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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
(Loi n°2011-803 du 05 Juillet 2011)
(Décrets n° 2011-846 et 847 du 18 juillet 2011)
ORDONNANCE
DU 25 MAI 2022
N° 2022 – 113
N° RG 22/02596 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PNKW
[M] [W]
C/
LE DIRECTEUR – CENTRE HOSPITALIER LA COLOMBIERE
[N] [W]
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
Décision déférée au premier président :
Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Montpellier en date du 13 mai 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00600.
ENTRE :
Madame [M] [W]
née le 10 Octobre 1953 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Et actuellement:
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Appelante
Comparante, assistée de Me Solène MORIN, avocate commise d’office,
ET :
Monsieur LE DIRECTEUR – CENTRE HOSPITALIER LA COLOMBIERE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
non comparant
Monsieur [N] [W] ( époux et tiers )
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
non comparant
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
Cour d’appel
[Adresse 1]
[Localité 2]
non comparant
DEBATS
L’affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, devant Myriam BOUZAT, conseillère, déléguée par ordonnance du premier président en application des dispositions de l’article L.3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Marion CIVALE greffière et mise en délibéré au 25 mai 2022.
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Signée par Myriam BOUZAT, conseillère, et Marion CIVALE, greffière et rendue par mise à disposition au greffe par application de l’article 450 du code de procédure civile.
***
Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu la loi n° 2013-803 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu le décret n° 2011- 846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques,
Vu le décret n°2014-897 du 15 août 2014 modifiant la procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement,
Vu l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Montpellier en date du 13 Mai 2022,
Vu l’appel formé le 16 Mai 2022 par Madame [M] [W] reçu au greffe de la cour le 16 Mai 2022,
Vu les convocations adressées par le greffe de la cour d’appel de Montpellier le 16 Mai 2022, à l’établissement de soins, à l’intéressée, à son conseil, au DIRECTEUR du CENTRE HOSPITALIER LA COLOMBIERE, à Monsieur [N] [W] et à MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL, les informant que l’audience sera tenue le 24 Mai 2022 à 14 H 00.
Vu les conclusions en appel déposées au greffe de la cour par Me Solène MORIN pour le compte de Madame [M] [W], le 24 mai 2022 à 9 heures 43.
Vu l’avis du ministère public en date du 23 mai 2022,
Vu le procès verbal d’audience du 24 Mai 2022,
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [M] [W] a déclaré à l’audience sa mésentente conjugale avec un mari qu’elle décrit comme absent et non soutenant dans un contexte de double pathologie, qu’elle dit avoir été trahie par sa propre fille et rationalise son comportement précédent son hospitalisation.
Elle dit souhaiter sortir d’hospitalisation où les malades surtout des jeunes drogués lui font peur et rejoindre le domicile de sa marraine présente à l’audience. Elle confirme avoir appeler son psychiatre traitant en vacances au Maroc pour l’adaptation de son traitement médical.
Monsieur [N] [W], tiers demandeur a expliqué que son épouse bipolaire et hyperthyroidique , suivie en psychiatrie depuis 15 ans et hospitalisée trois fois, a décompensé fin avril 2022, au point d’errer d’hôtel en hôtel et qu’il n’a pu savoir qu’elle se logeait dans un hôtel à 300 mètres de leur domicile à Saint [S] de Védas, que grâce à leur fille qui conservait le contact avec sa mère et qui avait alerté les gendarmes pour l’hospitalisation de sa mère. Il rappelle que depuis 2007 il est en conflit avec sa belle famille et notamment son beau frère [S] [G] [H] qui prétend à une mésentente conjugale et le soutient encore. Il affirme aider sa femme du mieux qu’il peut face à son état de santé mentale et informe avoir réservé pour leur couple un voyage qui devait commencer début mai 2022, niant toute mésentente conjugale. Il ajoute avoir été informé que son épouse voulait aller rejoindre son psychiatre au Maroc.
L’avocate de Madame [M] [W] fait valoir au soutien de la demande de mainlevée le moyen de nullité tiré du défaut de qualité de tiers de l’époux en raison du conflit d’intérêt, celui tiré de l’absence de nécessité du maintien de l’hospitalisation sous contrainte au regard des dipositions de l’article L.3212-1 I al. 1 du CSP à la lecture du certificat médical du 10 mai 2022 qui relèverait les symptômes d’une hyperthyroidie dont sa cliente souffre depuis des années et dont l’état non stabilisé s’apparente à des troubles psychiatriques et à titre subsidiaire une demande d’expertise médicale et abandonne la demande d’expertise psychiatrique.
Le représentant du ministère public conclut à la confirmation de l’ordonnance querellée.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’appel :
L’appel motivé, formé le 16 Mai 2022 à l’encontre d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier notifiée le 13 Mai 2022 est recevable pour avoir été formé dans les 10 jours de la notification en application de l’article R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique.
Sur l’appel :
L’avocate de l’appelante rétière le moyen de nullité tiré du défaut de qualité de tiers de l’époux.
Selon l’article L3212-1-I et II du code de la santé publique: ‘ I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1.
II.-Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission :
1° Soit lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu’elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l’égard d’un majeur protégé, d’une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci.
La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
La décision d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui prononce la décision d’admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l’objet de ces soins ;’
L’article R3212-1 du code de la santé publique dispose: ‘La demande d’admission en soins psychiatriques prévue à l’article L. 3212-1 comporte les mentions manuscrites suivantes :
1° La formulation de la demande d’admission en soins psychiatriques ;
2° Les nom, prénoms, date de naissance et domicile de la personne qui demande les soins et de celle pour laquelle ils sont demandés ;
3° Le cas échéant, leur degré de parenté ou la nature des relations existant entre elles avant la demande de soins ;
4° La date ;
5° La signature.
Si la personne qui demande les soins ne sait pas ou ne peut pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l’établissement qui en donne acte.’
Pour rejeter ce moyen de nullité, la première juge rappelle très justement au visa de l’article L 3212-1 II -1° du csp que [N] [W] est bien l’époux de la patiente demeurant avec elle à la même adresse et qu’un épisode de crise conjugale non confirmée par la patiente à l’audience n’altère pas sa qualité pour demander l’hospitalisation de son épouse, à défaut de séparation de fait.
En cause d’appel, l’avocate de la patiente soutient qu’en audience de première instance, la magistrate n’aurait pas interrogé sa cliente sur le conflit conjugal l’opposant à son époux depuis de nombreuses années et lui enlevant toute légitimité à être tiers demandeur.
A l’audience d’appel, la patiente explique la mésentente conjugale, le couple ferait chambre à part et elle prendrait ses repas seule car elle tousse durant ses repas et dit être malheureuse de cette situation.
L’avocate de la patiente donne connaissance des attestions du frère et de la belle-soeur de la patiente qui sont accusatoires envers l’époux tiers demandeur à l’hospitalisation complète de leur soeur et belle-soeur, en l’incriminant de provoquer les crises décompensatoires de celle-ci par son abandon du foyer et qui reflètent leur conflit réel avec l’époux de la patiente.
Madame [K] [J], marraine de la patiente confirme à l’audience accepter de recevoir sa filleule dès sa sortie d’hospitalisation.
La qualité d’époux non séparé de la patiente, lui donne qualité pour agir en tant que tiers demandeur.
Le moyen de nullité sera rejeté.
L’avocate de la patiente soutient l’absence de nécessité du maintien de l’hospitalisation sous contrainte au regard des dipositions de l’article L.3212-1 I al. 1 du CSP à la lecture du certificat médical du 10 mai 2022 qui relèverait les symptômes d’une hyperthyroidie dont sa client souffre depuis des années et dont l’état non stabilisé s’apparente à des troubles psychiatriques.
Le certificat médical du 10 mai 2022 énonce: ‘Patiente bipolaire qui souffre en plus d’une hyperthyroïdie sur goitre. Persistance d’un état maniaque avec accélération psychomotrice, discours abondant et diffluent, instabilité psychomotrice et humeur exaitée. Malgré le traitement sédatif, la symptomatologie persiste. Le traitement médicamenteux doit encore être ajusté. La patiente refuse les soins psychiatriques, met en avant les soins en endocrinologie. L’hospitalisation est encore nécessaire afin de prendre en charge l’épisode correctement.’
La conclusion du médecin qui fait le rappel somatique d’une hypertyroidie sur goître est de maintenir l’hospitalisation pour la rémission de l’épisode psychiatrique sans qu’elle assimile les troubles du comportement de la patiente à des symptômes dus à l’hyperthyroïdie.
L’avocate de la patiente qui donne une conclusion médicale aux symptômes constatés médicalement par des psychiatres, n’a pas qualité pour ce faire.
Etant ici rappelé que le juge judiciaire contrôle la régularité de la procédure et donc l’existence d’une motivation médicale sans pour autant substituer son avis à celui du médecin.
Il en ressort que la patiente doit encore être soignée en psychiatrie.
Cette demande de mainlevée sera rejetée.
Il ressort de l’audition de la patiente à l’audience, qu’elle rationalise ses troubles du comportement trouvant normal d’aller vivre à l’hôtel à 300 mètres de chez elle, alors qu’elle prétend qu’à ce moment-là son époux l’avait abandonnée pour se ressourcer à Font Romeu.
Ainsi, l’intéressé présente des troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et que son état mental impose dans l’immédiat des soins assortis , d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, dispensés par un établissement mentionné à l’article L 3222-1 du code de la santé publique, et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce type.
En conséquence, l’ordonnance déférée sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Déclarons recevable l’appel formé par Madame [M] [W],
Confirmons la décision déférée,
Laissons les dépens à la charge du trésor public,
Disons que la présente décision est portée à la connaissance de la personne qui fait l’objet de soins par le greffe de la cour d’appel.
Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d’établissement.
La greffière La magistrate déléguée