Production Audiovisuelle : 20 mai 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 19/04192

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Production Audiovisuelle : 20 mai 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 19/04192

20/05/2022

ARRÊT N° 2022/296

N° RG 19/04192 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NGOO

MD/KS

Décision déférée du 16 Septembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/00566)

L DESCHAMPS

SECTION ENCADREMENT

SA AVIVA ASSURANCES

C/

[M] [T]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

SA AVIVA ASSURANCES

13 Rue du Moulin Bailly

92270 BOIS COLOMBES

Représentée par Me CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE et par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur [M] [T]

3 Allées de l’Eglise

64600 ANGLET

Représenté par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX et par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , S.BLUME et M.DARIES chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE:

M. [M] [T] a été embauché le 1er janvier 1984 par la SA Aviva Assurances suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de ‘inspecteur du Cadre 3ème échelon’ de la convention collective nationale de l’inspection d’assurances.

Le 01 avril 1991, M. [T] est devenu inspecteur commercial, puis le 01 avril 2005, inspecteur régional vie, puis le 01 septembre 2010, directeur régional au sein de la société Aviva.

Le 01 juillet 2016, il a été nommé directeur régional à la délégation Sud-Ouest.

M. [T] a été convoqué par courrier recommandé en date du 20 novembre 2017 à un entretien préalable à licenciement fixé au 4 décembre 2017, avec dispense d’activité.

A l’issue de la procédure de consultation du Conseil prévue par l’article 66 de la convention collective, le salarié s’est vu proposer une mutation par courrier recommandé du 2 janvier 2018.

Après son refus exprimé dans un courrier du 22 janvier 2018, M. [T] a été à nouveau convoqué par courrier recommandé en date du 25 janvier 2018 à un entretien préalable au licenciement au 5 février 2018.

Le 1er mars 2018, M. [T] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave.

M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 13 avril 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Par jugement en date du 16 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement, a :

-dit et jugé que le licenciement de M. [T] doit être requalifié comme ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse,

-condamné en conséquence la Sa Aviva Assurances à payer à M. [T] la somme de 19 191 euros de préavis assortie de 10 % de congés payés sur préavis,

-condamné la Sa Aviva Assurances à payer à M. [T] la somme de 163 250 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,

-condamné la Sa Aviva Assurances à payer à M. [T] la somme de 127 920 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et notamment, outre le préjudice moral, pour compenser le différentiel entre l’allocation de retour à l’emploi et la rémunération de M. [T], pour compenser le défaut de retraite générale et complémentaire consécutif au licenciement, pour compenser l’absence de retraite Aviva et l’impossibilité d’accéder au PEE Aviva,

-dit et jugé qu’il existe un préjudice distinct dont a été victime M. [T], constitue par l’atteinte morale perpétrée par l’employeur à l’encontre de son salarié,

-condamné en conséquence la société à payer à M. [T] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de l’atteinte morale perpétrée par l’employeur à l’encontre de son salarié,

-retient un salaire brut mensuel moyen s’élevant à 6 396,89 euros bruts mensuels,

-condamné la SA Aviva Assurances à payer à M. [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

-débouté les parties de leurs plus amples prétentions,

-ordonné à la société de rembourser au pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [T] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

-dit que la présente décision sera communiquée au pôle emploi par les soins du greffe,

-dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société défenderesse.

Par déclaration du 23 septembre 2019, la Sa Aviva Assurances a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 19 septembre 2019, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRETENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 30 mars 2020, la SA Aviva Assurances demande à la cour de :

-infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [T] les sommes suivantes :

*19 191 euros à titre d’indemnité de préavis,

*163 250 euros à titre d’indemnité conventionnelle,

*127 920 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*50 000 euros à titre de préjudice moral,

*2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes, fins, écrits et conclusions en tant qu’elles ne sont pas fondées,

-condamner M. [T] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions de procédure du 21février 2022, l’appelante fait part d’un changement de dénomination sociale, à savoir la Sa Aviva Assurances est devenue la Sa Abeille Iard et Santé.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 6 mars 2020, M. [M] [T] demande à la cour de :

-juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et confirmer le jugement sur ce chef,

-réformer sur le montant des condamnations,

-condamner par conséquent la Sa Aviva Assurances à payer la somme totale

de 703 895 euros ventilée comme suit :

*indemnité de préavis : 19 191 euros,

*indemnité conventionnelle : 163 250 euros,

*dommages et intérêts :

perte location de voiture : 22 260 euros,

carence de 6 mois avant de pouvoir bénéficier du chômage : 38 381 euros,

différentiel entre l’allocation de retour à l’emploi et à la rémunération mensuelle brute : 235 813 euros,

retraite générale et complémentaire : 96 000 euros,

retraite Aviva : 42 500 euros,

PEE Aviva : 25 000 euros,

perte de primes en 2017 : 11 500 euros,

*préjudice moral : 50 000 euros,

-la condamner à payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 25 février 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS:

I/ Sur le licenciement:

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Il ressort de ces termes que l’employeur retient la qualification de faute grave comme motif de licenciement du salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. Le juge doit tenir compte des éléments qui lui sont alors soumis pour apprécier la gravité de la faute soutenue. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

La lettre de licenciement du 01 mars 2018, est libellée comme suit,

‘ Vous avez été convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception le 20 novembre 2017 à un entretien préalable en vue de votre éventuel licenciement pour faute grave, lequel s’est tenu le 4 décembre 2017.

Nous avons par ailleurs convoqué le Conseil, et ce, conformément à nos obligations conventionnelles, à une réunion qui s’est tenue le 18 décembre 2017.

Au cours de cette procédure, nous vous avons exposé les raisons qui nous avaient conduits à vous convoquer à un entretien préalable à votre éventuel licenciement pour faute grave, et tenant à votre comportement managérial inadmissible à l’égard de certains de vos collaborateurs ou ex-collaborateurs.

Toutefois, au regard de votre ancienneté importante en notre sein, nous avons décidé, à titre très exceptionnel, et bien que les faits reprochés pouvaient parfaitement justifier un licenciement, de vous proposer, par courrier recommandé du 2 janvier 2018, une rétrogradation au poste de Chargé de mission Senior, catégorie 6, ne comportant aucun management, et ce afin de tirer les conséquences des manquements dont vous avez fait preuve en la matière.

Vous nous avez alors adressé un courrier le 10 janvier 2018, aux fins de solliciter de notre part des renseignements complémentaires, afin que vous puissiez vous positionner sur ce poste, ce que nous avons fait par courrier du 15 janvier 2018.

Vous êtes alors revenu vers nous le 22 janvier 2018, en indiquant que cette sanction constituait, selon vous « une grande disproportion entre la sanction et l’absence de faute caractérisée ».

Aussi, compte tenu de votre courrier, nous avons été contraints de considérer que vous refusiez cette proposition de rétrogradation, ce que nous déplorons.

Dans ce contexte, nous n’avons eu d’autre choix que de vous convoquer à nouveau, par courrier recommandé du 25 janvier 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, lequel s’est tenu le 5 février 2018.

Conformément à nos obligations conventionnelles, nous avons parallèlement sollicité la réunion du Conseil, laquelle s’est tenue le 16 février 2018.

Suite à ces échanges, nous vous informons que nous ne sommes pas en mesure de modifier notre appréciation de la situation et vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

En effet, nous avons reçu, au mois de novembre 2017, des témoignages précis et concordants de cinq de vos subordonnés ou ex-subordonnés.

Après des premières investigations, nous avons appris que certaines de ces personnes avaient déjà alerté des représentants du personnel plusieurs mois auparavant. Aussi, alors que vous en étiez informé, vous avez volontairement choisi de ne pas alerter la Direction, laissant ainsi perdurer une situation délicate entre collègues, et engendrant, pour eux, une importante souffrance au travail, ce que nous ne pouvons tolérer d’un manager de votre niveau de séniorité.

Ne voyant pas leur situation s’améliorer, ces personnes se sont alors rapprochées des ressources humaines, en faisant état d’un important mal être au travail, qu’ils vous attribuaient clairement.

Les ressources humaines ont donc rencontré ces différentes personnes au mois de novembre 2017 et, lors de ces rencontres, les intéressés ont unanimement fait état d’importantes difficultés qu’ils avaient à collaborer « normalement » avec vous, indiquant être « poussée à bout », évoquant une « torture psychologique », pour certain, une « pression psychologique non professionnelle » pour un autre, déplorant avoir été « agressée très violemment verbalement », ou encore faisant état de « pleurs », de « tête de turc », d’angoisse, du fait de « vivre dans la peur », etc, entrainant des traumatismes psychologiques sur ces personnes et des prescriptions médicales pour certains.

Nous ne pouvons tolérer que des salariés de notre entreprise soient ainsi exposés à une telle souffrance au travail, en raison de vos méthodes de management totalement inadaptées. En conséquence, la particulière gravité des faits que nous vous reprochons et que nous vous avons exposés rend impossible, au regard de vos fonctions et de votre niveau de responsabilité, la poursuite de votre contrat de travail et votre maintien dans notre entreprise.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave ».

La société expose qu’à la suite de la réception en novembre 2017, de témoignages de collaborateurs dénonçant un comportement managérial inadapté de M. [T] à leur égard, elle a diligenté une enquête en lien avec les ressources humaines, au cours de laquelle les cinq collaborateurs ont été entendus en entretien, ainsi:

– Madame [W] [CE], inspectrice dans la région du Sud Ouest lorsque M. [T] devient directeur régional.

« (‘) Au départ, les relations professionnelles étaient normales avec moi. Cependant, il était très agressif avec une de mes collègues inspectrices, [Y] [I]. Je l’ai notamment entendu pleurer lors d’un entretien avec [M] [T] dont elle est ressortie dévastée. Elle m’a dit qu’elle préférait se « soumettre », qu’elle avait un projet pour devenir agent. Par la suite, les relations avec [Y] se sont calmées et il m’a prise à mon tour comme ‘ tête de turc’.

Je me souviens d’une convocation à la délégation au sujet du budget commercial que je gérai. Il m’a mise plus bas que terre devant les autres inspecteurs. Dès lors, il a tout fait pour retourner les autres membres de l’équipe contre moi et m’isoler. Il m’a également agressée très violemment verbalement lors d’une réunion régionale en présence de tous les inspecteurs, j’étais en larme et il continuait, continuait.

Il mélange en permanence relations personnelles et professionnelles. (..)

Ses agissements consistant à m’ignorer ou à se comporter de façon violente à mon égard m’ont amené à me réfugier dans le travail et à essayer de l’éviter au maximum.

Au départ d’un agent, j’ai saisi l’occasion de réaliser mon projet professionnel : devenir agent général. Je monte donc un dossier de reprise d’agence et le lui présente. Il a une réaction très négative en me disant que je ne lui donne pas envie d’appuyer mon dossier et que de toutes façons [U] [B] a dit « non ».

[M] [T] m’affirme que la Direction refuse que je reprenne l’agence vacante. Je n’ai aucune explication. Il me dit que si je ne plie pas, il me fera muter dans le nord et m’éloignera de ma famille. Il sait à quel point cela est inenvisageable pour moi pour des raisons familiales.

Je demande alors à rencontrer [U] [B], Directeur commercial pour comprendre. Un rendez-vous est fixé au siège à Bois-Colombes. En arrivant au secrétariat pour mon rendez-vous, j’apprends que [M] a appelé [H] [P] pour le faire annuler, sans m’en avertir en lui disant qu’il en fait son affaire. Je suis dévastée. Malgré le rendez-vous annulé, [U] [B] accepte de me recevoir. Je lui fais part de mon projet en espérant comprendre son refus. Il me dit n’avoir pas refusé mon évolution en tant qu’agent et me promet de faire le point avec [M] [T] sur les restructurations en cours et à venir sur Bordeaux.

Le lundi suivant, [M] [T] me convoque à la Délégation et me pousse à bout, et son attitude me met dans un état de « crise ». Des collègues ont été présents. Je le supplie d’arrêter cette torture psychologique. Devant une situation trop difficile à supporter, je prends deux semaines de congés.

A mon retour de congés, il me convoque à nouveau et en présence d'[D] [GM] et d'[A] [V], me dit finalement que l’agence me sera confiée car je suis « un risque social » pour l’entreprise. J’ai donc repris l’agence sans aucun soutien de sa part et même avec des obstructions qui auraient pu mettre en danger mon projet. (..)

Je n’arrive pas à comprendre comment la situation a pu se dégrader si vite et fortement. J’ai vécu à cause de lui les moments les plus difficiles de ma vie professionnelle. (..) J’ai également assisté à d’autres faits concernant mes collègues, [Y] [I], [A] [V] et [Z] [O]. Je suis inquiète pour eux. C’est pour cela que j’ai décidé de témoigner même si j’ai peur des conséquences. ‘

– Madame [I], inspectrice région sud-ouest:

« Dès l’arrivée de [M] [T], la relation a été difficile : au sujet de ma présence au pot de départ de [U] [LC], il s’énerve très fortement. Il me fait des reproches que je ne comprends pas lors d’un entretien à la délégation du type : « je suis une enfant pourrie gâtée, je n’ai pas de savoir vivre, je ne sais pas me tenir en réunion, ni fermer ma gueule ». Il conclut l’entretien en me disant « tu te plieras ou ça cassera désormais c’est moi le chef ». Je pleurais devant tant de violence mais cela n’arrêtait pas le flot de ses reproches. L’entretien a duré une heure.

Je lui ai parlé de mon souhait de devenir agent. Il m’a expliqué que si je devenais agent général comme souhaité et que nos relations ne se passaient pas comme il le souhaitait et que je ne me soumettais pas, il ne fallait pas attendre de sa part aucun budget commercial ou allocation dans mon projet. Je me suis associée avec deux agents généraux et je ne voulais pas leur porter préjudice donc j’ai préféré me soumettre comme demandé car il me restait peu de temps à tenir. (..)

[NZ] [J], une collègue, était présente à la délégation et m’a vu sortir du bureau en pleurs. Par la suite, il s’en est pris à la collègue [NZ]. J’étais présente lors de réunions où il l’a mise en cause injustement devant toute l’équipe régionale et surtout j’ai constaté qu’à plusieurs reprises il lui a parlé « comme à un chien ». Cette réunion a été pour moi choquante de violence verbale envers [NZ]. Elle est devenue sa tête de turc.

[NZ] a réalisé son projet. Elle est agent. Il s’en prend actuellement à [LC] [C] et également à [A] [V] et [Z] [O].

Je pense être celle qui a été la plus préservée mais je ne peux pas le laisser continuer à agir de la sorte. Ses agissements ont des conséquences graves sur mes anciens collègues avec lesquels j’ai gardé des contacts et qui me semblent traumatisés psychologiquement du comportement de [M] [T] ».

– Monsieur [C], inspecteur commercial sur Montpellier:

« Dès son arrivée, [M] [T] a pris [NZ] [J] en ligne de mire. Il disait ouvertement aux autres inspecteurs qu’il voulait la faire plier. En sa présence, il ne disait pas un mot, il l’ignorait. Il disait qu’il allait tout faire pour la faire « dégager ».

Avant [NZ], c’était [Y] qui était visée par ses attaques. (..)

En ce qui me concerne, les difficultés ont commencé ainsi : l’assistante de la délégation m’appelle le 27 septembre pour organiser un rendez-vous à l’hôtel de Montpellier le 25 octobre. Je demande l’objet de cet entretien avec [M] [T] mais je n’ai pas de réponse. Pendant 4 semaines, je n’ai pas eu de retour de sa part ni pour la raison du rendez-vous ni pour traiter mes dossiers professionnels. (..). J’essaye également d’avoir des réponses quant à mes dossiers d’agences mais pareil il ne veut pas me répondre et devant tout le monde me dit qu’il ne veut pas me recevoir et qu’il me verra le 25 octobre à Montpellier.

L’entretien a donc lieu. Pendant les 5 premières minutes, il me parle d’un appel d’agent qui date d’un an et ensuite pendant 45 minutes, il me parle de ragots qui circulent sur les relations extra-professionnelles d’une de mes collègues avec lui avec beaucoup de colère et m’accuse de les colporter. Il ne veut pas parler des dossiers professionnels. Il me dit « il vaut mieux ne pas être dans ma ligne de mire », je suis un pitbull » « moi, la mêlée, je la remonte ». Il finit la conversation en me parlant de la cagnotte pro et de son utilisation.

Le 8 novembre lors d’une télé-réunion, il exprime son dégoût quant à l’utilisation de la cagnotte pro pendant 15 minutes. Je sais qu’il parle de moi. Il dit que sa confiance est trahie et qu’il va se « mettre sur le dos de cet inspecteur ». Quand j’ai demandé à parler, il a explosé. Mes collègues m’ont appelé pour me conseiller de « faire le dos rond » et que j’étais dans une situation très compliquée maintenant. Sachant ce qu’il s’est passé avec mes collègues, je ne dors plus. Je pense à quitter l’entreprise. Je comprends maintenant la guerre psychologique que mes collègues ont dû subir.

[M] [T] pense à réorganiser ma circonscription en m’enlevant la plus grosse agence sans m’en parler. Je l’ai appris car un de mes collègues m’en a parlé.

Actuellement, je me sens très angoissé et j’assiste aussi à ses agissements qui affectent mes collègues, [A] [V] et [Z] [O].

J’ai l’impression qu’il a tout pouvoir et souffle en permanence le chaud et le froid pour nous déstabiliser. Il agit dans le dos des gens en appelant nos propres collègues pour raconter des histoires sur nous ».

– Monsieur [O], qui connaît M. [T] depuis plusieurs années:

‘ De septembre 2016 à mai 2017, travailler avec lui fut un réel plaisir. Il était sympathique et enthousiaste pour les projets que je lui présentais. L’ambiance est plutôt bonne.

De la fin mai à la mi-novembre en revanche, l’univers bascule du tout au tout en deux phases distinctes, avant les vacances d’été où, avec [A], nous sommes deux à être pris en étau, puis après l’été où je suis le seul à être pris à partie.

Et j’ai ainsi vécu avec [M] parmi les meilleurs moments et les pires de ma carrière professionnelle.

(..)19 juin: convocation à la délégation: Un premier entretien commun d’1h30 [A], [M] et moi : les reproches sont multiples. Il parle de trahison, et utilise les mêmes références qu’il utilisera lors de la téléréunion concernant [LC] [C] : « Il s’agit d’une faute professionnelle car vous déstabilisez l’équipe ». Puis viennent les menaces : avertir la hiérarchie, changer le périmètre d’inspection d'[A], envoyer une lettre recommandée à nos domiciles respectifs et imaginer que nos conjoints respectifs ouvrent le courrier en voyant le motif.

La première sanction sera qu'[A] ne participera pas à ma seule réunion de circonscription de l’année. Il nous dit qu’il réfléchira aux sanctions futures.

(..) Un troisième entretien individuel avec [M] est programmé l’après-midi, il durera 1H30 environ. Pendant mon entretien, interviennent les mêmes arguments confiance, trahison, la situation d'[A], ma situation, la souffrance. En boucle.

(‘) 17h30 je quitte Toulouse pour retourner à Anglet, c’est l’anniversaire de mon épouse. Sur la route, [A] m’appelle : « [Z], attention, il m’a dit que ce n’était pas normal que tu n’aies pas souffert, et que c’est à ton tour de souffrir ! ».

5 juillet (‘) Peu de temps après, j’avertissais [M] que j’avais alerté les syndicats concernant

les semaines éprouvantes que je venais de vivre. Je pensais qu’il allait passer à autre chose avec les vacances d’été.

(‘) Conséquences physiques :

Aujourd’hui alors que mon témoignage intervient plus d’une semaine après la mise en disponibilité de [M] [T], la pression dans laquelle je travaillais a considérablement baissé.

Depuis mai, je n’arrive plus à dormir correctement car je me réveille en pleine nuit pendant 2 à 3 heures, en pensant aux différents épisodes vécus, avec comme éternelle et insoluble question : « Pourquoi ‘ » (il n’y a jamais eu aucun reproche sur le plan professionnel).

La première phase de mai à juillet a été très lourde en raison de ces séances de conditionnement répétées : tout le temps inquiet quant au déroulement de la future rencontre. L’estomac noué en permanence, j’ai perdu très rapidement 7 à 8 kilos, m’obligeant à changer totalement ma garde-robe.

La seconde période à partir de septembre a été aussi très difficile à votre moralement car c’est un projet qui impliquait ma famille.

Au stress d’être encore sous haute surveillance à chaque réunion, se rajoutait ces dernières semaines, le sentiment d’être totalement isolé et totalement démuni. (..)

Je ne comprenais vraiment plus où il voulait en venir avec moi, et je me demandais vraiment jusqu’à quand le calvaire allait durer.

En conclusion

Il faut être extrêmement solide pour sortir sans trop de séquelles et sans accident de 6 mois de pression psychologique « non-professionnelle », imposée par un supérieur hiérarchique, comme celle que je viens de vivre. (..)’

– Madame [V], dont le responsable hiérarchique est M.[T]

depuis janvier 2017:

« (‘) En mai 2017, les choses ont changé. Je m’entends très bien avec [Z] [O], inspecteur commercial dans la même région. Nous avions un rendez-vous professionnel dans un bar avec un agent. Cet agent avait bu beaucoup d’alcool et tenait des propos incohérents. [M] [T] nous a rejoints. Devant la situation un peu incongrue, j’ai lancé un signe à mon collègue en lui donnant un coup de genou. [M] [T] me l’a très violemment reproché. Pendant deux jours, il m’ignore. De retour sur Toulouse, j’appelle [M] [T] pour comprendre. Il m’a dit que mon attitude est inadmissible. Cet entretien m’a beaucoup affecté. Je lui certifie que ma relation avec [Z] est tout à fait professionnelle. [M] [T] a été obnubilé par ce sujet pendant un mois. Il ne me parle que de ça, me rappelant des anecdotes anciennes qu’il interprète à chaque fois pour prouver que j’entretiens une relation intime avec mon collègue. J’ai vécu un calvaire pendant un mois et demi. Il me demandait de venir dans son bureau à chaque fois que je me rendais à la délégation et il ne me parlait que de ce sujet. J’ai été mise sur la touche.

Il semblait jaloux de cette relation qu’il imaginait. Il m’a dit qu’il ne mangeait plus et ne dormait plus à cause de cette supposée relation.

Il m’invite à déjeuner pour ‘dit-il- enterrer la hache de guerre mais en fait ce moment est un calvaire. Il continue ses reproches et me dit même que l’on pourrait me reprocher de lui faire des avances.

Je lui dis que j’envisage de quitter la société et que ce qu’il me fait subir est inacceptable.

Il me convoque par SMS précédé d’un appel lapidaire encore une fois le vendredi soir pour le lundi, à l’issue d’une réunion de travail où toute l’équipe était présente. Et, malgré mon attitude qui a été très distante et froide envers mon collègue, il me reproche de ne pas avoir écouté ses consignes qui visaient à ne plus du tout entrer en contact avec mon collègue.

Je passe un très mauvais weekend. Après s’être soi-disant réconcilié et avoir passé l’éponge sur le sujet lors du repas mentionné plus haut, je ne comprends pas cette réaction très violente et totalement injustifiée.

(..) Il me dit que mon collègue sera accusé de harcèlement.

Il s’en est également pris à mon collègue en me disant qu’il avait souffert et moi aussi. C’était à son tour de souffrir.

Lors de nos déplacements, la discussion déviait parfois sur notre relation. Il disait que je pourrais lui plaire et qu’il ne fallait pas jouer un jeu dangereux.

Cette relation avec [M] [T] m’a beaucoup déstabilisée et affectée. Je n’étais plus moi-même. Je me remettais beaucoup en question et surtout je vivais dans la peur avec l’impression que cela pouvait recommencer à tout moment ».

Mme [V] et Monsieur [O] ont établi des attestations le 19-12-2019:

– Mme [V] écrit notamment : ‘ (..) J’ai vécu une année 2017 infernale

et une année 2019 avec le seul sentiment d’être poussée à bout. Je suis moralement épuisée, profondément dégoutée et j’ai l’impression que cela ne s’arrêtera jamais. Je ne souhaite à personne ce que j’ai vécu et ce que je continue à vivre et j’aimerais qu’il soit mis hors d’état de nuire.

La souffrance psychologique est invisible et elle tue à petit feu, à peine je me relève qu’un nouveau coup est asséné. Toutes ces manipulations insidieuses agissent comme une lame de fond qui me maintient sous l’eau depuis 2 ans et m’asphyxie lentement.

Cette histoire me dégoûte et me laisse un goût amer. M. [T] m’a harcelé moralement de façon évidente quant il était en poste et continue à le faire de la façon la plus sournoise qui soit. D’un point de vue professionnel je suis détruite ».

M. [O] ajoute: ‘suite des évènements en décembre 2017: l’apaisement n’a pas duré longtemps et la période de mise en disponibilité de [M] a été très difficile à vivre car, malgré l’interdiction qui lui en avait été faite par la DRH, [M] continuait à avoir des échanges réguliers avec des collègues. L’attitude a rapidement changé à notre égard et je pouvais aisément ressentir que nous faisions partie ‘des méchants’. On savait par les syndicats que beaucoup de personnes de l’équipe avaient fait des attestations.

Les attestations d’évènements interprétés par leurs rédacteurs, illustrent parfaitement la pression régulière que nous subissions encore, ainsi que la surveillance des isolements dont nous faisions l’objet par l’équipe, ce malgré l’éloignement physique de [M] (..).’

Il est produit également un seul certificat médical concernant Mme [J]

du 17-11-2017 faisant mention d’une consultation le 07-02-2017 pour insomnie avec asthénie et état anxieux, la patiente évoquant des difficultés relationnelles dans le cadre professionnel.

La société explique qu’elle a, à la suite de l’enquête et avant de prononcer le licenciement, proposé le 02 janvier 2018 à M. [T] ‘une solution de mobilité’ vers un poste sans management, à savoir un poste de chargé de mission senior, qu’il refusait le 22 janvier 2018. De ce fait, elle considère qu’elle ne pouvait que procéder au licenciement pour faute grave au regard de son attitude déviante, des fonctions exercées et de son niveau de responsabilité.

Elle allègue que la proposition de mutation était une mesure de clémence, en raison de son ancienneté et de ses capacités professionnelles passées et non une rétrogradation.

* M. [T] réplique que:

-le témoignage postérieur et tardif de 8 pages de Madame [A] [V] comporte

des contradictions avec le compte-rendu d’entretien, elle ne conteste pas avoir une relation intime avec M. [O], collègue de travail, qu’il avait dénoncée et elle a rencontré de nouvelles difficultés avec son successeur, M.[TA] qui a repris

la Région le 1er janvier 2018, qui ont abouti à son propre licenciement le 13 novembre 2019,

– l’attestation de M. [O] a la même calligraphie et présentation que le rapport d’entretien , la seule différence étant le chapeau du témoignage.

L’intimé dénie toute réalité aux faits en s’appuyant sur les deux procès-verbaux des deux réunions du Conseil saisi dans le cadre de la procédure prévue par

l’article 66-A de la Convention collective, Conseil qui l’a entendu.

Il fait valoir en outre que:

– sa compétence était établie par 8 collaborateurs ( dont trois délégués syndicaux) sur les 11 constituant son équipe, tous étant choqués par les accusations portées,

– il n’a commis aucune faute mais a dû gérer dans son équipe des problématiques personnelles entre collaborateurs,

– la proposition de mutation qui était une sanction était infondée,

– si la Compagnie d’assurances a admis, après le premier Conseil, que les faits pouvaient être sanctionnés par une rétrogradation et une mutation, elle ne pouvait considérer, après son refus, qu’il y a une situation de faute grave rendant impossible le maintien du contrat de travail.

Sur ce:

Lors de la réunion du Conseil du 18 décembre 2017, M. [T] contestait les termes des ‘plaintes’ des 5 collaborateurs, opposant qu’en tant que manager, il avait procédé à un recadrage verbal de Mme [V] et de M. [O] qui avaient un comportement inapproprié de séduction qui n’était pas professionnel et avait été remarqué par d’autres personnes.

S’agissant de:

. Mme [I], il explique avoir très peu travaillé avec elle (1 à 2 mois) avant qu’elle ne parte en stage,

. Mme [J], celle-ci a été agressive à son égard lors de la réunion de Pont de Louise, elle ne voulait rendre de compte à personne, elle souhaitait devenir gérant mais la direction s’y opposait, elle a été nommée gérant malgré un conflit d’intérêt alors qu’elle ne respectait pas la hiérarchie.

Les représentants du personnel font remarquer que le CHSCT n’a pas participé à l’enquête qui aurait pu entendre les autres collaborateurs qui ont spontanément adressé des témoignages en faveur de M. [T].

Ils indiquent que:

– la situation était dégradée sur le secteur du fait de la mésentente entre

des personnes , M. [T] a mis de l’ordre, il avait pour objectif de créer un esprit d’équipe et de cohésion,

– la direction avait dit non à ce que Mme [J] devienne agent,

– la relation entre Mme [V] et M. [O] avait un impact négatif sur l’équipe et la cohésion,

– s’agissant de M. [C], M. [T] avait évoqué les budgets et détecté des conflits d’intérêts avec des agents.

Ils considèrent que les faits de harcèlement reprochés ne sont pas caractérisés.

Les représentants de la direction ne contestent pas que celle-ci était opposée à ce que Mme [J] devienne agent, elle a été entendue du fait de s’être présentée en pleurs dans le bureau de M. [B] et ils reconnaissent que Mme [I] a un caractère fort.

Ils estiment que M. [T] a péché dans la forme de son management ( notamment en insistant à plusieurs reprises sur le comportement de Mme [V] et M. [O]) ce qui a entraîné un mal être et il n’a pas informé la direction de difficultés existantes.

Il s’évince donc de cette enquête menée par l’employeur, une appréciation différente des griefs reprochés à M. [T], ce qui se confirmera lors de la seconde réunion, laquelle évoquera l’application et la nature d’une sanction.

La direction affirme que l’intéressé a commis des fautes de management graves alors que les représentants du personnel estiment les preuves faibles.

L’intéressé produit plusieurs témoignages d’inspecteurs du réseau en sa faveur:

* Sur la situation de Mme [NZ] [J] :

. Madame [DP] [L] ( assistante de délégation régionale) énonce que lors d’une réunion, alors que M. [T] souhait valider les demandes de budget, Mme [J] répliquait que le budget alloué était de sa responsabilité et elle ‘ acceptait très difficilement de travailler de cette façon (« sous contrôle »)’.

. M. [X] [K]:

« [NZ] [J] présentait comme chacun d’entre nous sa circonscription et, suite à une remarque de [M], a commencé à trépigner, soupirer d’agacement. [M] lui a demandé de se calmer en lui faisant remarquer qu’il lui disait les choses gentiment et qu’elle devait l’entendre.

Quelques instants plus tard, éclate une vive altercation entre [Y] [I] et [NZ] [J]. [NZ] reprochait à [Y] d’avoir pris position sur un agent de sa circonscription sans l’avoir consultée. C’est à ce moment-là que [M] est intervenu en demandant à [NZ] d’arrêter ses provocations et d’avoir une attitude plus responsable. Il lui a dit qu’il n’acceptait pas non plus qu’elle le remette en cause dans son rôle de DR : il a fait référence à une remarque de [NZ] qui lui rappelait qu’il était nouveau sur la région et qu’il devait faire ses preuves. A la pause, [NZ] hurlait en pleurant qu’elle était désolée de la situation, elle a demandé à [M] de l’excuser. [M] a tenté de la calmer en vain. La scène était étonnante, je n’ai jamais vu une situation dégénérer autant pour si peu ».

Il indique dans un second témoignage : ‘ Le 09 février 2017, nous avons eu une réunion à la Délégation régionale en présence de [S] [VX] et de [E] [TA]. (..). A la fin de cet entrevue, en quittant le bureau de [M], nous avons vu [NZ] [J] s’y engouffrer en pleurant et en expliquant que ce n’était pas de sa faute mais de celle de ses agents. On apprendra plus tard que visiblement des agents

lui auraient conseillé de se passer de [M] [T] pour pourvoir son projet d’agent général et de s’adresser directement à [U] [B]. Ainsi, nous avons vu [NZ] dans un état d’hystérie agripper le bras de [M] en lui

demandant de l’excuser. [M] lui a demandé de reprendre ses esprits, de se reposer et qu’ils auraient un entretien le lendemain. [M] était très largement dépassé par la situation, quand elle lui a lâché le bras, il a littéralement fuit. [LC] et moi sommes restés avec [NZ] pour tenter de la raisonner sans y parvenir. (..) ».

. Le 13 mars 2017, Mme [J] remerciait M. [T] de sa confiance pour avoir accepté qu’elle reprenne l’agence de Bordeaux Chartrons.

* Sur la situation de Mme [Y] [I]:

. M. [K]: ‘ [Y] a toujours revendiqué d’avoir mis en échec l’arrivée de [M] sur notre région. Elle nous expliquait qu’elle intervenait auprès de la Direction pour les influencer. Elle n’a jamais apprécié [M], tout le monde le savait.

Au printemps 2016, nous avons appris que nous changions de DR. Je peux témoigner que cette nouvelle agaçait profondément [Y]. Ainsi, j’étais en voiture avec [LC] [C] quand ce dernier l’a appelée : elle nous a dit qu’elle attendait [M] de pied ferme et qu’elle n’hésiterait pas à pénaliser le réseau s’il le fallait (elle était inspectrice réseau et devenait agent au 1er janvier 2017). (..) ».

* Sur la situation de M. [LC] [C] ( dont l’intimé précise qu’il a été licencié un mois après son départ définitif):

. Mme [D] [GM]: ‘ A plusieurs reprises, des agents de la région 4 étant ou ayant été sous l’animation de [LC] [C] se sont plaints de comportements inappropriés de sa part, indignes d’un représentant de la compagnie. (..)

Des agents m’ont également rapporté qu’à l’occasion d’une réunion jeunes agents, [LC] [C], en état d’ébriété, en était venu aux mains avec l’agent de Carcassonne Cité, [R] [N]. Il a fait en sorte d’étouffer l’affaire ensuite en leur demandant de garder le silence. (..). D’une manière générale, les agents ont développé envers lui une grande méfiance et expriment régulièrement leurs interrogations sur ses rapports très conflictuels avec le réseau.

Concernant les relations que [LC] [C] entretenait avec ses agents ou ex-agents et les incidents qui ont émaillé leurs rapports, bon nombre d’entre eux se sont déroulés avant la nomination de [M] [T] en tant que Directeur régional sur Toulouse. (‘) Ces faits étaient connus et remontés auprès de la Direction de la distribution et des précédents Directeurs régionaux ».

* Sur la situation de Mme [A] [V] et M. [Z] [O]:

. M. [F] [G]: « La veille de ma réunion de circonscription, le 5 mars 2017, à l’hôtel Mercure de Saint Lary Soulan, [A] [V] et [Z] [O] ont profité de l’après-midi en fin de journée pour se rendre au sauna de l’établissement. Ils

se baladaient en peignoir dans l’hôtel en ayant une attitude très proche, loin du comportement professionnel que l’on se doit d’avoir. (..) Ils ont eu pendant cette journée un comportement qui n’avait rien de professionnel mais laisser plutôt penser à un jeu de séduction.

La réunion du 29.11.2017 a quant à elle été effarante. (‘) Ce dernier s’est très rapidement assis à côté d'[A] [V] (peu de temps après ma présentation) et ils étaient littéralement collés l’un à l’autre ».

Mme [GM], M. [K] et Mme [L] font part également du comportement non professionnel de leurs deux collègues.

Il est indiqué que, néanmoins, M. [T] les soutenait dans leurs missions:

. M. [K]: ‘ Son management à leur égard a été invariablement positif : devant eux mais également lorsqu’ils n’étaient pas présents. Il les a soutenus comme chacun d’entre nous en mettant en avant leurs différentes réussites

professionnelles. ‘,

. M. [G] : « [M] [T] a eu des échanges et comportements normaux avec [A] [V] et [Z] [O] en ma présence et celle de l’équipe régionale. Et ce depuis son arrivée. [M] [T] a mis régulièrement en avant le travail fourni par [A] [V] devant l’équipe. Il a mis en avant [A] [V] à la direction pour intégrer un groupe restreint de 12 personnes au niveau de la compagnie. Il m’a répété plusieurs fois qu’il était content pour elle. [Z] [O], quant à lui, a été cité très souvent en exemple par [M] [T]. Il a dernièrement mis en avant ce dernier pour son rôle d’animateur dans le challenge collaborateur rush prévoyance entre octobre et décembre 2017 ».

Mme [V] remerciait le 27 juillet 2017 M. [T] de lui permettre de participer au programme de formation: développer son potentiel et écrivait: ‘c’est un signe de reconnaissance fort qui m’encourage encore plus à m’investir au sein de notre compagnie et me donne de réelles perspectives d’avenir dans le groupe’.

Les 5 ‘plaignants’ ont exprimé des ressentis forts à l’égard des interventions de M. [T] dans le cadre de son management s’inscrivant dans une volonté de créer un esprit d’équipe, avec une démarche moralisatrice sans doute appuyée.

Il est à relever que:

– M. [T] est arrivé sur un secteur où il existait des difficultés de fonctionnement et de relations entre les différents agents, ce que ne pouvait ignorer la direction,

– la position de la Direction concernant la nomination de Mme [J] présente quelque ambiguité,

– il n’est pas établi que certains des plaignants auraient préalablement informé les institutions représentatives qui n’ont initié aucune alerte,

– lors de l’engagement de la procédure à l’encontre de M. [T], le CHSCT n’est pas intervenu,

– ses autres collaborateurs n’ont pas été entendus, comme l’ont souligné les représentants du salarié et ils ont adressé des attestations qui énoncent des éléments différents sur les circonstances des faits reprochés par 5 salariés sur 11, ce qui relativise les termes des plaintes reçues,

– M.[T] dispose d’une longue ancienneté dans l’entreprise, sans avoir fait l’objet de critiques et a été prélablement à son affectation à Toulouse, directeur régional pendant plusieurs années.

Si M. [T] a pu être défaillant dans son management en se positionnant sur un mode moralisateur et en voulant seul apporter des solutions à certaines difficultés, sans informer la direction, ce qui a généré des tensions et un mal-être qui a pris une ampleur inenvisagée, l’ensemble des éléments développés ne caractérisent pas l’existence d’une faute justifiant un licenciement pour grave, à défaut par le salarié d’avoir refusé comme étant injustifiée une mutation – sanction emportant suppression des fonctions de management, perte de salaire et éloignement familial.

Tenant compte du contexte des relations pré-existantes à l’arrivée de M. [T], de son ancienneté et de l’absence de reproche pendant sa carrière notamment de management, la Cour considère que la sanction d’un licenciement était disproportionnée.

Aussi le licenciement sera

déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

II/ Sur les demandes indemnitaires:

M. [T] sollicite le paiement d’une indemnité de préavis, d’ une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts et la réparation d’un préjudice moral et vexatoire.

1/ Sur l’indemnité de préavis (3 mois) et sur l’indemnité conventionnelle de licenciement:

Il réclame au titre de l’indemnité de préavis la somme de 19 191 euros sur la base d’un salaire mensuel brut de référence à savoir décembre 2017 de 3 396,89 euros.

La société n’oppose aucune observation.

le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de cette indemnité, de même qu’à celle de 163250,00 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement en application des articles 66 et 67 de la Convention collective Nationale de l’Inspection d’Assurances

du 27 juillet 1992.

2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

* Le salarié fait valoir que le montant doit intégrer:

-la perte de location voiture pour 22260 euros, soit 21 mois x 1060 euros,

-la carence de 6 mois avant de pouvoir bénéficier du chômage soit 38381 euros,

-le différentiel entre l’allocation de retour à l’emploi et la rémunération mensuelle brute soit 235 813,40 euros sur 5 ans dans l’hypothèse d’un départ à la retraite à 65 ans,

-la perte du montant de la retraite générale et complémentaire soit 96000 euros sur la base d’une retraite à 65 ans et d’une espérance de vie à 80 ans avec un déficit de 400 euros par mois,

-le capital perdu relatif à la retraite AVIVA ( PER) soit 42500 euros en application des articles 39 et 83 de la convention collective dans l’hypothèse d’un départ à la retraite à 65 ans,

-la perte du PEE AVIVA pour 25000 euros sur 5 ans, le PEE étant de 5000 euros en 2017,

-la perte de primes en 2017 pour 11500 euros au titre de la prime d’intéressement de 2017 versée en 2018 ( 17000 euros en moyenne – 5600 euros perçus).

* La société conclut au débouté et à tout le moins que la demande représentant près 74 mois de salaires est injustifiée, le salarié ne versant aucune pièce permettant d’apprécier l’étendue de son préjudice.

L’appelante objecte que la ventilation réalisée par M. [T] du préjudice allégué repose sur des circonstances hypothétiques, tenant notamment au fait qu’en l’absence de licenciement, il serait parti à la retraite à l’âge de 65 ans. Or il ressort des pièces adverses que sa date de départ à la retraite à taux plein est fixée

au 1er janvier 2021 et sa prise en charge par le Pôle Emploi est prévue pour une durée de 1095 jours commençant à courir le 27 septembre 2018, ce qui implique une jonction totale entre le Pôle Emploi et sa retraite, ce qui minore le préjudice éventuel.

La SA Aviva Assurances rappelle en outre l’application du barème fixé à

l’article L1235-3 du Code du travail, prévoyant une indemnisation entre 3 et 19.5 mois de salaire pour un salarié bénéficiant de 28 années pleines d’ancienneté, comme est le cas de M.[T] , soit en l’espèce, une indemnité comprise entre 19.191 euros et 124.741,50 euros.

Sur ce:

L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare les préjudices de perte d’emploi et de perte de chance d’un retour à l’emploi.

Comme le souligne la société, le licenciement intervenu le 01 mars 2018, relève de l’application du barême fixant un plancher et un plafond d’indemnisation.

Au regard de l’âge de M. [T] à la date de la rupture du contrat, de l’ancienneté de près de 30 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés, des éléments relatifs à la période postérieure à cette rupture ( notamment perte de salaire relative à la période de chômage jusqu’à la retraite du régime général et complémentaire à taux plein) mais de ce que l’intéressé ne justifie pas de sa situation actuelle, la société sera condamnée à lui verser la somme de 95803,35 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( soit 15 mois de salaire brut).

Il ne peut être alloué, outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au caractère abusif du licenciement réparant le préjudice né de la perte d’emploi, des dommages et intérêts réparant la perte de chance de percevoir l’intégralité de la pension de retraite du fait de la rupture du contrat de travail avant le départ à la retraite, ce qui réparerait deux fois le même préjudice.

Le salarié peut solliciter des préjudices distincts liés à la perte de chance de conserver l’emploi et de bénéficier des avantages applicables dans l’entreprise tels que des modes de rémunération des plans de complément retraite ou d’intéressement conclus avec l’employeur.

M.[T] ne démontre aucun préjudice lié à la perte de location d’un véhicule utilisé dans le cadre professionnel puisqu’il a été au chômage.

Il produit un courrier d’information 2017 sur le contrat PER entreprise ( pièce n°66) ayant pour objet la constitution d’un supplément de retraite par versement de rente mensuelle. M. [T] invoque une perte en capital or il n’a pas cotisé à compter de son licenciement et ne pourrait qu’invoquer une incidence sur le montant de la rente, ce dont il ne justifie pas.

S’agissant du PEE plan d’épargne entreprise, il communique un état à la date

de mai 2017 pour un montant de 42771,50 euros portant des versements de participation et intéressement entre mai 2015 et mai 2017, dont les spécificités de fonctionnement ne sont pas précisées mais qui relèvent d’une option de

versement ( donc facultatif) prise par le salarié .

M. [T] ne peut donc réclamer un préjudice spécifique à ce titre.

Il sollicite en outre une perte de prime pour 2017 de 11500 euros à titre de préjudice et non de rappel de salaire.

Il verse un courrier du 13 février 2018, dont il indique dans ses conclusions correspondre à une prime d’intéressement, or il est fait référence à un versement de 5600 euros au titre de la prime d’objectif en tant que directeur général qu’il conteste au motif que la moyenne des primes versées pour ce statut est de 17000 euros.

Les primes d’intéressement sont fondées sur les résultats de l’entreprise alors que les primes d’objectifs le sont sur les résultats individuels ou de l’équipe. En tout état de cause l’intimé ne démontre pas qu’il aurait pû percevoir 11500 euros au titre des objectifs pour 2017 s’il avait poursuivi son contrat de travail.

Il sera donc débouté des demandes relatives au véhicule professionnel, au PER, au PEE et à la perte de prime d’objectif.

3/ Sur la demande au titre du préjudice moral et vexatoire:

M. [T] affirme que la rupture du contrat lui a causé un préjudice moral important car après 30 ans d’ancienneté dans la société où il a donné entièrement satisfaction, il s’est vu en quelques semaines, accusé d’abord de harcèlement sexuel, puis de harcèlement moral et ce de manière injustifiée. Il a été mise en disponibilité immédiate et a dû s’expliquer sur son management.

La société conteste tout agissement portant atteinte à M. [T] avant la notification de son licenciement, dès lors qu’elle n’a fait que prendre des mesures adéquates pour préserver la santé de ses collaborateurs, sans chercher à porter atteinte à son équilibre moral. Elle ajoute que l’intimé ne verse aucune pièce aux débats pour démontrer l’existence d’un préjudice moral distinct de celui lié à la rupture de son contrat de travail.

Sur ce:

L’indemnisation pour licenciement abusif comporte en soi, outre celle pour préjudice financier, celle pour préjudice moral du fait de la rupture .

Il appartient au salarié de démontrer qu’il a subi un préjudice moral distinct relevant de circonstances vexatoires mises en oeuvre par l’employeur.

Or tel n’est pas le cas. Si les salariés favorables à M. [T] ont adressé un courrier en évoquant une rumeur initiale sur un harcèlement sexuel, il n’est pas établi que ce soit à l’initiative de la société.

Celle-ci pouvait invoquer un harcèlement moral, définition juridique correspondant à un management inapproprié ayant une incidence sur les conditions de travail et l’état de santé des salariés.

La procédure prévue par la convention collective a été mise en oeuvre et M. [T] a été entendu sans qu’il soit relevé à travers les procès-verbaux de comportement vexatoire à son égard de la part de la direction.

Aussi il sera débouté de sa demande spécifique de dommages et intérêts pour préjudice moral et vexatoire.

III / Sur les demandes annexes:

– La Sa Abeille Iard et santé, venant aux droits de la Sa Aviva Assurances, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

– M. [T] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de la procédure. La société sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société sera déboutée de sa demande à ce titre.

LA COUR:

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a:

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixé les indemnités de préavis et de licenciement,

– débouté M. [T] de ses demandes d’indemnisation au titre de la perte du véhicule professionnel et de la perte de prime 2017,

– condamné la société employeur au paiement d’un article 700 et aux dépens et a ordonné le remboursement des indemnités chômage,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la Sa Abeille Iard et Santé, venant aux droits de la Sa Aviva Assurances à payer à Monsieur [M] [T] la somme de :

– 95803,35 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

Déboute M. [T] de ses demandes d’indemnisation au titre de la retraite du régime général et complémentaire, du PER et du PEE,

Déboute M. [T] de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,

Condamne la Sa Abeille Iard et Santé, venant aux droits de la Sa Aviva Assurances à payer à Monsieur [M] [T] une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sa Abeille Iard et santé, venant aux droits de la Sa Aviva Assurances de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Sa Abeille Iard et santé, venant aux droits de la Sa Aviva Assurances aux dépens d’appel,

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.

 


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