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AFFAIRE :N° RG 22/00011 –
N° Portalis DBVC-V-B7G-G4ZR
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 15 Décembre 2021 du Tribunal de Commerce de CAEN
RG n° 2021002109
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. LARSENE PRODUCTIONS
N° SIRET : 504 326 935
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Dominique MARI, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur [O] [B]
N° SIRET : 527 617 658 00028
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté et assisté de Me Franck THILL, substitué par Me LAIR, avocats au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l’audience publique du 13 avril 2023
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 22 juin 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
La SARL Larsene productions, société exploitant une activité commerciale consistant dans la production et l’organisation d’événements, spectacles, animations et prestations techniques et artistiques, collabore avec le groupe Amaury et notamment, la société Amaury sport organisation (ASO) pour l’organisation d’événements sportifs.
Dans le cadre de son activité, la société Larsene productions a employé, sous le régime d’intermittent du spectacle, M. [O] [B], en tant que technicien audiovisuel.
A partir de l’année 2017, M. [B], ayant créé sa propre entreprise, a collaboré avec la société Larsene productions en tant que prestataire sous-traitant.
Suivant acte en date du 13 septembre 2019, la société Larsene productions et M. [B] ont conclu un nouveau contrat de prestations relatif à l’organisation pour la société ASO de la course cycliste [Localité 6]-[Localité 8], édition 2019, ledit contrat prévoyant une clause de non-concurrence.
En 2019, M. [B] a conclu un contrat de prestation audiovisuel directement avec la société ASO et en a informé la société Larsene productions, qui lui a rappelé l’applicabilité de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat signé par les parties le 13 septembre 2019.
Les échanges entre les parties n’ayant pas permis de résoudre amiablement le litige les opposant, la société Larsene productions a, par exploit d’huissier de justice en date du 2 avril 2021, assigné M. [B] devant le tribunal de commerce de Caen aux fins de voir prononcer la validité et la violation de la clause de non-concurrence par le défendeur et de le voir condamner au paiement de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire en date du 15 décembre 2021, le tribunal de commerce de Caen a :
– débouté la société Larsene productions de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné la société Larsene productions à payer à M. [O] [B] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Larsene productions aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s’élevant à la somme de 72,13 euros, dont TVA 12,02 euros.
Par déclaration en date du 4 janvier 2022, la société Larsene productions a fait appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 4 avril 2022, la SARL Larsene productions, outre des demandes de ‘constater’ qui ne sont pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, en conséquence, de :
– la déclarer recevable et fondée en son appel et ses demandes ;
– condamner M. [O] [B] à lui payer les sommes de 30.688 euros au titre du préjudice matériel et 10.000 euros au titre du préjudice moral subis avec intérêt au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure du 27 octobre 2020 ;
– condamner M. [O] [B] à lui payer une indemnité de 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions du 27 juin 2022, M. [B] demande à la cour de :
– rejeter l’appel de la société Larsene productions comme étant mal fondé et la débouter de l’intégralité de ses demandes ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf, par substitution de motifs, à juger que la clause de non concurrence est nulle et non caduque ;
– condamner la société Larsene productions à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
SUR CE, LA COUR
– Sur la validité de la clause de non concurrence
La clause litigieuse est ainsi rédigée : ‘Le prestataire s’engage à l’égard du producteur à n’effectuer à quelque titre que ce soit aucune prestation y compris à titre gratuit et à ne percevoir aucune rémunération liées aux épreuves, autres que celles qui seront fixées au contrat, sans l’accord préalable et écrit du producteur.
Le prestataire s’interdit formellement de souscrire directement avec les clients de la société Larsène Productions à quelque titre et en quelque qualité que ce soit, tout engagement similaire ou équivalent, dans les 24 mois suivant la prestation, objet du présent contrat. Il s’engage à ne pas distribuer ses cartes de visite personnelles, à promouvoir la société Larsène Productions qu’il représente et à informer la société Larsène Productions de toutes offres qui pourraient lui être faites directement par son client.’
La société Larsène Productions soutient que cette clause est valide puiqu’elle protège ses intérêts légitimes, les deux parties ayant une activité potentiellement concurrentielle dans le domaine de la production de spectacles et d’animation, que son intérêt légitime était de ne pas voir des clients immédiatement détournés par son sous-traitant à l’issue du contrat, que la clause est en outre proportionnée puisqu’elle n’interdit pas à M. [B] d’entreprendre.
M. [B] argue de la nullité et de l’inopposabilité de la clause de non-concurrence litigieuse considérant d’une part que cette clause ne protège aucun intérêt légitime dans la mesure où les activités des parties sont totalement distinctes et qu’il ne saurait y avoir une quelconque concurrence entre elles, la société Larsène Productions n’exerçant qu’une activité artistique et se contentant de sous-traiter la totalité des activités audiovisuelles et d’autre part que la clause litigieuse est disproportionnée dès lors qu’elle ne précise aucune limite dans l’espace et que si en l’espèce, la durée de deux ans de la clause litigieuse n’apparaît pas excessive en soi, elle devient disproportionnée compte tenu de l’absence d’intérêt légitime de la société Larsène Productions et de limite géographique.
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Il résulte de ses statuts que la société Larsène Productions a pour activité notamment ‘La diffusion de prestations artistiques, ainsi que tout autre type de prestations liées au domaine du spectacle : techniques, sonorisations, lumière (en sous-traitance ou non) ;
La conception, la production, et la commercialisation de spectacle’.
Elle est inscrite au registre du commerce et des sociétés avec comme activités principales notamment : prestations techniques, sonorisation, prestations artistiques, spectacle, magie.
Il ressort du contrat-cadre conclu entre la société ASO et la société Larsène Productions que cette dernière se voyait confier d’une part l’exécution de prestations à savoir la production audiovisuelle (les prestations) et d’autre part la mise en place de représentations, de spectacles lors des épreuves sportives (les spectacles).
M. [B] exerce à titre individuel une activité de technicien audiovisuel. Il propose sur son site internet :’Des solutions audiovisuelles adaptées à vos événements’, ‘Réalisation, Montage vidéo, motion design, 3D, Création graphique, dynamisation d’événements’.(pièce n°15 de l’appelante)
Son activité recoupe nécessairement celle exercée par la société Larsène Productions dans la mesure où M. [B] avait conclu un contrat de prestations avec la société Larsène Productions qui lui sous-traitait la partie ‘prestations’ de son engagement vis à vis de la société ASO à savoir la production audiovisuelle.
L’activité exercée par M. [B] était ainsi en concurrence pour partie avec celle exercée par la société Larsène Productions peu important que celle-ci ait eu recours à la sous-traitance.
Il y avait donc bien un risque concurrentiel contre lequel la société Larsène Productions avait un intérêt légitime à se protéger afin comme elle l’indique de ne pas voir ses clients détournés par son sous-traitant à l’issue du contrat.
Il résulte des contrats de prestation signés entre les parties que ceux-ci concernent à chaque fois une épreuve cycliste particulière : [Localité 6]-[Localité 5], [Localité 6]-[Localité 7], Tour de France, critérium du Dauphiné, Tour du Yorkshire et [Localité 6]-[Localité 8].
Dans chacun de ces contrats est inclus la même clause de non-concurrence qui figure dans le contrat du 13 septembre 2019 concernant la course cycliste [Localité 6]-[Localité 8].
La clause de non-concurrence interdisait à M. [B] de contracter directement avec les clients de la société Larsène Productions pour exercer l’activité ‘prestations’, c’est à dire la production audiovisuelle, relative à des courses cyclistes et ce pour une durée de 24 mois.
L’interdiction portant sur l’animation des courses cyclistes organisées par les clients de la société Larsène Productions, l’objet de la clause de non-concurence était limité.
En l’espèce, la clause est limitée dans le temps. La durée de 24 mois n’apparaît pas en l’espèce excessive.
L’intervention de M. [B] sur des courses cyclistes dont les organisateurs n’étaient pas déjà clients de la société Larsène Productions restant possible sur tout le territoire français, il ne peut être retenu que cette clause est illimitée géographiquement et empêche l’activité de M. [B] sur tout le territoire français.
Au vu de ces éléments, la clause apparaît limitée dans le temps et l’espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger de la société Larsène Productions, n’empêchant pas l’activité de M. [B] avec des organisateurs qui ne sont pas clients de la société Larsène Productions ou pour l’organisation d’autres épreuves sportives que les courses cyclistes objets des contrats conclus entre M. [B] et la société Larsène Productions.
La clause de non-concurrence est donc valable et opposable à M. [B].
– Sur la violation de la clause de non-concurrence
M. [B] ne conteste pas avoir contracté avec la société ASO pour assurer les prestations techniques lors de courses cyclistes qui étaient confiées précédemment à la société Larsène Productions.
Il y a donc bien eu une violation de la clause de non-concurrence.
M. [B] soutient qu’il n’y a aucun préjudice dès lors que la société Larsène Productions continue à travailler avec la société ASO pour la partie spectacle et qu’elle ne peut invoquer aucun préjudice financier dans la mesure où le contrat cadre conclu avec la société ASO lui interdisait de sous-traiter totalement la partie prestations et qu’elle n’aurait donc pu prétendre à une commission pour une sous-traitance totale.
Le contrat cadre du 1er mars 2017 prévoit à l’article 1.1 que la convention est un contrat cadre ayant pour objet de définir les obligations du prestataire quant à :
– l’exécution de prestations, confiées par le client au prestataire, de production audiovisuelle appelées ‘prestations’
– la mise en place de représentations de spectacles de groupes appelées ‘spectacles’.
L’article 11.3 intitulé sous-traitance prévoit :
11.3.1. En conséquence des dispositions de l’article 11.1 ci-dessus, (intuite personae), la réalisation des ‘prestations’ ou la fourniture des ‘spectacles’ ne pourront plus faire l’objet d’aucune sous-traitance totale.
11.3.2. Dans l’hypothèse toutefois où le prestataire se trouverait dans l’obligation de faire exécuter partiellement une ou plusieurs des prestations ou spectacles par un prestataire extérieur, le prestataire devra obtenir l’accord préalable du client.
En cas d’obtention d’un tel accord :
– le prestataire s’engage, en outre, à ce que ses prestataires et sous-traitants exécutent les prestations ou spectacles sous-traitées en respectant sans réserve les dispositions du contrat …
– il est dès à présent convenu que le prestataire sera solidaire de ses sous-traitants quant à la bonne exécution des présentes.
Le prestataire ne pourra commencer ou résilier tout contrat de sous-traitance afférent à l’exécution de tout ou partie des prestations ou spectacles sans l’accord préalable et écrit du client.
Ce contrat ne concerne que la société Larsène Productions et la société ASO.
Il est distinct des contrats de prestations conclus entre la société Larsène Productions et M. [B] et des clauses de non-concurrence.
M. [B] fait valoir que la société Larsène Productions lui sous-traitait toute la partie prestations.
Pour autant, il ressort des bons de commande communiqués aux débats par la société Larsène Productions que la société ASO intégrait bien la participation de M. [B] et acceptait donc la sous-traitance de la partie prestations.
La société Larsène Productions se voyait ainsi confier la partie prestations et même si elle sous-traitait cette partie, elle percevait des commissions qui ne lui ont plus été versées dès lors que M. [B] a contracté directement avec la société ASO malgré l’existence de la clause de non-concurrence.
La société Larsène Productions a donc subi un préjudice.
M. [B] ne justifie d’aucune,faute commise par la société Larsène Productions dans l’exécution du contrat cadre conclu avec la société ASO qui lui aurait causé un dommage, étant précisé qu’il ne formule aucune demande de dommages et intérêts.
Le tableau communiqué par l’appelante pour établir les sommes payées à M. [B] est étayé par les contrats et les factures communiqués.
La société Larsène Productions percevait une commission de 20%, ce qui a représenté une somme de 15.318,94 euros en 2019 pour les courses cyclistes.(pièce n°19 de l’appelante).
Son préjudice peut donc être chiffré à 30.637,88 euros sur deux années.
M. [B] est condamné au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt par application des dispositions de l’article 1231-7 du code civil.
Le jugement est infirmé en ce sens.
L’appelante ne caractérise ni ne justifie d’aucune circonstance particulière pour établir la réalité d’un préjudice moral.
Elle est donc déboutée de la demande faite à ce titre.
– Sur les dispositions accessoires
Les dispositions du jugement relatives à l’indemnité de procédure et aux dépens sont infirmées.
M. [B], qui succombe, est condamné à payer à la société Larsène Productions la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, est débouté de sa demande formée à ce titre et est condamné aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne M. [O] [B] à payer à la société Larsène Productions la somme de 30.637,88 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne M. [O] [B] à payer à la société Larsène Productions la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [O] [B] aux dépens de première instance et d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY