maine a convoqué Mme [X] devant le conseil de discipline le 18 septembre 2018 et l’a mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée du 24 septembre 2018, la CRCRAM de l’Anjou et du Maine a notifié à Mme [X] son licenciement pour faute grave.

Invoquant la nullité et subsidiairement l’absence de toute cause réelle et sérieuse de son licenciement, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Laval le 25 mars 2019 pour obtenir la condamnation de la CRCRAM de l’Anjou et du Maine, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, des indemnités de rupture, d’un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire, outre un rappel de salaire au titre d’un solde du 13ème mois ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 3 février 2020, le conseil de prud’hommes de Laval a :

– dit que la procédure de licenciement engagée à l’encontre de Mme [X] est régulière;

– dit que le licenciement de Mme [X] notifié le 24 septembre 2018 repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

– débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la CRCRAM de l’Anjou et du Maine de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [X] aux dépens de l’instance.

Pour statuer ainsi, le conseil de prud’hommes a notamment considéré que Mme [X] n’avait jamais fait part d’une quelconque difficulté relative au comportement de M. [E] au service des relations humaines de la CRCRAM de l’Anjou et du Maine ou à ses supérieurs hiérarchiques, qu’elle s’est dérobée à la mesure de médiation et qu’enfin, personne n’avait été témoin d’agissement de harcèlement moral à l’égard de la salariée ou d’un autre collaborateur du Crédit agricole.

Il a par ailleurs estimé que les comptes gérés par Mme [X] comportaient de nombreuses anomalies, en particulier s’agissant de celui des époux [K], et que la salariée n’avait pas respecté plusieurs dispositions du règlement intérieur du Crédit agricole.

Mme [X] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 27 février 2020.

La CRCRAM de l’Anjou et du Maine a constitué avocat en qualité de partie intimée le 3 mars 2020.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 novembre 2021.

Par un arrêt du 17 mars 2022, la présente cour a révoqué partiellement l’ordonnance de clôture du 17 novembre 2021 afin que les parties présentent leurs observations écrites sur la recevabilité de l’exception de procédure soulevée devant la cour par la CRCRAM de l’Anjou et du Maine et prononcé la réouverture des débats à l’audience du conseiller rapporteur du 15 septembre 2022.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 septembre 2022 et l’affaire a été fixée in fine à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale du 10 octobre 2022.

*

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [X], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 9 septembre 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

Sur la réouverture des débats :

– débouter toutes les demandes, fins et conclusions de la CRCRAM de l’Anjou et du Maine ;

– à titre principal, se déclarer incompétente pour connaître de l’irrégularité pour vice de forme et subsidiairement prononcer la recevabilité de sa déclaration d’appel au regard de l’absence de griefs.

En conclusion :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 3 février 2020 en toutes ses dispositions ;

– dire et juger qu’elle a été victime de harcèlement moral ;

– condamner la CRCRAM de l’Anjou et du Maine au paiement d’une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

– dire et juger que son licenciement est nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse ;

– en conséquence, condamner la CRCRAM de l’Anjou et du Maine à lui payer :

* une indemnité nette de 30 000 euros pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

* une somme de 5 954,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 595,49 euros de congés payés afférents ;

* une somme de 1 143,68 euros au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire outre 114,37 euros de congés payés y afférents ;

* une somme de 1 288,99 euros à titre de solde de 13ème mois ;

* une somme de 636,76 euros de prime de vacances ;

* une indemnité de licenciement de 21 707,78 euros ;

* une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire;

* une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– ordonner la délivrance sous astreinte de 50 euros par jour de retard des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir ;

– condamner la CRCRAM de l’Anjou et du Maine aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d’exécution.

À titre liminaire, Mme [X] fait valoir que sa déclaration d’appel ne se contente pas de mentionner un appel ‘total’ mais sollicite l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et vise expressément les demandes présentées devant le conseil de prud’hommes . Elle considère ainsi que les chefs de jugement critiqués sont identifiés de sorte que la dite déclaration, laquelle n’avait pas pour objet ‘appel total’ n’a rien d’implicite.

La salariée ajoute que seul le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure lequel a été dessaisi le 17 novembre 2021, date de l’ordonnance de clôture.

En tout état de cause, elle rappelle que l’absence de mention des chefs du jugement critiqués constitue une irrégularité de forme imposant à la CRCRAM de l’Anjou et du Maine de justifier d’un grief résultant de l’absence des chefs de jugement expressément critiqués, grief aucunement établi.

Enfin, Mme [X] souligne que faire application des articles 542 et 562 du code de procédure civile de manière automatique dans le cadre d’une procédure d’appel initiée depuis plus de deux ans et demi serait faire preuve d’un excès de formalisme au détriment de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme et du droit à un procès équitable.

Sur le fond, Mme [X] fait valoir qu’elle a subi une situation de harcèlement de la part de M. [E] consistant en des ‘persécutions, mépris et pressions continuelles, remarques désobligeantes et vexatoires en public, propos dévalorisants et reproches incessants’ et rappelle qu’elle a dénoncé ces faits dans sa lettre du 21 janvier 2017 destinée à M. [E] et M. [R]. Elle relève que la procédure de médiation n’a pas permis de mettre un terme au comportement de M. [E] et que son époux, M. [X], constatait quotidiennement les conséquences de ce harcèlement sur son état de santé.

La salariée affirme ensuite que son employeur est resté passif face à cette situation en ne saisissant pas le médecin du travail et en ne sollicitant aucune enquête auprès du CHSCT. Elle précise qu’elle a rencontré le médecin du travail le 27 janvier 2017 de sa propre initiative et qu’aucune visite médicale n’a été organisée par son employeur entre le 14 juin 2011 et la date de son licenciement, faisant valoir que l’employeur a délibérément omis d’organiser une visite de reprise pourtant obligatoire après un congé de maternité ou une absence pour maladie de plus de trente jours.

Mme [X] fait observer que ‘nul ne peut se constituer de preuve à soi-même’ et sollicite le rejet de l’attestation de M. [E] soulignant par ailleurs que les autres attestations produites par son employeur comportent des termes et expressions similaires laissant penser qu’elles ont été dictées à leurs auteurs.

Elle fait également valoir que le comportement de M. [E] a entraîné la dégradation de son état de santé, la prise d’un traitement anxiolytique et la consultation régulière d’une infirmière au Centre Hospitalier de [Localité 6].

Mme [X] assure que la CRCRAM de l’Anjou et du Maine a ainsi manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure pour mettre un terme à la situation de harcèlement dont elle s’estime victime et assure que la dénonciation de ce harcèlement est la véritable cause de son licenciement lequel doit par conséquent être déclaré comme étant nul.

La salariée estime par ailleurs que la motivation retenue par le conseil de prud’hommes est en contradiction avec les éléments objectifs du dossier, affirmant avoir saisi le service des ressources humaines et ne pas s’être dérobée à la mesure de médiation.

À titre subsidiaire, Mme [X] considère que la demande de sa direction par téléphone de ne pas regagner son agence à la suite de l’entretien préalable du 4 septembre 2018 constitue un licenciement verbal nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Mme [X] conteste ensuite les griefs qui lui sont reprochés.

Elle affirme d’une part qu’elle n’a commis aucune faute concernant le dossier des époux [L] dans la mesure où il était géré par l’agence de [Localité 8] et qu’elle avait la seule gestion du compte de M. [L] qui ne présentait aucune anomalie. Mme [X] ajoute qu’elle ne peut être incriminée pour un chèque rejeté en juin 2019 alors qu’elle a été licenciée en septembre 2018.

La salariée soutient d’autre part que la CRCRAM de l’Anjou et du Maine est défaillante à prouver des irrégularités s’agissant du dossier [Z].

Mme [X] indique enfin qu’elle n’a pas ‘rapatrié’ le dossier de M. [K], associé de son mari, dans son portefeuille de clients et rappelle que le transfert de compte des époux [K] a été validé par M. [E]. Mme [X] prétend

que M. [E] était informé depuis 2016 du suivi des époux [K] et de l’association entre M. [K] et son époux au sein de la société AM Events. Elle assure en conséquence que la prétendue situation de conflit d’intérêts ayant servi de fondement à son licenciement est prescrite.

En tout état de cause, Mme [X] affirme qu’il n’y avait pas de situation de conflit d’intérêt puisqu’elle n’avait pas la gestion du compte de la société AM Events et qu’aucun manquement au règlement intérieur n’a été commis. Elle estime in fine qu’elle ne peut être discréditée en raison du non-respect par les époux [K] de leurs engagements.

*

La CRCRAM de l’Anjou et du Maine, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 23 août 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

À titre principal :

– se déclarer compétente pour statuer sur l’absence d’effet dévolutif de l’appel de Mme [X] ;

– déclarer et juger que la cour n’est saisie d’aucune demande en ce que l’appelante ne mentionne pas, dans sa déclaration d’appel, les chefs expressément critiqués du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Laval le 3 février 2020 ;

– juger que l’acte d’appel de Mme [X] est dépourvu de tout effet dévolutif ;

– constater en conséquence l’absence d’effet dévolutif de l’appel interjeté par Mme [X] ;

– constater que la cour d’appel n’est pas saisie et dire n’y avoir lieu de statuer en l’absence d’effet dévolutif de l’appel ;

– condamner Mme [X] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

À titre subsidiaire, sur le fond :

– dire l’appel mal fondé et le rejeter ;

– confirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Laval du 3 février 2020 en ce qu’il a débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens ;

– la débouter de sa demande de 10 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

– dire et juger que son licenciement n’est pas nul, qu’il n’est pas sans cause réelle et sérieuse mais est fondé sur une faute grave et la débouter de sa demande de 30 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, de sa demande de 5 954,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de sa demande de 595, 49 euros de congés payés afférents, de sa demande de 1 143,68 euros au titre du salaire durant la mise à pied conservatoire, de sa demande de 114, 37 euros au titre des congés payés afférents, de sa demande de 21 707, 78 euros d’indemnité de licenciement;

– débouter Mme [X] de sa demande de 1 288,99 euros pour le solde du 13e mois, de sa demande de 636,76 euros de prime de vacances ;

– débouter Mme [X] de sa demande de 3000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

– si, par impossible, la cour jugeait le licenciement de Mme [X] nul ou sans cause réelle et sérieuse, réduire ses demandes de dommages et intérêts à de plus justes et légitimes proportions en fonction du préjudice réellement subi et démontré par elle et réduire son indemnité de préavis, laquelle ne peut excéder la somme de 4 378 euros ;

– infirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Laval du 3 février 2020 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [X] à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner Mme [X] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

À titre principal, la CRCRAM de l’Anjou et du Maine rappelle avant tout examen au fond que la déclaration d’appel de Mme [X] mentionne comme objet ‘infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Laval du 3 février 2020 en toutes ses dispositions’ et que ses demandes listées ensuite ne correspondent pas aux chefs de jugement critiqués de sorte que l’effet dévolutif de l’appel ne peut opérer.

À titre subsidiaire, la CRCRAM de l’Anjou et du Maine soutient que Mme [X] ne présente aucun fait matériel laissant présumer des actes de harcèlement moral de M. [E] à son encontre. Elle indique d’une part que le courrier du 21 janvier 2017 n’établit pas la réalité du harcèlement et d’autre part, que Mme [X] ne peut se constituer de preuve à elle-même. Elle considère ensuite que le courrier de M. [X] du 23 mai 2017 est subjectif et ne permet pas plus d’étayer les accusations de harcèlement. Elle rappelle que ce dernier ne travaillait pas à l’agence et qu’il ne pouvait être témoin des relations de travail entre sa femme et M. [E].

L’employeur soutient par ailleurs qu’aucun manquement n’a été commis concernant la visite médicale de reprise soulignant que Mme [X] n’a pas repris le travail à la suite de son congé maternité puisqu’elle a été placée en congé conventionnel d’allaitement du 23 mai au 31 juillet 2018, puis en congés payés jusqu’au 1er septembre suivant.

Il fait ensuite observer que le dossier médical produit ne démontre aucun harcèlement moral à l’encontre de la salariée et qu’aucun lien n’est établi entre les conditions de travail de Mme [X] et son état de santé.

La CRCRAM de l’Anjou et du Maine conteste l’affirmation selon laquelle elle aurait été passive et rappelle que M. [E] a été entendu avant la mise en place d’une mesure de médiation et qu’elle a saisi le médecin du travail et Mme [I], secrétaire du CHSCT. Elle indique ensuite que Mme [X] a tout fait pour ralentir et éviter la mesure de médiation proposée allant jusqu’à se dérober à cette mesure afin de ne pas avoir à s’expliquer sur les accusations portées contre M. [E]. Elle conclut sur ce point qu’aucun des éléments présentés par Mme [X] ne laisse supposer l’existence d’un harcèlement moral dans la mesure où ils ne sont ni précis, ni établis et qu’ils reposent sur des affirmations vagues et générales.

Elle affirme que le licenciement ne trouve pas son origine dans des prétendus faits de harcèlement et qu’en conséquence, l’action en nullité de licenciement de Mme [V] n’est pas fondée.

La CRCRAM de l’Anjou et du Maine assure ne pas avoir procédé à un licenciement verbal. Elle soutient qu’elle a décidé d’un commun accord avec Mme [X] et dans son intérêt, de la placer en congé rémunéré et non décompté de son compteur du 4 au 11 septembre 2018 afin de mener les investigations nécessaires.

Elle prétend alors que le licenciement de Mme [X] est justifié par les fautes graves commises dans les dossiers [K], [L] et [Z].

Concernant le dossier des époux [K], l’employeur indique que Mme [X] ne démontre pas la connaissance par M. [E] du transfert de ce dossier dans son portefeuille de clients et il assure alors que la procédure a été initiée moins d’un mois après sa connaissance des faits fixée le 27 juillet 2018. Sur le fond, il fait observer que la salariée a enfreint l’article 29 du règlement intérieur – conflit d’intérêts – en ne déclarant pas les liens d’associés existant entre son époux et M. [K] soulignant en tout état de cause que le compte a présenté des anomalies de gestion. Elle ajoute qu’elle n’a pas respecté l’article 15 du même règlement en ne se conformant pas aux consignes et aux prescriptions transmises par voie hiérarchique et par circulaire et recueil.

La CRCRAM de l’Anjou et du Maine soutient par ailleurs que Mme [X] avait bien en gestion le compte des époux [L] soulignant qu’elle a demandé le transfert de ce compte à l’agence de [Localité 6] Centre dans son portefeuille le 22 mai 2017 et qu’elle a modifié la situation réelle du client afin de garder le dossier sous sa délégation.

Elle reproche également à Mme [X] plusieurs anomalies sur les compte des époux [Z].

Enfin, la CRCRAM de l’Anjou et du Maine relève que Mme [X] n’indique pas les circonstances qui auraient rendu le licenciement vexatoire et qu’elle ne prouve pas son préjudice.

***

MOTIVATION

– Sur l’effet dévolutif de l’appel :

Selon l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.

En application des articles L. 311-1 du code de l’organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d’appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur l’absence d’effet dévolutif, à l’exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l’article 914 du code de procédure civile (2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 21-10.685 ; 2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-20.936 ).

Par ailleurs, en application de l’article 901 du code de procédure civile, la déclaration d’appel doit comporter, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

La déclaration d’appel affectée d’une irrégularité, en ce qu’elle ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile.

Ces règles encadrant les conditions d’exercice du droit d’appel dans les procédures dans lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d’ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d’accès au juge d’appel et dès lors ne méconnaissent pas les dispositions de l’article 6,§ 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( en ce sens : 2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528 ; 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954).

En application des règles précitées, la déclaration d’appel qui ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués peut être sanctionnée de deux manières, soit par le prononcé de la nullité de la déclaration d’appel par le conseiller de la mise en état, soit par l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel qui ne saisit pas la cour.

Si l’intimée pouvait se prévaloir de la nullité de la déclaration d’appel pour vice de forme uniquement devant le conseiller de la mise en état, il reste qu’il appartient exclusivement à la présente cour de statuer sur l’effet d’évolutif de l’acte d’appel de Mme [X].

La déclaration d’appel adressée par voie électronique le 27 février 2020 est libellée en ces termes : ‘Appel limités aux chefs de jugement expressément critiqués : infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Laval du 3 février 2020 en toutes ses dispositions. Dire et juger que Mme [X] a été victime de harcèlement moral. Condamner en conséquence la CRCRAM de l’Anjou et du Maine au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral. (…)Condamner la CRCRAM de l’Anjou et du Maine aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d’exécution. SOUS TOUTES RESERVES’.

L’acte d’appel de Mme [X] se limite d’une part, à solliciter l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions sans les énoncer une à une et d’autre part, à reprendre ses demandes présentées par l’appelante devant le conseil de prud’hommes.

Il n’est nullement prétendu que l’appel tendrait à l’annulation du jugement entrepris, ni que l’objet du litige serait indivisible.

Or, la déclaration d’appel qui se borne à solliciter la réformation et/ou l’annulation de la décision sur les chefs qu’elle énumère alors que l’énumération consiste au seul énoncé des demandes formulées devant le premier juge, ne saisit la cour d’aucun chef du dispositif du jugement (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954).

Mme [X] n’a pas énoncé dans l’acte d’appel chacun des chefs du dispositif du jugement qu’elle entendait voir remettre en discussion devant la cour d’appel, et la demande d’infirmation de toutes les dispositions du jugement même accolée à l’énumération de ses demandes formulées en première instance ne saurait suppléer cette carence.

De surcroît, la déclaration d’appel n’a pas été régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile.

Dès lors, il y a lieu de constater que la déclaration d’appel, en ce qu’elle n’énonce pas ni n’énumère expressément les chefs de jugement critiqués, est dépourvue d’effet dévolutif et ne saisit la cour d’aucune demande.

-Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Mme [X] sera condamnée au paiement des dépens d’appel.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties.

***

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

– Dit que la présente cour est compétente uniquement pour statuer sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel de Mme [T] [X] née [V] alors que la connaissance d’une irrégularité sanctionnée par la nullité de la déclaration d’appel relève de la seule compétence du conseiller de la mise en état ;

– Constate l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel adressée par voie électronique le 27 février 2020 par Mme [T] [X] née [V] ;

– Rejette les demandes présentées par les parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne Mme [T] [X] née [V] aux dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN M-C. DELAUBIER

 


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