Production Audiovisuelle : 17 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/01037

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Production Audiovisuelle : 17 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/01037

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Code nac : 14C

N° RG 23/01037 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VV4Z

( Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)

Copies délivrées le :

à :

[N] [B]

Me Anna KOENEN

LE PROCUREUR GENERAL

CENTRE HOSPITALIER [9]

[V] [W]

ORDONNANCE

Le 17 Février 2023

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous Madame Juliette LANÇON, conseiller à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d’hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assistée de Madame Rosanna VALETTE greffier stagiaire en pre-affectation sur poste, avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

Madame [N] [B]

Actuellement hospitalisée au centre hospitalier [9]

comparante, assistée de Me Anna KOENEN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 35 commis d’office

APPELANTE

ET :

CENTRE HOSPITALIER [9]

[Adresse 1]

[Localité 7]

non représenté

Madame [V] [W]

[Adresse 3]

[Localité 6]

non comparante, non représentée

INTIMES

ET COMME PARTIE JOINTE :

LE PROCUREUR GENERAL

[Adresse 4]

[Localité 5]

pris en la personne de Michel SAVINAS, avocat général, non présent à l’audience

A l’audience en chambre du conseil du 17 Février 2023 où nous étions Madame Juliette LANÇON assistée de Madame Rosanna VALETTE, greffier stagiaire en pre-affectation sur poste, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour;

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [N] [B], né le 18 mars 1986 à Hong Kong fait l’objet depuis le 27 janvier 2023 d’une mesure de soins psychiatriques, sous la forme d’une hospitalisation complète, au centre hospitalier [9] à [Localité 7], sur décision du directeur d’établissement, en application des dispositions de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, en urgence et à la demande d’un tiers, en la personne de Madame [V] [W], sa mère.

Le 2 février 2023, Monsieur le directeur du centre hospitalier [9] a saisi le juge des libertés et de la détention afin qu’il soit statué conformément aux dispositions des articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique.

Par ordonnance du 6 février 2023, le juge des libertés et de la détention de Versailles a ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète.

Appel a été interjeté le 15 février 2023 par Madame [N] [B].

Madame [N] [B], l’établissement [9] et Madame [V] [W] ont été convoqués en vue de l’audience.

Le procureur général représenté par Michel SAVINAS, avocat général, a visé cette procédure par écrit le 16 février 2023.

L’audience s’est tenue le 17 février 2023 à huis clos, sur demande de Madame [N] [B].

A l’audience, bien que régulièrement convoqués, le centre hospitalier [9] et Madame [V] [W] n’ont pas comparu.

Le conseil de Madame [N] [B] a soulevé des irrégularités relatives à :

-le défaut d’information de la commission départementale des soins psychiatriques

-la non communication à la patiente du certificat médical initial

-la lisibilité partielle du certificat médical des 24 heures

-l’absence de communication des éléments de réinsertion ou de respect de la dignité de la personne

-l’existence d’un conflit d’intérêt.

Elle a demandé une expertise.

Madame [N] [B] a été entendue en dernier et a dit qu’elle n’était pas suivie par le docteur [Z], que sa mère avait appelé les pompiers et la police, pour qu’elle soit hospitalisée, que ces derniers avaient refusé, que sa mère avait alors demandé à ses voisins de faire du tapage nocturne, qu’elle n’avait pas dormi pendant plusieurs nuits, que le ton était monté avec ses voisins, qu’une voisine l’avait frappée et qu’elle avait répondu, que cette voisine avait appelé sa mère, qu’elle acceptait d’être suivie au CMP une fois par mois et de rencontrer un psychiatre et un psychologue, qu’elle travaillait depuis quatre ans en CDI en tant que conseillère vente à la maison Dior aux Galeries Lafayette, qu’elle n’avait jamais connu son père qui avait été caché par sa mère, qu’il était aujourd’hui décédé, que sa mère voulait avoir une emprise sur elle, mais qu’elle voulait vivre sa vie, qu’elle ne voulait pas se marier par intérêt et qu’il y a 10 ans, elle avait vu un expert psychiatre qui avait indiqué qu’elle n’avait pas de pathologie et qu’elle n’était pas délirante. Elle a demandé une contre expertise.

L’affaire a été mise en délibéré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.

Sur les irrégularités soulevées

Sur le défaut d’information de la commission départementale des soins psychiatriques

L’article L. 3212-5 du code de la santé publique dispose que « le directeur de l’établissement d’accueil transmet sans délai au représentant de l’Etat dans le département ou, à [Localité 8], au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 toute décision d’admission d’une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre. Il transmet également sans délai à cette commission une copie du certificat médical d’admission, du bulletin d’entrée et de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 ».

L’article L. 3223-1 du même code dispose que « la commission prévue à l’article L. 3222-5 :

1° Est informée, dans les conditions prévues aux chapitres II et III du titre Ier du présent livre, de toute décision d’admission en soins psychiatriques, de tout renouvellement de cette décision et de toute décision mettant fin à ces soins ; » 

L’article R. 3211-24 du même code dispose que « la saisine est accompagnée des pièces prévues à l’article R. 3211-12 ainsi que de l’avis motivé prévu au II de l’article L. 3211-12-1. Cet avis décrit avec précision les manifestations des troubles mentaux dont est atteinte la personne qui fait l’objet de soins psychiatriques et les circonstances particulières qui, toutes deux, rendent nécessaire la poursuite de l’hospitalisation complète au regard des conditions posées par les articles L. 3212-1 et L. 3213-1. » 

L’article R. 3211-12 du même code dispose que « sont communiqués au juge des libertés et de la détention afin qu’il statue :

1° Quand l’admission en soins psychiatriques a été effectuée à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent, une copie de la décision d’admission motivée et, le cas échéant, une copie de la décision la plus récente ayant maintenu la mesure de soins, les nom, prénoms et adresse du tiers qui a demandé l’admission en soins ainsi qu’une copie de sa demande d’admission ;

2° Quand l’admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, une copie de l’arrêté d’admission en soins psychiatriques et, le cas échéant, une copie de l’arrêté le plus récent ayant maintenu la mesure de soins ;

3° Quand l’admission en soins psychiatriques a été ordonnée par une juridiction, une copie de la décision et de l’expertise mentionnées à l’article 706-135 du code de procédure pénale ;

4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins ; »

Il convient en premier lieu de rappeler qu’en application des articles précités, la preuve de l’information de la CDSP n’est pas une pièce obligatoire qui doit être envoyée au juge des libertés et de la détention lorsqu’il est saisi.

En l’espèce, il n’est pas démontré que cette commission a été informée de la décision d’admission et des différents documents afférents à l’hospitalisation de Madame [N] [B].

En application de l’article L. 3216-1 alinéa 2 du même code, l’irrégularité affectant une décision administrative prise en application des chapitres II à IV du titre 1er n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne.

En l’espèce, il ressort des décisions d’admission et de maintien qu’elles ont été transmises à l’ARS qui les transmet à la CDSP, l’ARS assurant le secrétariat de toutes les CDSP d’Ile de France et est l’interlocuteur privilégié entre cette commission et les hôpitaux/patients.

De plus, la notification effectuée à Madame [N] [B] mentionne la possibilité pour elle de saisir la CDSP au [Adresse 2].

De plus, Madame [N] [B] a été également informée lors de cette notification qu’elle pouvait faire un recours devant le juge des libertés et de la détention, dont les coordonnées sont expressément indiquées, copie de cette notification lui ayant été remise. Ce recours peut se faire à tout moment, indépendamment du contrôle obligatoire dudit juge dès le début de la mesure. S’il est exact que le juge ne contrôle que la procédure et ne peut en aucun cas se substituer à l’avis médical, le patient peut à tout moment saisir le juge pour demander à ce que ce dernier ordonne une expertise médicale, ce que ce dernier peut également faire d’office, expertise pouvant suivant les conclusions de l’expert aboutir à la mainlevée de la mesure.

En conséquence, il n’est démontré aucun grief pour Madame [N] [B]. L’ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté ce moyen.

Sur la non communication à la patiente du certificat médical initial

Il est constant que, pour une juste information du patient, la décision d’admission ou de maintien prise par le directeur d’établissement ne peut se borner à faire référence au certificat médical circonstancié qu’à la condition que ce dernier soit annexé à la décision, le patient doit, pour obtenir la mainlevée de la mesure, démontrer une atteinte à ses droits.

En l’espèce, la décision d’admission du 27 janvier 2023 que le certificat médical initial du même jour a été joint à la décision, de sorte qu’ayant pris connaissance de la décision qui lui a été notifiée, elle a également pris connaissance du certificat médical initial. L’ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté ce moyen.

Sur la lisibilité partielle du certificat médical des 24 heures

L’article R. 4127-76 du code de la santé publique dispose que « l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires.

Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l’identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci ».

En l’espèce, le certificat médical des 24 heures est manuscrit et est lisible, celui-ci indiquant : « patiente âgée de 36 ans, hospitalisée sur demande d’un tiers en urgence à la suite de troubles du comportement à domicile, de type invectives et de menaces hétéro-agressives ayant entraîné l’intervention des forces de l’ordre. On observe actuellement une diffluence du discours, une désinhibition modérée, une ambivalence en lien avec un syndrome de discordance idéo’affective a minima, un vécu persécutif d’ordre délirant centré sur la mère et le voisinage, un syndrome hallucinatoire vécu sans distance critique ». L’ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté ce moyen.

Sur l’absence de communication des éléments de réinsertion ou de respect de la dignité de la personne

L’article L. 3211-3 du code de la santé publique dispose que « lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en ‘uvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée ».

Il n’est aucunement établi ni même allégué que l’hôpital ou quiconque ait pu ne pas respecter la dignité de Madame [N] [B]. Concernant la recherche de la réinsertion, celle-ci passe par le soin et la reprise d’un traitement avant d’envisager une sortie, tel que cela ressort des différents certificats médicaux. Ce moyen sera rejeté.

Sur l’existence d’un conflit d’intérêt

L’article L. 3212-1 du code de la santé publique dispose que « I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1.

II.-Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission :

1° Soit lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu’elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l’égard d’un majeur protégé, d’une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci ».

En l’espèce, Madame [N] [B] évoque à l’audience un conflit majeur avec sa mère et ce depuis plusieurs années. Ce conflit n’est nullement établi dans ce dossier autrement que par les dires de la patiente, dont les médecins relèvent tous qu’elle présente un délire de persécution centré sur sa mère. Ce moyen sera rejeté.

Sur la demande d’expertise

Madame [N] [B] évoque à l’audience les conclusions d’un expert psychiatre qui 10 ans plus tôt aurait dit qu’elle n’avait pas de pathologie et qu’elle n’était pas délirante. Ce document n’est pas versé aux débats. Par contre, les certificats et avis médicaux versés au dossier qui émanent de médecins psychiatres différents sont circonstanciés et précis quant aux troubles de Madame [N] [B]. Cette demande d’expertise sera en conséquence rejetée.

SUR LE FOND

Aux termes du I de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 ».

Le certificat médical initial du 27 janvier 2023 et les certificats et avis suivants des 28 et 30 janvier, 2 février 2023 détaillent avec précision les troubles dont souffre Madame [N] [B]. L’avis médical motivé du 15 février 2023 du docteur [Z] indique : « patiente âgée de 36 ans, hospitalisée en SPDTU au CHTR depuis le 27/01/2023 pour des troubles du comportement au domicile à type d’excitation psychomotrice, et d’hétéroagressivité envers ses voisins, ayant nécessité l’intervention des forces de l’ordre. Dans un contexte de rupture de traitement.

L’état clinique de la patiente reste fluctuant malgré l’introduction du traitement. Elle est ambivalente aux soins et l’hospitalisation, mais également sur la reconnaissance de ses troubles psychiatriques.

Son état clinique actuel de Madame [B] nécessite la poursuite de son hospitalisation en soins sous contrainte et dans l’attente d’une meilleure stabilisation clinique ».

Ce certificat médical est suffisamment précis pour justifier les restrictions à l’exercice des libertés individuelles de Madame [N] [B], qui demeurent adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en ‘uvre du traitement requis, l’intéressé se trouvant dans l’impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles décrits, son état nécessitant des soins assortis d’une surveillance constante.

L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a maintenu la mesure de soins psychiatriques de Madame [N] [B] sous la forme d’une hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance réputée contradictoire,

Déclarons l’appel de Madame [N] [B] recevable,

Rejetons les moyens soulevés,

Rejetons la demande d’expertise,

Confirmons l’ordonnance entreprise,

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Le greffier, Le conseiller,

 


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