SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 mars 2016
Rejet
M. FROUIN, président
Arrêt n° 432 F-D
Pourvoi n° Z 14-15.603
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par Mme [O] [X], domiciliée [Adresse 1],
contre l’arrêt rendu le 11 février 2014 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l’opposant à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesse à la cassation ;
La société France télévisions a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 26 janvier 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller rapporteur, Mme Schmeitzky-Lhuillery, conseiller, M. David, conseiller référendaire, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [X], de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société France télévisions, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 février 2014), que Mme [X] a été employée, de manière ininterrompue durant dix-sept années, par la société France télévisions dans le cadre de contrats à durée déterminée ; qu’elle exerçait en dernier lieu les fonctions de collaboratrice littéraire ; qu’elle a saisi la juridiction prud’homale ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :
Attendu que, la salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir requalifier ses contrats de travail en un contrat à durée indéterminée à temps plein et à obtenir des rappels de salaire et des congés payés afférents, ainsi que de limiter en conséquence les sommes allouées à titre d’indemnité de préavis, de congés payés afférents et d’indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle de travail prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu’il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la salariée travaillait entre huit et onze jours par mois et a rappelé combien de jours elle avait travaillé chaque année, ce nombre variant entre quatre vingt sept jours en 2001 et cent quatre vingt huit jours en 1998 ; qu’en déboutant néanmoins la salariée de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à temps plein et de sa demande de rappel de salaire en découlant, quand il ressortait de ses constatations que la durée du travail de la salariée variait d’un mois sur l’autre et d’une année sur l’autre si bien que la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenu n’était pas établie, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 3123-14 du code du travail ;
2°/ qu’ensuite, à tout le moins, que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle de travail prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu’il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; qu’en l’espèce, pour débouter la salariée de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à temps plein et de sa demande de rappel de salaire en découlant, la cour d’appel s’est contentée de retenir que, compte tenu des intervalles réguliers systématiques de quinze jours entre ses contrats, de la régularité constante de ses périodes travaillées et de son taux de travail effectif, la salariée aurait pu s’engager auprès d’autres employeurs ; qu’en statuant ainsi sans vérifier si l’employeur rapportait la preuve de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3123-14 du code du travail ;
3°/ qu’enfin, en toute hypothèse, que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat s’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que, dans un courrier du 21 mai 2008,la salariée avait exprimé pour la première fois le souhait de travailler d’avantage, souhait réitéré dans un message du 13 décembre 2010 puis qu’elle avait sollicité un emploi à temps plein le 4 avril 2011 ; qu’il se déduisait de ces constatations qu’au moins à compter de mai 2008, la salariée, dont il n’était pas contesté que la société était le seul employeur, s’était tenue à la disposition de son celui-ci pendant les périodes non travaillées séparant chaque contrat ; qu’en déboutant néanmoins la salariée de sa demande de rappel de salaire pour un temps plein au motif inopérant que, du fait des intervalles systématiques de quinze jours entre ses contrats, de la régularité constante de ses périodes non travaillées et de son taux de travail effectif de l’ordre de 50 %, la salariée aurait pu s’engager auprès d’autres employeurs, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu d’abord, que la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; que réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ;
Attendu ensuite, que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes, pour effectuer un travail ;
Et attendu qu’ayant constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve versés aux débats, qu’il n’était pas établi par la salariée qu’elle s’était tenue à la disposition de l’employeur durant les périodes interstitielles, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle ne pouvait prétendre à un rappel de salaire à ce titre ; qu’elle a, par ce seul motif, sans méconnaître les textes visés au moyen, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée et sur le premier moyen du pourvoi incident de l’employeur :