Production audiovisuelle : 16 octobre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-15.149

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Production audiovisuelle : 16 octobre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-15.149

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 octobre 2019

Rejet non spécialement motivé

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 11035 F

Pourvoi n° P 18-15.149

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société AB télévision, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 6 février 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l’opposant à Mme I… N…, domiciliée […] ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 17 septembre 2019, où étaient présents : Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société AB télévision, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de Mme N… ;

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société AB télévision aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société AB télévision à payer à Mme N… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société AB télévision.

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la rupture du contrat de travail intervenue le 17 juin 2009 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’avoir condamné la société AB Télévision à payer à Mme N… les sommes de 2 512,28 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, 3 571,37 € au titre de l’indemnité de licenciement, 25 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE

Sur la rupture du contrat,
au soutien de ses prétentions, Mme N…, invoquant la liberté fondamentale que constitue le droit d’agir en justice, au visa tant de la Convention internationale du travail que de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, fait valoir que la société AB Télévision a cessé de lui confier des missions à partir du moment où elle a saisi la juridiction prud’homale pour faire valoir ses droits et qu’il s’agissait ainsi d’une mesure de rétorsion en réponse à l’action en justice qu’elle avait engagée ;
Que selon Mme N…, la coïncidence temporelle entre la fin des missions et l’exercice de l’action devant le conseil de prud’hommes montre que la rupture de la relation contractuelle fait suite à cette action ;
Qu’or, la société AB Télévision n’établit pas que sa décision de ne plus recourir à ses services était justifiée par des éléments étrangers à une volonté de sanctionner Mme N… d’avoir exercé son droit d’agir en justice et ce, alors même que le nombre de piges confiées à la salariée depuis 2002 ne cessait d’augmenter, que la société avait pourtant toujours besoin de techniciens d’exploitations continuant d’assurer des épisodes de séries sur lesquelles elle avait travaillé antérieurement et qu’elle n’établit pas la réalité de la baisse d’activité alléguée ;
Que la société AB Télévision conclut au rejet des prétentions de Mme N… au motif que l’arrêt des relations de travail trouve sa cause non dans un licenciement mais dans la survenance du terme du dernier contrat, intervenue plus d’un mois avant qu’elle ne soit informée de la saisine du conseil de prud’hommes alors que les décisions judiciaires auxquelles Mme N… fait référence concerne le cas où une procédure de licenciement a été engagée postérieurement à la saisine par le salarié d’une juridiction pour faire valoir ses droits ;
Que selon la société AB Télévision, s’il n’a pas été proposé de nouvelle collaboration à Mme N… c’est en raison de la baisse des activités de post production liée à la vente au groupe TF1 des chaînes NT1 et TMC ;
Que la requalification en contrat de travail à durée indéterminée des contrats de travail à durée déterminée conclus entre Mme N… et la société AB Télévision par l’arrêt rendu le 17 septembre 2013 par la présente cour, devenu définitif de ce chef, conduit à appliquer à la rupture du contrat les règles régissant le licenciement et il appartient au juge d’apprécier la licéité et la légitimité de la rupture ;
Qu’en l’espèce, si certes, la seule survenance du terme du dernier contrat de travail à durée déterminée ne peut constituer une cause légitime de licenciement, en revanche, dans la mesure où cette rupture est intervenue le 17 juin 2009, le licenciement ne peut être déclaré nul au motif qu’il serait intervenu en rétorsion d’une action en justice qui n’a été engagée qu’ultérieurement par Mme N… : en effet, celle-ci a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 9 juillet 2009 et il n’est pas contesté que la société AB Télévision n’a été informée de la saisine de la juridiction prud’homale qu’à réception de sa convocation soit le 20 juillet 2009, Mme N… ne justifiant ni même n’alléguant que la société aurait été informée de cette saisine avant le terme du dernier contrat ;
Que le fait que, par la suite, la société AB Télévision n’a plus fait appel à Mme N… pour lui confier de nouvelles missions, qui ne peut s’expliquer par une prétendue baisse d’activité qui ne repose sur aucun document probant versé aux débats, n’est cependant pas de nature à entraîner la nullité du licenciement résultant du terme du dernier contrat ;
Que Mme N… sera donc déboutée de sa demande en nullité du licenciement ;
Qu’en revanche, cette rupture qui ne repose sur aucun autre élément que la survenance du terme du dernier contrat de travail à durée déterminée conclu entre les parties s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

sur l’indemnité compensatrice de préavis

Mme N…, qui bénéficiait à la date de la rupture, d’une ancienneté de 8 ans, 8 mois et 19 jours, est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire ;
Que les parties sont en désaccord sur la moyenne de salaire à laquelle il convient de se référer ;
Que d’une part, il y a lieu de prendre en considération le tarif journalier résultant des minima sociaux tel qu’il en a été définitivement jugé par l’arrêt rendu le 17 septembre 2013 ;
Que d’autre part, compte tenu des variations de l’activité de la salariée, il convient de se référer à la moyenne annuelle, soit, de juillet 2008 à juin 2009, un salaire moyen de 1 256,14 € bruts ;
Que la société AB Télévision sera en conséquence condamnée à payer à Mme N… la somme de 2512,28 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 251,22 € au titre des congés payés afférents ;

Sur l’indemnité de licenciement,

Qu’en application de l’article V-1.2.2 de la convention collective de la production audiovisuelle, Mme N… peut prétendre à une indemnité de licenciement de 2/10ème de mois par année ou fraction d’année d’ancienneté, la convention ne précisant pas le salaire de référence à appliquer ;
Que l’article R.1234-4 du code du travail prévoit que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois ; qu’il sera en conséquence alloué à Mme N… la somme de 3 571,37 € à ce titre, sur la base de la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Que Mme N… justifie avoir rencontré de graves difficultés financières suite à la rupture de son contrat de travail et au non-renouvellement des missions dont elle bénéficiait au sein de la société AB Télévision depuis près de neuf années avec une augmentation des piges qui lui étaient confiées ; que la soudaine interruption des relations avec la société qui faisait depuis plusieurs années très régulièrement appel à Mme N…, intervenue après la saisine de la juridiction prud’homale, a ainsi placé la salariée dans une situation particulièrement délicate puisqu’elle a perdu brutalement une source de revenus non négligeable ; que compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme N…, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 25 000 € nets de CSG ET CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail ; qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d’indemnités ;

Sur les demandes relatives à la délivrance des documents sociaux

Que Mme N… expose que la société AB Télévision ne lui a remis ni les bulletins de paie ni l’attestation Pôle Emploi faisant apparaître les rappels de salaires accordés par l’arrêt rendu le 17 septembre 2013 et demande à la cour à la fois d’ordonner cette remise et de la dédommager du préjudice subi du fait de ce défaut de délivrance ;
Que d’une part, contrairement à ce que prétend Mme N…, la société AB Télévision produit un bulletin de paie récapitulatif établi conformément aux sommes allouées par l’arrêt rendu le 17 septembre 2013, dont le rappel de salaires, la société AB Télévision justifiant du paiement d’une somme de 56.731,89 € fait entre les mains de l’huissier instrumentaire le 17 décembre 2013 ;
Que dans la mesure où il n’est en revanche pas justifié de la remise d’une attestation Pôle Emploi établie en conformité avec les termes de l’arrêt et, usant de sa faculté d’évocation, dans la mesure où la cour est investie de la plénitude de juridiction, il sera ordonné l’exécution sous astreinte provisoire de cette délivrance, à raison de 100 € par jour de retard, astreinte due passé le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et ce, pendant un délai de trois mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit à la requête de la partie la plus diligente, la cour n’estimant pas devoir se réserver la liquidation de ladite astreinte ; que l’attestation devra mentionner, outre les rappels de salaire accordés par le précédent arrêt, le motif de la rupture, tel qu’il résulte des dispositions de la présente décision ;
Qu’il sera par ailleurs ordonné la remise d’une part, d’un bulletin de paie faisant apparaître les sommes allouées par le présent arrêt au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que l’indemnité de licenciement et, d’autre part, d’un certificat de travail rectifié quant à l’ancienneté de la salariée et ce, sous une seconde astreinte de 100 € par jour de retard et pour chacun de ces deux documents, astreinte provisoire due passé le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et ce, pendant un délai de trois mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit à la requête de la partie la plus diligente, la cour n’estimant pas devoir se réserver la liquidation de ladite astreinte ;

ALORS DE PREMIERE PART QU’ en ayant jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans avoir recherché, ainsi qu’elle y était invitée, si la rupture des relations contractuelles ne résultait pas de la baisse des activités de post production liée à la vente au groupe TF1 des chaînes NT1 et TMC (conclusions d’appel p. 8) la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3, L. 1235-4 du code du travail ;

ALORS DE DEUXIEME PART QUE le juge a l’obligation d’indiquer les éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour affirmer l’existence d’un fait et ne peut statuer par voie d’affirmation ; qu’en affirmant que Mme N… « justifie » avoir rencontré de graves difficultés financières suite à la rupture de son contrat de travail et au non-renouvellement des missions dont elle bénéficiait au sein de la société AB Télévision depuis près de neuf années avec une augmentation des piges qui lui étaient confiées, que la soudaine interruption des relations avec la société qui faisait depuis plusieurs années très régulièrement appel à elle, intervenue après la saisine de la juridiction prud’homale, l’a ainsi placée dans une situation particulièrement délicate puisqu’elle a perdu brutalement une source de revenus non négligeable, que compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme N…, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, « tels qu’ils résultent des pièces » et des explications fournies, elle lui alloue 25 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS DE TROISIEME ET DERNIERE PART QUE le juge ne peut statuer sans répondre aux conclusions des parties ; qu’en statuant sans répondre aux conclusions de la société AB Télévision soutenant qu’il n’y avait eu aucune brutalité dans la rupture du contrat de travail de Mme N…, qui arguait du fait que le secteur de l’audiovisuel était un petit secteur où toutes les maisons de production se connaissaient et insinuait que la société AB Télévision aurait joué un rôle dans le fait qu’elle ne retrouvait pas d’emploi, sans produire aucune recherche d’emploi, ni même aucun refus d’embauche provenant de sociétés travaillant dans le secteur de l’audiovisuel, qu’elle produisait deux pièces dont il ressortait qu’elle travaillait pour plusieurs sociétés, ne démontrait pas la réalité du préjudice dont elle prétendait demander l’indemnisation, ne produisait aucun élément sur sa situation professionnelle à compter de juillet 2009, qu’il ne pouvait être établi aucun lien entre le terme du dernier contrat de travail au sein d’AB Télévision et la situation professionnelle et personnelle actuelle alléguée, qu’elle ne pouvait donc établir un préjudice supérieur à six mois de salaire, soit la somme 7 536,84 € (conclusions d’appel p. 12 et 13), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

 


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