Production Audiovisuelle : 16 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10294

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Production Audiovisuelle : 16 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10294

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(n° 2022/ , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10294 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYXS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° F18/00499

APPELANTE

Madame [C] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sébastien BOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1394

INTIMÉE

SA ORANGE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Juliana KOVAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mars 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Chaïma AFREJ, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er décembre 1997, Mme [C] [D] a été engagée par la SA Orange en qualité d’agent d’accueil. A la suite de plusieurs promotions internes, elle a occupé en dernier lieu les fonctions d’ingénieur chargé de clientèle entreprise, au sein de la direction des ventes indirectes. La rémunération mensuelle brute de base s’élevait, dans le dernier état de la relation contractuelle, à la somme de 3 120,28 euros outre une part variable.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 juin 2017, la société Orange a convoqué Mme [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 juin 2017, puis par courrier du 30 juin 2017, l’a informée de la saisine de la commission consultative paritaire pour recueillir son avis sur la sanction envisagée.

Sur demande de l’employeur, Mme [D] a fait l’objet d’une visite médicale auprès de la médecine du travail qui a, le 6 juillet 2017, contre-indiqué la reprise du poste, orienté la salariée vers les soignants et prévu une visite de reprise avec la fiche de poste. Mme [D] a informé l’employeur par courriel du 11 juillet 2017 qu’elle était en arrêt maladie depuis le 7 juillet 2017 jusqu’au 10 septembre 2017 et a demandé le report de la réunion prévue le 21 juillet 2017.

A l’issue des délibérations de la séance tenue le 24 novembre 2017, la commission consultative paritaire s’est déclarée en partage de voix.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 décembre 2017, la société Orange a notifié à Mme [D] son licenciement pour faute grave.

La société Orange occupait au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles et la convention collective applicable à la relation de travail est celle des télécommunications.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Meaux par requête du 4 juin 2018, reçue au greffe le 5 juin 2018, afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 19 septembre 2019, auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Meaux, section encadrement, a :

– débouté Mme [D] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la société Orange de sa demande reconventionnelle ;

– laissé les dépens éventuels à la charge de Mme [D].

Mme [D] a régulièrement relevé appel du jugement le 14 octobre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante transmises par voie électronique le 13 avril 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [D] prie la cour de :

– réformer le jugement ;

– constater l’absence de faute grave ;

– dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Orange à lui verser les sommes suivantes :

* 12 498,72 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 249,87 euros au titre des congés payés afférents,

* 35 496,34 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 64 576,72 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée transmises par voie électronique le 21 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Orange prie la cour de :

– confirmer le jugement et débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,

– à titre subsidiaire, constater que les faits reprochés constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement,

– encore plus subsidiairement, réduire substantiellement les dommages et intérêts sollicités, ces derniers ne pouvant excéder 12 498,72 euros,

– condamner Mme [D] à payer les dépens ainsi qu’à lui verser 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2022.

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le bien fondé du lienciement :

La lettre de licenciement du 14 décembre 2017, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

‘ (…) Je vous rappelle les griefs qui vous sont reprochés :

Graves manquements à la probité et à la déontologie, caractérisés par le financement à répétition et sur plusieurs années de vos congés par un partenaire externe avec lequel vous étiez en relation commerciale.

Les avantages financiers, que vous en avez retiré, sont estimés à 2 418 euros en 2011, 6 994 euros en 2013, et 3 850 euros en 2014 soit 13263 euros au total.

Les explications recueillies lors de l’entretien préalable et lors de la séance de la Commission n’ont pas permis de modifier l’appréciation des faits qui vous sont reprochés.

En conséquence, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave rendant impossible votre maintien dans l’entreprise. (…) ‘.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.

La société Orange expose le contexte dans lequel s’est inscrit le licenciement de Mme [D].

Elle indique que les « Partenaires Call » sont des d’entreprises tierces possédant des centres d’appel en France ou à l’étranger, et chargées, en application de contrats de distribution conclus avec elle, de commercialiser les produits et les services du Groupe destinés au marché des entreprises en France métropolitaine ; qu’elles doivent dans ce cadre, promouvoir et commercialiser les offres qu’elle propose, appliquer l’ensemble des règles définies par ses soins pour les prises de commandes dans le « Book traitement de la commande » (procédures d’abonnement, tarifs, conditions, etc.), et lui transmettre ces commandes en vue de leur validation, elle-même devant s’assurer de la conformité de la commande avec les procédures requises, les attentes du client et les contraintes techniques. Elle précise que ces centres d’appel sont rémunérés sur la base de commissions en fonction des commandes validées, qu’ils sont tenus d’avoir leur siège social en France et qu’il leur est interdit de recourir à la sous-traitance sans y être expressément autorisés par Orange et de faire un usage des données et informations afférentes aux clients autre que celui nécessaire à l’exécution du contrat, le manquement à ces obligations étant sanctionné par la résiliation du contrat sans préavis.

La société Orange indique que ces partenaires sont suivis par des responsables partenaires dont la mission est de développer le chiffre d’affaires au travers de l’accompagnement stratégique et opérationnel des partenaires de leur portefeuille, en garantissant la qualité des ventes et le respect de l’image véhiculée par ce réseau indirect ; qu’à cette fin le responsable partenaire doit notamment réaliser des audits afin, le cas échéant de prévoir des actions correctives et se rendre régulièrement dans les centres d’appel placés sous son contrôle pour évaluer la conformité de la prestation du centre d’appel au contrat de distribution conclu avec Orange.

Elle souligne que le poste de responsable partenaire call occupé par Mme [D] est un emploi de cadre classé au niveau E, soit parmi les plus élevés au sein de la direction des ventes indirectes juste au dessous du poste du directeur des ventes partenaires call, placé lui-même sous l’autorité du directeur des ventes indirectes ; que Mme [D] était responsable de quatre centres d’appel, et en particulier de Power Link, société dirigée par M. [W], laquelle constituait depuis 2014 le partenaire le plus important de la division des ventes indirectes ; que c’est dans ce contexte qu’au mois de juillet 2015, un salarié de cette division avait dénoncé des anomalies dans la gestion des partenaires call, notamment sur la proximité existant entre l’un des responsables et M. [W], le recours à la sous-traitance et à la corruption, ces révélations ayant déclenché une enquête interne ayant conclu à leur absence de fondement le 5 novembre 2015.

Elle précise toutefois que cette enquête a révélé l’existence de dysfonctionnements et du passé judiciaire de M. [W] ainsi qu’une suspicion de sous-traitance de sa part, outre le fait que l’ancienneté de la relation entre Mme [D] et M. [W] ainsi que leur proximité, rendaient ‘ hautement improbable le fait qu’elle n’ait pas eu connaissance de certaines dérives telles que la sous-traitance, les utilisations détournées des codes d’accès ou de la moralité douteuse de ce partenaire’.

La société Orange indique que suite à un nouvel audit de sécurité réalisé le 21 décembre 2016 ayant révélé l’existence de divers manquements, elle a notifié le 14 février 2017 à Power Link, la résiliation de son contrat de distribution ; que le 16 mars 2017, plusieurs membres du Comité exécutif d’Orange ont reçu un courriel anonyme dénonçant le financement par Power Link des vacances de Mme [D] et des membres de sa famille au mois d’août 2013 pour un montant d’environ 10 000 euros et que c’est dans ce cadre qu’est intervenue une seconde enquête, laquelle a révélé les faits dénoncés dans la lettre de licenciement, à savoir que sur la période de 2009 à 2015, M. [W], via ses deux sociétés, a financé, au moins en partie, les vacances de Mme [D] en Tunisie. Elle se réfère également aux échanges de courriels, notamment du liquidateur de la société Vocal Link, laquelle avait offert les vacances de l’année 2011, aux factures et bons de commandes des agences de voyages, aux ordres de virement, extraits de compte bancaire de la société Power Link France et de sa comptabilité versés aux débats et annexés au rapport.

La société Orange rappelle que Mme [D] est soumise comme tout salarié à la Charte de déontologie ainsi qu’à la politique anti-corruption du groupe prohibant tout présent ou avantage consentis par les clients ou fournisseurs ainsi que tout conflit d’intérêt et invoque la gravité des faits imputés à la salariée, qui a bénéficié pendant trois ans de vacances dans des hôtels de luxe, tous frais compris, d’une valeur comprise entre un et trois mois de son salaire pour quinze jours de congés. Elle affirme qu’en acceptant ces cadeaux, Mme [D] s’est placée dans l’impossibilité d’exercer son contrôle sur Power Link.

Elle souligne enfin que le bonus de Mme [D] était lié au chiffre d’affaires et aux placements de produits réalisés par les centres d’appels placés sous sa responsabilité pour un tiers de son montant et qu’il est passé de 9 413 euros en 2011 à 17 804 euros en 2014, le plus élevé de l’équipe, puis à 12 112 euros en 2015 et que Power Link était le centre d’appels qui réalisait le chiffre d’affaires le plus élevé de la division, soit 36% en 2014 et 40% en 2015, les neuf autres distributeurs réalisant le solde.

Mme [D] conteste le grief formé à son encontre ainsi que la force probante des éléments fournis par l’employeur pour fonder la rupture du contrat de travail, et invoque en outre l’absence de toute sanction disciplinaire depuis son entrée dans la société.

Elle formule des critiques à l’encontre des méthodes utilisées par les enquêtes menées à charge en interne, souligne que son principal accusateur, M. [W], n’a jamais été reçu, les échanges ayant eu lieu entre l’enquêteur et lui par téléphone et courriels et que ce dernier n’a produit aucun original des documents communiqués.

Elle accuse la société Orange d’avoir fait preuve d’une passivité blâmable à l’égard de M. [W], bien qu’ayant constaté depuis de nombreuses années les errements et pratiques condamnables dont il a fait preuve, une telle situation interrogeant sur la gestion de la sécurité et la privant de toute possibilité d’alerter les chargés de clientèles sur les pratiques douteuses des sociétés de l’intéressé.

De même, elle s’étonne du crédit apporté à la dénonciation de M. [W] au regard de son manque d’intégrité.

Elle rappelle que dans le cadre de l’enquête, une analyse de ses données téléphoniques est intervenue, incluant les appels personnels, sans pouvoir établir l’existence d’appels depuis/vers la Tunisie et soutient que l’employeur ne démontre pas qu’elle ait été informée du coût réel des prestations de ses voyages et séjours, ainsi que d’une prise en charge de celui-ci par M. [W].

Mme [D] affirme que les devis qu’elle produit démontrent que les montants acquittés par ses soins étaient crédibles et que par un courriel versé aux débats, elle a refusé expressément toute participation de l’agence de voyage au financement de son séjour en 2013, alors que celle-ci était présentée comme un geste commercial en raison des difficultés liées à la disponibilité de l’hôtel initialement proposé.

Elle souligne en outre avoir déposé plainte du chef d’usage de faux en écriture à l’encontre de M. [W] et de la société Power Link.

Par ailleurs, Mme [D] allègue l’absence de préjudice subi par la société Orange ainsi que l’absence d’intérêt pour M. [W] de l’avantager alors qu’elle ne disposait d’aucun pouvoir décisionnaire. Elle relève en outre le délai écoulé entre la découverte des faits fautifs et la mise en oeuvre de sa sanction, et invoque son état anxio-dépressif relationnel en réaction.

Enfin, la salariée se fonde sur les conclusions de la Commission consultative paritaire et l’usage de son adresse mail professionnel pour faire valoir sa volonté de transparence et conteste toute mise en oeuvre par l’employeur de la charte déontologique ou d’une politique anti-corruption avant 2017.

La cour constate que la société Orange communique les documents afférents à la lutte anti-corruption, dont l’un intitulé ‘POLITIQUE ANTI-CORRUPTION DE FRANCE TELECOM ORANGE’ est daté du 21 décembre 2012 et approuvé à l’époque par le comité de déontologie du groupe France Telecom.

Il résulte de ce document que l’employeur a adopté une politique de tolérance zéro en matière de corruption, qu’il définissait ce phénomène, prohibait les pratiques en découlant, et alertait les salariés sur les situations contribuant à présenter un risque à cet égard en leur recommandant ‘Pour ces raisons, avant d’offrir ou d’accepter un cadeau ou une invitation, vous devez vous assurer que vous agissez en conformité avec les lignes directrices définies par le Groupe et adaptées par votre entité avec un cadre clair d’autorisations. En aucun cas (ou quelqu’un pour votre compte) ne devez faire une des choses suivantes : (…)

– accepter un cadeau, une invitation, un voyage ou tout autre bénéfice ou leur promesse, de la part d’un tiers si vous savez ou suspectez qu’il est offert ou fourni avec l’attente d’en retirer un avantage indu de notre part en retour.’.

Par ailleurs, le document intitulé ‘principes d’application de la politique anti-corruption d’Orange France’ édité le 5 avril 2013, prévoit en son article 6.1.2 relatif à la réception de cadeaux, l’obligation pour toute personne de déclarer le montant de la valeur cumulée par année civile du ou des cadeaux reçus d’une personne tiers, dès lors qu’elle estime que cette valeur dépasse un seuil de 150 euros.

La cour relève qu’au vu de son ancienneté au sein de la société Orange, soit 20 ans, de l’étendue de ses responsabilités ainsi que de son niveau élevé de classification en qualité de cadre, Mme [D] ne peut invoquer utilement son ignorance des règles élémentaires en matière de déontologie et de politique anti-corruption mises en place par l’employeur, et ce d’autant que le poste qu’elle occupait l’exposait à ces risques.

Or, il résulte du rapport de contrôle général, fondé notamment sur des courriels et factures versés aux débats ainsi que des échanges de courriels concernant la réservation des séjours, vols et transferts relatifs aux vacances d’été de la salariée, de son conjoint et de leurs deux enfants, au cours des années visées par la lettre de licenciement, dont ni la matérialité ni les dates ne sont contestées par la salariée, que Mme [D] passait par l’intermédiaire de M. [W] ou le mettait en copie des mails qu’elle adressait à l’agence de tourisme concernée, pour organiser ses congés, sans que la salariée ne fournisse une explication crédible à ce sujet, un tel comportement étant inadapté, s’agissant d’un prestataire dont elle devait assurer le contrôle de l’activité et dont elle reconnaît avoir été avisée de sa réputation douteuse et de son défaut d’intégrité.

En outre, le complément d’enquête rappelle qu’il convient de tenir compte de la forte dévaluation subie par le dinar tunisien depuis 2011, soit 47% entre mai 2011 et août 2017, de sorte que les éléments de comparaison ont été effectués en dinars.

Ainsi il résulte tant du rapport d’enquête et de ses annexes que du complément d’enquête sur les éléments fournis par Mme [D] que :

– s’agissant du séjour effectué du 4 au 18 juillet 2011 à l’hôtel Magic Center à Hammamet, Mme [D] justifie avoir payé la somme de 1 256,24 euros pour les frais de transport aérien et déclare avoir réglé le séjour en espèces à hauteur de 945 euros selon le rapport du contrôle général, en justifiant d’un retrait bancaire de 1 100 euros ; cependant, il est produit par la société Orange une facture de l’hôtel Magic Center d’Hammamet N°20110025 du 4 juillet 2011 d’un montant de 6 660,30 dinars tunisiens correspondant à 3 363,78 euros au taux de change de l’époque, acquittée en espèces par la société Vocal Link et authentifiée par mail du 2 mai 2017 par M. [T] [Y], administrateur judiciaire de la société, expert comptable et expert auprès des tribunaux tunisiens, nommé par le tribunal de Tunis ; par ailleurs, il est mentionné sur la facture que celle-ci concerne ‘[D] [C] Responsable partenaire Orange Business Service + 3 accompagnateur’ laissant supposer qu’il s’agit d’un voyage de nature professionnelle et non d’agrément ; c’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le contrôle général effectué par la société Orange avait révélé que Mme [D] avait bénéficié d’un séjour « all inclusive ” de quinze jours, avec une réduction de l’ordre de 70 % par rapport au coût réel et qu’au regard des pièces versées aux débats par l’employeur, le différentiel avait été réglé par la société Vocal Link en la personne de [O] [W] ;

– s’agissant du séjour effectué du 10 août au 25 août 2013 à l’hôtel 5*Yadis à [Localité 5], il résulte d’un courriel de M. [R] [E] [H], gérant de l’agence TRA SA à Tunis, du 2 août 2013, confirmant la réservation pour le prix de 2 000 euros, séjour et vol compris, qu’outre le fait que M. [W] était informé par Mme [D] des messages échangés avec l’agence, ce dernier s’était occupé personnellement des réservations de ce séjour ; ainsi, il s’évince des copies de mails versés aux débats que M. [W] avait réservé directement pour le compte de Mme [D] les billets d’avion pour les vols aller/retour [Localité 6] [Localité 5], la facture étant établie au nom de la société Power Link pour une somme de 2 940 euros, dont le paiement par cette dernière est confirmé par l’agence de voyage ; en outre, il ressort de la facture du 6 août 2013 de l’hôtel Yadis à [Localité 5] portant sur une ‘suite ambassadeur’ au profit de la famille [D], que le prix du séjour s’élève à la somme de 11 970 dinars tunisiens, soit l’équivalent de 6 054,63 euros au taux de change de l’époque, hors commisson d’agence et que la société Power Link a versé en règlement de celle-ci la somme de 7 020 euros par virement Swift du 6 août 2013 ; Mme [D] ayant versé une somme de 2 000 euros pour l’ensemble de son séjour et les vols, a bénéficié d’un différentiel en sa faveur qui ressort à 6 994 euros (6 054,63 euros+2940 euros – 2000 euros);

– s’agissant du séjour du 2 au 17 août 2014 à l’hôtel 4* Magic Life Skanes de Monastir, Mme [D] justifie s’être acquittée d’une somme de 2 000 euros en paiement de la facture n°125/2014 établie par l’agence TRA SA mentionnant un ‘Arrangement ALL IN’ sur la réservation du vol aller retour [Localité 6]/Monastir, les transferts, le séjour de15 jours en chambre quadruple, l’ensemble ayant été réservé par M. [W] ; corrélativement, il résulte du courriel de M. [E] [H] [R], de l’agence TRA SA, du 10 mai 2017, que la facture d’hôtel et les frais de transfert représentaient un coût de 5 850 euros et avaient été pris en charge par la société Power Link Tunisie à hauteur de 4100 euros en espèces, de sorte que Mme [D] a bénéficié d’un avantage financier de 3 850 euros.

La cour observe que les devis communiqués par Mme [D] pour contredire les coûts des voyages précités n’incluent jamais les frais de transport et ne concerne pas les mêmes prestations fournies lors des séjours litigieux. En outre, les montants ne tiennent pas compte du cours du change applicable à l’époque. Enfin, les tarifs dont Mme [D] a bénéficié au cours de ses congés d’été étaient manifestement sous-évalués au regard de la période choisie, des prestations fournies et du nombre de personnes concernées, et ce même, durant la crise du tourisme.

De surcroît, Mme [D] ne communique pas l’issue de la plainte déposée à l’encontre de M. [W] et de sa société.

Le fait qu’elle ait opposé un refus à une prise en charge totale d’un séjour n’implique pas de facto qu’un financement partiel soit intervenu.

Enfin, ni le certificat médical du 28 juin 2017 mentionnant l’existence d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel, suite au contexte de stress professionnel, ni les attestations de moralité et de probité communiqués aux débats par Mme [D] émanant de clients, collègues ou prestataires, ne sont de nature à l’exonérer de ses responsabilités, leurs auteurs n’étant pas en mesure de témoigner utilement sur les faits reprochés.

En définitive, la cour retient que la société Orange justifie d’un ensemble de faits imputables à Mme [D], à savoir l’acceptation réitérée par la salariée d’avantages financiers et de cadeaux sous la forme de voyages offerts par un partenaire commercial dont elle devait contrôler la conformité de l’activité avec les règles instaurées par son employeur, et ce, en infraction avec la politique anti-corruption instaurée par la société Orange, faits qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle a rendu impossible le maintien de Mme [D] dans l’entreprise et a nécessité son départ immédiat sans indemnité.

Dès lors, le licenciement pour faute grave notifié le 14 décembre 2017 par la société Orange à l’encontre de Mme [D] est justifié de sorte que Mme [D] sera déboutée de l’ensemble de ses prétentions et le jugement confirmé à cet égard.

Sur les mesures accessoires :

Mme [D] succombant à l’instance sera condamnée aux dépens d’appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions afférentes aux dépens de première instance.

La cour dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leur demande respective de ce chef, le jugement étant confirmé à cet égard.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leur demande respective fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [C] [D] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

 


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