Production audiovisuelle : 31 mars 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 08/16242

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Production audiovisuelle : 31 mars 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 08/16242
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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 31 MARS 2010

(n° , 06 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/16242

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 07/07482

APPELANTS

Monsieur [Z] [W]

demeurant[Adresse 3]

[Localité 10]

Monsieur [Z] [C]

demeurant[Adresse 1]

[Localité 7]

représentés par la SCP ROBLIN – CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour

assistés de Me Antoine GITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : L96

plaidant pour la S.E.L.A.R.L ANTOINE GITTON AVOCATS

INTIMÉES

Société ELLIPSANIME PRODUCTIONS

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 5]

[Localité 8]

Société CITEL VIDEO

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 8]

représentées par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistées de Me Céline LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, toque R 183

substituant Me Jean-Michel CATALA, avocat au barreau de PARIS, toque : R183

plaidant pour L’ASSOCIATION CATALA – THEVENET

Société STUDIO EXPAND

anciennement dénommée Ellipse Programme

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Marie-Hélène VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 135

plaidant pour la société d’avocats GÔ ASSOCIÉS

Société Des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique dite SACEM

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 6]

[Localité 11]

Société pour l’Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs, Compositeurs et Editeurs dite SDRM.

ayant son siège [Adresse 6]

[Localité 11]

représentées par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistées de Me Jacques MARCHAND, avocat au barreau de PARIS, toque : C1414

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Melle Fatia HENNI

ARRÊT :

– Contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR,

Vu l’appel relevé par MM [Z] [W] et [Z] [C] du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 2ème section, n° de RG : 07/7482), rendu le 4 juillet 2008 ;

Vu les dernières conclusions des appelants (15 décembre 2009) ;

Vu les dernières conclusions (30 septembre 2009) de la société civile à capital variable sacem et de la société civile sdrm, intimées ;

Vu les dernières conclusions (5 janvier 2009) de la société Studio Expand, intimée ;

Vu les dernières conclusions (8 janvier 2009) de la s.a. Ellipsanime productions et de la s.a.s. Citel, intimées et incidemment appelantes ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 19 janvier 2010 ;

* *

SUR QUOI,

Considérant que, par contrats successifs signés entre mai 1994 et janvier 1996, la société de production audiovisuelle Ellipse Programme a commandé à M [C] les paroles et la réalisation audiovisuelle et à M. [W] la musique de deux cent cinq comptines d’une minute chacune qui ont fait l’objet d’une première exploitation télévisuelle sur FR3 dans le cadre d’une série intitulée « Bonjour Babar » ; que cette société a confié aux mêmes auteurs l’écriture des paroles et de la musique du générique de l’émission « Bonjour les petits loups » et de séries de comptines intitulées « Les comptines de Noël » et « Les petites comptines » ; que les deux coauteurs ont cédé les droits d’édition des paroles et de la musique à la même société ;

Que la société Ellipse Programme, devenue Studio Expand, a transféré à la société Ellipsanime, aux droits de laquelle se trouve la société Ellipsanime productions, les droits et obligations attachés à sa qualité de producteur audiovisuel mais a conservé les droits et obligations se rapportant aux contrats d’édition musicale ;

Que les droits d’édition vidéographique de la série de comptines « Bonjour Babar » ont été acquis le 25 octobre 2004 par la société Citel, laquelle a édité une collection de trente-huit DVD nommés « Les aventures de Babar » composés chacun de deux ou trois des épisodes de la série éponyme et de quatre des comptines en cause, dont certaines tirées des séries « Bonjour Babar » ;

Que MM [C] et [W], invoquant, en substance, selon le jugement, l’absence d’édition graphique des ‘uvres musicales, l’absence d’autorisation et de rémunération de l’adaptation audiovisuelle à l’occasion de leur reproduction sur des supports vidéo des ‘uvres musicales, l’édition fragmentée des comptines de Babar sous forme de DVD sans leur autorisation, l’absence de paiement de la rémunération conventionnelle du contrat d’édition et la nullité de ce contrat, ainsi qu’une atteinte à leur droit moral d’auteur, ont assigné les sociétés Ellipsanime productions, Studio Expand et Citel, outre la sacem et la sdrm, aux fins, notamment, de voir prononcer la résiliation de l’ensemble des contrats d’édition et condamner les sociétés défenderesses à leur payer une provision égale au montant moyen annuel des redevances perçues par la sacem pour leur compte lors de l’exploitation télévisuelle des séries au cours des années 1994 à 1996 ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, ayant relevé que MM [W] et [C], ayant spécialement écrit et composé les textes et les musiques des comptines, étaient coauteurs d”uvres audiovisuelles au sens de l’article L.113-7 du code de la propriété intellectuelle, a jugé que toutes les demandes tendant à la défense de leurs droits patrimoniaux étaient irrecevables faute de mise en cause de l’ensemble des coauteurs de ces ‘uvres ;

Qu’il a par ailleurs jugé que le grief de dénaturation n’était pas démontré, mais retenu l’atteinte au droit à la paternité des auteurs du fait de l’absence d’indication de leur nom sur les jaquettes des DVD et a condamné à ce titre les sociétés Ellipsanime productions, Citel et Studio Expand à leur payer des dommages-intérêts ;

1. Sur la recevabilité des demandes fondées sur les droits patrimoniaux de MM [C] et [W] :

Considérant que les appelants contestent la qualification d”uvres audiovisuelles des comptines en cause, s’agissant, selon eux, de chansons, certes fixées sur vidéogrammes, mais sans scénario spécifique, ni éléments d’originalité spécifiquement audiovisuels, et font valoir que les auteurs ou leurs ayants-droit de la série « Les aventures de Babar », dont ont été tirées les images choisies pour illustrer les comptines, n’ont pris aucune part à leur création et que ces ‘uvres, restant par nature des ‘uvres musicales, ne sont pas devenues des ‘uvres audiovisuelles pour avoir été fixées sur un support audiovisuel ;

Mais considérant que, au contraire de ce que soutiennent les appelants, les musiques commandées à M. [W] et les paroles commandées à M. [C] ont été dès l’origine conçues pour être associées à des images pour constituer finalement une ‘uvre répondant à la définition donnée par l’article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle, selon laquelle les ‘uvres audiovisuelles consistent en « des séquences animées d’images, sonorisées ou non » ;

Que cette analyse est confirmée par l’attestation, versée au débat par les appelants eux-mêmes, de Mme [N], responsable des programmes jeunesse de France 3, expliquant la genèse des comptines par l’idée originale de réutiliser les images d’une série préexistante, en l’espèce celles de la série «Ruppert l’ours », comme, dans un deuxième temps, celles des « Aventures de Babar » pour constituer, après « habillage », c’est à dire après avoir associé paroles et musique à ces sélections d’images, des modules éducatifs donnant aux enfants de petits conseils de savoir vivre sous forme de comptines musicales ; qu’ainsi, selon les termes mêmes de l’attestation, il s’agissait d’un détournement d’images pour lequel il était nécessaire que la société chargée de la production audiovisuelle, en l’espèce Ellipse programmes, obtînt l’autorisation des auteurs et de leurs ayants-droit, soit Mme [Y] [K] s’agissant de Rupert l’Ours, et les représentants légaux de la famille de [V] [H], créateur du personnage Babar ;

Que cette réalité est corroborée par l’examen de l’ensemble des contrats par lesquels la société Ellipse programme, désignée dans ces actes comme « producteur d’une série d’animation », a commandé les musiques à M. [W], qui exposent : « le présent contrat a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles Ellipse confie au compositeur, qui accepte, la composition de la partition originale des comptines ainsi que sa fixation sur support magnétique DA T prêt à mixer sur le support image » ;

Que, dans le même sens, les contrats de commande à [C] précisent que: « Le Parolier cède […] le droit de reproduire les enregistrements des textes des comptines, associés aux images de la Série en vue d’établir tous originaux, doubles et copies, sur tous supports, notamment pellicule film, bande vidéo ou tout autre inconnu à ce jour… » ;

Considérant que c’est donc par une exacte appréciation des circonstances de la cause et sans dénaturer les contrats que le tribunal a jugé que MM [W] et [C] ont écrit et composé les textes et les musiques des comptines spécialement pour être assemblées avec les images tirées des séries préexistantes et qu’ils sont, à ce titre, coauteurs d”uvres audiovisuelles ;

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L.113-7, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, que les ‘uvres audiovisuelles sont présumées réalisées en collaboration ; que l’alinéa 3 du même article précise que « lorsque l”uvre audiovisuelle est tirée d’une ‘uvre ou d’un scénario préexistants encore protégés, les auteurs de l”uvre originaire sont assimilés aux auteurs de l”uvre nouvelle » ;

Considérant que l’article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l”uvre de collaboration est la propriété commune des auteurs » et que « les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord » ; qu’il en résulte que le tribunal a jugé à bon droit que MM [W] et [C] ne pouvaient valablement introduire leur action sans appeler dans la cause l’ensemble des coauteurs et déclaré irrecevables des demandes tendant à la défense de leurs droits patrimoniaux ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

2. Sur les demandes de nullité des clauses de rémunération :

Considérant que les appelants exposent (P. 31 de leurs dernières écritures) que les contrats de commande d”uvre et de cession de droits stipulent une rémunération de l’auteur et du compositeur calculée sur la « part nette producteur» entendue comme « les sommes brutes encaissées par Ellipse, déduction faite des frais d’exploitation, en ce compris les éventuelles commissions d’intermédiaire et des frais techniques, pris en charge par Ellipse pour ces exploitations.» (article 5.1.2 des contrats de commande), et que les contrats de réalisation passés avec M. [C] stipulent la même assiette de calcul pour les redevances d’auteur ; qu’ils font valoir qu’une telle assiette est contraire aux prescriptions de l’article L.131-4 du code de la propriété intellectuelle, de sorte que les dispositions en cause des contrats doivent être annulées ;

Considérant que pour résister à la fin de non recevoir tirée de la prescription quinquennale prévue par l’article 1304 du code civil pour les actions en nullité des conventions qui leur est opposée, MM [W] et [C] n’hésitent pas à hasarder le pur sophisme selon lequel leur action « n’est pas une action en nullité des contrats, qui apparaîtrait effectivement comme prescrite, mais une action afin de faire juger nulles et inopposables les dispositions des contrats d’édition et de réalisation stipulant le calcul des rémunérations des auteurs sur la base de la « part nette producteur » ; qu’en l’absence de tout argument sérieux, leur action, introduite les 21 et 22 décembre 2005, soit plus de cinq ans après la conclusion des contrats contenant les dispositions dont l’annulation est demandée, les plus récents datant de 1996, ne peut qu’être déclarée irrecevable comme prescrite ;

3. Sur les demandes formées au titre du droit moral des auteurs :

Considérant que MM [C] et [W] reprennent devant la cour leurs demandes fondées sur la dénaturation de leur ‘uvre en expliquant que les comptines en cause, «conçues pour être exploitées en série, à titre principal et autonome et non comme accessoire à un autre produit, de façon linéaire et continue, par télédiffusion, se trouvaient forcément dénaturées du fait de leur exploitation éclatée, par paquet de deux, en accessoire à des épisodes de la série audiovisuelle ‘Les aventures de Babar’ sur des supports DVD, nomades et multirnédia » ;

Mais considérant qu’il n’est pas contesté que les comptines ont été tout d’abord exploitées dans le cadre de l’émission pour enfant « Bonjour Babar » en transition entre deux dessins animés, destination que les deux auteurs ne pouvaient ignorer et qu’ils avaient acceptées ; qu’il résulte des explications concordantes des parties que les comptines, réparties par série de deux sur l’ensemble des DVD critiqués, figuraient ainsi à titre de transition ou de supplément au programme au même titre que dans l’exploitation initiale ; qu’il n’est pas prétendu que les comptines auraient été, dans leur individualité, altérées ou modifiées ; que les appelants soutiennent vainement que ces comptines avaient été réalisées pour former une continuité insécable, alors que, tout au contraire, chacune d’elle constitue une ‘uvre, certes cohérente avec l’ensemble de la série dont elles tirent leurs images, mais indépendantes les unes des autres, comportant un titre et ayant pour objet un thème éducatif défini ;

Considérant que c’est donc à juste titre que le tribunal a rejeté, comme non démontré, le grief de dénaturation ;

Considérant qu’il est constant que, lors de la première édition, les jaquettes des DVD ne comportaient pas les noms de MM [W] et [C] ; que le tribunal en a justement déduit que l’atteinte au droit à la paternité des auteurs était constituée, la société Ellipsanime productions n’étant pas fondée à se retrancher derrière de prétendus usages pour s’opposer à toute indemnisation des auteurs à ce titre ;

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de l’étendue du préjudice subi à ce titre par les appelants ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sur le montant des dommages-intérêts alloués ;

Considérant toutefois que la société Studio Expand fait valoir, sans être contredite, qu’elle a régulièrement communiqué à la société Citel Video les informations nécessaires pour que cette dernière soit en mesure de faire figurer les noms de MM [W] et [C] sue les jaquettes, de sorte qu’elle n’encourt aucune responsabilité de ce chef ; que le jugement sera réformé en définitive sur ce seul point ;

4. Sur les autres demandes :

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les appelants contre la société Studio Expand ne peut qu’être rejetée ;

Considérant que la société Studio Expand ne démontre pas qu’elle aurait subi, du fait de la procédure, un préjudice distinct de la nécessité dans laquelle elle s’est trouvée d’avoir à exposer des frais pour sa défense, ce qui donnera lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions fixées au dispositif ; que sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera en conséquence rejetée ;

* *

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il condamne la société Studio Expand ;

Le RÉFORMANT et STATUANT à nouveau de ce seul chef,

DÉBOUTE MM [Z] [W] et [Z] [C] de leur demande dirigée contre la société Studio Expand

DÉBOUTE les parties de leurs demandes contraires à la motivation,

CONDAMNE MM [Z] [W] et [Z] [C] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à payer, par application de l’article 700 du code de procédure civile, d’une part,10.000 euros aux sociétés Ellipse productions et Citel, d’autre part, 10.000 euros à la société Studio expand

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

 


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