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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ARRET DU 20 Mai 2010
(n° 9 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/08607
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 27 Juillet 2009 par le conseil de prud’hommes de PARIS – RG n° 09/02396
APPELANTE
Mademoiselle [Z] [H]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Françoise DAVIDEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : L0002 substitué par Me Emmanuel HAIMEZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SOCIETE NATIONALE DE RADIODIFFUSION RADIO FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Anne LE BAULT DE LA MORINIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P461
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 Avril 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
Madame Catherine BEZIO, Conseillère
Madame Martine CANTAT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente
– signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Madame Magaly HAINON, greffier présent lors du prononcé.
Statuant sur l’appel formé par [Z] [H] à l’encontre d’une ordonnance de référé rendue le 27 juillet 2009 par le conseil de prud’hommes de PARIS qui a dit n’y avoir lieu à référé en ce qui concerne ses demandes à l’encontre de son employeur, la société nationale de radiodiffusion RADIO FRANCE ;
Vu les conclusions remises et soutenues à l’audience du 8 avril 2010 de [Z] [H], appelante, qui demande à la Cour d’appel de :
– Infirmer l’ordonnance rendue le 27 juillet 2009 par le Conseil de Prud’hommes de Paris ;
Statuant à nouveau :
– Ordonner à la société nationale de Radiodiffusion Radio France de lui communiquer dans les 8 jours de la notification de l’arrêt à intervenir copie des documents suivants :
‘ Les contrats de travail, avenants et bulletins de paie de 2000 à nos jours de :
* Madame [J] [D]
* Madame [A] [U]
* Madame [G] [B]
* Madame [W] [M]
* Madame [R] [Y]
* Monsieur [K] [S]
* Monsieur [OU] [C]
* Monsieur [L] [E]
* Monsieur [F] [T]
* Madame [X] [O]
* Monsieur [N] [P]
* Madame [V] [I]
‘ Le montant des primes de sujétion distribuées depuis 2000 à ces mêmes personnes.
‘ Le tableau des avancements des chargés de réalisation travaillant à la société RADIO FRANCE
‘ Le tableau des promotions des chargés de réalisation travaillant à la société RADIO FRANCE.
– Prononcer une astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir ;
– Dire qu’à défaut de communication de ces documents dans les huit jours de la notification de l’arrêt à intervenir, l’appelante pourra faire appel à un huissier de justice compétent pour se rendre au siège social de la société nationale de Radiodiffusion Radio France afin de se faire remettre ces mêmes documents ;
-Dire que la société nationale de Radiodiffusion Radio France sera tenue de régler les honoraires dus à l’huissier de justice pour l’exécution de sa mission ;
– Condamner la société nationale de Radiodiffusion Radio France à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner la société nationale de Radiodiffusion Radio France aux entiers dépens ;
Vu les conclusions remises et soutenues à l’audience du 8 avril 2010 de la société nationale de radiodiffusion RADIO FRANCE, intimée, qui demande à la Cour de – constater que les dispositions des articles R. 1455-5, R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail sont inapplicables en l’espèce,
– constater qu’il n’existe aucun motif légitime permettant d’ordonner à la Société Radio France de communiquer, sous astreinte, des éléments, par nature confidentiels, qui concernent 12 autres salariés de l’Entreprise,
– constater que l’appelante ne produit pas le moindre commencement de preuve de nature à justifier ses affirmations totalement infondées, selon lesquelles le principe « à travail égal – salaire égal », ne serait pas respecté ou encore qu’elle serait victime d’une prétendue discrimination,
– constater que l’appelante tente d’inverser la charge de la preuve,
– juger que ses demandes sont totalement infondées,
En conséquence,
– dire qu’il n’y pas lieu à référé,
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du Conseil de Prud’hommes de Paris du 27 juillet 2009,
– condamner l’appelante à payer à la Société Radio France la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, la condamner aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites ;
SUR CE, LA COUR
Considérant que l’appelante a été engagée par la société nationale RADIO FRANCE en qualité de régisseur de production et occupe depuis le 1er janvier 1987 un poste de chargée de réalisation radio ; qu’elle est classée en groupe de qualification B.21 de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle ; qu’elle soutient que de nombreux chargés de réalisation se trouvant dans une situation identique perçoivent une rémunération plus importante que la sienne et sont classés dans une catégorie supérieure et sollicite, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile la communication des documents susvisés en faisant valoir qu’il existe un motif légitime d’obtenir ces documents, que le respect de la vie privée ne fait pas obstacle à sa demande et que seule, la société RADIO FRANCE est en possession des éléments susceptibles d’établir la discrimination dont elle se plaint ;
Que la société nationale de radiodiffusion RADIO FRANCE s’oppose à cette demande et soutient qu’en l’espèce, il n’y a pas lieu à référé au sens des articles R.1455-5, R.1455-6 et R.1455-7 du code du travail ; qu’elle fait valoir, par ailleurs, qu’il n’existe aucun motif légitime, au sens de l’article 145 du Code de procédure civile, de solliciter la communication de documents concernant la vie privée des personnes en cause ; que la demande tend à renverser la charge de la preuve, l’appelante ne fournissant pas le moindre élément susceptible de démontrer que ses soupçons sont réels et fondés ;
Mais considérant en premier lieu que la demande étant fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile, les notions d’urgence, d’évidence ou de trouble manifestement illicite ne sont pas applicables ;
Qu’aux termes de l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;
Qu’en l’espèce et en application de l’article L.1134-1 du code du travail, l’appelante soutenant l’existence d’une discrimination salariale à son encontre doit, pour établir celle-ci, produire au juge, dans l’hypothèse d’une instance prud’homale, des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination ; que dès lors, ces éléments sont nécessaires à la protection de ses droits ;
Qu’en matière salariale, force est de constater que seul, l’employeur dispose des informations relatives au montant des salaires versés à son personnel et qu’en revanche, le salarié ne dispose d’aucun moyen de connaître la rémunération perçue par ses collègues de travail ; que dès lors, il convient de considérer que l’appelante justifie d’un motif légitime au soutien de sa demande, puisque, pour voir prospérer sa demande, elle doit produire des informations dont seul l’employeur dispose ;
Considérant par ailleurs, qu’une telle demande ne constitue pas un renversement de la charge de la preuve, dans la mesure où il appartiendra aux parties, au vu des documents communiqués, de démontrer l’existence ou l’absence de discrimination, fondement de l’action en justice éventuelle de la salariée ;
Que par ailleurs, l’activité professionnelle relevant de la vie publique et non de la vie privée, le montant des rémunérations ne saurait être considéré comme un élément de vie privée ; qu’en toute hypothèse, le respect de la vie privée ne constitue pas un obstacle à l’application de l’article 145 du Code de procédure civile, dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les sollicite ;
Considérant qu’en conséquence, il convient de dire l’appelante bien fondée en sa demande et d’infirmer l’ordonnance entreprise ;
Qu’en revanche, il n’y a pas lieu de désigner un huissier de justice, cette désignation n’apparaissant pas opportune ;
Considérant que les circonstances de l’espèce conduisent à faire application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de l’appelante à hauteur de la somme de 1.000 euros ;
Que l’intimée qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME l’ordonnance entreprise ;
STATUANT à nouveau :
ORDONNE à la société nationale de radiodiffusion RADIO FRANCE de communiquer à l’appelante dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt copie des documents suivants, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai :
‘ Les contrats de travail, avenants et bulletins de paie de 2000 à nos jours de :
* Madame [J] [D]
* Madame [A] [U]
* Madame [G] [B]
* Madame [W] [M]
* Madame [R] [Y]
* Monsieur [K] [S]
* Monsieur [OU] [C]
* Monsieur [L] [E]
* Monsieur [F] [T]
* Madame [X] [O]
* Monsieur [N] [P]
* Madame [V] [I]
‘ Le montant des primes de sujétion distribuées depuis 2000 à ces mêmes personnes.
‘ Le tableau des avancements des chargés de réalisation travaillant à la société RADIO FRANCE
‘ Le tableau des promotions des chargés de réalisation travaillant à la société RADIO FRANCE.
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la société intimée à verser à l’appelante la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE