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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 21/02224 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UUCO
AFFAIRE :
S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS
C/
[R] [Z]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE- BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F 19/00701
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES
Me Joyce KTORZA de la SELARL CABINET KTORZA
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS
N° SIRET : 329 211 734
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438 – Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
APPELANTE
****************
Monsieur [R] [Z]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Joyce KTORZA de la SELARL CABINET KTORZA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0053, substitué par Me Cloé PROVOST, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Par contrats à durée déterminée d’usage successifs du 22 septembre 2004 au 20 juin 2019, M. [Z] a été engagé par la société d’Édition de Canal Plus en qualité d’opérateur prise de vues.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective d’entreprise de Canal Plus.
Par lettre du 26 avril 2019, M. [Z] a reproché à la société d’avoir réduit son temps de travail.
Par requête reçue au greffe le 24 mai 2019, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir la requalification de sa relation de travail avec la société Canal Plus en un contrat à durée indéterminée à compter du 22 septembre 2004, et le versement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 11 juin 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– Requalifié les contrats à durée déterminée d’usage de Monsieur [R] [Z] en un contrat à durée indéterminée avec la société d’Edition de Canal+ à compter du 22 septembre 2004 ;
– Fixé le salaire mensuel de référence de Monsieur [R] [Z] à la somme de 2.816 euros
– Dit que la rupture de la collaboration entre Monsieur [R] [Z] et la société d’Edition de Canal+ s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– Condamné la société d’Edition de Canal+ à verser à Monsieur [R] [Z] les sommes suivantes :
*3.000 euros à titre d’indemnité de requalification,
*7.797 euros à titre de rappel de prime de 13eme mois,
*8.448 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 844 euros au titre des congés payés afférents,
*11.686 euros à titre d’indemnité de licenciement,
*30.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Rappelé que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal a compter de la date de la présente décision ;
– Ordonné le remboursement par la société d’Edition de Canal+ aux organismes concernes des indemnités de chômage qu’ils ont versées à Monsieur [Z] à compter du jour de son licenciement jusqu’au jour de la présente décision, à concurrence de six mois ;
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– Condamné la société d’Edition de Canal+ à verser à Monsieur [R] [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société d’Edition de Canal+ aux entiers dépens ;
– Ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration au greffe du 8 juillet 2021, la SAS société d’Édition de Canal Plus a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 14 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la SAS société d’Édition de Canal Plus demande à la cour de’:
– Infirmer’ le’ jugement’ prononcé’ le’ 11′ juin’ 2021′ par’ le’ conseil ‘de’ prud’hommes’ de’ Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :
– Fixé le salaire de référence de M. [Z] à la somme de 2 816,00 euros ;
– Requalifié les contrats à durée déterminée d’usage de M. [Z] en un contrat à durée indéterminée avec SECP, à compter du 22 septembre 2004 ;
– Jugé’ que’ la’ rupture’ de’ la’ collaboration’ entre’ M.’ [Z]’ et’ SECP’ s’analyse’ en’ un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Et en conséquence, a condamné SECP à verser les sommes suivantes :
*3 000,00 euros à titre d’indemnité de requalification ;
*7 797,00 euros à titre de rappel de prime de 13ème’ mois ;
*8 448,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 884,00 euros au titre des congés-payés afférents
*11 686,00 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
*30 000,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*1 500,00 euros au titre de l’article du code de procédure civile ;
– Ordonné le remboursement par SECP aux organismes concernés des indemnités de chômage qu’ils ont versées à M. [Z] à compter du jour de son licenciement jusqu’au jour du jugement, à concurrence de 6 mois ;
Et,
Confirmer’ le’ jugement’ prononcé’ le’ 11′ juin’ 2021′ par’ le’ conseil’ de’ prud’hommes’ de’ Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :’
– Débouté’ M.’ [W]’ de’ sa’ demande’ en’ rappel’ de’ salaire ‘conséquent’ à’ la’ baisse’ de rémunération (58 442 euros), ainsi que les congés-payés (5 844,00 euros) y afférents ;
Et, statuant à nouveau :’
A titre principal
-‘ Juger régulier, au regard de l’usage constant propre au secteur de l’audiovisuel autorisé par les articles
L.1242-2 et D.1242-1 du code du travail, le recours à l’emploi intermittent pour l’emploi occupé par M. [Z],
En conséquence :’
-‘ Débouter’ M.’ [Z] de’ l’ensemble’ de’ ses’ demandes,’ fins’ et’ prétentions’ au’ titre’ de’ la requalification,
-‘ Condamner M. [Z] à payer à la Société d’Exploitation de Canal+, la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire (en cas de requalification) :
-‘ Fixer à 453,25 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire ‘ mois de juin 2018 à mois de juin 2019) le salaire de référence de M. [Z] ;
-‘ Fixer à 453,25 euros l’indemnité de requalification,
-‘ Fixer à 1 359,75 euros le montant de l’indemnité de préavis ;
-‘ Fixer à 135,97 euros les congés payés y afférents ;’
-‘ Fixer à’ 1 359,75 euros le rappel sur 13 ème’ mois ;
-‘ Fixer le montant de l’indemnité de licenciement à 2 039,61 euros ;
-‘ Fixer à 3 mois de salaire l’indemnité de l’article L.1235-1 du code du travail ;
En tout état de cause :’
-‘ Débouter M. [Z] de sa demande en rappel de salaire.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 3 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [Z] demande à la cour de’:
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 11 juin 2021 en ce qu’il a :
– Requalifié la relation de travail entre Monsieur [R] [Z] et la Société d’Edition de Canal+ en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 septembre 2004.
Fixé le salaire mensuel de référence de Monsieur [R] [Z] à :’2 816 euros
– Jugé’ que’ la’ rupture’ intervenue’ est’ à’ l’initiative’ de’ la’ Société’ d’Edition’ de’ Canal+’ et’ est constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.’
– Condamné’ la’ Société’ d’Edition’ de’ Canal+’ à’ payer’ à’ Monsieur’ [R]’ [Z]’ les sommes suivantes :
*Au titre du rappel de 13 ème’ mois :’ 7 797 euros
*Au titre de l’indemnité compensatrice de préavis :’ 8 448 euros
*Au titre des congés payés afférents : ‘844 euros
*Au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 11 686 euros
*Au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros
L’infirmer pour le surplus.
Statuant à nouveau :’
– Condamner la Société d’Edition de Canal+ à verser à Monsieur [R] [Z] les sommes suivantes : ‘
*Au titre de l’indemnité de l’article L. 1245-2 du code du travail :’40 000 euros
*Au titre des rappels de salaire : 58 442 euros
*Au titre des congés payés afférents : 5 844 euros
*Au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 33 792 euros
– Condamner la Société d’Edition de Canal+ à payer à Monsieur [R] [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel la somme de : ‘7 000 euros
le tout assorti de l’intérêt à taux légal à compter de la réception par la Société d’Edition de Canal+ de la convocation adressée par le Greffe du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt pour le Bureau de jugement.
– Débouter la Société d’Edition de Canal+ de toutes ses demandes, fins et conclusions.’
– Condamner la Société d’Edition de Canal+ aux dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 mars 2023.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail’:
Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée
Monsieur [Z] fait valoir, au soutien de sa demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée, qu’il a commencé à travailler pour Canal + à compter du 22 septembre 2004 et pendant 14 ans pour cette société, en exerçant les mêmes fonctions d’opérateur de vue, dans le cadre de programmes diffusés quotidiennement, avec une succession ininterrompue de contrats à durée déterminée ; il dénonce un abus de recours au CDD d’usage ;
La société d’Édition de Canal Plus (SECP) considère au contraire que l’ensemble des conditions permettant le recours au CDD d’usage étaient bien réunies, que la collaboration de M. [Z] était des plus ponctuelles et, partant, temporaire, qu’il était légitime puisque d’usage constant pour SECP, appartenant au secteur de l’audiovisuel visé par l’article D. 1242-1 du code du travail, d’avoir recours au contrat à durée déterminée pour les fonctions intermittentes par nature occupées par le salarié, que cet usage constant dans le secteur de l’audiovisuel a été validé par l’ensemble des partenaires sociaux et que ce recours au CDD-U est en outre justifié par des raisons objectives conformes à l’Accord-cadre européen du 18 mars 1999′;
En application de l’article L 1242-1 du code du travail :
« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. » ;
L’article L. 1242-2 du code du travail prévoit que :
“Sous réserve des dispositions de l’article L.1243-3, un contrat de travail à durée déterminée
ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans
les cas suivants :
[‘]
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur. ” ;
L’article D. 1242-1 du code du travail dispose que :
« en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :
[‘]
6° l’audiovisuel, [‘]. » ;
En application de l’article L. 1244-1 du même code :
« Les dispositions de l’article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l’un des cas suivants :
(‘)
3° Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; »
S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L.1242-2 et L.1244-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, et qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier si le recours à des contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;
Si l’article D. 1242-1 du code du travail vise bien l’audiovisuel parmi les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que la société d’édition de canal plus rappelle, et que la société intimée se réfère aussi à l’accord national interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au CDD-U concernant le secteur du spectacle et aux conventions et accords collectifs conclus avec les partenaires sociaux applicable au secteur de l’audiovisuel, en ce compris l’avenant de branche du 1er juillet 2016 dans le secteur de la production audiovisuelle, prévoyant la possibilité de recourir au CDD-U pour les fonctions telles que celles exercées par le salarié, de sorte que les fonctions occupées par Monsieur [Z] pouvaient potentiellement autoriser le recours à ce type de contrats, il demeure ainsi nécessaire de vérifier que le recours à des contrats à durée déterminée successifs était justifié par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;
Ces éléments concrets se rapportent à l’activité du salarié et aux conditions de son exercice ;
Il est avéré en l’espèce que Monsieur [Z] a été engagé selon des contrats de travail (« lettre d’engagement ») à durée déterminée d’usage, commençant à travailler en qualité d’opérateur prises de vues pour Canal+ à compter du 22 septembre 2004 ; il a travaillé pour Canal+ quasiment tous les mois de la période comprise entre septembre 2004 et 2019 ; le dernier contrat à durée déterminée d’usage a été conclu au mois de juin 2019 ;
M. [Z] est intervenu par l’intermédiaire de 311 lettres d’engagement, dans le même emploi d’opérateur prises de vues, au cours d’une période de 14 ans, à hauteur d’environ 1 059 jours de travail sur cette période, soit une moyenne de près de 6 jours par mois ;
Les premiers juges ont aussi justement souligné la continuité de diffusion des programmes pour lesquels il a participé à la fabrication et le caractère technique de sa fonction, outre que certains de ses collègues, affectés à la fabrication des mêmes programmes que lui, ont pu bénéficier de CDI, et que l’emploi qu’il exerçait, fut-ce par intermittence, correspondait finalement à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;
Ces éléments font ressortir le caractère récurrent et la continuité de la relation de travail entre les parties ;
Les interventions de Monsieur [Z] s’inscrivent sur une période d’une durée globale de 14 ans, faisant ainsi ressortir également leur longévité ;
La société d’Édition de Canal Plus ne justifie pas de circonstance particulière ayant généré un besoin seulement temporaire expliquant sur toute cette période le recours aux services de M. [Z] ni d’éléments probants démontrant l’existence sur cette même période d’incertitudes quant à la pérennité des émissions ;
La circonstance que le salarié ait pu, parallèlement à son engagement, travailler pour le compte d’autres sociétés est sans incidence compte tenu de ces constats de récurrence, de continuité et de longévité de la fonction qu’il a occupée au sein de Canal + ;
Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage successifs en contrat de travail à durée indéterminée et ce à compter du 22 septembre 2004 ;
Sur le salaire de référence
L’article R.1234-4 du code du travail dispose que :
« Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère
annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion. » ;
M. [Z] fait valoir que dès lors que la relation de travail est à durée indéterminée, l’employeur ne peut modifier unilatéralement le contrat de travail en décidant de lui fournir ou non du travail et donc de diminuer unilatéralement le salaire ; il estime que le salaire de référence à prendre en considération est ainsi le salaire moyen qu’il a perçu antérieurement à la baisse unilatérale de son nombre de jours travaillés intervenue à partir du mois de décembre 2016 ; il conteste avoir convenu que son nombre de jours de travail soit ainsi diminué et fait valoir qu’il a écrit pour le contester dans une lettre de son conseil ;
La société se réfère à une série d’arrêts de la Cour de cassation, notamment du 2 juin 2021, ayant rejeté une telle argumentation et retenant que la requalification du CDD ne porte que sur le terme du contrat et demeure sans effet sur les clauses relatives à la rémunération contenues dans les différents engagements à durée déterminée successifs ultérieurement requalifiés en CDI ;
La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte en effet que sur le terme du contrat ;
La détermination des jours de travail, qui résulte de l’accord des parties intervenu lors de la conclusion de chacun des contrats, n’est pas affectée par la requalification en contrat à durée indéterminée ;
En l’espèce, chaque engagement conclu entre les parties sur toute la période de collaboration comprise entre le mois de janvier 2017 et le mois de juin 2019 a été régulièrement accepté par le salarié, en ce compris dès lors le nombre de jours travaillés et la rémunération afférente ;
La lettre du conseil du salarié dans lequel celui-ci contestait les conditions de sa relation de travail est datée du 26 avril 2019, précédant de quelques semaines sa saisine de la juridiction prud’homale ; il n’est en revanche pas justifié d’une contestation de la réduction de son nombre de jours travaillés concomitamment ni dans les mois qui ont suivi le mois de décembre 2016 ;
La société intimée est donc bien fondée à voir fixer, par application des textes susvisés, le salaire de référence de M. [Z] sur la moyenne des 12 derniers mois de salaire à la somme de 453,25 euros ;
Sur l’indemnité de requalification
L’article L 1245-2 du code du travail dispose que :
« Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande [de requalification] du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée. » ;
Monsieur [Z] se réfère à la précarité et l’instabilité de sa situation découlant du recours à des CDD successifs et sollicite une réparation forfaitaire et globale de sa perte financière ;
Au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, et tenant compte du salaire de référence susvisé, l’indemnité de requalification allouée sera fixée à la somme de 1 000 euros ; le jugement est infirmé en son quantum de ce chef ;
Sur le rappel de salaires
M. [Z] fait valoir que la société Canal+ a diminué unilatéralement le volume de travail qu’elle lui a confié à compter du mois de décembre 2016, que cette modification unilatérale et sans justification, a entraîné une baisse de sa rémunération et qu’il n’est pas justifié par l’employeur d’élément objectif sur la baisse de volume de travail ainsi confié ; il sollicite la différence de salaire entre ce qu’il a effectivement perçu au cours de la baisse de collaboration, et ce qu’il aurait perçu si l’entreprise n’avait pas modifié son contrat de travail ;
La société intimée fait valoir en réplique que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la rémunération afférente à la durée de travail convenue et que sur les périodes interstitielles (hors contrat de travail), c’est au salarié qui sollicite le paiement d’établir être demeuré à la disposition permanente de l’employeur par le fait de ce dernier ;
La requalification de contrats de travail à durée déterminée successifs en un CDI permet au salarié de solliciter un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles séparant chaque contrat dans la mesure où il justifie s’être tenu à la disposition permanente de son employeur pendant ces périodes ;
En l’espèce, il a déjà été souligné que les engagements tels que conclus entre les parties sur toute la période de collaboration comprise entre le mois de janvier 2017 et le mois de juin 2019 ont été régulièrement acceptés par le salarié ;
En tout état de cause, M. [Z] ne justifie pas s’être tenu à la disposition permanente de la société Canal + ; il ressort du relevé de situation individuelle versé aux débats qu’en 2017 et 2018 il a travaillé pour le compte de plusieurs employeurs et perçu les sommes totales respectives de 30 804 euros et 32 017 euros, dont 16 431 et 9 155 euros pour le compte de Canal +, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il se tenait à la disposition permanente de cette dernière ; le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire ;
Sur le rappel de prime de treizième mois
La convention collective d’entreprise Canal + applicable prévoit que :
« Tous les salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée, reçoivent pour une année complète de présence, une gratification égale au montant des appointements bruts de base au taux en vigueur au mois de décembre de l’année considérée.
Cette gratification est payée en deux versements effectués à la fin du mois de juin et à la fin du mois de décembre.
Pour les salariés ne possédant pas une année complète de présence, la gratification est calculée proportionnellement au temps de présence sur le ou les semestres considérés.
En cas de cessation du contrat de travail, le calcul prorata temporis de la gratification est effectué sur la base du dernier mois de salaire brut de base. » ;
L’article L.3245-1 du code du travail, issu de la loi du 14 juin 2013, dispose que « l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat» ;
En l’espèce, M. [Z] est ainsi fondé à réclamer des rappels de prime de treizième mois au titre des trois années précédant la rupture du contrat ;
Il sera fait droit, en conséquence, à ses demandes de rappel de prime de treizième mois dans la limite de la somme de 1 359,75 euros ; le jugement est infirmé en son quantum de ce chef ;
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur le licenciement
En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Eu égard à la rupture de la relation de travail intervenue à l’initiative de l’employeur qui n’a plus fourni de travail à M. [Z] après le 20 juin 2019 et en l’absence de lettre de rupture énonçant le motif du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Le jugement est aussi confirmé de ce chef ;
Sur les conséquences financières
A la date de son licenciement M. [Z] avait une ancienneté de 14 ans au sein de l’entreprise qui employait de façon habituelle au moins 11 salariés ;
La convention collective de Canal + prévoit que les cadres ont droit à 3 mois de préavis ; M. [Z] qui était cadre a dès lors droit à un préavis de 3 mois ;
Son salaire de référence hors prime de 13ème mois étant de 453,25 euros bruts, il lui est dû à ce titre une indemnité de 1 359,75 euros bruts ;
Le jugement est en conséquence réformé uniquement en son quantum et la société SECP condamnée à lui verser la somme de 1 359,75 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 135,97 euros au titre des congés payés afférents ;
S’agissant de l’indemnité de licenciement, sur la base d’une ancienneté de 14 ans et d’un salaire de référence de 453,25 euros, il lui est dû la somme de 2 039,61 euros ;
Le jugement est en conséquence réformé en son quantum sur ce point et la société SECP condamnée à lui verser la somme de 2 039,61 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
En application de l’article L1235-3 du code du travail, il peut également prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
L’article L. 1235-3 du code du travail issu de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 prévoit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et si la réintégration n’est pas demandée et acceptée, une indemnisation à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau produit, soit pour une ancienneté telle que celle de M. [Z], une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 12 mois de salaire brut ;
Au-delà de cette indemnisation minimale, et tenant compte notamment de l’âge, de l’ancienneté du salarié et des circonstances de son éviction, étant observé que M. [Z] justifie n’avoir retrouvé que des missions ponctuelles et occasionnelles et avoir été finalement contraint de procéder à la liquidation de sa pension de retraite, il convient de condamner l’employeur, sur la base d’un salaire de référence de 453,25 euros, au paiement d’une indemnité totale de 5 439 euros à ce titre, toutes causes confondues ;
Le jugement est réformé en son quantum de ce chef ;
Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités ;
Le jugement est confirmé sur ce point ;
Sur les autres demandes
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ;
S’agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de la société d’édition de canal plus ;
La demande formée par M. [Z] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au salaire de référence, aux montants de l’indemnité de requalification, du rappel de prime de 13ème mois, de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,
Fixe le salaire de référence de M. [Z] à la somme de 453,25 euros,
Condamne la SAS société d’Édition de Canal Plus à payer à M. [R] [Z] les sommes suivantes :
– 1 000 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 1 359,75 euros à titre de rappel de prime de treizième mois,
– 1 359,75 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 135,97 euros au titre des congés payés afférents,
– 2 039,61 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 5 439 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure en cause d’appel,
Condamne la SAS société d’Édition de Canal Plus aux dépens d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,