Production Audiovisuelle : 31 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01204

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Production Audiovisuelle : 31 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01204

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/01204 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M3VB

[D]

C/

Caisse CAF DU RHONE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 24 Janvier 2020

RG : F 18/02771

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 31 MARS 2023

APPELANTE :

[Y] [D]

née le 16 Juillet 1971 à [Localité 2] 3ème

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

CAF DU RHONE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat POSTULANT INSCRIT au barreau de LYON, et représentée par Me Christophe BIDAL, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Janvier 2023

Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 31 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en date du 24 janvier 2020 ;

Vu la déclaration d’appel transmise par voie électronique le 14 février 2020 par Mme [Y] [D];

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 16 novembre 2022 par Mme [D];

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 7 décembre 2022 par la Caisse d’allocations familiales (CAF) du Rhône ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 décembre 2022 ;

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

SUR CE :

Attendu que, si Mme [D] a interjeté appel des dispositions du jugement rejetant ses demandes de dommages et intérêts pour non-fourniture du travail convenu, pour rétrogradation illicite, pour modification unilatérale du contrat de travail, pour non-respect de l’obligation de formation et pour non-respect des visites médicales et si dans ses conclusions elle demande l’infirmation de ces dispositions, elle ne formule ensuite aucune réclamation chiffrée à ces cinq titres ; que la cour constate dès lors que ces cinq demandes ne sont pas maintenues en cause d’appel sous cette appellation ; qu’elle statuera en revanche sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail dans le cadre de laquelle une modification unilatérale du contrat de travail est reprochée ;

– Sur l’annulation de la rétrogradation et le rappel de salaire :

Attendu que Mme [D] invoque à ce titre l’irrégularité, le mal-fondé et l’absence d’acceptation de la sanction disciplinaire de rétrogradation dont elle a fait l’objet le 20 janvier 2017 ;

Attendu, sur le premier point, qu’aux termes de l’article 48 de la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale : ‘Aucune des sanctions disciplinaires, au sens de l’article L. 122-40 du code du travail, ne peut être infligée au salarié sans que celui-ci soit informé dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui. / Les sanctions disciplinaires sont les suivantes, à l’exclusion de toute amende ou autre sanction pécuniaire : / ‘ avertissement ; / ‘ blâme ; / ‘ suspension sans traitement avec maximum de 7 jours ouvrables ; / ‘ rétrogradation ; / ‘ licenciement avec ou sans indemnités. / Aucune de ces sanctions, antérieure de plus de 3 ans à l’engagement des poursuites disciplinaires, ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction. / a) L’avertissement et le blâme sont prononcés par la direction sur le rapport écrit établi par le responsable hiérarchique compétent après un complément d’enquête au cours duquel l’agent en cause est entendu en présence des délégués du personnel. L’agent peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. / La sanction ne peut intervenir moins de 1 jour franc, ni plus de 1 mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle doit être motivée et notifiée à l’intéressé. / b) Les trois autres sanctions sont soumises à la procédure suivante, sans préjudice des dispositions spécifiques du code du travail pour ce qui concerne le licenciement : / ‘ lorsque le directeur envisage de prendre l’une de ces trois sanctions, il doit convoquer le salarié en lui indiquant l’objet de la convocation. Au cours de l’entretien, l’agent est entendu en présence des délégués du personnel. Il peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ; l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié; /  ‘ le directeur a 5 jours ouvrés maximum à compter du jour de l’entretien pour demander la convocation du conseil de discipline ; / ‘ le conseil de discipline est convoqué par son secrétariat dans un délai de 8 jours suivant la réception de la demande de convocation du directeur de l’organisme concerné et doit se réunir dans les 15 jours suivant la réception de cette demande ; / ‘ le conseil de discipline ne peut valablement délibérer que si le quorum est atteint dans chaque collège et si la parité est assurée. À défaut, le conseil de discipline se réunit à nouveau dans un délai maximum de 8 jours francs et se prononce à la majorité des membres présents ; / ‘ les conclusions du conseil de discipline sont notifiées par écrit dans les 48 heures au directeur et à l’agent en cause ;/ ‘ en tout état de cause, la sanction ne peut intervenir avant que le conseil de discipline ne se soit prononcé sur la proposition faite par le directeur, le délai total de la procédure ne pouvant excéder 1 mois à compter de la date de l’entretien ; / ‘ le directeur prend sa décision, compte tenu des conclusions du conseil de discipline qu’il devra rappeler en tout état de cause dans la notification qui sera faite à l’agent intéressé. La sanction doit être motivée et notifiée à l’intéressé. / c) En cas de faute professionnelle susceptible d’entraîner le licenciement, le directeur peut prendre une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat avec traitement pendant 1 mois maximum, en attendant que le conseil de discipline se soit prononcé, après avoir entendu l’intéressé en présence des délégués du personnel. Le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. / En cas de faute grave au sens de la jurisprudence, le directeur peut prendre une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat et sans traitement, en attendant que le conseil de discipline se soit prononcé, après avoir entendu l’intéressé en présence des délégués du personnel. Le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Le conseil de discipline appréciera s’il y a faute grave. / Le conseil de discipline se prononcera au sujet de la sanction proposée par le directeur. / d) En cas de litige, le conseil de prud’hommes intervient, le cas échéant, dans les conditions fixées par l’article L. 122-43 du code du travail.’ ;

Attendu qu’en saisissant le conseil de discipline dans le respect du délai de 5 jours ouvrés à compter du jour de l’entretien ‘au sujet de la sanction envisagée à l’encontre de madame [D], soit un licenciement pour faute’ puis en faisant une proposition de rétrogradation, la CAF du Rhône a respecté la procédure fixée à l’article 48 de la convention collective susvisé ; que, contrairement à ce que soutient Mme [D], la caisse n’avait pas à demander un nouvel avis au conseil de discipline avant de proposer à la salariée la rétrogradation, le conseil s’étant, ainsi que l’exige le texte conventionnel, déjà prononcé sur la sanction envisagée ; que l’article 25 du règlement intérieur de la CAF n’a pas davantage été méconnu, ce texte prévoyant, tout comme la convention, que le conseil de discipline se prononce sur la sanction proposée – ce qui correspond à la sanction initialement envisagée, avant la saisine ;

Attendu que par ailleurs la circonstance qu’un administrateur était absent lors de la délibération du conseil de discipline n’est pas de nature à affecter la régularité de l’avis émis le 11 janvier 2017 dans la mesure où l’ensemble des membres du conseil a été convoqué et où le conseil était composé, non de quatre, mais de trois représentants du personnel afin d’assurer la parité ; que les dispositions de l’article 49 de la convention collective selon lesquelles le conseil de discipline composé paritairement de deux administrateurs de la région, deux agents de direction de la région, quatre représentants des employés de la région et quatre représentants des cadres de la région n’ont donc pas été violées ;

Attendu , sur le deuxième point, que la sanction est ainsi motivée :

‘Le non-respect du secret professionnel : communication à un tiers, sur un réseau social, de données confidentielles obtenues dans le cadre de l’exercice de vos fonctions.

Par mail en date du 17 novembre 2016, une allocataire, Madame [H], nous informe, en vous citant expressément, que vous avez publié sur le réseau social Facebook, des éléments sur son dossier allocataire.

Rencontrée le 23 novembre 2016 par nos services, l’allocataire a produit une copie d’une conversation Facebook, que vous avez eue avec un certain Monsieur [X], qui se trouve être l’ex-mari de l’allocataire, et dans laquelle vous vous engagez, à la demande de votre interlocuteur, à regarder le dossier de l’allocataire Madame [G] pour savoir où en est son rappel de trop-perçu de 2300 E.

Lors de notre entretien du 22 décembre 2016, vous avez expliqué que la conversation dont il est question était en réalité une conversation privée que vous avez eue avec Monsieur [X] sur [F]. Vous soupçonnez l’allocataire d’avoir utilisé les codes de la messagerie personnelle de son ex-mari pour accéder à cette conversation privée en vue de lui nuire.

Vous avez soutenu notamment n’avoir aucun intérêt à nuire à Madame [G]. En effet, vous dites ne pas la connaitre personnellement, ni Monsieur [X] d’ailleurs qui se trouve être « le mari d’une amie d’une amie ». Vous vous souvenez seulement avoir traité le dossier de la fille de Monsieur [X], [Z], concernant sa demande d’aide au logement.

Vous avez précisé que vous « n’avez pas commis de faute » car vous « n’avez jamais donné d’informations confidentielles », « n’avez jamais rentré d’informations fausses sur le dossier d’un allocataire », « n’avez voulu nuire à personne ».

Lors du conseil de discipline, vous avez précisé que votre réponse « je suis pas au boulot, je regarderais quand je reprends », formulée à l’attention de M. [X] qui vous interpellait sur la question de l’indu de son ex-femme, était une manière diplomatique de vous « débarrasser » de lui.

Les arguments que vous avez développés ne nous permettent pas de modifier notre appréciation sur la gravité des faits, supposée par la preuve d’une discussion avec un tiers sur le dossier d’un allocataire. Je vous rappelle l’obligation de secret professionnel à laquelle vous êtes tenue de par vos fonctions de technicien conseil PF ; obligation figurant tant dans votre contrat de travail en son article 5 que dans le règlement intérieur de l’organisme en son article 22, obligations par ailleurs rappelées régulièrement dans des notes internes.

La publication sur Facebook de propos déplacés envers les usagers de la Caf, en complète contradiction avec les valeurs de neutralité et de solidarité défendues par nos organismes sociaux.

Madame [G] nous a transmis également une copie écran d’un commentaire très déplacé que vous avez diffusé sur Facebook, relatif aux usagers de la Caf, et dans lequel vous utilisez le terme très péjoratif de “purification”.

Nous avons entendu les arguments que vous avez avancés pour votre défense lors de notre entretien du 22 décembre 2016 et du Conseil de discipline du 11 janvier 2017 : vous expliquez qu’en tant qu’agent Caf, vous êtes très souvent sollicitée par des personnes qui souhaitent votre aide ou avoir des informations sur leur dossier allocataire voire celui d’un proche. Elles essaient de vous soutirer des informations et « abusent de votre bienveillance ». Excédée par ces sollicitions extérieures, vous avez écrit ce message en vue de faire « le tri » dans vos amis. Vous vouliez faire le « nettoyage » entre vos vrais amis et vos faux amis, d’où le terme « purification ». Pour vous, il « n’y a aucun mal » à voir dans ce message que vous reconnaissez avoir diffusé publiquement.

Cependant, nous estimons que ces propos demeurent déplacés et qu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’image de la mission de service public dont notre organisme à la charge.

Le non-respect des consignes professionnelles relatives à la prévention des conflits d’intérêt: ingérence dans le dossier d’un allocataire ayant généré une notification d’indu.

Les recherches internes démontrent que vous avez traité le dossier de Madame [G] à deux reprises :

-Une première fois le 8 avril 2016 pour lui demander une déclaration de situation et une copie du certificat d’apprentissage d’un de ses enfants.

-Une seconde fois le 25 avril 2016 pour lui notifier un trop perçu de 2256,91 € suite aux pièces transmises par l’allocataire à votre demande sachant que cette notification d’indu ne respecte pas le formalisme en vigueur dans la mesure où le courrier ne précise ni le motif de l’indu ni la nature de la prestation concernée.

Or, il s’avère que votre intervention dans le dossier de Madame [G] n’est justifiée par aucun élément objectif :

-Aucune instance ni aucun fait nouveau depuis le 3 septembre 2014 n’appelait à intervenir sur ce dossier et encore moins à réclamer ces pièces précisément.

-Le dossier de l’allocataire dépend d’une corbeille de liquidation à laquelle vous n’êtes pas rattachée.

-Aucune consigne n’a jamais été donnée pour que vous interveniez sur une autre corbeille que la vôtre : ni le 8 avril ni le 25 avril, le service accueil n’a reçu pour consigne d’entraider un autre service susceptible de justifier votre intervention dans une corbeille autre que celle à laquelle vous êtes normalement affectée.

-Contrairement à ce que vous nous avez affirmé lors de notre entretien du 22 décembre 2016, vous n’avez jamais eu de contact direct (ni physique ni téléphonique) avec l’allocataire, seule autre dérogation susceptible de justifier votre intervention dans un dossier dont vous n’aviez pas la charge.

Ainsi, non seulement vous n’avez pas respecté les consignes de travail qui vous avaient été données mais vous ne vous êtes pas conformée aux consignes professionnelles à suivre en cas de conflit d’intérêt puisque vous avez traité délibérément le dossier d’une personne de votre entourage, au lieu d’avertir votre hiérarchie qui vous aurait dessaisie de ce dernier au profit d’une autre collègue ; consignes rappelées tant dans le règlement intérieur de l’organisme article 22 que dans des notes internes.

C’est cette conjonction de faits qui tend à démonter des manquements professionnels graves et votre refus de les reconnaître qui ont justifié ma décision de saisir le conseil de discipline régional pour avis sur la sanction envisagée.

Par votre courrier, en date du 6 janvier 2017, vous reconnaissez votre faute et vous adressez vos excuses au Directeur de la Caf. Dans ce courrier, vous présentez également vos excuses à Madame [S] [G] pour votre ingérence dans son dossier d’allocataire. Vous indiquez vous remettre à la sanction qui sera retenue tout en appelant l’indulgence, notamment au regard de votre situation familiale.

Lors du Conseil de discipline réuni en séance le 11 janvier, vous avez réitéré vos excuses et transmis le courrier précité.’ ;

Attendu que Mme [D] conteste le caractère fautif des propos privés tenus sur Facebook et fait subsidiairement valoir que cette conversation privée a été interceptée de manière déloyale ;

Attendu qu’il est exact que ne sont pas constitutifs d’une faute les propos tenus par un salarié sur un compte Facebook dans la mesure où ils relèvent d’une conversation privée ;

Attendu toutefois qu’il n’est pas fait grief de la seule publication sur Facebook de données confidentielles obtenues dans le cadre de l’exercice des fonctions de la salariée, mais également d’un non-respect des consignes professionnelles relatives à la prévention des conflits d’intérêt par ingérence dans le dossier d’un allocataire ayant généré une notification d’indu – faits sur lesquels Mme [D] ne formule aucune observation et donc aucune contestation ; que la cour observe en outre que cette dernière a reconnu sa faute dans un courrier adressé au directeur général de la CAF du Rhône le 6 janvier 2017 en admettant qu’elle n’avait aucune légitimité à traiter le dossier de Mme [G] ; que la cour ajoute que l’organisme n’a pas eu connaissance de ces faits par le biais de procédés déloyaux dans la mesure où c’est Mme [G] elle-même qui l’en a informée ; qu’en tout état de cause le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi – ce qui est le cas en l’espèce ;

Attendu que le non-respect des consignes professionnelles tel que reproché à Mme [D] justifiait la sanction de rétrogradation, laquelle n’est donc pas mal-fondée ;

Attendu, sur le troisième point, que, contrairement à ce que soutient Mme [D], celle-ci a accepté la sanction de rétrogradation en signant la proposition de sanction puis un avenant à son contrat de travail ; que certes l’intéressée a précisé dans l’avenant n’avoir d’autre choix que d’accepter la sanction compte tenu de sa situation familiale et économique et considérer la sanction comme dispropotionnée par rapport aux faits reprochés ; que cependant cette simple mention ne saurait rendre son acceptation claire et équivoque et démontre au contraire que la salariée était consciente des conséquences de la rétrogradation et en admettait le principe même si elle la regrettait ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les moyens soulevés par Mme [D] à l’appui de sa contestation de la mesure de rétrogradation ne sont pas fondés ; que la salariée est déboutée de sa demande d’annulation de la sanction, de même que de celle tendant au paiement de la différence entre les salaires qu’elle aurait continué à toucher si elle n’avait pas été rétrogradée et ceux effectivement perçus ;

– Sur le harcèlement moral :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu qu’il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail; que, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu qu’en l’espèce Mme [D] fait à ce titre les griefs suivants : rétrogradation illicite, pressions et brimades, perte de salaire et absence d’évolution ;

Attendu toutefois que la cour n’a pas retenu les contestations émises par Mme [D] à l’encontre de sa rétrogradation ; que la perte de salaire et l’absence d’évolution, qui en sont la conséquence, ne peuvent davantage être considérés comme des agissements de harcèlement moral ; qu’enfin, s’agissant des pressions et brimades, Mme [D] se borne à faire état de l’existence de trois entretiens informels entre le 10 février et le 13 mars 2017; que ces rencontres entre l’employeur et la salariée, lors desquelles aucun grief particulier n’a été formulé à l’encontre de cette dernière, relève du pouvoir de direction de la CAF du Rhône sans qu’aucun abus ne soit caractérisé ;

Attendu qu’en l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral n’est pas démontrée ; que Mme [D] est dès lors déboutée de la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre ;

– Sur l’exécution fautive du contrat de travail :

Attendu que Mme [D] se borne à invoquer à ce titre, à la deuxième phrase de la page 26 de ses conclusions, une modification unilatérale de son contrat de travail et une perte de salaire consécutive ;

Attendu toutefois que la réalité de la modification unilatérale du contrat – liée à la rétrogradation – n’a pas été retenue, la cour ayant estimé que Mme [D] avait donné son accord ; que la demande indemnitaire présentée à ce titre est donc rejetée ;

– Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Attendu, d’une part, que, lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur ; que, lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ;

Attendu, d’autre part, que, conformément aux articles 1224 et 1228 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté ayant le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ;

Attendu qu’en l’espèce les demandes relatives au rappel de salaire et au harcèlement moral ont été rejetées ; que les autres griefs, liés à ces prétentions (rétrogradation illicite, modification du contrat de travail sans son accord lors de la rétrogradation et absence d’évolution), ont dans le même temps été écartés ;

Attendu qu’aucn manquement de l’employeur n’étant établi, la demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail est rejetée ;

– Sur le licenciement :

Attendu que, si les demandes afférentes au licenciement sont recevables en ce qu’elles tendent à faire juger des questions nées de la survenance d’un fait au sens de l’article 564 du code de procédure civile – le licenciement, en date du 15 octobre 2019, étant intervenu postérieurement à la clôture des débats devant le conseil de prud’hommes, en date du 13 septembre 2019, elles ne sont pas fondées ; qu’en effet Mme [D] se borne sur ce point à prétendre que son inaptitude serait la conséquence des manquements de son employeur; que, les manquements ainsi invoqués étant les mêmes que ceux allégués au titre de la résiliation judiciaire – dont la matérialité n’a pas été retenue par la cour, le moyen doit être écarté ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que Mme [D] est déboutée de ses demandes tendant au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ainsi que de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

– Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Constate que Mme [W] ne maintient pas en cause d’appel les demandes de dommages et intérêts pour non-fourniture du travail convenu, pour rétrogradation illicite, pour modification unilatérale du contrat de travail, pour non-respect de l’obligation de formation et pour non-respect des visites médicales qu’elle avait présentées en première instance sous cette appellation,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Ajoutant,

Déclare recevables les demandes subsidiaires afférents au licenciement mais les rejette,

Déboute Mme [W] de ses demandes tendant à l’annulation de la rétrogradation et au paiement de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

Condamne Mme [Y] [D] aux dépens d’appel,

Le Greffier La Présidente

 


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