Production Audiovisuelle : 30 mai 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03055

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Production Audiovisuelle : 30 mai 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03055

MINUTE N° 22/335

Copie exécutoire à :

– Me Katja MAKOWSKI

– Me Guillaume HARTER

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 30 Mai 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/03055 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HT25

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 avril 2021 par le juge des contentieux de la protection de Mulhouse

APPELANT :

Monsieur [Z] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat au barreau de COLMAR

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003494 du 13/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMEE :

UDAF 68, en qualité de tuteur de Monsieur [B] [P], né le 18/11/1929 à [Localité 4] et résidant [Adresse 6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004695 du 28/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

Madame DAYRE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le bien immobilier sis [Adresse 1] appartenait à Monsieur [B] [P] et son épouse Madame [I] [P], du temps de leur union.

Il résulte du certificat collectif d’héritier du 25 juillet 2013, qu’à son décès, le 22 novembre 2012, Madame [I] [P] a laissé pour héritier son époux survivant Monsieur [B] [P], pour la totalité de la succession en usufruit, ainsi que son fils, [Z] [P], pour la totalité de la succession en nue-propriété.

Selon certificat d’inscription du livre foncier de Mulhouse, le bien immobilier appartient donc pour moitié en pleine propriété à Monsieur [B] [P] et pour la seconde moitié, en usufruit, à Monsieur [B] [P] et en nue-propriété à Monsieur [Z] [P].

Par jugement en date du 13 juin 2017, le juge des tutelles de Mulhouse a placé Monsieur [B] [P] sous tutelle et a désigné son fils, [Z] [P] en qualité de tuteur.

Par ordonnance du 20 février 2018, le juge des tutelles a déchargé Monsieur [Z] [P] de son mandat et nommé en ses lieux et places l’Udaf68.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 26 février 2019, l’Udaf du Haut Rhin, en qualité de tuteur de Monsieur [B] [P], a adressé sommation à Monsieur [Z] [P] de libérer les locaux qu’il occupe [Adresse 1] et restituer les clés du logement.

Par exploit d’huissier de justice en date du 16 décembre 2019, Monsieur [B] [P], représenté par son tuteur, a fait citer Monsieur [Z] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir :

‘dire et juger que le défendeur est occupant sans droit ni titre de l’immeuble sis [Adresse 1],

‘ordonner l’expulsion et l’évacuation immédiate et sans délai de Monsieur [Z] [P] et de tous les occupants de son chef, au

besoin par la force publique dudit immeuble et ce sous astreinte non comminatoire et définitive de 50 € par jour de retard,

‘condamner Monsieur [Z] [P] à lui payer au titre des arriérés d’indemnité d’occupation arrêtés au 20 décembre 2019, un montant de 17 600 € et subsidiairement un montant de 3 200 € arrêté à la date du 26 décembre 2019,

‘condamner le défendeur au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle de 800 € par mois jusqu’à parfait évacuation des lieux,

‘condamner Monsieur [Z] [P] à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile,

‘ordonner l’exécution provisoire de la décision en application de l’article 515 du code de procédure civile.

À l’appui de sa demande, Monsieur [B] [P], représenté par son tuteur, a fait valoir sa qualité d’usufruitier. Il a soutenu qu’une indemnité d’occupation lui est due de manière rétroactive, ou à tout le moins depuis l’ordonnance du juge des tutelles du 20 février 2018, ou subsidiairement à compter de la mise en demeure du 26 décembre 2019.

L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois du fait d’un mouvement national de grève des avocats, puis de la mise en ‘uvre du plan de continuation d’activité dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid 19 et a été finalement retenue, sur injonction du juge, à l’audience du 11 mars 2021.

À cette date, Monsieur [B] [P], représenté par son tuteur, s’est référé à ses écrits et a porté sa demande en paiement au titre des arriérés d’indemnités d’occupation, arrêtés au 20 octobre 2020, à la somme de 25 600 €, subsidiairement à la somme de 11 200 €, arrêtée au 26 octobre 2020.

L’Udaf ès qualités a fait valoir qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir recherché un établissement adapté aux moyens financiers de M. [B] [P] alors que lors de la mise en place de la mesure de protection, il était déjà accueilli dans cet établissement. Il a contesté tout accord familial quant à l’occupation du logement par son fils, en objectant l’existence d’un conflit entre le père et le fils. Il a soutenu que le montant de l’indemnité d’occupation sollicité est conforme au prix du marché.

En réplique, Monsieur [Z] [P], par la voix de son conseil, s’est référé à ses écritures tendant à voir :

‘débouter le demandeur de toutes ses prétentions,

‘constater qu’il n’est pas occupant sans droit ni titre,

‘dire n’y avoir lieu à paiement d’un loyer ou d’une indemnité,

‘à titre infiniment subsidiaire, fixer un loyer eu égard aux droits de chacun sur le bien et à la réelle valeur locative du bien,

‘condamner Monsieur [B] [P], représenté par l’Udaf, à lui verser la somme de 1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a soutenu qu’il occupe le logement litigieux, uniquement depuis l’admission de son père en maison de retraite et ce à la demande de celui-ci. Il a contesté l’existence de tout conflit d’intérêt ainsi que la démarche du tuteur qui sollicite sa condamnation, afin d’apurer une dette qui s’est constituée en raison de l’absence de prise en compte de la situation financière de son père, lors du choix de l’établissement d’accueil.

Par jugement en date du 8 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

‘constaté que Monsieur [Z] [P] est occupant sans droit ni titre du bien immobilier sis [Adresse 1],

‘ordonné, qu’à défaut pour Monsieur [Z] [P] d’avoir à libérer les lieux qu’il occupe, deux mois après la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux, conformément aux dispositions de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique,

‘fixé l’indemnité d’occupation mensuelle due par Monsieur [Z] [P] à la somme de 650 € hors charge,

‘condamné Monsieur [Z] [P] à payer à Monsieur [B] [P], représenté par son tuteur cette indemnité d’occupation mensuelle à compter de la présente décision et jusqu’à libération effective des lieux avec remise des clés,

‘condamné Monsieur [Z] [P] à payer à Monsieur [B] [P], représenté par son tuteur, la somme de 20 800 € au titre de l’indemnité d’occupation, due pour la période du 20 février 2018 au 20 octobre 2020,

‘condamné Monsieur [Z] [P] aux entiers dépens de l’instance,

‘condamné Monsieur [Z] [P] à payer à Monsieur [B] [P], représenté par son tuteur la somme de 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ordonné l’exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a constaté la qualité d’usufruitier de Monsieur [B] [P], le fait qu’en qualité de nu-propriétaire Monsieur [Z] [P] ne disposait pas du droit d’occuper le logement ; qu’il n’était ni justifié ni allégué de l’existence d’un bail, ni d’un accord concernant un éventuel prêt à usage.

Il a fixé le point de départ de l’indemnité d’occupation à la date de l’ordonnance de changement de tuteur, en date du 20 février 2018, qui énonçait que Monsieur [Z] [P] était domicilié au [Adresse 1].

Par déclaration en date du 11 juin 2021, Monsieur [Z] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions, d’appel notifiées le 9 septembre 2021, Monsieur [Z] [P] demande à la cour de :

‘le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

‘infirmer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

-constater qu’il n’est pas occupant sans droit ni titre,

‘constater l’abus de droit commis par l’Udaf 68 ès qualités de tuteur de Monsieur [B] [P],

‘dire et juger n’y avoir lieu à versement d’une indemnité d’occupation,

En conséquence,

‘débouter l’Udaf 68, ès qualités de tuteur de Monsieur [B] [P] de toutes ses fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

-ordonner une expertise pour chiffrer l’indemnité d’occupation et l’arriéré d’indemnité d’occupation,

En tout état de cause,

‘fixer l’indemnité d’occupation à de plus justes proportions,

A titre infiniment subsidiaire,

‘accorder à Monsieur [P] des délais d’expulsion,

‘accorder à Monsieur [P] un délai de paiement de l’arriéré,

‘débouter l’Udaf 68 ès qualités de tuteur de Monsieur [B] [P] de toutes ses fins et conclusions,

‘condamner l’Udaf 68, ès qualités de tuteur de Monsieur [B] [P], au paiement des frais et dépens de première instance et d’appel, outre 2 500 € au titre l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de son appel, Monsieur [Z] [P] relate que son père a été victime d’un accident domestique en 2016 ; qu’il a alors été victime de malversations de la part de personnes peu scrupuleuses ;

que lui même a alors régularisé la situation ; que par jugement du 13 juin 2017, son père a été placé sous tutelle et qu’il a été désigné pour exercer la mesure.

Il précise que le choix de la maison de retraite Korian la Cotonnade s’est fait sous la contrainte ; que c’était la seule place disponible ; mais que le coût en est de 2 404 €par mois alors que son père perçoit une retraite de 1604 € ; que rapidement des retards de paiement sont apparus, qu’il n’a pas pu combler du fait de ses propres difficultés financières ; qu’il a cherché, en vain un établissement moins cher ; que face à ces difficultés, le juge des tutelles l’a déchargé de sa mission par ordonnance du 20 février 2018.

Monsieur [P] affirme qu’à la nomination de l’Udaf, il était convenu qu’elle fasse admettre Monsieur [B] [P] dans un établissement public, afin qu’il puisse bénéficier d’aides ; mais que la solution retenue a été de vendre la maison ce qui est à l’origine de la procédure qu’elle a mise en ‘uvre à son encontre.

L’appelant expose, qu’outre l’attachement qu’il éprouve pour la maison familiale, il y a exécuté de nombreux travaux de rénovation, son père ne l’ayant jamais entretenue : qu’ainsi il a changé l’équipement ménager, rénové les parquets et escaliers, la salle de bains, la cuisine, la cuvette des WC, un volet pour la pièce principale, des travaux d’isolation intérieure avec aide de l’État ; que par ailleurs depuis 2016, il règle l’intégralité des dépenses afférentes à la maison outre les charges de copropriété.

Il invoque sa qualité de seul héritier et l’existence d’un accord de son père pour qu’il occupe la maison. Il conteste tout conflit. Il se dit bénéficiaire d’un droit de jouissance de la maison en échange de son entretien.

Il ajoute que l’Udaf n’a pas d’intérêt à l’expulser ; qu’en effet la maison nécessite un changement de chaudière que le majeur protégé ne pourra financer ; qu’il verra donc son bien se dégrader car l’Udaf ne pourra le louer ; que cela constitue un abus de droit.

L’appelant fait valoir qu’une solution alternative existe à savoir un changement d’établissement pour son père ; que l’Udaf n’a jamais

cherché d’autre établissement ; que désormais l’aide sociale est versée mais sera recouvrée sur la succession ; que l’Udaf ne justifie pas avoir sollicité l’aide personnalisée à l’autonomie ou l’allocation logement ; qu’ainsi la succession de Monsieur [P] se verra amputée du fait de la décision de l’Udaf de ne pas chercher un établissement moins coûteux.

Il souligne par ailleurs que la valeur locative de l’immeuble actuelle est déterminée par le temps et l’argent qu’il a investi dans celui-ci ; que seule une expertise pourra permettre de déterminer la valeur locative et les montants qu’il a investis.

A l’appui de sa demande de délais d’évacuation, et de délais de paiement, il invoque sa situation économique, indiquant percevoir pour seules ressources 850 € ainsi qu’une prime d’activité de 255 € par mois.

Aux termes de ses conclusions, notifiées le 7 octobre 2021 l’Udaf du Haut Rhin ès qualités de tuteur de Monsieur [B] [P] demande à la cour de :

-débouter Monsieur [Z] [P] de l’intégralité de ses fins et conclusions,

En conséquence,

-confirmer le jugement déféré,

-condamner Monsieur [Z] [P] aux entiers frais et dépens des deux instances,

-condamner Monsieur [Z] [P] à payer à Monsieur [B] [P] représenté par son tuteur la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui, l’Udaf du Haut Rhin rappelle que Monsieur [Z] [P] est occupant sans droit ni titre ; qu’il ne justifie pas de l’accord familial qu’il allègue ; que le juge des tutelles qui l’avait dessaisi en 2018 avait relevé qu’il était en conflit d’intérêts et en conflit familial avec son père.

L’intimée souligne que Monsieur [B] [P] était déjà hébergé en maison de retraite lorsque son fils était son tuteur et que ce dernier avait alors tout loisir de le changer d’établissement ; qu’il ne peut donc lui reprocher de ne pas avoir cherché un établissement moins onéreux; qu’en réalité il est très difficile de changer d’établissement une personne qui est déjà hébergée surtout lorsque cette personne a 38 000 € de dette envers l’établissement.

Elle ajoute que si elle ne peut pas vendre le bien sans l’accord du nu-propriétaire, en revanche elle peut le louer permettant ainsi à son protégé d’avoir des revenus supplémentaires.

Elle conclut à la confirmation de l’évaluation de l’indemnité d’occupation, Monsieur [Z] [P] ne produisant pas d’estimation contraire, ainsi qu’à la confirmation de la dette retenue par le premier juge.

Elle s’oppose à tous délais d’évacuation et de paiement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité d’occupant sans droit ni titre

En vertu de l’article 578 du code civil, l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance.

Ainsi qu’il a été relevé plus haut, il ressort des actes de propriété que Monsieur [Z] [P] est nu-propriétaire pour la moitié de l’immeuble litigieux, son père étant propriétaire de l’autre moitié et bénéficiant par ailleurs de la totalité de l’usufruit.

Le droit d’occuper la maison ou de bénéficier de ses fruits appartient donc à Monsieur [B] [P].

L’existence d’un accord familial pour que Monsieur [Z] [P] bénéficie d’un droit de jouissance de la maison, en échange de son entretien, ne peut se déduire de sa qualité de seul héritier ou du fait qu’il s’est occupé, temporairement des affaires de son père, apparemment de manière peu satisfaisante puisqu’il a été déchargé de sa mission de tuteur.

Force est de constater que Monsieur [Z] [P] ne produit aucune pièce justificative à l’appui de son allégation et que déjà, dans son ordonnance de dessaisissement du 20 février 2018, le juge des tutelles de Mulhouse relevait qu’il occupait la maison sans verser de loyer à son père.

Ainsi, pas plus que devant le premier juge, il ne justifie d’un accord familial lui conférant la jouissance du bien, de l’existence d’un bail voire même d’un prêt à usage.

Il ne peut sérieusement arguer d’un abus de droit de la part de l’Udaf du Haut Rhin.

En effet s’il est justifié, par la production du procès-verbal de l’assemblée générale de la copropriété en date du 28 mai 2021 que l’assemblée a voté une résolution selon laquelle, à compter du 1er janvier 2022, chaque copropriétaire devra s’équiper d’une chaudière individuelle, Monsieur [P] ne peut alléguer que l’Udaf ne pourrait financer de tels travaux en vue de louer la maison, alors même que ces travaux incombent au nu-propriétaire,

donc pour partie à lui même ; que l’Udaf peut toujours au nom du majeur protégé souscrire un emprunt modeste compte tenu des revenus locatifs prévisibles ; qu’il existe au surplus de nombreuses aides de l’État en vue de la rénovation énergétique, dont les propriétaires peuvent bénéficier.

Par ailleurs, il est vain dans cette instance pour Monsieur [Z] [P] de faire grief à l’Udaf 68, qui n’est d’ailleurs partie à l’instance qu’en qualité de représentant légal de Monsieur [P] et non à titre personnel, de ne pas avoir recherché un hébergement moins couteux pour son père, qu’il aurait pu d’ailleurs rechercher lui même lorsqu’il était tuteur, la gestion de la mesure de tutelle par l’Udaf 68, qui ressort au contrôle du juge des tutelles, étant sans incidence sur la qualité d’occupant sans droit ni titre de l’appelant.

Dans la mesure où les revenus du majeur protégé ne permettent pas le règlement de la structure d’accueil, que le majeur protégé est usufruitier d’un bien immobilier dont il pourrait tirer des revenus et qui est occupé sans droit ni titre par son fils, l’Udaf 68 est dans son rôle en initiant une procédure lui permettant de recouvrer l’usage du bien en vue de sa location.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a énoncé que Monsieur [Z] [P] est occupant sans droit ni titre et a ordonné son évacuation selon les modalités qu’il a déterminées.

Sur le montant de l’indemnité d’occupation

L’indemnité d’occupation a un caractère mixte et compensatoire dans la mesure où elle est destinée, à la fois à rémunérer le propriétaire ou l’usufruitier de la perte de jouissance du local et à l’indemniser du trouble subi du fait de l’occupation illicite de son bien.

Monsieur [Z] [P] conteste le montant de l’indemnité d’occupation fixée par le premier juge sans apporter le moindre élément de comparaison, par exemple une attestation d’un agent immobilier, susceptible de remettre en cause la décision déférée.

Par ailleurs il se prévaut de travaux d’amélioration mais ne produit que des factures d’entretien et deux factures de 730 € qui ne peuvent sérieusement impacter le montant du loyer.

Il ne produit aucun élément justificatif concernant l’état de la maison dont la valeur vénale a été estimée à 200 000 € et ne justifie pas de travaux susceptibles d’en avoir substantiellement majoré la valeur locative.

S’agissant de la demande d’expertise, conformément à l’article 146 alinéa 2, celle-ci ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve. En l’absence de pièce justificative, susceptible d’établir que l’appréciation par

le premier juge de la valeur locative de la maison serait erronée, la demande d’expertise formée par Monsieur [Z] [P] sera rejetée.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu une indemnité mensuelle d’occupation de 650 €.

Ce point n’étant pas contesté par Monsieur [Z] [P], il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a fixé le point de départ de l’indemnité d’occupation au 20 février 2018.

Le montant de la condamnation à l’arriéré chiffré à 20 800 € au titre de l’indemnité d’occupation, due pour la période du 20 février 2018 au 20 octobre 2020, sera en conséquence confirmé.

Sur la demande de délais d’évacuation

Monsieur [P] n’a pas précisé le fondement juridique de sa demande.

L’article L412-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que lorsque l’expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d’une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l’année considérée ou des circonstances atmosphériques, le délai prévu à l’article L. 412-1 peut être prorogé par le juge pour une durée n’excédant pas trois mois.

L’article L412-3 du même code prévoit, pour sa part, que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

Le présent arrêt étant rendu le 30 mai 2022, Monsieur [P] ne peut fonder sa demande sur la dureté des conditions atmosphériques.

Par ailleurs, il ne justifie d’aucune circonstance établissant que son relogement ne pourrait avoir lieu dans des conditions normales.

Par conséquent sa demande de délais d’évacuation sera rejetée.

Sur la demande de délais de paiement

En vertu de l’article 1343-5 du code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Monsieur [P], qui justifie de revenus à hauteur de 1 105 €, est dans l’incapacité de rembourser sa dette, au moins de manière substantielle dans le délai de 24 mois.

Sa demande de délais sera par conséquent rejetée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement déféré s’agissant des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Partie perdante à hauteur d’appel, Monsieur [Z] [P] sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et débouté de sa demande au titre de l’article 700 du même code.

En revanche, il sera fait droit la demande de Monsieur [B] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

DÉBOUTE Monsieur [Z] [P] de sa demande visant à voir constater l’abus de droit commis par l’Udaf 68 ès qualités de tuteur de Monsieur [B] [P],

DÉBOUTE Monsieur [Z] [P] de sa demande d’expertise,

DÉBOUTE Monsieur [Z] [P] de sa demande de délais d’évacuation,

DÉBOUTE Monsieur [Z] [P] de sa demande de délais de paiement,

DÉBOUTE Monsieur [Z] [P] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [Z] [P] à payer à l’Udaf du Haut Rhin, ès qualités de tuteur de Monsieur [B] [P] la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [Z] [P] aux dépens.

La GreffièreLa Présidente de chambre

 


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